3. Des capacités d'intervention ajustées aux nouveaux contrats opérationnels

Le Livre blanc a délibérément écarté la fixation d'un nouveau modèle d'armée, estimant nécessaire d'« éviter de se figer dans un modèle supposé intangible qui deviendrait vite un cadre excessivement rigide, alors que notre environnement est caractérisé comme instable, incertain et volatil ».

Il a opté pour la définition de grands objectifs opérationnels et de capacités susceptibles d'être régulièrement actualisés.

Le Livre blanc a veillé à assurer une cohérence entre ces objectifs opérationnels d'une part, et l'analyse du contexte stratégique et les hypothèses d'engagement opérationnel qui en découlent.

Deux types d'engagements opérationnels ont été distingués :

- la participation à des opérations de stabilisation ou de maintien de la paix ;

- des opérations de projection lors d'un conflit majeur à l'extérieur du territoire, dans un cadre multinational.

En outre, une capacité d'action et de réaction autonome devra être placée en délai d'alerte réduit (un à quelques jours) pour pouvoir être engagée dans un cadre national ou multinational.

Enfin, les capacités militaires doivent également permettre de renforcer en métropole le dispositif de surveillance aérienne et de sauvegarde maritime.

Principales caractéristiques des nouveaux contrats opérationnels

pour la fonction « intervention »

LPM 2003-2008

LPM 2009-2014

Les forces terrestres doivent pouvoir commander, déployer à distance et soutenir dans la durée :

- soit jusqu'à 20 000 hommes , simultanément et sans limitation de durée sur plusieurs théâtres, que ce soit dans le cadre d'une opération nationale (1 000 à 5 000 hommes) ou dans celui d'une opération européenne (12 000 à 15 000 hommes), ce niveau pouvant être porté jusqu'à 26 000 hommes pour une période limitée à une année ;

- soit plus de 50 000 hommes , sans relève, pour prendre part à un conflit majeur dans le cadre de l'Alliance atlantique.

Les forces terrestres doivent pouvoir projeter environ 30 000 hommes déployables en 6 mois pour un an , sans renouvellement. Cette capacité permettra de couvrir toute la gamme allant de l'opération majeure à l'opération d'ampleur limitée, mais à réaction très rapide, ou à une opération de stabilisation de longue durée.

En permanence sera conservée, en alerte réduite sur le territoire, une capacité d'alerte d'urgence (5 000 hommes).

L'armée de l'air doit pouvoir projeter une centaine d'avions de combat , les ravitailleurs et la base de soutien associée.

Elle doit pouvoir assurer par voie aérienne la projection d'une force de réaction immédiate aéroterrestre (1 500 hommes avec matériel) à 5 000 km de la métropole en moins de 72 heures.

La composante aérienne disposera d'une capacité de projection de l'ordre de 70 avions de combat capables de tenir un rythme opérationnel élevé pendant une phase de coercition (100 sorties/jour sur 2 mois), puis un rythme soutenu pendant une phase de stabilisation (50 sorties/jour pour 2 mois à 1 an).

Les moyens aériens doivent être capables de projeter une force de 1 500 hommes à 7-8 000 km en quelques jours, avec les moyens de commandement, de détection et de contrôle aérien, ainsi que les bases aériennes nécessaires.

La marine doit pouvoir projeter un groupe aéronaval et son accompagnement, ainsi que des sous-marins nucléaires d'attaque, à plusieurs milliers de kilomètres, assurer l'escorte d'un groupe amphibie et/ou d'un groupe de transport maritime, et participer à la sûreté d'une zone aéromaritime dans une opération pouvant durer plus d'un an.

Les forces navales devront pouvoir déployer le groupe aéronaval, lorsque le porte-avions sera disponible , avec son groupe aérien complet et le nombre de frégates d'escorte, ainsi que les sous-marins nucléaires d'accompagnement nécessaires.

Un ou deux groupes navals, amphibie ou de protection du trafic maritime, seront également disponibles pour des missions d'intervention ou de présence.

Les contrats opérationnels ont été revus en conséquence. Le volume de forces projetables a été ramené à 30 000 hommes pour les différents types d'hypothèses, la capacité à engager 50 000 hommes dans le cadre d'un conflit majeur, devenue assez théorique, ayant été abandonnée. En revanche, le rayon d'action des capacités de projection a été porté de 5 000 à 7-8 000 kilomètres.

Ces évolutions ont conduit, dans une logique de concentration des moyens , à une réduction du volume des forces, dont les effets, en termes d'équipements, sont différenciés.

Évolutions affectant les principaux objectifs de capacités de la fonction « intervention »

Capacité

Modèle 2015

Livre blanc 2008

Brigades interarmes Terre

9 brigades

8 brigades

Chars Leclerc

354 Leclerc

250 Leclerc

Blindés à roues

416 blindés à roues

350 blindés roues-canon

VBCI

700 VBCI

650 VBCI

Hélicoptère de combat Tigre

120 Tigre

80 Tigre

Hélicoptères de manoeuvre

140 hélicoptères (non compris forces spéciales)

130 hélicoptères (NH 90 + Cougar)

Équipements fantassins Felin

28 200 Felin

25 000 Felin

SNA

6 SNA

6 SNA

Porte-avions

2

1 ou 2*

Frégates de 1 er rang

24 frégates (17 Fremm+ 2 frégates Horizon + 5 frégates La Fayette)

18 frégates

BPC

4

4

Avions de combat

360 Rafale et Mirage 2000D, dont 300 en ligne

300 Rafale et Mirage 2000D, dont 270 en ligne

Ravitailleurs

14 MRTT

14 MRTT

Awacs

4 Awacs

4 Awacs

Cargos tactiques

70 avions cargos

70 avions cargos

* lancement d'études sur un second porte-avions en vue d'une décision en 2011/2012.

En effet, les objectifs sont inchangés en ce qui concerne les capacités de transport aérien stratégique ou tactique (avions de transport, ravitailleurs multi-rôles, hélicoptères de manoeuvre).

Une réduction d'environ un dixième est envisagée sur l' aviation de combat et les capacités de combat des forces terrestres , cette réduction étant cependant plus forte sur les équipements terrestres voués au combat de haute intensité (blindés lourds, artillerie et hélicoptères de combat).

S'agissant des capacités navales, les moyens d'action sous-marine sont maintenus , notamment le nombre de sous-marins d'attaque, alors que le format de la flotte de surface subit une diminution . Le nombre des frégates de premier rang est réduit d'un quart, passant de 24 à 18. La permanence du groupe aéronaval, qui n'est plus assurée depuis 2000, ne sera pas rétablie. La décision de réaliser un second porte-avions est reportée aux années 2011/2012, une mise en chantier durant l'actuelle programmation supposant des dépenses annuelles de l'ordre de 500 millions d'euros qui n'auraient pu être financées qu'au détriment d'autres programmes essentiels.

Le Livre blanc a distingué deux phases pour la réalisation de ces objectifs .

La 1ère phase , qui correspond à la programmation 2009-2014, privilégiera :

- la réduction du format et parallèlement la modernisation de l'outil de combat aéroterrestre ;

- la réduction du format et parallèlement la modernisation progressive de l'outil de combat aérien, privilégiant les capacités de pénétration et de frappe en soutien des forces terrestres ;

- la modernisation de la capacité de maîtrise du milieu sous-marin (frégates anti-sous-marine et sous-marins nucléaires d'attaque) ;

- la résorption du déficit en transport aérien stratégique et de l'aéromobilité ;

- l'adaptation de la capacité amphibie ;

- la remise à niveau des stocks de munitions.

La seconde phase , après 2015, doit porter sur l'accélération du renouvellement de la flotte de surface, notamment des frégates, sur l'accélération de la modernisation de l'outil aérien, notamment en volume et en drones, sur la poursuite de la modernisation des forces terrestres et le renforcement des capacités de frappe de précision dans la profondeur (notamment missile de croisière naval).

Cet ordre de priorité dans le cadencement des livraisons de matériels amène à consentir certaines réductions temporaires de capacités qui ont été jugées admissibles au regard des contrats opérationnels et compatibles avec les financements prévus.

C'est le cas notamment pour la flotte de surface , étant donné le nombre de frégates de 1 er rang, mais également le report de près de cinq ans du financement des patrouilleurs de haute mer.

Pour les forces terrestres, le parc des hélicoptères de manoeuvre connaîtra une période très délicate à copter de 2010 et au moins jusqu'en 2015, durant la rénovation des Puma et avant l'arrivée du NH90. Le parc de blindés légers sera également en sous-capacité de 2013 à 2018, en l'attente de son renouvellement par l'engin blindé de reconnaissance de combat (EBRC) et le véhicule blindé multirôle (VBMR).

L' aviation de combat connaîtra un creux capacitaire sur la période 2014-2018. Quant au déficit en matière de transport aérien stratégique et tactique , il va s'aggraver ave le retard de livraison de l'A400M et imposera des mesures palliatives.

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