2. Les actions tendant à l'établissement de la filiation : l'unification des règles de procédure et la réduction ou l'allongement, selon les cas, des délais de prescription

L'ordonnance du 4 juillet 2005 ne distingue plus que trois actions tendant à l'établissement de la filiation : l'action en recherche de maternité, l'action en recherche de paternité et l'action en constatation de la possession d'état.

Elle prévoit, pour chacune de ces actions, que le tribunal statuera s'il y a lieu sur l'attribution de l'autorité parentale, la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et l'attribution du nom ( article 331 du code civil ).

a) L'action en recherche de maternité

Selon l' article 325 du code civil , l'action en recherche de maternité est subordonnée à l'absence de titre et de possession d'état.

Si la filiation maternelle est établie par un titre (acte de naissance ou reconnaissance), l'action en recherche est évidemment inutile et donc irrecevable comme dépourvue d'objet. Si l'enfant jouit de la possession d'état à l'égard de la mère, il lui suffira de la prouver par un acte de notoriété ou par un jugement dans le cadre d'une action qui obéit à des règles spécifiques.

En fait, l'action en recherche de maternité se trouve limitée au cas où un enfant a été abandonné par sa mère. Elle pourrait aussi correspondre à l'hypothèse d'enlèvement, de supposition ou de substitution d'enfant.

Les règles de procédure sont, pour la plupart, identiques à celles posées en matière de recherche de paternité. Elles sont d'ailleurs placées en facteur commun à l' article 328 du code civil .

Comme dans le droit antérieur, l'action est strictement réservée à l'enfant ( article 325 du code civil ). Durant sa minorité, son père a seul qualité pour l'exercer ( article 328 du code civil ). Si aucun lien de filiation n'est établi ou si le père est décédé ou se trouve dans l'impossibilité d'exprimer sa volonté, l'action peut être intentée par le tuteur de l'enfant avec l'autorisation du conseil de famille ( articles 328 et 464 du code civil ). Après sa majorité, elle sera exercée par l'enfant lui-même et, après son décès, par ses héritiers ( article 322 du code civil ).

L'action doit être exercée dans un délai de dix ans à compter de la naissance, la prescription étant suspendue durant la minorité de l'enfant. En conséquence, son père ou son tuteur peut agir durant toute sa minorité, puisqu'il agit pour son compte, et l'enfant lui-même peut agir jusqu'à ses vingt-huit ans. Ses héritiers pourront continuer l'action qu'il aura intentée ou agir directement en cas de décès avant cet âge. Par rapport au droit antérieur, la durée du délai de prescription se trouve réduite de trente à dix ans.

L'action en recherche de maternité est dirigée contre la mère prétendue ou ses héritiers ; à défaut d'héritiers ou si ceux-ci ont renoncé à la succession elle est dirigée contre l'Etat ( article 328 du code civil ). Toutefois, comme auparavant, l'accouchement sous X élève une fin de non-recevoir ( article 326 du code civil ).

L'enfant est tenu de prouver qu'il est celui dont la mère prétendue a accouchée, preuve qui peut être faite par tous moyens. L'existence de présomptions ou indices graves, exigée par le passé, n'a pas été reprise ( article 325 du code civil ). Il sera donc possible de produire directement au soutien de l'action des témoignages ou de solliciter une expertise biologique que le tribunal sera en principe tenu d'ordonner.

Enfin, le succès de l'action en recherche de maternité devrait avoir pour seul effet d'établir la filiation maternelle de l'enfant, sa filiation paternelle devant être établie de manière autonome même en cas de mariage puisque la présomption de paternité de son mari se trouverait écartée en application de l' article 314 du code civil (absence de désignation du mari en qualité de père et de possession d'état de l'enfant à son égard).

Quant à la tierce opposition, elle est irrecevable puisque l'action est réservée à l'enfant.

b) L'action en recherche de paternité

L'ordonnance distingue l'action en recherche de la paternité hors mariage et l'action en rétablissement des effets de la présomption de paternité du mari.

L' article 327 du code civil énonce simplement que la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée.

La recherche de paternité est désormais libre, l'existence de présomptions ou d'indices graves ayant été abandonnée : il est nécessaire et suffisant de prouver la paternité.

L'action est strictement réservée à l'enfant ( article 327 du code civil ). Durant sa minorité, sa mère ou à défaut son tuteur avec l'autorisation du conseil de famille a seule qualité pour l'exercer ( articles 328 et 464 du code civil ). Après sa majorité, elle sera exercée par l'enfant lui-même et, après son décès, par ses héritiers ( article 322 du code civil ).

L'action doit être exercée dans un délai de dix ans à compter de la naissance, la prescription étant suspendue durant la minorité de l'enfant. En conséquence, sa mère ou son tuteur peut agir durant toute sa minorité et l'enfant lui-même peut agir jusqu'à ses vingt-huit ans. Ses héritiers pourront continuer l'action qu'il aura intentée ou agir directement en cas de décès avant cet âge. Par rapport au droit antérieur, en vertu duquel l'action était enfermée dans un délai de deux ans à compter de la naissance ou de la cessation du concubinage ou de l'entretien de l'enfant et était rouvert au profit de l'enfant dans les deux ans suivant sa majorité, la durée du délai de prescription se trouve substantiellement allongée , ce qui va dans le sens du droit de l'enfant à la connaissance de ses origines proclamé par l'article 7-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits des enfants.

L'action en recherche de paternité est dirigée contre le père prétendu ou ses héritiers ; à défaut d'héritiers ou si ceux-ci ont renoncé à la succession elle est dirigée contre l'Etat ( article 328 du code civil ). Depuis la loi du 8 janvier 1993, il n'existe plus de fin de non-recevoir à l'action 51 ( * ) : en particulier, le fait qu'un homme ait été condamné à verser des subsides à la mère en raison des relations intimes qu'il a eues avec elle pendant la période légale de conception de l'enfant n'élève aucune fin de non-recevoir contre une action ultérieure en recherche de paternité ( article 342-8 du code civil ).

Il est possible de produire directement au soutien de l'action des témoignages ou de solliciter une expertise biologique que le tribunal est en principe tenu d'ordonner.

Lorsqu'elle est accueillie, l'action en recherche de paternité a pour seul effet d'établir la filiation paternelle de l'enfant, et ce rétroactivement depuis la naissance de ce dernier. La tierce opposition est irrecevable.

L'ordonnance du 4 juillet 2005 a abrogé l' ancien article 340-5 du code civil , relatif au remboursement par le père des frais de maternité et d'entretien supportés par la mère pendant les trois mois ayant précédé et les trois mois ayant suivi la naissance. Toutefois, la mère conserve la possibilité, comme par le passé, de réclamer réparation du dommage subi selon le droit commun.

L' article 329 du code civil fixe les règles relatives à l' action en rétablissement des effets de la présomption de paternité .

L'action est ouverte à chacun des deux époux et à l'enfant.

Alors que le demandeur devait auparavant rapporter la preuve d'une « réunion de fait rendant vraisemblable la paternité invoquée », il doit désormais simplement faire la preuve de la paternité du mari, le recours à l'expertise biologique étant en principe de droit.

L'action peut être intentée par chacun des époux durant la minorité de l'enfant puis par l'enfant lui-même pendant les dix années qui suivent sa majorité. Ces délais sont identiques à ceux de l'action en recherche de paternité ou de maternité.

Si elle est intentée par le mari, l'action doit être dirigée contre la mère, tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de l'enfant. En cas de décès de la mère, les défendeurs à l'action seront ses héritiers, c'est-à-dire l'enfant dont la filiation est en cause et ses autres enfants, issus ou non du même lit. Si l'action est exercée par l'épouse, elle est dirigée contre le mari et à défaut contre ses héritiers.

c) L'action en constatation de la possession d'état

L' article 330 du code civil consacre expressément l'action judiciaire en constatation de la possession d'état, admise par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Indépendante de la constatation de la possession d'état par acte de notoriété, cette action trouve principalement à s'exercer à l'égard du père non marié qui a élevé l'enfant mais est décédé sans l'avoir reconnu.

Elle est ouverte à tout intéressé 52 ( * ) , par exemple les grands-parents, alors que la délivrance d'un acte de notoriété ne peut être demandée que par les père et mère ou l'enfant.

Elle doit être dirigée contre l'autre parent, les personnes à qui l'on veut opposer la possession d'état, c'est-à-dire les héritiers ou, à défaut, contre l'Etat.

Le délai décennal de droit commun s'applique et est suspendu en faveur de l'enfant durant sa minorité. Le point de départ de la prescription est la cessation de la possession d'état alléguée et non la naissance, à la différence des autres actions tendant à l'établissement du lien de filiation.

La circulaire du 30 juin 2006 relève que : « La possession d'état étant un fait juridique qui se constitue dans la durée, les difficultés précédemment rencontrées pour déterminer cette date et qui sont intrinsèques à la notion peuvent subsister. Il en est ainsi quand le lien entre le père prétendu et l'enfant s'est progressivement délité au point que tractatus et fama sont devenus inexistants ou qu'ils n'ont eu qu'une brève durée en raison d'une situation particulière. Il appartient alors au juge du fond d'apprécier la date au vu des éléments de preuve fournis et des circonstances de l'espèce . » Toutefois, la cessation de la possession d'état résulte le plus souvent du décès du père prétendu, dont on considère généralement qu'il marque le point de départ du délai de prescription de l'action.

Contrairement aux autres actions qui tendent à établir que la filiation est conforme à la vérité biologique, l'objet de la preuve est ici de consacrer la réalité sociale et affective du lien vécu en rapportant l'existence d'une réunion de faits constitutifs de la possession d'état, laquelle doit être continue, paisible, publique et non équivoque. La preuve des éléments comme de leur caractère non vicié peut se faire par tous moyens, sous réserve de la recevabilité de l'action. La demande reposant sur le fondement sociologique de la filiation et non sur sa composante biologique, l'expertise, impropre à démontrer cette réalité, n'est pas de droit 53 ( * ) .

Si l'enfant a déjà un lien de filiation légalement établi, le principe chronologique posé à l' article 320 s'oppose à la constatation de la possession d'état à l'égard d'un tiers tant que la filiation contraire établie en premier lieu n'a pas été valablement contestée. En revanche, l'échec d'une action en recherche de paternité n'élève pas de fin de non-recevoir à la demande en constatation de la possession d'état, dans la mesure où il n'y a pas d'identité d'objet ni de cause 54 ( * ) .

Le jugement constatant la possession d'état a autorité de la chose jugée et est déclaratif de filiation. Rendu dans une action ouverte à tout intéressé, il peut être critiqué par la voie de la tierce opposition, ouverte durant dix ans à compter du jugement ( article 324 du code civil ). Le tiers opposant doit alors prouver que la possession d'état n'existe pas en réalité ou qu'elle n'a pas les qualités requises par l' article 311-2 du code civil pour produire ses effets légaux. Le jugement peut également être critiqué en arguant de la non-conformité de la filiation à la vérité biologique, dès lors que son dispositif fait apparaître expressément que la constatation de la possession d'état a eu pour effet de déclarer la filiation établie.

* 51 Les fins de non-recevoir prévues par l'ancien article 340-1 du code civil, abrogé par la loi du 8 janvier 1993, étaient l'inconduite notoire de la mère ou le fait qu'elle avait eu « commerce avec d'autres individus » pendant la période légale de conception.

* 52 Première chambre civile de la Cour de cassation, 10 mars 1998.

* 53 Première chambre civile de la Cour de cassation, 6 décembre 2005.

* 54 Première chambre civile de la Cour de cassation, 27 juin 2000.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page