b) Les risques du dispositif de refinancement et de recapitalisation du secteur financier en termes d'appel en garantie de l'Etat

Dans le cadre d'une coordination décidée au niveau européen, et suivant un mouvement international enclenché par les Etats-Unis, la France, en vue de soutenir son économie face à la crise en cours, s'est dotée d'un dispositif d'aide au secteur bancaire . Concrètement, la LFR pour le financement de l'économie du 16 octobre 2008 a autorisé l'Etat à accorder sa garantie, jusqu'à 360 milliards d'euros globalement , dans le cadre d'un double système de refinancement et de recapitalisation des établissements demandeurs 4 ( * ) .

(1) La garantie des refinancements

En premier lieu, la garantie de l'Etat peut être accordée, à titre onéreux , aux titres de créance émis jusqu'au 31 décembre 2009 par un organisme de refinancement « ad hoc », la Société de financement de l'économie française (SFEF) 5 ( * ) jusqu'à 320 milliards d'euros d'après les déclarations du Président la République et du gouvernement. Il a d'ores et déjà été annoncé que sept banques ont fait appel à ce dispositif, pour un montant global de 5 milliards d'euros . En outre, conformément à l'accord intergouvernemental conclu entre la France, la Belgique et le Luxembourg le 9 octobre 2008, l'Etat s'est engagé à garantir les besoins de financement du groupe Dexia à hauteur de 55 milliards d'euros .

La première émission de la SFEF

Afin de couvrir ses besoins de financement, la SFEF a procédé à une première émission le 12 novembre 2008 . Elle a ainsi placé auprès d'investisseurs du marché primaire, par syndication (BNP Paribas, Calyon, HSBC France, Natixis et SG CIB étant chefs de file de l'opération), 5 milliards d'euros de titres, à échéance de 3 ans, au taux de 3,522 % soit un taux de 5 points de base supérieur au taux de swap .

L'opération a été un succès . D'une part, ce placement a été noté AAA par les agences de notation financière. D'autre part, lorsque trois grandes banques britanniques (Barclays, Royal Bank of Scotland, Lloyds TSB), à la mi-octobre 2008, avaient procédé à des émissions comparables pour près de 10 milliards de livres sterling, elles avaient obtenu des taux de 20 ou 25 points de base supérieurs au taux de swap .

Source : AFT

Votre rapporteur spécial souligne que cette mise en oeuvre est sans effet quant au déficit budgétaire et à la dette de l'Etat et, tant que l'Etat ne sera pas effectivement appelé en garantie 6 ( * ) , devrait le rester au plan de l'endettement public au sens « maastrichien ». En effet, dans la mesure où l'Etat n'est pas majoritaire au sein du capital, la SFEF devrait ne pas être intégrée dans le périmètre des administrations publiques par l'office statistique des communautés européennes, Eurostat 7 ( * ) .

Les établissements bénéficiaires doivent passer une convention avec l'Etat qui, aux termes de la loi, fixe les contreparties de la garantie, « notamment en ce qui concerne le financement des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales », et précise « les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l'intérêt général ».

Le risque d'appels en garantie de l'Etat, en ce domaine, devrait rester modéré , eu égard aux trois précautions aménagées par la loi :

- d'une part, l'accès des établissements financiers aux liquidités est conditionné à un nantissement, auprès de la SFEF, d'actifs d'une certaine qualité (en particulier certains prêts immobiliers, prêts aux entreprises ou à la consommation, ou certains crédits à l'exportation) ;

- d'autre part, la SFEF dispose d'un privilège de remboursement en cas de défaillance d'un établissement de crédit ;

- enfin, le montant total des actifs apportés en garantie doit excéder le total des éléments de passif bénéficiant de la garantie de l'Etat.

(2) La garantie des recapitalisations

En second lieu, la garantie de l'Etat peut être accordée, à titre gratuit , aux financements levés par un nouvel organisme, la Société des prises de participation de l'Etat (SPPE) , en réalité un « véhicule » détenu à 100 % par l'Etat 8 ( * ) , chargé de renforcer les fonds propres des établissements financiers jusqu'à 40 milliards d'euros d'après les déclarations du Président la République et du gouvernement.

Ce dispositif a déjà été mis en oeuvre au bénéfice du groupe Dexia , avec l'entrée de l'Etat au capital (et au conseil d'administration) à hauteur de 1 milliard d'euros , prélevés sur le compte spécial « Participations financières de l'Etat » ( cf. infra ). En outre, il doit être appliqué, suivant les annonces officielles, en faveur des six plus grands établissements bancaires français , à hauteur, au total, de 10,5 milliards d'euros d'apports en « quasi-fonds propres » ( prêts à long terme , assortis d'un taux d'intérêt , sans entrée de l'Etat dans les conseils d'administration concernés) 9 ( * ) .

La mise en jeu de la garantie de l'Etat, s'agissant d'une société dont l'Etat lui-même est l'unique actionnaire, apparaît peu probable. En revanche, les emprunts émis par la SPPE soit, à ce jour, 1 milliard d'euros et une prévision de 10,5 milliards d'euros supplémentaires augmenteront d'autant l'encours de la dette publique . Cependant, la rémunération dont bénéficiera cette société devrait in fine profiter à l'Etat , à un niveau et selon des modalités en cours de définition.

* 2 Les AE et CP de la mission « Engagements financiers de l'Etat » sont équivalents pour l'ensemble de ses programmes et actions.

* 3 Cf. la séance du Sénat du 6 novembre 2008.

* 4 Cf. le rapport n° 23 (2008-2009) de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général. Voir également la réponse apportée par M. François Fillon, Premier ministre, à la question posée par votre rapporteur spécial, sur ce sujet, lors de la séance de questions d'actualité au gouvernement du 30 octobre 2008. Il convient de souligner que la LFR pour le financement de l'économie, formellement, a autorisé l'engagement de la garantie de l'Etat jusqu'à un « plafond » de 360 milliards d'euros, sans répartir ce montant global entre les deux dispositifs créés .

* 5 La SFEF, présidée par M. Michel Camdessus, est une société par actions détenue à 66 % par sept grandes banques françaises (BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale, les Caisses d'épargne, Crédit mutuel, Banques Populaires et HSBC France) et à 34 % par l'Etat. En vue d'éviter d'éventuelles désutilités économiques, l'AFT ( cf. infra ) dispose d'un droit de « veto » sur les émissions de titres d'emprunt de la SFEF.

* 6 En comptabilité nationale, comme en comptabilité budgétaire, les garanties, tant qu'elles ne sont pas appelées, n'ont pas à être intégrées à la dette publique . Le principe général, défini par Eurostat, est que la dette garantie reste celle de l'émetteur, aussi longtemps que celui-ci n'appelle pas la garantie. En revanche, l'appel en garantie a un double effet : 1° transfert en capital au bénéfice de l'entreprise concernée, pour la totalité de la dette concernée ; 2° après la reprise de la dette, paiement de la charge d'intérêts afférente. Ainsi, la mise en jeu de la garantie a de lourdes conséquences en comptabilité « maastrichtienne ».

* 7 Votre rapporteur spécial entend mener, en 2009, une investigation sur les conditions d'intervention et les modalités de raisonnement d'Eurostat.

* 8 Le programme d'émission de titres d'emprunt de la SPPE est confié à l'AFT.

* 9 Les bénéficiaires sont BNP Paribas (2,55 milliards d'euros), Société générale (1,7 milliard d'euros), Banques populaires (0,95 milliard d'euros), Crédit agricole (3 milliards d'euros), Crédit mutuel (1,2 milliard d'euros) et les Caisses d'épargne (1,1 milliard d'euros).

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