Rapport n° 163 (2007-2008) de M. Alain VASSELLE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 15 janvier 2008

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 janvier 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi organique présentée par MM. Alain VASSELLE et Nicolas ABOUT tendant à prévoir l' approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d' exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d'exercice,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir le numéro :

Sénat : 140 (2007-2008)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a conduit le Parlement à étudier de manière approfondie la question des niches sociales.

Le Sénat y a pris toute sa part, en s'appuyant sur les travaux menés en 2007 au sein de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale.

D'autres instances se sont également penchées sur cette question au cours des derniers mois, en particulier la Cour des comptes, qui y a consacré un chapitre entier de son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2007, et la mission Igas-IGF chargée, au printemps dernier, de réfléchir à l'articulation entre les dépenses de l'Etat et de la sécurité sociale.

Grâce à ces études, il a été possible de disposer d'une vision globale des divers dispositifs d'allégement de charges sociales existants mais également d'en prendre la mesure chiffrée et donc de mieux évaluer l'importance des enjeux financiers qui s'attachent à cette question.

L'actualité législative a aussi contribué à alimenter le débat avec le vote, dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat du 21 août 2007, de nouvelles exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires.

L'absence de contrôle et d'évaluation de l'efficacité de l'ensemble de ces dispositifs d'allégement, de réduction, d'exonération, d'exemption de charges sociales, alors que leur impact est de plus en plus lourd pour les finances sociales, ne paraît plus acceptable pour votre commission.

Aussi, elle vous propose de faire un premier pas dans la meilleure maîtrise de ces dispositifs avec l'adoption de la présente proposition de loi organique.

I. LE POIDS DES MESURES D'ALLÉGEMENT DE CHARGES POUR LES FINANCES SOCIALES

Comme la commission des affaires sociales l'a maintes fois affirmé, la question des exonérations, allégements et autres réductions de charges sociales est devenue un sujet essentiel pour les finances sociales .

Cela apparaît très nettement à l'examen des quelques données chiffrées suivantes qui recouvrent les trois principales catégories de mesures d'allégement :

- les allégements généraux de charges sociales - allégements Fillon et allégements au titre des heures supplémentaires : ceux-ci s'élèvent à environ 27 milliards d'euros , compensés à la sécurité sociale par l'affectation de recettes fiscales ;

- les allégements de charges ciblés , sur certains publics, certaines professions ou certaines zones du territoire : ces allégements représentent plus de 3 milliards d'euros de moindres recettes pour la sécurité sociale, compensés - de manière insuffisante et souvent avec retard - par des dotations budgétaires ;

- les nombreuses exemptions d'assiette : un très récent rapport du Gouvernement 1 ( * ) évalue à plus de 40 milliards d'euros le montant de cette assiette exonérée, à comparer avec la masse salariale, soit environ 400 milliards d'euros. Les principaux dispositifs concernés à ce titre sont : la participation, l'intéressement, diverses aides directes consenties aux salariés, comme les titres restaurant ou les chèques vacances, la prévoyance complémentaire, les retraites supplémentaires et les indemnités de licenciement.


Rapport sur les dispositifs affectant l'assiette des cotisations
et contributions de sécurité sociale

(Principaux éléments)

En application du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, l'assiette des cotisations de sécurité sociale du régime général recouvre l'ensemble des salaires et avantages versés, quelle qu'en soit la forme, au salarié en contrepartie ou à l'occasion de son activité professionnelle.

Il existe toutefois des exemptions que le rapport du Gouvernement regroupe en quatre catégories :

- les dispositifs d'épargne salariale : intéressement, participation, stock-options, actions gratuites ;

- les aides directes au financement de dépenses ciblées : tickets restaurant, chèques vacances, services à domicile ;

- les dispositifs de protection sociale en entreprise : prévoyance complémentaire et retraite supplémentaire ;

- les indemnités en cas de rupture du contrat de travail : licenciement, mise à la retraite.

Les principales caractéristiques de ces exemptions d'assiette peuvent être analysées, selon ce rapport, au regard de quatre critères :

- elles sont différentes des mesures d'exonération liées à la politique de l'emploi , décrites avec précision dans l'annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces exonérations visent à abaisser le coût du travail sur les bas salaires, à encourager le recours aux heures supplémentaires, à faciliter l'emploi de publics en difficulté, à favoriser l'emploi dans certains territoires déterminés ou dans certains secteurs d'activité ou encore à promouvoir les services à la personne. Elles touchent 1,35 million d'établissements et 12 millions de salariés. Ces exonérations ne remettent pas en cause les cotisations sur lesquelles elles portent, l'Etat ou la sécurité sociale se substituant simplement au redevable initial pour leur paiement ;

- ces dispositifs d'exemption n'ouvrent pas de droits sociaux ou à prestations. Néanmoins, les exemptions d'assiette ont un effet financier important puisqu'elles reviennent à appliquer un taux nul de cotisations, patronale et salariale, aux montants versés à travers ces dispositifs, alors que les taux appliqués pour les salaires sont, respectivement, de 44 % et 21 % ;

- ces dispositifs sont pour la plupart assujettis à la CSG et à la CRDS , conformément au principe de l'universalité de l'assiette des prélèvements sociaux affirmé lors de la création de ces deux prélèvements ; les dispositifs exclus de ces prélèvements sont les diverses aides directes accordées par les entreprises comme les titres restaurant, les chèques vacances, les chèques transport, le Cesu préfinancé ;

- ces exemptions ne sont généralement pas compensées par le budget de l'Etat .

Le rapport du Gouvernement analyse également les raisons de la mise en place de ces dispositifs :

- ils se justifieraient par le fait que certains de ces dispositifs ne se substitueraient pas au salaire ou à tout autre élément de rémunération soumis à cotisation sociale ; pour autant, comme l'indique le rapport « ces dispositifs participent tous de la rémunération globale du travail. La comparaison de la dynamique de ces dispositifs avec la croissance de la masse salariale suggère que la substituabilité n'est pas nulle » ;

- l'absence de cotisation vise à inciter au développement de certains dispositifs , notamment les aides directes des employeurs ou encore le recours à des régimes collectifs et obligatoires d'entreprise ;

- d'autres dispositifs sont exonérés car ils ont pour objet de couvrir un préjudice, comme dans le cas des indemnités de rupture.

Le rapport évalue enfin le montant des assiettes exemptées, soit au total 41 milliards d'euros , répartis ainsi : 16,5 milliards pour la participation financière et l'actionnariat salarié, 5,1 milliards pour les aides directes consenties aux salariés, 13,6 milliards pour la prévoyance complémentaire et la retraite supplémentaire, 5,8 milliards pour la rupture du contrat de travail.

Il ne chiffre toutefois pas les pertes de recettes pour l'Etat et la sécurité sociale : « chiffrer des pertes impliquerait en effet de faire des hypothèses sur les taux de prélèvement qui pourraient leur être appliqués et d'évaluer l'impact qu'aurait ce prélèvement sur les montants attribués par les entreprises ».

Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale du mois de septembre 2007, la Cour des comptes a consacré un long développement à cette question de l'assiette des prélèvements sociaux. Elle y a vu une possible source de financement supplémentaire pour la sécurité sociale. Elle a même chiffré le montant du manque à gagner, en l'évaluant à 30 milliards d'euros pour le régime général. Comme elle le précise toutefois, ce montant n'est qu'un ordre de grandeur. Il est obtenu en appliquant simplement le taux de cotisation de droit commun à la totalité de l'assiette exemptée sans prendre en compte une éventuelle modification des comportements qu'entraînerait un tel prélèvement.

Ainsi, même si le chiffrage de la Cour des comptes paraît sans doute surévalué, il montre l'ampleur de l'enjeu financier attaché aux niches sociales.

De son côté, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat a également consacré une partie de ses travaux de l'année 2007 à cette question. Dans le rapport présenté en novembre dernier, à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires 2 ( * ) , plusieurs pistes étaient évoquées. Outre la remise en cause de la pertinence de certaines « niches » au regard de leur efficacité économique et sociale et du manque à gagner qu'elles entraînent pour la sécurité sociale, il était suggéré de taxer à un faible niveau l'ensemble de ces assiettes exonérées . Cela a d'ailleurs fait l'objet d'un amendement de la commission au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

En effet, l'existence de ces dispositifs d'exonération pose deux questions :

- une question de fond tenant à leur utilité et à leur justification ; la commission des affaires sociales avait d'ailleurs pressenti ce débat en déposant, voici un an, un amendement à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, de taxation des stock-options, amendement qui préfigurait en quelque sorte les dispositions adoptées en loi de financement pour 2008 ;

- une question de procédure relative à leurs modalités d'adoption et à leur évaluation par le législateur.

Sur cet aspect, la Mecss a souligné l'insuffisance préoccupante du contrôle que devraient exercer les ministères sociaux et les commissions des affaires sociales des deux assemblées sur les créations d'exonérations de cotisations et de contributions sociales ainsi que sur les modifications qui leur sont apportées.

Dans la mesure où ces exonérations ne figurent pas nécessairement en loi de financement et peuvent être insérées dans n'importe quel texte législatif, il est fréquent en effet qu'elles soient adoptées par le Parlement sans avoir été préalablement expertisées par la direction de la sécurité sociale (DSS) et les commissions des affaires sociales, ni soumises à l'avis du gestionnaire (l'Acoss et les Urssaf) ou des caisses initialement bénéficiaires de la ressource dont elles seront ensuite privées.

Ainsi, d'après une étude menée par la DSS, sur la cinquantaine de mesures d'exonération ou de réduction d'assiette de cotisations sociales votées entre le début 2005 et le début 2007, 40 % ne résultaient pas d'un arbitrage interministériel impliquant le ministère des affaires sociales.

Or, l'impact de ces mesures sur les comptes sociaux est, comme on l'a vu, de plus en plus lourd.

II. LA NÉCESSITÉ D'UN MEILLEUR CONTRÔLE DE CES MESURES D'ALLÉGEMENT

Afin de corriger cette anomalie, la Mecss a suggéré de donner aux lois de financement un rôle central en matière de contrôle des niches sociales, en en faisant le « passage obligé » de l'ensemble des mesures d'exonération ou d'allégement de charges.

Ce faisant, elle fait écho à une proposition présentée précédemment par la commission des affaires sociales lors de l'examen de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Une solution identique a également été défendue dans le rapport de la mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales sur l'articulation entre les finances de l'Etat et de la sécurité sociale, présenté en mars 2007.

La présente proposition de loi organique constitue simplement la traduction de cet objectif commun .

Elle propose que la création ou la modification d'exonérations ainsi que les changements apportés aux règles d'assiette puissent continuer d'intervenir dans le cadre des lois ordinaires, mais en n'accordant à ces mesures qu'un caractère provisoire.

En effet, toute prorogation au-delà de l'exercice en cours nécessitera une approbation en loi de financement . Cela permettra d'accompagner les dispositifs concernés d'une première étude d'impact. Cela donnera aussi au Parlement la possibilité de s'assurer d'un niveau adéquat de compensation.

Cette procédure devrait surtout interdire le contournement, trop souvent constaté, du principe, de valeur organique, selon lequel il ne peut être dérogé à la règle générale de compensation qu'en loi de financement de la sécurité sociale 3 ( * ) .

Dans ce cadre, la rédaction retenue pour l'article unique de cette proposition de loi organique n'a pas pour objet d'instaurer un monopole de la loi de financement sur les mesures d'exonération de charges sociales . Un tel monopole ne serait en effet pas conforme à la Constitution car il remettrait en cause le droit d'initiative parlementaire.

En revanche, conférer une sorte d'exclusivité de la loi de financement pour la prolongation de ces dispositifs paraît de nature à lever ces objections.

En tout état de cause, comme le souligne le rapport de la mission Igas-IGF, « les mécanismes juridiques, aussi élaborés soient-ils, sont impuissants à juguler un problème s'ils ne sont pas accompagnés par une volonté soutenue. Ainsi, l'adoption de la loi organique n'a pas empêché le vote de mesures non compensées hors PLFSS et il serait d'ores et déjà possible aux décideurs publics d'arrêter la multiplication de ces mesures ou à tout le moins, d'en étudier l'impact et de consulter les acteurs pertinents (direction de la sécurité sociale, Acoss, Urssaf) avant de les soumettre au vote ».

Le dispositif proposé par l'article unique de la proposition de loi a reçu par avance l'approbation du Gouvernement . Tant Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, lors du débat sur les prélèvements obligatoires du 8 novembre dernier, qu'Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, en ont approuvé la démarche et ont souligné tout l'intérêt qui s'attachait à son adoption.


J ournal Officiel - Débats du Sénat -
Séance du 8 novembre 2007 - p. 4437

Mme Christine Lagarde , ministre (...) En réponse [à M. Vasselle], qui avait proposé que la loi de financement de la sécurité sociale soit un passage obligé pour ratifier les exonérations créées, nous ne pouvons qu'être d'accord et nous souhaitons avancer sur ce sujet important pour nos finances publiques.

De même, nous partageons son analyse selon laquelle il faut que les recettes soient le moins partagées possible entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, pour la clarté de nos débats.

M. Alain Vasselle, rapporteur . Très bien !

Mme Christine Lagarde , ministre . C'est d'ailleurs ce que fait le Gouvernement dans le projet de loi de finances, vous l'avez rappelé, en affectant tous les droits sur les tabacs et la taxe sur les salaires à la sécurité sociale.

En ce qui concerne les niches sociales,...

M. Alain Vasselle, rapporteur . Ah !

Mme Christine Lagarde , ministre . ...c'est une question importante, à laquelle le Gouvernement est sensible. La démarche qui me semble la plus fructueuse est celle du pragmatisme. Nous devons procéder au cas par cas, en examinant l'intérêt économique et social de chacune des niches, l'opportunité de leur pérennité pouvant être parfaitement appréciée à l'aune de leur caractère à durée indéterminée ou déterminée, ainsi que vous le suggériez, monsieur le rapporteur général. Cette piste intéressante me paraît digne d'être explorée et appliquée.


Journal officiel - Débats du Sénat -
Séance du 14 novembre 2007 - p. 4704

M. Eric Woerth , ministre . (...) Vous indiquez dans votre rapport que la multiplication des dispositifs d'exonération et le caractère non systématique de leur compensation ne sont pas acceptables, et vous proposez en conséquence la suppression de l'article 16.

J'en conviens volontiers, la situation n'est pas totalement satisfaisante.

La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a donné aux seules lois de financement de la sécurité sociale la capacité de prévoir - et tel est bien l'objet du débat - qu'une mesure d'exonération ne serait pas compensée.

Cette réforme, à laquelle vous avez pris, monsieur le rapporteur, une très large part, représente une avancée importante, notamment en termes de transparence, pour la sécurité sociale.

Il faut sans doute aller plus loin et ouvrir une nouvelle réflexion sur l'opportunité de confier au PLFSS le monopole de la création des dispositifs d'exonération ou, au moins, de confirmation systématique des décisions législatives prises par ailleurs.

C'est ce que vous avez proposé, monsieur le rapporteur, et le Gouvernement est prêt à y travailler : je vous l'ai dit lors de mon discours introductif et je vous le confirme.

Je suis également convaincu qu'il serait utile, dès que sont créées une exemption d'assiette ou une exonération ciblée, que soit précisément défini le financeur de cette « niche ». Trop souvent, le processus de décision déconnecte la mesure dépensière et, au bout du compte, le budget qui la porte, ce qui est déresponsabilisant.

Pour une bonne gestion des finances publiques, il faut déterminer immédiatement qui assurera la charge financière de la niche ou de l'exonération. Nous y veillerons pour tous les projets à venir.

Je pense aussi - et je rejoins en cela les propos tenus par Philippe Marini lors du débat sur les prélèvements obligatoires, voilà quelques jours - qu'il convient d'évaluer les effets économiques et sociaux de ces mécanismes. Il me paraît alors souhaitable d'adopter deux principes de bonne gestion.

Le premier consiste à fixer systématiquement une durée limitée à ces mécanismes, et ce pour deux raisons : d'une part, il serait ainsi possible de rappeler que la règle est celle de l'assujettissement de droit commun, les exemptions d'assiette ou exonérations spécifiques devant demeurer l'exception ; d'autre part, il est difficile de revenir sur ce qui a été accordé sans limite de durée. On doit pouvoir modifier les mécanismes au fur et à mesure de la montée en charge des dispositifs.

Le second principe est celui d'une évaluation des dispositifs actuels. Je ne serais pas opposé à une revue générale des exonérations, comme il en existe en d'autres domaines. Les parlementaires, notamment les sénateurs, sont également libres de se saisir de ce sujet. Cela pourrait conduire à fixer un terme à certains dispositifs, tout en se donnant un délai. Comme je le disais hier, il y a bien évidemment, derrière les dispositifs, des réalités.

Pour l'ensemble de ces motifs, votre commission vous demande d'approuver le texte de la proposition de loi organique.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 15 janvier 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Vasselle sur la proposition de loi organique n° 140 (2007-2008) de MM. Alain Vasselle et Nicolas About tendant à prévoir l'approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d' exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d'exercice.

En préambule, M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que la question des exonérations, allégements et autres réductions de charges sociales est devenue un sujet essentiel pour les finances sociales en raison des montants en cause.

Ainsi, les allégements généraux de charges sociales, allégements Fillon et allégements au titre des heures supplémentaires, mobilisent désormais près de 30 milliards d'euros, compensés à la sécurité sociale par un panier de recettes fiscales. Les allégements de charges ciblés sur certains publics, certaines professions ou certaines zones du territoire représentent plus de 3 milliards d'euros de moindres recettes pour la sécurité sociale, compensés, de façon insuffisante et avec retard, par des dotations budgétaires.

Enfin, les nombreuses exemptions d'assiettes, dites « niches sociales », font échapper plus de 40 milliards d'euros à toute contribution, comme vient de le chiffrer le Gouvernement dans un récent rapport. Ce montant est à comparer avec la masse salariale, soit environ 400 milliards d'euros. Les principaux dispositifs concernés sont la participation, l'intéressement, diverses aides directes consenties aux salariés, comme les titres restaurant ou les chèques vacances, la prévoyance complémentaire, les retraites supplémentaires et les indemnités de licenciement. Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a consacré un long développement à ces exemptions d'assiette en matière de prélèvements sociaux. Elle y a vu une possible source de financement pour la sécurité sociale et a particulièrement mis en évidence la question de la taxation des stock-options.

La Mecss a également étudié cette question dans son rapport présenté à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires au mois de novembre dernier. Plusieurs pistes ont été analysées, notamment la remise en cause de la pertinence de certaines niches au regard de leur efficacité économique et sociale et du manque à gagner qu'elles entraînent pour la sécurité sociale. La possibilité de taxer à un faible niveau l'ensemble des assiettes exonérées a d'ailleurs fait l'objet d'un amendement de la commission au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

En effet, l'existence de ces dispositifs d'exonération pose deux questions : une question de fond tenant à leur utilité et à leur justification, et une question de procédure relative à leurs modalités d'adoption et à leur évaluation par le législateur. Sur ce dernier aspect, la Mecss a mis en évidence l'insuffisance du contrôle exercé tant par les ministères sociaux que par les commissions des affaires sociales. En effet, dans la mesure où ces exonérations peuvent être insérées dans tout texte législatif, il est fréquent qu'elles soient adoptées sans expertise préalable, et sans l'avis du gestionnaire, en l'occurrence l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et les Urssaf. D'après une étude menée par la direction de la sécurité sociale, sur la cinquantaine de mesures d'exonération ou de réduction d'assiette de cotisations sociales votées entre le début 2005 et le début 2007, 40 % ne résultaient pas d'un arbitrage interministériel impliquant le ministère des affaires sociales. Or, l'impact de ces mesures sur les comptes sociaux est de plus en plus lourd.

Afin de corriger cette anomalie, la Mecss a donc suggéré de donner aux lois de financement un rôle central en matière de contrôle des niches sociales en en faisant le « passage obligé » de l'ensemble des mesures d'exonération ou d'allégement de charges. Cette suggestion reprend une proposition de la commission faite en 2005 à l'occasion de l'examen de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Une solution identique a également été défendue dans le rapport de la mission conjointe des inspections des finances et des affaires sociales sur l'articulation entre les finances de l'Etat et de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a déclaré que la présente proposition de loi organique a simplement pour objet de traduire cet objectif commun. Elle ne remet pas en cause la possibilité pour les lois ordinaires de contenir des mesures de création ou de modification d'exonération de charges sociales. Mais elle prévoit que toute prorogation au-delà de l'exercice en cours nécessitera une approbation en loi de financement. Cela permettra d'accompagner les dispositifs adoptés d'une première étude d'impact et offrira au Parlement la possibilité de s'assurer d'un niveau adéquat de compensation. Cette procédure devrait surtout interdire le contournement trop souvent constaté du principe, de valeur organique, selon lequel il ne peut être dérogé à la règle générale de compensation qu'en loi de financement de la sécurité sociale.

Ce dispositif a d'ailleurs reçu par avance l'approbation du Gouvernement puisque, lors du débat sur les prélèvements obligatoires et à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, les ministres en charge des finances et des comptes publics en ont approuvé la démarche et ont souligné tout l'intérêt qui s'attachait à son adoption.

M. Nicolas About, président, a précisé qu'il a obtenu, au nom de la commission, l'inscription de ce texte sur la séance mensuelle réservée du 22 janvier prochain.

Après que M. Guy Fischer eut fait part de ses réserves sur la proposition de loi, la commission a approuvé les conclusions de son rapporteur.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION SUR LA PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après le paragraphe IV de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un paragraphe IV bis ainsi rédigé :

« IV bis .- Les mesures de réduction et d'exonération de cotisations affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi que les modifications apportées à ces mesures deviennent caduques au 1 er janvier de l'année suivant celle où elles ont été adoptées si elles n'ont pas été approuvées par une loi de financement de la sécurité sociale.

« Cette disposition s'applique également aux mesures mentionnées aux 1° et 2° du IV. »

* 1 Rapport sur les dispositifs affectant l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale, remis au Parlement le 19 décembre 2007 en application de l'article 9 de la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003.

* 2 « Protection sociale : trouver la ressource juste, promouvoir les bons usages » - Rapport d'information d'Alain Vasselle n° 66 (2007-2008), préparatoire à la tenue du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution du 8 novembre 2007.

* 3 En application des dispositions du IV de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale qui prévoient que « seules des lois de financement peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale non compensées aux régimes obligatoires de base ». Ces dispositions ne sont pas toujours respectées, car des lois ordinaires écartant le principe de compensation entrent en vigueur sans avoir été déférées au Conseil constitutionnel qui n'est ainsi pas en mesure de faire respecter le texte de la loi organique.

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