2. La partie pénitentiaire : un dispositif décevant

Plusieurs dispositions du projet de loi comportent de véritables avancées, d'autres élèvent au niveau de la loi, à droit constant, des mesures qui aujourd'hui figurent dans la partie réglementaire du code de procédure pénale, certaines marquent, en revanche, un retrait par rapport au droit en vigueur.

• Les avancées

Le projet de loi a pour premier mérite de clarifier les missions du service public pénitentiaire dans des termes certes très proches de ceux de la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire mais prenant en compte aussi les missions d'insertion et de probation ainsi que la lutte contre la récidive ( article premier ).

Il rappelle utilement que si ce service public est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du ministre de la justice, il implique aussi les autres services de l'Etat, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées. Il marque une responsabilité commune de la société dans la démarche de réinsertion qui doit aussi inspirer l'exécution d'une peine privative de liberté ( article 2 ).

Le texte présente des avancées à trois autres titres : il reconnaît de nouveaux droits aux détenus ; il assure une meilleure intégration de l'univers carcéral au sein de la société ; enfin, il améliore les conditions d'exercice des missions des personnels pénitentiaires.

- la reconnaissance de nouveaux droits du détenu

L' accès au téléphone , jusqu'alors réservé aux seules personnes condamnées, serait étendu à tous les détenus ( article 16 ).

Le régime disciplinaire des détenus serait modifié afin de ramener la durée maximale du placement en cellule disciplinaire à vingt-et-un jours contre quarante-cinq jours. Cependant, cette durée serait de quarante jours pour tout acte de violence physique contre les personnes ( article 53 ) ;

- un rapprochement avec certains dispositifs de droit commun

Beaucoup de détenus n'ont pas ou n'ont plus de domicile alors que les départements font généralement de la domiciliation sur leur territoire la condition de versement des aides sociales qui relèvent de leur compétence. Le projet de loi lève cet obstacle en permettant la domiciliation à l'établissement pénitentiaire ( article 12 ).

La disposition proposée devrait aussi favoriser l'exercice du droit de vote dans la commune de rattachement de la prison.

Par ailleurs, des entreprises ou des chantiers d'insertion pourraient désormais intervenir en prison nonobstant l'absence de contrat de travail ( article 14 ), ce qui élargirait ainsi l'offre d'emplois pour les détenus.

En outre, le texte prévoit de confier aux régions, à titre expérimental pour une durée de trois ans, l'organisation et le financement de la formation professionnelle des détenus dans la mesure où elles détiennent la compétence de droit commun en la matière ( article 3 ).

Enfin, le projet de loi pose pour principe ( article 28 ) la participation des collectivités territoriales aux organes d'évaluation qui seraient créés par voie réglementaire comme l'indique l'exposé des motifs : le conseil d'évaluation appelé à remplacer la commission de surveillance et la commission du suivi des politiques pénitentiaires qui serait instituée dans chaque département afin de procéder à l'évaluation annuelle du fonctionnement de l'ensemble des services pénitentiaires du département.

- Quelques dispositions consacrées aux personnels pénitentiaires

Si elles constituent l'un des quatre chapitres du titre I er du projet de loi, les dispositions consacrées aux personnels pénitentiaires s'avèrent en réalité peu nombreuses.

La première prévoit l'élaboration, par décret en Conseil d'Etat, d'un code de déontologie applicable aux personnels pénitentiaires, qui devraient prêter serment , ainsi qu'aux collaborateurs du service public pénitentiaire, c'est-à-dire, selon l'exposé des motifs du projet de loi, à « toutes les personnes intervenant au sein d'un établissement pénitentiaire » ( article 4 ).

Une mesure à caractère social a pour objet d' étendre le champ de la protection fonctionnelle de l'Etat 41 ( * ) aux concubins et aux personnes qui ont conclu un pacte civil de solidarité avec un agent public pénitentiaire pour les attaques dont ils sont victimes du fait des fonctions de ce dernier ( article 5 ). Depuis la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, cette protection est déjà étendue aux conjoints, aux enfants et aux ascendants directs des personnels de l'administration pénitentiaire.

Enfin, plusieurs articles du projet de loi instituent une réserve civile pénitentiaire , à laquelle seraient confiées des missions de renforcement de la sécurité des établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, principalement les juridictions, et de coopération internationale, et qui serait exclusivement composée de personnels retraités de l'administration pénitentiaire , volontaires , satisfaisant à des conditions d'aptitude physique et n'ayant pas fait l'objet de sanctions disciplinaires pour des faits incompatibles avec l'exercice des missions confiées à la réserve ( articles 6 à 9 ).

• La consécration législative de certaines dispositions à droit constant

Le projet de loi rappelle d'abord que les droits des détenus ne peuvent faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à leur détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention des infractions et de la protection de l'intérêt des victimes (article 10) .

En outre, il confirme le principe selon lequel les personnes détenues communiquent librement avec leur avocat pour l'exercice de leur défense (article 11) .

Conformément à l'objectif fixé par la commission présidée par M. Guy Canivet de restaurer la hiérarchie des normes dans le domaine du droit pénitentiaire, le projet de loi inscrit dans la loi, à droit constant, plusieurs droits fondamentaux qui peuvent faire l'objet de restrictions fondées sur la sécurité et le bon ordre des établissements :

- le droit de visite ( article 15 ),

- le droit de correspondance ( article 16 ),

- le droit à l'image ( article 18 ),

- le droit à l'information ( article 19 ).

Par ailleurs, le texte encadre les fouilles ( article 24 ) tout en mentionnant pour la première fois les investigations corporelles internes qui ne pourraient être réalisées que par un médecin par analogie avec le texte figurant à l'article 63-5 du code de procédure pénale pour les gardes à vue.

Le projet de loi ( article 23 ) élève également au niveau législatif les dispositions relatives au devenir des biens abandonnés par les détenus à leur libération et non réclamés, cas qui néanmoins semble se produire très rarement.

Enfin, compte tenu des enjeux qu'ils présentent pour les conditions de détention, le projet de loi pénitentiaire consacre, sous réserve d'aménagements limités, plusieurs dispositifs actuels :

- l'aide en nature en faveur des détenus les plus démunis ( article 13 ) ;

- l'acte d'engagement professionnel appelé à prendre la suite du support d'engagement professionnel développé sur la base d'une simple circulaire ( article 14 ) ;

- le parcours d'exécution de peine qui fait suite au projet d'exécution de la peine et reposera sur un bilan d'évaluation systématique de la personne détenue ( article 51 ) à l'issue d'une période d'observation ;

- la différenciation du régime de détention pour les personnes condamnées qui se pratique déjà souvent dans les établissements pour peines en fonction du profil du détenu -par exemple à travers le choix d'un système autorisant ou non l'ouverture des portes des cellules d'un même quartier de détention ( article 51 ).

• Un texte en retrait sur l'encellulement individuel

Le projet de loi admet le principe de l'encellulement collectif au même titre que l'encellulement individuel pour les prévenus. Ces derniers pourraient demander un placement dans une cellule individuelle sous réserve de plusieurs dérogations ( article 49 ). En outre, le Gouvernement entend renouveler le moratoire permettant de différer l'application du principe de l'encellulement individuel aux personnes prévenues en raison de la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou du nombre de détenus présents ( article 59 ).

Par ailleurs, le projet de loi apporte deux assouplissements :

- le quantum de peine en deçà duquel une personne condamnée peut être maintenue en maison d'arrêt serait porté de un à deux ans, les condamnés ayant un reliquat supérieur à deux ans pouvant même être maintenus en maison d'arrêt lorsqu'ils bénéficient d'un aménagement de peines ou sont susceptibles d'en bénéficier rapidement ( article 50 ) ;

- le principe de l'encellulement individuel pour les personnes condamnées pourrait être écarté lorsqu'elles le demandent ou lorsque leur personnalité le justifie ( article 52 ).

Le projet de loi comporte enfin un nombre très limité de mesures consacrées aux mineurs (garantie des droits fondamentaux reconnus à l'enfant - article 25 - obligation de suivi d'une activité à caractère éducatif dès lors que le mineur n'est plus astreint à l'obligation scolaire - article 26 -) ainsi qu'à la santé (limitations des informations susceptibles d'être communiquées par le médecin à la famille d'un détenu gravement malade - article 20 - organisation du permis de visite pour un certain nombre de personnes susceptibles d'apporter leur soutien à la personne détenue - articles 21 et 22 -).

* 41 Prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, cette protection fonctionnelle se traduit par une assistance juridique au cours de la procédure, l'octroi d'autorisations d'absence, et la prise en charge des frais de justice, y compris les honoraires d'avocats. S'agissant plus particulièrement des attaques dont un agent peut être victime à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, il appartient à l'administration non seulement de les faire cesser, mais aussi d'assurer à l'agent une réparation adéquate des torts qu'il a subis (CE, 18 mars 1994 Rimasson).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page