EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 17 JUIN 2009

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Laurent Béteille et du texte proposé par la commission sur la proposition de loi n° 372 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et à améliorer l'accompagnement médical et social des victimes.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a indiqué que cette proposition de loi n'avait pas vocation à modifier fondamentalement l'état du droit mais tendait à permettre de mieux identifier l'inceste dont sont victimes de nombreux enfants et adolescents en France. Après avoir souligné que l'accroissement du nombre d'affaires concernant des violences sexuelles commises sur des mineurs au sein de leur famille dans les rôles des cours d'assises était réellement préoccupant, il a constaté que, en dépit de l'existence de dispositions civiles relatives aux prohibitions en matière de mariage ainsi que de dispositions pénales réprimant plus sévèrement les viols, agressions et atteintes sexuelles commises par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, la législation ne reconnaissait à aucun moment, de façon explicite, la notion d'inceste. Il a rappelé que la présente proposition de loi, issue d'une initiative de Mme Marie-Louise Fort, députée, élue de l'Yonne, s'inscrivait dans une réflexion qui n'était pas nouvelle car, en 2005, M. Christian Estrosi, député, élu des Alpes-Maritimes, avait remis au Premier ministre un rapport sur l'opportunité d'inscrire l'inceste en tant qu'infraction spécifique dans la législation.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a rappelé que la France a fait le choix, comme l'Espagne et le Portugal mais à l'inverse de certains autres pays européens, de ne pas réprimer pénalement les relations sexuelles qui pourraient être librement entretenues entre deux adultes consentants appartenant à la même famille. En revanche, il a rappelé que le droit pénal reconnaît comme une circonstance aggravante le fait que le viol, l'agression sexuelle ou l'atteinte sexuelle sur mineur soient commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime. Il a indiqué que, depuis le XIXème siècle, la jurisprudence a progressivement inclus dans cette notion de « personne ayant autorité » un certain nombre de personnes appartenant à la cellule familiale, telles que le beau-père, l'oncle ou encore le conjoint de la grand-mère par exemple. Il a également rappelé qu'un certain nombre de lois adoptées au cours des dernières années ont pris en compte la spécificité des violences sexuelles commises sur des mineurs au sein de la famille : il a notamment cité l'allongement à vingt ans du délai de prescription en matière de viols et agressions sexuelles commis sur des mineurs, ce délai ne commençant à courir qu'à partir de la majorité de la victime, ce qui laisse désormais à cette dernière la possibilité de porter plainte jusqu'à l'âge de trente-huit ans ; il a également fait référence aux peines complémentaires pouvant être prononcées par les juges, ou encore à la possibilité de désigner un administrateur ad hoc chargé de protéger les intérêts de l'enfant lorsque les parents de ce dernier n'y sont plus aptes. Il a ainsi attiré l'attention sur le fait que la législation française, en matière de répression de la délinquance sexuelle, était aujourd'hui considérée comme étant l'une des plus efficaces et des plus sévères d'Europe.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a toutefois attiré l'attention sur le climat particulièrement destructeur dans lequel se déroulent les violences incestueuses : il s'agit toujours de situations dans lesquelles l'agresseur abuse de l'affection et de la confiance que l'enfant a placées en lui, ce qui met la victime dans une situation d'incompréhension totale par rapport aux violences qui lui sont infligées. Selon lui, la spécificité de ces violences, au regard des traumatismes profonds qu'elles engendrent, mérite d'être reconnue en tant que telle. En outre, il a noté que l'absence de reconnaissance explicite de l'inceste dans le code pénal nuit à l'évaluation de l'ampleur de ce phénomène, dans la mesure où l'administration ne dispose pas des moyens de distinguer les violences sexuelles commises au sein de la famille par une personne ayant autorité et celles commises en dehors de la cellule familiale.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a ensuite exposé les principaux axes de la proposition de loi. Il a indiqué que l'article 1er tend à définir l'inceste, par cohérence avec les dispositions du code civil en matière de prohibition au mariage, comme étant les viols, agressions et atteintes sexuelles commis sur un mineur par son ascendant, son oncle ou sa tante, son frère ou sa soeur, sa nièce ou son neveu, le conjoint ou le concubin de l'une de ces personnes ou le partenaire lié par un PACS à l'une de ces personnes. En outre, il a relevé que l'article 2 fait de l'inceste ainsi défini une circonstance aggravante nouvelle des viols, agressions et atteintes sexuelles. Par ailleurs, il a indiqué que l'article 1er inclut une importante disposition relative à la définition de la contrainte : dans les années 1990, la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait considéré que la contrainte, qui est un des éléments constitutifs des infractions de viol et d'agression sexuelle, ne pouvait résulter du seul jeune âge de la victime et de l'autorité exercée sur elle par l'agresseur, ce qui avait conduit un certain nombre de juridictions à requalifier en atteintes sexuelles des viols commis sur des mineurs par un membre de leur famille, au motif que la contrainte n'était pas démontrée. Relevant qu'une telle position faisait l'impasse sur le contexte particulier dans lequel se déroulent les violences incestueuses, il s'est félicité des dernières évolutions de la jurisprudence, qui tend peu à peu à revenir sur cette position, et a estimé nécessaire d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la contrainte peut être morale et résulter de la différence d'âge et de l'autorité exercée par l'agresseur sur la victime. Enfin, il a indiqué que la proposition de loi contient un certain nombre de dispositions relatives à la sensibilisation du public et des professionnels de l'enfance ainsi qu'à la prise en charge des victimes mais que la portée de ces dispositions avait été limitée à l'issue de l'examen de leur recevabilité financière par le bureau de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Après avoir rappelé que l'opportunité d'inscrire explicitement la notion d'inceste dans le code pénal fait l'objet d'avis contrastés parmi les professionnels de l'enfance, M. Laurent Béteille, rapporteur, s'est dit convaincu par les auditions auxquelles il avait procédé de la nécessité d'une telle reconnaissance : mettre sur l'acte le terme qui convient lui a semblé de nature à lutter contre le déni et le silence qui entourent toujours les violences incestueuses et constituer un premier pas dans la reconstruction de la victime. Néanmoins, il lui est apparu que le texte voté par l'Assemblée nationale posait, dans le détail, un certain nombre de difficultés juridiques.

Ainsi, M. Laurent Béteille, rapporteur, a expliqué que l'énumération des auteurs d'actes incestueux figurant à l'article 1er de la proposition de loi ne recoupe qu'imparfaitement les personnes aujourd'hui englobées dans les notions d'ascendant et de personnes ayant autorité, ce qui, compte tenu des règles dérogatoires existant en matière de prescription, risque de poser des problèmes de droit transitoire pendant plus d'une trentaine d'années. En outre, il a fait valoir que cette liste inclut des situations qui ne relèvent pas de l'inceste, alors que, au contraire, elle exclut des hypothèses qui en relèvent : il a cité l'exemple des violences commises sur un enfant par les enfants de son beau-père ou de sa belle-mère. Pour cette raison, il a estimé souhaitable de substituer à cette énumération excessivement rigide une référence plus générale à la notion de violences commises au sein de la famille par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, ce qui laisserait aux juges la possibilité de tenir compte de l'ensemble des configurations familiales dans lesquelles se seraient déroulées les violences, et en particulier de prendre en compte les sentiments d'affection et de confiance abusés de l'enfant.

Par ailleurs, M. Laurent Béteille, rapporteur, a souligné que la nouvelle circonstance aggravante d'inceste risque de créer également des difficultés juridiques en raison des changements de périmètre qu'elle entraîne et a proposé, en ce qui concerne l'énoncé des circonstances aggravantes de viols, agressions et atteintes sexuelles, d'en rester au droit en vigueur actuellement. De cette façon, l'inceste défini à l'article 1er constituerait une qualification supplémentaire qui viendrait s'ajouter aux qualifications existantes et qui aurait vocation, du fait de son caractère strictement interprétatif, à être appliquée aux affaires en cours. D'après lui, cette solution permettrait de répondre au principal objectif de la proposition de loi, qui est de nommer l'inceste lorsqu'il est constitué afin de pouvoir mieux l'évaluer, sans poser de difficultés juridiques qui risquent de fragiliser un dispositif pénal efficace.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a enfin indiqué que le véritable problème des violences incestueuses en France était celui de la détection et de la prise en charge des victimes. En ce qui concerne la détection des victimes, il a souligné les véritables efforts accomplis au cours des dernières années par les pouvoirs publics pour la formation des professionnels de l'enfance, appelant de ses voeux une poursuite de ces efforts ainsi que l'engagement par le Gouvernement d'une campagne de sensibilisation du public. En ce qui concerne la prise en charge des victimes, il a regretté les carences du système de soins qui, à l'exception notable d'une institution à Agen et d'un service à Paris, ne prend pas en charge de façon spécifique les victimes de violences incestueuses, alors même que ces dernières présentent des traumatismes qui nécessitent une prise en charge adaptée. Constatant que la plupart de ces mesures relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire, il a indiqué qu'il interpellerait le Gouvernement sur ces carences de notre système de protection de l'enfance lors de l'examen du texte en séance publique.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a fait valoir que cette question de la reconnaissance explicite de l'inceste n'était pas nouvelle et avait déjà fait l'objet de discussions lors de l'élaboration du nouveau code pénal, le législateur ayant alors confirmé son choix de ne pas pénaliser l'inceste en tant que tel mais bien de considérer les violences sexuelles comme aggravées lorsqu'elles sont infligées par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime. Relevant par ailleurs que le code civil définit des prohibitions au mariage absolues mais aussi relatives, il a appelé à ne pas confondre des notions différentes. A ses yeux, il est essentiel de réprimer les violences commises sur un mineur ou une personne dépendante par une personne exerçant une forme d'autorité sur la victime. En revanche, il a attiré l'attention sur le fait que la notion même d'inceste était très floue et qu'il était particulièrement malaisé de la définir juridiquement. Il a ainsi salué la proposition du rapporteur tendant à substituer à une énumération stricte d'auteurs d'actes incestueux une référence aux violences commises au sein de la famille, car les configurations familiales ont beaucoup évolué et certains enfants peuvent se voir imposer, dans le cadre familial, des violences sexuelles par des personnes avec lesquelles elles n'ont pas de rapport de filiation.

M. Jean-Pierre Michel a marqué l'importance de respecter la douleur des victimes d'inceste qui, très souvent, n'arrivent pas à reconstruire leur vie lorsqu'elles ont subi des violences sexuelles incestueuses quand elles étaient enfants. Néanmoins, il a constaté que le texte voté par l'Assemblée nationale présente un grand nombre de fragilités juridiques qui risquent de rendre difficile son application par les juridictions. De ce point de vue, il a salué la démarche équilibrée proposée par le rapporteur. Par ailleurs, il a indiqué qu'il est important de ne pas confondre la notion d'inceste elle-même, qui, tout en étant un tabou universel, s'avère extrêmement difficile à définir, et les violences commises dans le cercle familial sur des mineurs. Il a estimé que de telles violences ne sont malheureusement pas nouvelles, mais que, au cours des quarante dernières années, de réels progrès ont été faits en matière de dénonciation de tels actes. Il a considéré que, si certaines associations de victimes réclament une reconnaissance explicite de la notion d'inceste, la décision pénale ne peut pas tenir lieu de soin à elle seule. Particulièrement réservé sur ce texte compte tenu des difficultés juridiques qu'il entraînerait dans un système répressif qui fonctionne aujourd'hui de façon satisfaisante, il a indiqué, tout en saluant les avancées réalisées grâce au travail du rapporteur, que le groupe socialiste ne prendrait pas part au vote lors de l'examen de ce texte en séance publique.

M. François Zocchetto a constaté que le droit actuel, en matière de répression des violences commises sur des enfants au sein du cercle familial, était déjà satisfaisant et que la proposition de loi soulevait de réelles questions sur le plan juridique. Il a toutefois considéré mal venu de s'opposer à cette proposition de loi car une telle opposition serait mal interprétée par les associations de victimes. Il a fait valoir qu'il était important d'assurer ces associations du soutien des parlementaires, tout en n'adoptant pas en l'état le texte voté par l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a rejoint les observations précédemment formulées et estimé que le travail réalisé par le rapporteur avait le mérite de répondre aux attentes des victimes tout en aplanissant les difficultés créées par les dispositions adoptées par les députés. Elle a considéré que les violences sexuelles incestueuses avaient toujours existé mais a constaté qu'une partie des victimes osaient enfin s'exprimer sur ce sujet et porter ces affaires devant la justice. Elle a rappelé qu'elle avait voté la disposition portant à vingt ans le délai de prescription en matière de viols et agressions sexuelles sur mineurs car la question de la dénonciation des faits et des auteurs est une question particulièrement douloureuse pour les victimes, en particulier lorsque ces violences ont eu lieu dans un cadre incestueux. Elle a regretté, à ce sujet, que certains juges refusent parfois de reconnaître les violences incestueuses lorsque leur dénonciation est faite au moment du divorce des parents, les enfants étant alors soupçonnés d'être instrumentalisés par l'un d'entre eux : s'il peut arriver que des accusations soient mensongères, il n'en demeure pas moins que certaines victimes ont parfois du mal à se faire entendre. En outre, elle a souligné que la sévérité du dispositif pénal n'était pas favorable à de telles dénonciations car certains enfants peuvent craindre de faire condamner leur agresseur, qui est aussi un proche parent, à une lourde peine de prison. Elle a enfin constaté que la question de l'inceste n'était pas tant celle de son inscription explicite dans le code pénal que celle de la formation des professionnels de l'enfance et de la prise en charge des victimes, faisant néanmoins valoir que de telles mesures relevaient de la compétence du Gouvernement.

M. François Pillet a lui aussi constaté que l'inceste était une notion ambiguë qui était en tout état de cause plus large que la seule question des violences sexuelles infligées à des enfants ou des adolescents par un membre de leur entourage familial. Il a salué le travail accompli par le rapporteur pour atténuer les difficultés créées par la proposition de loi, tout en constatant que le droit actuel était satisfaisant. Il a en particulier salué l'amendement proposé par le rapporteur tendant à faire de la qualification d'inceste une question spécifique devant la cour d'assises.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a constaté que la définition de l'inceste retenue dans la proposition de loi n'incluait pas l'ensemble des relations incestueuses, et notamment les relations librement consenties entre des adultes appartenant à la même famille.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a fait valoir qu'en raison de l'indétermination qui entoure la notion même d'inceste, il avait souhaité que les violences sexuelles soient qualifiées d'incestueuses et non d'inceste, afin de ne pas introduire de confusion quant aux relations qui pourraient être consenties entre des adultes de la même famille. Il a par ailleurs attiré l'attention sur le fait que, si les associations de victimes de violences incestueuses étaient très attachées à cette proposition de loi tendant à inscrire explicitement l'inceste dans le code pénal, les associations de protection de l'enfance étaient en revanche plus réservées sur ce point.

A la question de M. Jean-Pierre Sueur, qui a souhaité connaître le statut juridique de l'inceste commis entre des personnes majeures et consentantes, M. Laurent Béteille rapporteur, a rappelé que le code civil définissait un certain nombre de prohibitions au mariage. En tout état de cause, il a rappelé que la proposition de loi avait bien pour objet de réprimer les viols et agressions sexuelles commis dans un contexte incestueux, et non l'inceste en tant que tel.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements.

A l'article 1er (définition de la contrainte et insertion de l'inceste dans le code pénal), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à apporter quelques améliorations rédactionnelles à la définition de la contrainte proposée par le 1° de cet article.

Elle n'a pas intégré un amendement présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à supprimer la seconde phrase de la définition proposée pour la contrainte, le rapporteur ayant fait valoir que cette seconde phrase avait pour but de prévenir tout retour à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, qui avait considéré dans les années 1990 que la notion de contrainte ne pouvait résulter du seul jeune âge de la victime et de l'autorité exercée sur elle par l'agresseur.

M. Jean-Pierre Michel a fait observer qu'il n'était pas cohérent de définir la notion de contrainte alors que celles de violence, surprise ou menace ne le sont pas. Il lui a semblé que la notion de contrainte était consubstantielle à l'existence d'atteintes sexuelles imposées à des mineurs par une personne ayant autorité au sein d'une famille.

M. Hugues Portelli a souligné que cette définition posait un problème juridique dans la mesure où elle mêle éléments constitutifs de l'infraction et circonstances aggravantes de celle-ci.

M. Alain Anziani a fait valoir que, en prenant en compte la différence d'âge comme élément constitutif de la contrainte, cette définition risquait d'exclure d'autres formes de contrainte morale dans lesquelles la différence d'âge n'interviendrait pas.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a répondu que la définition proposée ne devait pas être regardée comme excluant d'autres formes de contrainte morale, mais qu'elle avait pour but de fixer le dernier état de la jurisprudence en matière de contrainte lorsque les violences sont commises au sein de la famille.

M. Jean-Pierre Michel a pour sa part estimé que cette définition posait de réels problèmes juridiques et qu'il convenait de préciser que la notion de contrainte résulte de la nature incestueuse même des violences sexuelles infligées.

M. Hugues Portelli a cité l'exemple de violences commises par un frère âgé d'un an de plus que sa soeur : dans ces conditions, il n'y aurait ni différence d'âge ni autorité de droit ou de fait sur la victime, ce qui ne permettrait pas de caractériser la contrainte constitutive du viol ou de l'agression sexuelle.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a fait valoir que, dans l'exemple cité par M. Hugues Portelli, la violence serait en revanche probablement caractérisée et permettrait de constituer l'infraction de viol ou d'agression sexuelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a considéré que cette question méritait d'être à nouveau débattue lors de l'examen du texte en séance plénière.

La commission a ensuite intégré un amendement du rapporteur tendant, d'une part, à substituer à l'énumération des auteurs d'actes incestueux une définition tenant compte des violences sexuelles commises au sein de la famille sur un mineur par un ascendant ou une personne ayant une autorité sur la victime, et, d'autre part, à insérer dans le code pénal un paragraphe intitulé « De l'inceste », dans lequel figureraient ces nouvelles dispositions ainsi que celles relatives au retrait de l'autorité parentale.

M. Jean-Pierre Michel a rappelé qu'au moment de l'examen du projet de loi relatif au PACS, la notion d'inceste avait fait l'objet de discussions : alors que certains affirmaient que le PACS n'était qu'un contrat, qui pouvait donc être conclu entre un frère et une soeur par exemple, la loi puis le Conseil constitutionnel avaient affirmé que le PACS impliquait des relations sexuelles et avaient de ce fait exclu du dispositif les frères et soeurs tout comme les personnes appartenant à la même famille.

Il a indiqué que le groupe socialiste voterait l'amendement du rapporteur qui apportait une réelle amélioration au texte adopté par l'Assemblée nationale, tout en constatant que l'inceste ainsi juridiquement défini ne correspondrait qu'imparfaitement à l'inceste « anthropologique ». En effet, il a relevé que les relations sexuelles incestueuses entre personnes majeures ne seraient pas qualifiées d'inceste au sens de la loi.

M. Patrice Gélard a rappelé qu'au moment de l'examen du projet de loi sur le PACS le garde des Sceaux avait annoncé qu'un projet de loi relatif à la cohabitation entre frères et soeurs serait proposé au Parlement afin de compléter le dispositif, mais que ce texte n'avait jamais vu le jour.

A l'article 2 (coordination et création d'une circonstance aggravante nouvelle d'inceste), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant, d'une part, à conserver le droit en vigueur en matière de circonstances aggravantes et à faire de l'inceste une qualification supplémentaire qui viendrait se superposer aux qualifications existantes et, d'autre part, à prévoir que la qualification d'inceste fait l'objet d'une question spécifique devant la cour d'assises.

M. Patrice Gélard a souligné que la proposition de loi ne qualifiait pas d'incestes les violences qui pourraient être commises par un fils ou une fille sur son ascendant.

M. François Zocchetto a indiqué que, en Mayenne, les rôles des cours d'assises comprenaient une part très importante d'affaires impliquant des violences incestueuses. Il a souligné que, dans le texte voté par l'Assemblée nationale, un viol qui serait commis par un fils sur sa mère ne serait pas qualifié d'incestueux. Dans ces conditions, il a souhaité que le paragraphe inséré dans le code pénal soit intitulé « De l'inceste commis sur des mineurs ».

M. Laurent Béteille, rapporteur, a fait observer que la référence aux violences commises au sein de la famille permettrait de résoudre en partie les difficultés évoquées.

A l'article 2 bis (aggravation des peines encourues en cas d'atteintes sexuelles commises sur un mineur âgé de plus de quinze ans et non émancipé par le mariage), la commission a adopté un amendement de suppression présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, les auteurs de cet amendement ayant fait valoir que cette disposition n'avait pas sa place dans cette proposition de loi dont la visée est essentiellement interprétative et le rapporteur ayant constaté que, en tout état de cause, la définition de la contrainte morale désormais inscrite dans le code pénal conduirait les juridictions à délaisser la qualification d'atteinte sexuelle au profit de celles de viol ou d'agression sexuelle, punissables de peines plus graves. En conséquence, l'article 2 bis a été supprimé du texte adopté par la commission.

A l'article 4 (mission d'information des écoles, des collèges et des lycées en matière de violence et de sexualité et sensibilisation des professionnels de l'enfance à ces problématiques), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à supprimer une disposition modifiant l'article L. 632-9 du code de l'éducation, cet article étant abrogé par le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires ».

A l'article 6 bis (constitution de partie civile par les associations de lutte contre l'inceste et désignation systématique d'un administrateur ad hoc ), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à atténuer le caractère systématique de la désignation de l'administrateur ad hoc en cas de violences sexuelles incestueuses pour réserver le cas où les parents ne sont pas responsables de l'agression incestueuse.

A l'article 7 (remise d'un rapport au Parlement sur la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à reporter de six mois la date de dépôt du rapport établi par le Gouvernement sur les modalités de prise en charge des victimes de violences incestueuses.

Après l'article 7, la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à insérer un article additionnel afin de permettre aux dispositions de la proposition de loi de s'appliquer dans les collectivités d'outre-mer.

Enfin, la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à simplifier l'intitulé de la proposition de loi.

La commission a adopté le texte de la proposition de loi tendant à inscrire l'inceste dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux ainsi rédigée.

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