II. QUELLE RÉFORME POUR LE FINANCEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE ?

Les difficiles négociations qui ont conduit à l'approbation des perspectives financières 2007-2013 traduisent un certain essoufflement du cadre budgétaire communautaire . Ce constat n'a évidemment pas échappé aux chefs d'État et de gouvernement, qui ont assorti les conclusions du Conseil européen de décembre 2005 d'une clause de réexamen de l'ensemble des recettes et des dépenses de l'Union.

L'article 9 de la décision ressources propres du 7 juin 2007 disposant que cette clause emporte un « réexamen général du système des ressources propres » , l'examen du présent projet de loi offre l'occasion de s'interroger sur la forme que devrait prendre une révision en profondeur du système de financement communautaire .

A. UN DÉBAT ANCIEN, DES RÉFLEXIONS NOMBREUSES

Les nombreuses études et réflexions qui jalonnent l'adoption des décisions ressources propres successives traduisent un questionnement « au long cours » sur ce que devrait être un système de financement optimal du budget communautaire.

1. Un financement européen illisible, peu autonome et économiquement peu efficace

a) L'évaluation réalisée par la Commission en 2004

Déjà mandatée par le Conseil européen, lors de l'adoption de la DRP de 2000, pour procéder à un « réexamen général du système des ressources propres » , la Commission avait entrepris, dans un rapport publié le 6 septembre 2004, une analyse des performances du système des ressources propres au regard de sept critères 26 ( * ) .

Il ressortait de cette analyse que le système actuel des ressources propres pouvait être jugé performant au regard des critères de suffisance et de stabilité, mais péchait par son insuffisante autonomie à l'égard des États membres, par manque de visibilité et de simplicité et par ses lacunes en termes d'affectation optimale des ressources économiques .

La Commission observait notamment que la complexification progressive du système des ressources propres aboutissait à ce que « même le citoyen intéressé éprouve des difficultés à comprendre son fonctionnement » et qu'il n'existait pratiquement aucun lien direct entre le budget et le citoyen-contribuable.

b) Les observations de votre rapporteur

A l'occasion des travaux qu'il a menés au nom de votre commission des finances 27 ( * ) , votre rapporteur spécial s'est régulièrement efforcé de contribuer au débat, en identifiant les carences du mode de financement actuel du budget communautaire.

Des ressources essentiellement constituées par des contributions des États membres privent, en premier lieu, le budget communautaire de toute autonomie et accréditent auprès des opinions publiques nationales l'idée que la Communauté dispose d'un « droit de tirage » sur la richesse nationale. Elles conduisent, par ailleurs, à faire voter recettes et dépenses par deux autorités politiques différentes, ce qui peut paraître singulier en termes de « démocratie budgétaire ».

Par ailleurs, la prééminence des contributions nationales entretient la logique du « taux de retour » , qui veut que chaque État membre ne consente à contribuer au budget communautaire qu'à la condition de se voir garantir des retours nets suffisants au titre des diverses politiques communes mises en oeuvre sur son territoire. Outre qu'elle est assez peu compatible avec l'esprit de solidarité que l'on espère inspirer la construction européenne, cette « focalisation » sur le « juste retour » repose sur des considérations économiques contestables , dans la mesure où n'entre en ligne de compte, pour le calcul des soldes nets, que la différence entre dépenses réparties et contributions au budget de chaque État membre. Se trouvent ainsi évacuées toutes les « externalités positives » générées par l'appartenance à l'Union, parmi lesquels les gains économiques tirés de l'appartenance au marché intérieur, du développement de réseaux transeuropéens ou plus encore de la stabilité politique durable garantie par l'existence de l'Union.

De surcroît, c'est en application de la logique du juste retour qu'on été institués des « corrections » et autres « rabais sur rabais », dont les équations en cascade contribuent largement à rendre les finances communautaires parfaitement inintelligibles pour le citoyen européen .

En second lieu, la crainte des États membres d'assister à une croissance exponentielle des dépenses communautaires ruinant les efforts de discipline budgétaire nationale les a également conduits à en plafonner le montant. Cette intention louable aboutit toutefois à cantonner le budget communautaire dans des dimensions très largement insuffisantes pour lui permettre de jouer les rôles de stabilisation, d'affectation et de redistribution que la théorie économique assigne à la politique budgétaire. D'une manière générale, on peut regretter que les modalités de financement du budget communautaire aient assez peu été considérées sous l'angle de leur possible efficacité économique . De ce point de vue, un budget plafonné a-t-il un sens, si l'on admet que ce ne sont pas les politiques publiques qui doivent être calibrées sur les moyens, mais les moyens qui, dûment justifiés, doivent accompagner des politiques préalablement définies et acceptées ?

2. Quelles pistes de réforme ?

Le diagnostic d'un manque d'autonomie, de lisibilité et d'efficacité économique du mode de financement du budget communautaire étant posé, plusieurs pistes de réformes ont été esquissées pour remédier à ces défauts.

a) Les solutions a minima

Trois propositions a minima consisteraient à :

1) opter pour le statu quo ;

2) remédier à la complexité née de la multiplication des correctifs ad hoc consentis à certains États membres fortement contributeurs nets en établissant un mécanisme de correction généralisée à tous les États ;

3) instaurer d'une unique contribution assise sur le RNB des États 28 ( * ) .

Votre rapporteur ne souscrit à aucune d'entre elles. Un mécanisme de correction généralisée ne permettrait pas de sortir du débat sur le juste retour, qu'en définitive il entérine, et l'instauration d'une contribution RNB unique reviendrait sur la notion même de ressources propres et nierait la spécificité de l'Union européenne en calquant son mode de financement sur celui des autres organisations internationales .

b) La nécessité de véritables ressources propres

Plusieurs propositions visent en revanche à instituer des ressources propres directement perçues par la Communauté auprès des contribuables (citoyens et opérateurs économiques). Cette solution présente l'avantage de répondre simultanément aux trois principales critiques adressées au financement actuel du budget communautaire :

1) une perception directe auprès du contribuable, le cas échéant couplée à une affectation du produit à une politique commune bien identifiée, permettrait de restaurer le lien entre le citoyen-contribuable et le financement communautaire et de faciliter la compréhension des finalités en vue desquelles les crédits communautaires sont mobilisés ;

2) un tel mécanisme diminuerait la propension à raisonner en termes de taux de retour et accroîtrait sensiblement l'autonomie des ressources communautaires ;

3) ce prélèvement, assimilable à un « impôt européen », permettrait de modifier le comportement des agents économiques et de créer des incitations à remplir les objectifs que se sont données les diverses politiques communes. C'est ainsi l'efficacité économique du financement communautaire qui serait améliorée.

Votre rapporteur n'ignore pas que l'impôt européen est souvent considéré comme un horizon lointain de la construction européenne. Ce scepticisme semble parfois moins fondé sur l'impossibilité technique ou l'absence de pertinence économique d'un tel impôt que sur la crainte de ses effets dans l'opinion. Il est certain que l'acceptabilité politique d'une telle réforme serait conditionnée par sa mise en oeuvre à prélèvement constant , et par une diminution à due concurrence des autres ressources.

Au demeurant, l'instauration d'une telle ressource semble de moins en moins une « vue de l'esprit », en particulier si l'on s'en réfère à un certain nombre de propositions précises déjà formulées et évaluées , qu'il s'agisse de la création d'un pourcentage additionnel de TVA perçu au profit des Communautés, d'une taxe kérosène ou d'une taxe CO 2 , d'une contribution sur les bénéfices des sociétés ou du transfert vers l'Union d'une partie des droits d'accise perçus sur les consommations de tabac et d'alcool, dont le produit serait « fléché » vers la politique communautaire de protection des consommateurs et de santé publique.

Quoi qu'il en soit, votre rapporteur attache, à titre personnel, beaucoup d'importance à ce que les débats à venir n'excluent pas d'emblée, et par excès de prudence, de telles pistes de réforme.

* 26 Visibilité et simplicité, autonomie financière, contribution à une meilleure affectation des ressources économiques, suffisance, bon rapport efficacité / coûts administratifs, stabilité des recettes, équité des contributions brutes.

* 27 Voir notamment : « Affaires européennes et article 32 : évaluation de la participation française au budget des Communautés européennes - rapport général tome II, fascicule 2 du projet de loi de finances pour 2007 ; « Affaires européennes et article 31 : évaluation de la participation française au budget des Communautés européennes » - rapport général tome II, fascicule 2 du projet de loi de finances pour 2008, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

* 28 Proposition formulée par la présidence finlandaise en 2004.

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