B. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

Tout en étant consciente de l'affaiblissement des raisons ayant justifié l'instauration de conditions de nationalité dans de nombreux métiers au cours du siècle passé, votre commission a souhaité examiner isolément la situation de chacune des professions visées par la proposition de loi. Des représentants de chacune des dix professions concernées ont été entendus. Seul le Conseil national de l'ordre des pharmaciens n'a pu se rendre à l'invitation de votre rapporteur. Néanmoins, une contribution écrite a été transmise.

Ces travaux ont également montré que d'autres professions mériteraient d'être soumises à un examen similaire. Toutefois, les délais très courts imposés aux travaux de votre rapporteur, par l'inscription de l'examen de la proposition de loi à l'ordre du jour de la séance mensuelle du 11 février à la demande de ses auteurs, n'ont pas permis d'étendre les auditions aux représentants de ces professions et, par conséquent, de formuler des propositions supplémentaires.

Sans entrer dans le détail de chaque profession 6 ( * ) , votre commission a estimé de manière générale qu'il convenait d'appliquer le principe selon lequel à diplôme égal, un étranger non communautaire devait pouvoir exercer lesdites professions dans les mêmes conditions que les ressortissants français ou communautaires.

A cet égard, votre rapporteur souligne que la majorité des représentants de ces professions a accueilli plutôt favorablement la proposition de loi. Seuls le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, le Conseil national des barreaux et la Confédération des syndicats médicaux français ont marqué leur opposition.

Parmi les principales réserves, l'absence de condition de réciprocité a été plusieurs fois évoquée.

Si cet argument ne peut être négligé, il n'apparaît pas déterminant.

En premier lieu, comme le relève le rapport du groupe d'études sur les discriminations de mars 2000, « l'application du principe de l'égalité de traitement entre les ressortissants de différents pays peut s'exonérer des relations ou des accords d'Etat à Etat ». Au demeurant, il est très probable que des professions qui ne sont pas réglementées en France le sont dans certains Etats tiers. Cela n'implique pas que ces professions soient fermées aux ressortissants de ces pays en France.

En deuxième lieu, il ne semble pas que toutes les professions concernées par la proposition de loi se soient réellement engagées dans une démarche active visant à conclure des accords de réciprocité. L'argument selon lequel la condition de réciprocité est une monnaie d'échange pour contraindre des Etats tiers à s'ouvrir aux professionnels français ne va d'ailleurs pas de soi. Au contraire, en abandonnant la réciprocité, on prive les Etats tiers d'un prétexte pour refuser l'ouverture aux professionnels français.

En troisième lieu, la proposition de loi et les modifications adoptées par votre commission ne visent que la condition de nationalité. Les conditions de diplôme restent inchangées. Ainsi, il semble difficile de refuser l'égalité de traitement à un étranger titulaire du diplôme français pour la seule raison que son Etat d'origine refuse de reconnaître le diplôme français.

En réalité, la condition de réciprocité ne se justifie que dans le cas de professions soumises à une concurrence internationale intense. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a supprimé l'article 3 relatif aux avocats.

Une autre réserve a porté sur les professions soumises à un numerus clausus. Il s'agit des professions médicales et des vétérinaires.

Des craintes ont été formulées à propos d'un risque de remise en cause du numerus clausus, les ressortissants non communautaires titulaires d'un diplôme étranger permettant d'exercer en France n'étant pas soumis aux contraintes du numerus clausus. Il pourrait en résulter une forme de discrimination à rebours au préjudice des étudiants français.

Si cette observation n'est pas sans fondement, elle ne doit pas être exagérée et justifier une fermeture de ces professions aux ressortissants non communautaires.

Tout d'abord, force est de constater que le numerus clausus est d'ores et déjà largement battu en brèche, d'une part, par des Français qui effectuent leurs études dans d'autres pays de l'Union européenne, et d'autre part, par les ressortissants communautaires qui peuvent s'établir en France librement dès lors qu'ils possèdent un diplôme les autorisant à exercer dans leurs pays.

En outre, il faut rappeler, afin de lever toute ambiguïté, que l'ouverture de ces professions réglementées aux ressortissants non communautaires ne signifie pas que tout étranger titulaire du diplôme exigé aurait un droit à exercer en France. La législation sur l'entrée, le séjour et le travail des étrangers en France s'applique indépendamment des règles particulières à telle ou telle profession.

En conséquence, sous réserve de plusieurs coordinations, la commission a adopté les articles 1 er , 2, 4, 5 et 6 de la proposition de loi, devenus respectivement les articles 1 er , 2, 3, 4 et 5 du texte adopté par la commission.

Elle a en revanche supprimé l'article 3 relatif aux avocats pour les raisons décrites précédemment, ainsi que l'article 7 relatif aux conférenciers nationaux et guides interprètes, cet article étant privé d'objet.

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Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi dans la rédaction reproduite à la fin du présent rapport .

* 6 Voir pour cela l'examen des articles.

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