Rapport n° 367 (2007-2008) de Mme Catherine TASCA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 3 juin 2008

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N° 367

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 juin 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ,

Par Mme Catherine TASCA,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue , vice-présidents ; MM. Jacques Peyrat, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, André Trillard , secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

729 , 776 et T.A. 129

Sénat :

280 (2007-2008)

INTRODUCTION

Les accords de gestion concertée des flux migratoires sont un des instruments de la politique de co-développement qui désigne, originellement, le soutien à la participation des migrants au développement de leur pays d'origine.

Rebaptisée « développement solidaire », lors du dernier remaniement ministériel, en mars 2008, cette politique, relancée à partir de 2006, vise plus largement à établir une relation plus partenariale sur la base d'un dialogue avec les pays d'origine sur la question des migrations. Cette politique s'adresse prioritairement à 28 pays, pour l'essentiel africains, mais aussi voisins des départements français d'outre-mer, comme le Suriname.

D'inspiration française, cette proposition d'un traitement plus global de la question des migrations a été reprise au niveau européen sous la forme de « l'approche globale sur la question des migrations », adoptée en décembre 2005 par le Conseil européen. Elle vise une « approche équilibrée, globale et cohérente, comprenant des politiques destinées à lutter contre l'immigration illégale et permettant, en coopération avec les pays tiers, de tirer parti des avantages de l'immigration légale » qui définisse une action cohérente en matière de migrations au travers de différents domaines d'action : relations extérieures, développement, emploi, justice, liberté et sécurité.

Une première conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement s'est tenue en juillet 2006 à Rabat. Elle a abouti à la définition d'un partenariat assorti d'un plan d'action et a convenu de la tenue d'une seconde conférence dans les deux ans, qui se tiendra donc à Paris à l'automne 2008, sous présidence française de l'Union européenne. La présidence française a d'ailleurs inscrit la question des migrations au nombre de ses priorités.

Même si elle peine dans l'immédiat à se concrétiser, l'approche globale marque la volonté d'établir une relation plus partenariale avec les pays d'origine sur la question des migrations.

Comme l'avait souligné votre rapporteur dans un rapport consacré au co-développement 1 ( * ) , ce dialogue sur la question des migrations est indispensable dans la mesure où, pour le pays d'origine, qu'elle soit légale ou clandestine, elle est souvent perçue comme intrinsèquement positive alors que pour le pays d'accueil, la migration clandestine est vécue négativement. Il y a donc matière à travailler au rapprochement des points de vue.

Le principe des accords de gestion concertée des flux migratoires est d'articuler un assouplissement des règles de circulation pour certaines catégories de personnes, comme les étudiants, avec un renforcement de la coopération en matière de lutte contre l'immigration clandestine et un soutien aux initiatives dans le domaine du développement.

Le gouvernement s'est fixé pour objectif de conclure vingt accords de ce type au cours de la période 2008-2010, dont six en 2008.

Un premier accord a été signé avec le Sénégal en septembre 2006, complété par un avenant le 25 février 2008, puis avec le Congo en octobre 2007, le Bénin en novembre 2007 et, plus récemment avec la Tunisie, en avril 2008.

L'accord conclu avec le Gabon le 5 juillet 2007, qui fait l'objet du présent projet de loi soumis au Sénat, adopté par l'Assemblée nationale en avril 2008, est le premier à être proposé à la ratification parlementaire.

Le choix de ce pays pour inaugurer la ratification des accords de gestion concertée des flux migratoires peut surprendre car le poids des migrations avec notre pays y est quantitativement bien moindre que dans d'autres régions du continent. Mais depuis de longues années la France a développé avec le Gabon, pour des raisons multiples, géopolitiques, économiques et linguistiques, des relations étroites qu'on peut qualifier de « privilégiées », bien que diversement appréciées. C'est pourquoi cet accord revêt un caractère assez symbolique.

Il ne sera toutefois pas évident d'en tirer des enseignements généraux sur la politique ainsi engagée.

I. LA RELATION FRANCO-GABONAISE EN MATIÈRE DE MIGRATIONS

A. UN PROFIL MIGRATOIRE SPÉCIFIQUE

1. Un pays peu peuplé

Avec une population de 1,33 millions d'habitants, le Gabon est un pays peu peuplé. La croissance démographique y est peu élevée : avec 1,41 % elle est plus proche de celle des Etats d'Afrique australe que de celle des autres Etats de la région.

2. Un pays d'immigration

Pays producteur de pétrole, qui bénéficie actuellement de la forte augmentation des cours mondiaux, le Gabon est traditionnellement un pays d'immigration : sur la population totale, 350 000 personnes sont d'origine étrangère et viennent, pour l'essentiel du Mali, du Nigeria, du Congo-Brazzaville, du Cameroun et du Sénégal.

Il accueille également une population de réfugiés, évaluée en juillet 2006 à 12 500 personnes originaires du Congo-Brazzaville, du Tchad et de la République démocratique du Congo.

3. Une pression migratoire quasi-nulle

Si l'évaluation de l'immigration clandestine est par nature difficile à réaliser, le profil migratoire du Gabon explique une immigration clandestine extrêmement limitée.

Les Gabonais s'expatrient très peu dans la sous-région et également peu en France et en Europe.

Les différents indicateurs relatifs à l'immigration clandestine en attestent puisque, pour l'année 2007, seuls 33 ressortissants gabonais ont fait l'objet d'un refus d'admission, 33 ont été placés en zone d'attente et 48 ont fait l'objet d'une reconduite à la frontière.

B. UNE QUESTION NÉANMOINS IMPORTANTE

1. Une circulation importante entre les deux pays

Les statistiques sur les visas, rapportés à la population totale, témoignent d'une circulation importante entre la France et le Gabon.

L'examen des statistiques sur les visas entre 2004 et 2007 fait apparaître une légère diminution des demandes de visas de court séjour , de 10 766 à 9 798.

Le taux de refus est passé de 5,6 % à 11,8 %, soit un taux légèrement supérieur à la moyenne de 10,9 %, tous pays confondus mais inférieur à la moyenne pour l'Afrique subsaharienne. Le nombre de visas délivré est passé de 10 021 à 8 628, soit 0,53 % du nombre total des visas délivrés par notre pays.

La part des visas de circulation a augmenté, passant de 13 % en 2004 à 21,5 % en 2005 pour se stabiliser autour de 20 % actuellement. Cette augmentation pourrait être pour partie responsable de la diminution de la demande de visas de court séjour.

Pour ce qui concerne les visas de long séjour , ils concernent, pour l'essentiel, les étudiants. Plus de 3000 étudiants gabonais sont actuellement présents sur le territoire français sur un nombre total de ressortissants de 8 200 personnes. Entre 2004 et 2007, le nombre de demandes de visas pour études a diminué, passant de 1236 à 947. Le taux de refus a également diminué, passant de 25 à 15 %. Le nombre de visas délivrés pour études s'est établi à 830 en 2007.

Les autres types de visas de long séjour concernent un nombre plus limité de personnes : 23 au titre du regroupement familial, 85 pour les conjoints de français, 10 pour l'exercice d'une activité professionnelle. Le nombre de refus pour ces visas est extrêmement limité.

2. Une forte présence française au Gabon

L'importance de la communauté française au Gabon témoigne de l'ancienneté et de la densité de la relation bilatérale, qu'illustre un accord de Défense et la présence sur le sol gabonais de forces françaises pré positionnées.

Avec près de 10 000 ressortissants, le nombre de français établis au Gabon est supérieur au nombre de gabonais établis en France. La communauté française est très bien intégrée à la vie du pays et présente à haut niveau dans de nombreux secteurs de l'économie.

Elle ne rencontre pas de difficultés particulières liées au séjour en dépit de la durée très limitée des titres. Les cartes de séjour délivrées aux ressortissants français régulièrement entrés au Gabon sont établies pour une durée de deux ans renouvelable à l'expiration de leur validité.

3. Une question sensible

Bien qu'empreinte d'une confiance réciproque, la relation franco-gabonaise sur la question des migrations reste néanmoins une question sensible.

En témoigne le nombre limité de laissez-passer consulaires délivrés dans les délais utiles. Ces documents permettent l'expulsion de ressortissants dépourvus de documents de voyage. Sur les 41 demandés en 2007, seuls 3 ont été délivrés, 24 ayant été refusés et 14 laissés sans réponse.

En témoigne également l'émotion suscitée par l'expulsion, en février 2008, de deux étudiants de 29 et 33 ans, qui a suscité l'incompréhension des autorités gabonaises au motif notamment, de la signature récente du présent accord. Elle a été suivie d'une application moins libérale des conditions du séjour pour des ressortissants français qui n'étaient plus en règle au regard de la législation gabonaise.

La visite au Gabon, le 10 avril 2008, du secrétaire d'Etat à la coopération, M. Alain Joyandet, accompagné de M. Claude Guéant, secrétaire général de la présidence de la République a réaffirmé la qualité de la relation bilatérale mais nul doute que le Gabon attende du présent accord un traitement particulier pour ses ressortissants et un assouplissement des conditions d'obtention des visas.

La mise en place, par le présent accord, dans son article 7, d'un comité de suivi destiné à l'observation des flux migratoires, à l'évaluation des résultats et à la formulation de propositions pour en améliorer les effets, permettra à la France et au Gabon de poursuivre leur dialogue sur ce sujet.

II. LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

L'accord de gestion concertée des flux migratoires est structuré en trois parties d'inégale importance et respectivement relatives à la migration légale, à la lutte contre l'immigration clandestine et au co-développement.

Dans ces trois domaines, l'accord dresse un état des lieux des possibilités offertes par le droit existant tout en apportant quelques aménagements ponctuels, répondant aux besoins et aux attentes du pays partenaire.

A. FACILITER LA MIGRATION CIRCULAIRE

1. Les stipulations relatives aux visas

L'article 1 er de l'Accord est relatif aux visas.

Il prévoit, pour les ressortissants des deux signataires, la dispense de visas de court séjour pour les titulaires de passeports diplomatiques et de passeports de service.

La dispense de visas, actuellement déjà accordée aux titulaires d'un passeport diplomatique, est donc étendue aux titulaires de passeports de service qui sont également dispensés, comme le sont les titulaires de passeports diplomatiques, les diplomates, les parlementaires, les fonctionnaires munis d'un ordre de mission et les membres d'équipage des navires et aéronefs, de fournir les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer de moyens suffisants, tant pour leur subsistance pendant la durée du séjour envisagé que pour garantir leur retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers.

Selon les informations fournies par le ministère gabonais des Affaires étrangères, 5 528 passeports diplomatiques et 3 360 passeports de service sont en circulation. Pour l'année 2007, 690 visas de court séjour ont été délivrés par le Consulat de France à Libreville sur des passeports de service, ce qui représente environ 8% du nombre de visas de court séjour délivrés.

Afin de favoriser la circulation des personnes entre les deux pays, la France et le Gabon s'engagent à délivrer des visas de circulation , visas de court séjour à entrées multiples aux ressortissants de l'autre pays qui en font la demande.

Le visa de circulation est un visa Schengen. Il peut avoir une validité de 1 à 5 ans mais ne permet que des séjours d'une durée consécutive de 3 mois au plus par semestre. Il peut être accordé pour des raisons professionnelles ou personnelles.

L'accord prévoit, quant à lui, que la durée de validité de ces visas de circulation est supérieure à deux ans et qu'ils sont accordés notamment pour des motifs économiques, professionnels, médicaux ou familiaux, ce qui ouvre assez largement le champ des personnes susceptibles d'être concernées.

Les Etats se réservent la possibilité d'apprécier les demandes en fonction d'impératifs d'ordre et de sécurité publics, de lutte contre l'immigration clandestine ou la criminalité transfrontière.

Le dernier alinéa de l'article engage cependant les signataires à la transparence, en prévoyant qu'à la demande de l'autre Partie, les raisons du rejet d'un visa de court séjour à entrées multiples doivent être exposées. La portée réelle de cette disposition dépendra de la clarté des motifs de rejet communiqués.

Les visas de circulation correspondent à une forte attente et répondent à un besoin de facilitation de la circulation. Il s'agit d'une voie qui devrait beaucoup plus systématiquement explorée : en favorisant les allers-retours, elle n'impose pas aux personnes de se fixer en France par crainte de ne pouvoir y revenir facilement et répond particulièrement aux besoins des acteurs économiques et des familles, pour un coût plus limité. Sans dessaisir les agents des consulats de leur pouvoir d'appréciation, elle leur impose au contraire une analyse plus fine de la réalité du « risque » migratoire et une connaissance plus approfondie des besoins de circulation du pays de résidence.

2. L'admission au séjour des étudiants pour une première expérience professionnelle

Dans son article 2, l'Accord recense les possibilités offertes aux étudiants pour les recherches de stages et d'emploi.

Le deuxième alinéa de l'article permet aux étudiants gabonais d'acquérir une première expérience professionnelle dans des conditions plus favorables que le droit commun défini par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. Il ouvre la possibilité de bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour de 9 mois renouvelable une fois, contre seulement 6 mois non renouvelable, pour une recherche d'emploi à partir du niveau de la licence professionnelle, alors que la loi de 2006 exige le master.

A l'issue de cette période, si l'étudiant est titulaire d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche prévoyant une rémunération égale à au moins une fois et demie le SMIC pour un emploi en relation avec sa formation, il peut bénéficier d'une carte de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » sans que lui soit opposée la situation de l'emploi par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Le niveau de revenu exigé est assez difficile à atteindre, compte tenu du niveau salarial d'embauche des jeunes.

3. La conclusion d'un accord bilatéral d'échange de jeunes professionnels

L'article 3, relatif à l'immigration pour motifs professionnels et motifs familiaux, prévoit, dans son premier alinéa, l'engagement de négociations en vue de la conclusion d'un accord d'échange de jeunes professionnels.

Des accords de ce type ont été conclus avec une douzaine de pays, parmi lesquels les États-Unis et le Canada, le Sénégal, le Maroc et la Tunisie.

Ils concernent des personnes âgées de 18 à 35 ans, justifiant d'un diplôme ou d'une expérience professionnelle, ayant une bonne maîtrise de la langue du pays d'accueil et exerçant un emploi en relation avec leur qualification pour une durée de 3 à 12 mois, pouvant être prolongée jusqu'à 18 mois.

4. La non-opposabilité de la situation de l'emploi pour certains métiers

Le second alinéa de l'article 3 renvoie à une liste de métiers pour lesquels les ressortissants gabonais titulaires d'un contrat de travail peuvent se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire sans que leur soit opposée la situation de l'emploi.

Cette liste de 9 métiers porte sur les secteurs de l'informatique, de la banque et des assurances et du bâtiment et des travaux publics. La mise en oeuvre de cette liste, à l'exemple de celle des secteurs dits « en tension », ne devrait pas être aisée ; elle ouvre néanmoins un accès, bien que limité, au marché du travail.

De même, de façon dérogatoire, la situation de l'emploi ne sera pas opposée aux ressortissants gabonais titulaires d'un contrat de travail destiné à leur assurer un complément de formation professionnelle en entreprise pour une durée inférieure à douze mois.

La formation professionnelle est également évoquée à l'article 3.6, la France s'engageant à ce que les formations proposées aux ressortissants gabonais dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration soient suivies d'un bilan de compétences, d'une formule d'orientation pré-professionnelle, complétés, si possible par une formation professionnelle. Cette disposition s'adresse en particulier aux personnes admises au séjour en France pour motifs familiaux.

5. La carte « compétences et talents »

Créée par la loi du 24 juillet 2006, la carte de séjour portant la mention « compétences et talents », prévue par l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, « peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et, directement ou indirectement, du pays dont il a la nationalité. »

Elle est délivrée, selon les cas, par les préfectures ou les consulats.

L'Accord reprend cette définition tout en apportant plus de souplesse à un dispositif, qui, s'agissant des pays de la Zone de solidarité prioritaire, à laquelle appartient le Gabon, est strictement encadré par la loi. Le renouvellement de la durée de validité de la carte, accordée pour trois ans, n'est pas limité à une seule fois et l'Accord ne reprend pas l'obligation, fixée par la loi, pour le bénéficiaire originaire de la zone de solidarité prioritaire, d'apporter « son concours, pendant la durée de validité de cette carte, à une action de coopération ou d'investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité ».

Aucun gabonais ne figure actuellement parmi les bénéficiaires de la carte « compétences et talents », qui ne concerne à ce jour, compte tenu de la mise en oeuvre récente du dispositif, les critères de délivrance n'ayant été publiés au Journal officiel que le 28 décembre 2007, que vingt personnes, tous pays confondus.

Ce dispositif apparaît d'une grande complexité, singulièrement pour les pays membres de la zone de solidarité prioritaire ; l'accord avec le Gabon y apporte des assouplissements.

6. La durée des cartes de séjour des Français établis au Gabon

En application de la législation gabonaise, les cartes de séjour délivrées aux ressortissants français régulièrement entrés et établis au Gabon, ne peuvent excéder une durée de deux ans, renouvelable à l'expiration de la validité du titre de séjour.

Par l'article 3.5 de l'Accord, le Gabon s'engage à porter cette durée à cinq ans renouvelable pour les ressortissants français en séjour régulier et continu au Gabon depuis plus de trois ans et les ressortissants français mariés depuis plus de trois ans à un ressortissant gabonais.

Près de 10 000 français sont établis au Gabon et sont présents dans tous les secteurs de l'économie. Cette évolution devrait permettre de sécuriser leur droit au séjour et favoriser par là même, leurs investissements éventuels.

B. RENFORCER LA COOPÉRATION DANS LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION ILLÉGALE

Cet aspect de l'Accord comporte deux volets : un volet consacré à la réadmission des personnes en situation irrégulière et un volet consacré à la coopération en matière de lutte contre l'immigration clandestine et contre la fraude documentaire.

1. La réadmission des personnes en situation irrégulière

Par l'article 4.1, les parties s'engagent à réadmettre leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie. L'accord prévoit l'identification des personnes sur la base de documents énumérés en annexe et la délivrance de laissez-passer consulaires. Actuellement, le nombre de ressortissants gabonais concernés par ce type de procédures est faible mais sur ce total le taux de délivrance des laissez-passer consulaires en temps utile est également très faible : 3 sur 41 demandés en 2007, soit un taux de 7,3 %. L'accord devrait permettre une meilleure coopération dans ce domaine.

Les documents pris en compte pour l'identification des nationaux sont énumérés en annexe de l'Accord.

Dans l'hypothèse où la personne ayant fait l'objet d'une réadmission ne possède pas la nationalité du pays, le pays ayant demandé la réadmission doit la reprendre et supporter les frais de son retour sur son sol.

L'accord prévoit également, sur un point plus sensible, la réadmission des ressortissants d'Etats tiers en situation irrégulière, sur la base des documents énumérés par l'annexe III. La réadmission des nationaux, quel que soit le pays, est souvent difficile, comme en témoigne la difficulté à obtenir des laissez-passer consulaires. Néanmoins cette clause figure désormais dans l'ensemble des accords de coopération conclus par l'Union européenne. En revanche, ces accords se bornent le plus souvent à énoncer que des négociations s'engageront pour la réadmission des ressortissants des Etats tiers, sans que, jusqu'à présent, ces négociations n'aboutissent à un accord.

Une information mutuelle des parties est prévue sur les processus d'identification de la nationalité des personnes en situation irrégulière.

2. La coopération dans la lutte contre l'immigration clandestine

Par l'article 4.7 de l'accord, la France « s'engage à apporter au Gabon une expertise policière en matière de lutte contre l'immigration irrégulière dans une série de domaines : cadre légal, sécurité de l'aéroport...

Cette coopération devrait essentiellement prendre la forme d'un transfert de savoir-faire et d'une assistance technique.

L'article 5 est consacré à la coopération en matière d'état civil et contre la fraude documentaire. Il prévoit une évaluation des besoins du Gabon et un apport d'expertise pour améliorer la fiabilité du fichier d'état civil et la sécurisation des titres d'identité et de voyage.

L'état civil gabonais souffre de l'insuffisance de formation des personnels et d'un déficit d'échanges d'informations entre ses différents acteurs. En outre, les déclarations sont payantes ou subordonnées au paiement d'autres frais, ce qui est peu incitatif. Ces difficultés entrainent de nombreux rejets de dossiers par les services consulaires étrangers.

C. SOUTENIR LES INITIATIVES DES MIGRANTS EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DE LEUR PAYS D'ORIGINE

Dernier volet de l'accord, le volet consacré au co-développement n'est pas le plus substantiel, le Gabon ne s' inscrivant pas dans les mêmes problématiques de soutien aux familles restées au pays que d'autres pays d'Afrique subsaharienne comme le Mali ou le Sénégal dont les communautés, plus nombreuses et structurées de longue date en associations, ont une pratique ancienne de transferts de revenus et de développement des infrastructures du village d'origine.

L'article 6 s'inscrit dans la définition initiale, assez étroite, du co-développement et ne répond guère en l'état à l'équilibre recherché entre contrôle de l'immigration et contribution au développement. En effet, l'accord prévoit de soutenir les initiatives des migrants sur les crédits du fonds de solidarité prioritaire, outil de financement des projets de coopération dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, géré par le ministère des affaires étrangères mais dont une partie des crédits et des actions de co-développement ont été transférés au ministère de l'immigration.

Toutefois, le ministère de l'immigration a aussi décidé de soutenir des actions sortant du champ du co-développement stricto sensu, sur le critère de la proximité des projets avec le terrain et de leur contribution au développement local dans les régions d'émigration

D'après les informations fournies à votre rapporteur, un projet de co-développement avec le Gabon, avec une composante de coopération décentralisée, a cependant été identifié et est en cours d'instruction.

Très présente au Gabon, la coopération française se concentre sur trois secteurs : la forêt et l'environnement, les infrastructures et l'éducation.

La question migratoire, peu préoccupante, ne justifie pas de changement de cette stratégie de concentration des actions de la France, mais implique de lui donner des applications rapides et novatrices, qui pourraient intervenir, par exemple, dans le domaine de l'éco-tourisme.

CONCLUSION

Le Gabon n'est pas un pays représentatif de la relation entre la France et les Etats d'Afrique sur la question des migrations en ce qu'il présente une faible pression migratoire.

Néanmoins la faiblesse du risque migratoire n'exclut pas la sensibilité de cette question sur laquelle le Gabon a des attentes, notamment en matière de facilités de circulation.

A cet égard, le Gabon peut constituer un premier laboratoire de la contractualisation des relations sur les questions migratoires où les partenaires trouvent leur intérêt dans une relation plus équilibrée.

L'équilibre dépend naturellement de l'application qui sera faite de chaque accord. Il paraît réalisable pour ce qui concerne la relation franco-gabonaise, à condition que soit rapidement nourrie la dimension « développement ».

Pour ces raisons, votre commission vous recommande l'adoption du présent projet de loi même si l'équilibre sera certainement beaucoup plus difficile à trouver avec des pays pour qui la migration est vitale, tant pour les transferts financiers qu'elle induit que pour l'exutoire social qu'elle représente pour des personnes dépourvues, sur place, de toute perspective.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 3 juin 2008, la Commission a examiné le présent rapport.

A la suite de son exposé, Mme Catherine Tasca a souligné que si l'accord avec le Gabon recueillait son approbation, en raison notamment de ses stipulations favorables à la circulation des personnes, cette position n'emportait pas son adhésion pour les autres accords déjà signés ou à venir, et sur la politique menée d'une façon plus générale en matière de migrations.

La commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (ensemble trois annexes), signé à Libreville le 5 juillet 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

* 1 «  le co-développement à l'essai », rapport d'information n° 417 (2006-2007) de Mme Catherine TASCA, MM. Jacques PELLETIER et Bernard BARRAUX, fait au nom de la commission des affaires étrangères - 25 juillet 2007

* 2 Voir texte annexé au document n° 729 (AN - XIII)

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