II. VERS UN « ESPACE JUDICIAIRE EUROPÉEN » EN MATIÈRE CIVILE

A. LE NOUVEAU CADRE DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE CIVILE

Evoquée dès 1977 par le président Valéry Giscard d'Estaing, l'idée d'un « espace judiciaire européen » a mis un certain temps à s'imposer.

C'est le traité de Maastricht, signé en 1992 et entré en vigueur en 1993, qui a, pour la première fois, introduit dans les traités européens les questions relatives à la coopération judiciaire, tant en matière pénale, qu'en matière civile. Ces questions relevaient cependant, non pas de la méthode communautaire, mais de la coopération intergouvernementale, dans le cadre du « troisième pilier » de l'Union européenne.

METHODE COMMUNAUTAIRE ET COOPERATION INTERGOUVERNEMENTALE : QUELLES DIFFERENCES ?

La méthode communautaire désigne un processus de décision où la Commission européenne, institution indépendante garante de l'intérêt général européen, détient le monopole de l'initiative et où le Conseil des ministres, institution représentant les Etats membres, statue à la majorité qualifiée en codécision avec le Parlement européen, institution représentant les citoyens européens, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, juridiction chargée de veiller au respect des traités européens.

La méthode intergouvernementale se caractérise par un droit d'initiative partagé entre la Commission européenne et les Etats membres, par la règle de l'unanimité au sein du Conseil, par la consultation simple du Parlement européen et par un rôle limité de la Cour de justice des Communautés européennes.

Le traité d'Amsterdam , signé en 1997 et entré en vigueur en 1999, a marqué une étape supplémentaire. Ce traité a, en effet, transféré les matières relevant de la coopération judiciaire en matière civile, du troisième au premier « pilier » communautaire. Toutefois, le transfert de ces matières au « pilier » communautaire n'a pas entraîné une application pleine et entière de la méthode communautaire. En effet, le traité d'Amsterdam a prévu une application progressive de la méthode communautaire à ces domaines.

Lors du Conseil européen de Tampere , d'octobre 1999, les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres ont adopté un ambitieux programme visant à réaliser un « espace de liberté, de sécurité et de justice ». Le principe de la reconnaissance mutuelle, appliqué avec succès à la construction du marché intérieur, a été érigé comme la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire, tant en matière pénale, que civile.

Le traité de Nice , signé en 2001 et entré en vigueur en 2003, a étendu le vote à la majorité qualifiée au Conseil et la procédure de codécision avec le Parlement européen à la plupart des mesures relatives à la coopération judiciaire en matière civile, à l'exception des mesures relatives aux aspects touchant au droit de la famille, qui restent régies par la règle de l'unanimité au Conseil.

Le traité de Lisbonne , signé le 13 décembre 2007, prévoit d'étendre les compétences de l'Union européenne dans le domaine de la coopération judiciaire civile, de consacrer le principe de la reconnaissance mutuelle et de mettre un terme aux restrictions concernant le contrôle de la Cour de justice. En revanche, la règle de l'unanimité pour les aspects touchant au droit de la famille serait maintenue, sous réserve d'une « clause passerelle » spécifique, permettant de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée, par une décision unanime des Etats membres, chaque parlement national ayant un droit de veto.

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