TITRE III - TRANSPOSITION DE DIVERSES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE 89/552/CEE DU 3 OCTOBRE 1989 MODIFIÉE PAR LA DIRECTIVE 2007/65/CE DU 11 DÉCEMBRE 2007

Le titre III du présent projet de loi tend à transposer les dispositions de la directive 2007/65/CE du 11 septembre 2007 dite « Services de médias audiovisuels » qui s'attache à établir un cadre modernisé pour l'ensemble des contenus audiovisuels, fondé sur une nouvelle définition des services de médias audiovisuels, indépendamment de la technologie et de la plateforme de distribution et de diffusion utilisées.

Article 22 (article 2 de la loi du 30 septembre 1986) - Définition et périmètre des services de médias à la demande (SMAd)

Cet article tend à modifier l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, afin d'intégrer les « services de médias audiovisuels à la demande » (SMAd) dans son champ d'application.

I - Le droit existant


• Les SMAd en droit français

La loi française ne définit pas juridiquement pas les SMAd. Le droit existant oppose, en effet, d'une part les services de communication audiovisuelle, d'autre part, les services de communication au public en ligne par voie électronique.

Les services de communication audiovisuelle sont définis à l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 comme « toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, ainsi que toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

Les services de communication audiovisuelle incluent ainsi toute communication au public de services de radio et de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public. Les services peuvent être diffusés par voie hertzienne, par ADSL, par la téléphonie mobile, par câble ou par satellite.

Les services de communication au public en ligne par voie électronique sont quant à eux définis par l'article 2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique comme « toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ».


• Les évolutions du droit européen

Jusqu'à présent, la directive 89/552/CEE s'appliquait aux seuls services de télévision, dits de « radiodiffusion télévisuelle ». Certaines de ses dispositions sont étendues par la nouvelle directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007 la modifiant à certains services à la demande, ou « services non linéaires », ci-après désignés SMAd. La directive a ainsi défini deux catégories de services regroupés sous le vocable de « services de médias audiovisuels » :

- les services de médias audiovisuels linéaires correspondent à la « radiodiffusion télévisuelle » traditionnelle qui se caractérise par le visionnage simultané de programmes sur la base d'une grille de programmes ;

- et les « services de médias audiovisuels à la demande » (ou service de médias audiovisuels non linéaires) sont proposés par un fournisseur de services de médias pour le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur demande individuelle sur la base d'un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur de services de médias.

Cette distinction est importante dans la mesure où :

- des règles spécifiques sont applicables aux SMAd : la directive SMA prévoit qu'un premier ensemble de règles s'applique indistinctement à tous services de médias audiovisuels, qu'un deuxième ensemble de règles est adapté aux SMAd, et qu'un troisième ensemble de règles reste cantonné à la radiodiffusion traditionnelle. ;

- elle exclut aussi de facto un certain nombre de services, notamment de communications électroniques, qui ne sont donc pas soumis aux dispositions de la directive.


• Les offres de vidéo à la demande (VOD)

Si, à l'origine, les offres de vidéo à la demande se sont lancées sur des offres majoritairement constituées de films de cinéma, elles se sont, depuis, largement ouvertes à d'autres contenus, notamment télévisuels (fictions télévisées, séries, documentaires, etc.). Elles peuvent être rendues disponibles pour une durée indéfinie.


• Les services de télévision de rattrapage (ou catch-up TV)

Ces services permettent de visionner des programmes de télévision ayant été diffusés en mode linéaire (à la télévision) pendant une période limitée à partir de leur date de diffusion. Par exemple, une partie des programmes de télévision diffusés la semaine écoulée sont disponibles au visionnage moyennant un abonnement ou au paiement à l'acte ou compris dans un forfait plus global (exemple : les abonnés de Canal+ peuvent visionner les programmes du mois précédent sans surcoût par rapport à leur abonnement principal).

A contrario, les services de quasi-vidéo à la demande (Near Video on Demand - NVOD) sont des services linéaires. Les services de NVOD permettent aux abonnés de regarder, sur commande, des films (ou autres programmes) proposés dans un catalogue.

Toutefois, à l'inverse des services de VOD, ils ne permettent pas à l'abonné de regarder un film ou programme de son choix à un moment qu'il choisit mais seulement de décider s'il souhaite recevoir le film diffusé à un moment déterminé par le fournisseur du service. Ce dernier diffuse en général plusieurs fois par heure le programme en question, en sorte que l'abonné peut entamer le visionnage dudit programme peu après le moment qu'il choisit - d'où la qualification de « quasi-vidéo à la demande », puisque l'expérience de l'utilisateur est proche de celle de la VoD.

Compte tenu de ces caractéristiques, les services de NVOD sont juridiquement des services de médias audiovisuels linéaires et non des SMAd, ainsi que l'a confirmé la Cour de justice des Communautés européennes à l'occasion d'une question préjudicielle soulevée par les Pays-Bas (affaire C-89/04 Mediakabel BV).

Les SMAd peuvent être distribués sur différents types de réseaux de communications électroniques. Les caractéristiques techniques du réseau (débit offert, présence d'une voie de retour) peuvent peser sur les caractéristiques du service offert (qualité de la vidéo, richesse du catalogue de programme).

Internet, en nombre de services offerts, est la principale plate-forme de distribution des services de médias audiovisuels à la demande. Les contenus audiovisuels peuvent y être proposés soit en téléchargement (les contenus sont enregistrés localement avant d'être visionnés) soit en lecture à distance (la qualité de la vidéo est alors tributaire de la qualité de service sur le réseau - débit offert, latence, etc.,). Les SMAd disponibles sur Internet doivent en général être visionnés sur un écran d'ordinateur.

A l'inverse, les SMAd disponibles sur les réseaux filaires dédiés ou les réseaux de radiodiffusion peuvent être visionnés sur l'écran de télévision, ce qui apporte simplicité d'utilisation et confort de visionnage.

Les réseaux des fournisseurs d'accès à Internet (FAI) dédiés aux services vidéo offrent un débit et une qualité de service supérieure à celle d'Internet. C'est sur ces réseaux que la consommation de services de médias audiovisuels à la demande est aujourd'hui la plus soutenue (en France, en 2007 selon les estimations de NPA Conseil, 80% des contenus de vidéo à la demande consommés le sont sur la télévision via les offres des FAI). La vidéo à la demande est devenue un élément indispensable au sein des offres multi-services des opérateurs de télécommunications.

Initialement conçus pour diffuser simultanément un même contenu à un grand nombre d'utilisateurs, les réseaux de radiodiffusion peuvent néanmoins aussi être utilisés pour offrir des services non linéaires. Ces réseaux étant unidirectionnels, les contenus proposés dans le catalogue du service doivent alors être stockés localement (le distributeur du service fournit un boîtier avec disque dur à cet effet). La capacité de stockage disponible localement contraint la taille du catalogue. La part des réseaux de radiodiffusion dans la distribution de services de vidéo à la demande est aujourd'hui modeste : fin 2007, le satellite distribuait moins de 4% des services de VoD en Europe ; quant au hertzien terrestre, une seule offre est à recenser, Top Up TV au Royaume-Uni, même si des projets seraient en cours de préparation.

Les modes de facturation de services audiovisuels à la demande peuvent être très variables, notamment en fonction du positionnement des éditeurs de ces contenus :

- gratuité : le téléspectateur visionne gratuitement les contenus mis à sa disposition (exemple : la consultation de certaines des archives de l'INA) ;

- gratuité financée par la publicité (dit Free on Demand) : le contenu est disponible gratuitement mais financé par des messages publicitaires (TF1 Vision a testé ce modèle en France et 4od l'utilise au Royaume-Uni) ;

- offre couplée : le téléspectateur peut accéder gratuitement dans le cadre d'un abonnement principal à un ensemble de contenus à la demande (exemple : les abonnés de Canal+ peuvent accéder sans surcoût aux émissions diffusées le mois écoulé) ;

- paiement à l'acte : ce paiement peut être un prix de vente (le téléspectateur acquiert définitivement le contenu vidéo dématérialisé) ou un prix de location (le téléspectateur dispose d'une fenêtre de visionnage limitée dans le temps et chaque nouveau visionnage nécessite une nouveau paiement) ;

- abonnement : afin d'inciter les utilisateurs à consommer des contenus audiovisuels, plusieurs offres d'abonnement (achat ou location) sont proposées par les distributeurs de contenus médias audiovisuels à la demande. Ces abonnements peuvent porter sur un nombre limité (pour X euros par mois, le client a droit à un nombre défini d'oeuvres à acquérir ou à visionner) ou illimité (moyennant un montant forfaitaire mensuel, l'utilisateur accède à tout le catalogue du distributeur sans restriction) ;

- modèle mixte : certains contenus audiovisuels sont gratuits dans les premiers jours suivant leur diffusion en mode linéaire et payants après cette période de gratuité (exemple : contenus vidéo d'ARTE).

II - Le texte du projet de loi

A. L'intégration des SMAd dans le champ de la loi du 30 septembre 1986

L'objet du troisième alinéa du présent article est d'intégrer les SMAd dans le champ de la communication audiovisuelle en la redéfinissant. Cette intégration dans le champ d'application de la loi du 30 septembre 1986 apparaît comme la traduction nécessaire du choix exprimé par le législateur européen en faveur d'un cadre juridique unique pour les services de télévision et les SMAd. Comme le souligne M. Chrsitian Kert, rapporteur spécial du projet de loi à l'Assemblée nationale, « ce choix se justifie d'autant plus qu'une partie substantielle des SMAd sera constituée de programmes de télévision de rattrapage, qui sont le prolongement naturel des services de télévision » .

Toutefois, la mise en place d'un cadre juridique unique ne signifie pas que les mêmes règles sont applicables à l'ensemble des services et une définition spécifique a donc été élaborée.

B. La distinction entre services de médias audiovisuels et SMAd

La définition des services de médias audiovisuels à la demande

Le cinquième alinéa du présent article introduit une nouvelle catégorie de services dans la loi du 30 septembre 1986, les services de médias audiovisuels au sein des services de communication audiovisuelle, aux côtés des services de télévision, de radio et des autres services de communication audiovisuelle. Il reprend largement la terminologie de la directive SMA (considérants 16 à 21 de la directive) en l'adaptant néanmoins à la tradition juridique française.

Relèvent de cette nouvelle catégorie de SMAd, les services « permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur sa demande, à partir d'un catalogue de programmes dont la sélection et l'organisation sont contrôlées par l'éditeur de ce service ».

Il s'agit principalement des services de télévision de rattrapage et des services de vidéo à la demande. Cette définition ne fige cependant pas le champ des services concernés, qui pourra être déterminé grâce à la liste de services expressément exclus dans le cinquième alinéa. Il s'agit des services qui ne relèvent pas d'une activité économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts. Conformément à la directive SMA, les services « dont la vocation première n'est pas économique et qui ne sont pas en concurrence avec la radiodiffusion » sont exclus du champ des SMAd.

Cette définition couvre, en particulier, les sites des particuliers et autres pages personnelles :

- ceux dont le contenu audiovisuel est secondaire. Il s'agit d'exclure les sites où le contenu audiovisuel n'est présent qu'à titre accessoire. Le considérant 18 de la directive SMA précise qu'il s'agit des services « dont la finalité principale n'est pas la fourniture de programmes ». Cette définition permet d'exclure de la définition des SMAd, les journaux et les magazines mais également tous les services qui proposent de la vidéo en plus de leur activité principale. On peut ici penser par exemple aux sites Internet qui proposent des bandes annonces de films (allociné.fr, IMDB.com..) ou encore aux moteurs de recherches/portail comme Yahoo ou MSN qui proposent des vidéos de films, des publicités ou autre vidéos clips aux côtés de leur service de recommandation ou encore plus généralement tout site ayant des vidéos (site de Renault par exemple pour présenter les voitures).

- ceux consistant à éditer du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d'échanges au sein de communautés d'intérêt. Cette définition reprend la terminologie du considérant 16 in fine de la directive SMA. Il s'agit ici d'exclure de la définition des SMAd l'ensemble des services qui permettent aux particuliers de partager leurs contenus vidéo avec une communauté de personnes auxquelles elles sont liées. Cela concerne les blogs type Skyblog ou réseaux sociaux type Myspace ou Facebook. Peuvent être également couverts ici les sites de partages de vidéo comme Dailymotion ;

- ceux consistant à assurer, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le seul stockage de signaux audiovisuels fournis par des destinataires de ces services. Afin de clarifier l'articulation avec les concepts reconnus en droit français et plus particulièrement de respecter l'équilibre entre la loi du 30 septembre 1986 et la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), il s'agit ici de reprendre en substance la définition de l'hébergeur tel qu'elle est comme fournit au I-2 de l'article 6 de la LCEN. Sont donc spécifiquement visés les hébergeurs ;

- et enfin, ceux dont le contenu audiovisuel est sélectionné et organisé sous le contrôle d'un tiers. Cette exclusion reprend les termes du considérant 19 de la directive SMA. Sont visés tous les services qui permettent à des professionnels ou à des particuliers des mettre des contenus audiovisuels en ligne. Si Dailymotion et Youtube peuvent encore ici être concernés, on vise plus spécifiquement les sites du type Kewego ou même Vpod TV qui permettent de créer « sa chaîne de TV » en ligne.

Pour tenir compte du caractère parfois complexe de l'offre de programmes de certains services qui peut être composée de services de médias audiovisuels à la demande et d'autres services ne relevant pas de la communication audiovisuelle (offre mixte), la définition retenue précise que la loi du 30 septembre 1986 n'est pas rendue applicable, dans ce cas de figure, à cette seconde partie de l'offre. Sont visés les services qui proposeront une offre de VoD professionnelle et dans le même temps l'hébergement de contenus personnels. C'est par exemple un réseau social qui proposerait une plateforme de Vod avec des films et des séries.

Certains services peuvent en outre être couverts par plusieurs exclusions. C'est particulièrement le cas pour les services de partage de vidéos type YouTube ou Dailymotion. Ce parti pris permet de cerner au maximum la définition des SMAd et ainsi d'éviter toute confusion avec notamment la notion d'hébergeur couverte par la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

III - L'examen par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV - La position de votre commission

Vos rapporteurs se sont interrogés sur l'utilisation dans la loi du terme « éditer » pour les sites fournissant du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d'échanges au sein de communautés d'intérêt, alors que la directive utilise ceux la formule « fournir et diffuser ».

Il apparaît que cette formulation assure une transposition effective de la directive (le terme « fournir » qui y est utilisé correspond à la notion d'édition au sens de la loi du 30 septembre 1986), et permet d'exclure clairement les sites Internet personnels et les blogs qui contiennent des vidéos. Par ailleurs, ils soulignent qu'en dépit des craintes exprimées par les responsables des sites communautaires ceux-ci, sont bien exclus du champ de la définition des SMAd.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

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