C. LES APPORTS DE LA COMPTABILITÉ GÉNÉRALE

1. La certification des comptes : des avancées significatives en dépit de nouvelles réserves

La Cour des comptes, dans le cadre de son rôle de certification des comptes de l'Etat, a formulé douze réserves sur les comptes de 2008, dont les neuf premières sont qualifiées de « substantielles » , et qui concernent :

1.- les systèmes d'information financière et comptable ;

2.- les dispositifs ministériels de contrôle interne et d'audit interne ;

3.- les opérateurs ;

4.- les actifs de la défense ;

5.- les produits régaliens ;

6.- les passifs d'intervention ;

7.- le patrimoine immobilier ;

8.- les autres inventaires d'actifs et de passifs ;

9.- la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ;

10.- les comptes de trésorerie ;

11.- les autres immobilisations financières de l'Etat ;

12.- les concessions de service public.

Il convient d'observer que la plupart de ces réserves sont récurrentes : la Cour des comptes les avait déjà exprimées à l'occasion de la certification des comptes de l'Etat pour 2006 et/ou 2007. Seules deux réserves sont nouvelles : celle qui concerne les « autres immobilisations financières de l'Etat » (principalement les participations dans les organismes internationaux) et surtout, parmi les réserves à caractère substantiel, celle qui vise la Caisse d'amortissement de la dette publique (CADES) .

Néanmoins, la Cour des comptes a levé en tout ou partie quatre des réserves qu'elle avait formulées pour les comptes de l'année 2007, signe d'un relatif progrès de la qualité de la présentation des comptes : deux réserves « simples » ont été intégralement levées, deux réserves substantielles ont été levées pour partie .

a) Les réserves levées
(1) Les deux réserves levées intégralement

Dans son rapport de certification des comptes de l'Etat pour 2007, la Cour des comptes avait maintenu une double réserve, déjà exprimée pour l'exercice 2006, relative à la comptabilisation dans les comptes de l'Etat du compte des procédures publiques gérées par la Coface et de la section des fonds d'épargne centralisés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). A la suite de cette réserve, en 2008 :

- d'une part, il a été créé au sein du compte des participations de l'Etat la catégorie des « entités ad hoc », où figure le compte des procédures publiques de la Coface. La valeur initiale de cette « entité » a été évaluée sur la base des fonds propres du compte au 31 décembre 2007, soit 8,9 milliards d'euros ;

- d'autre part, le coût d'acquisition de la participation de l'Etat dans la CDC a été ajouté à celui des fonds d'épargne, y compris le fonds pour risques bancaires généraux (soit 7,6 milliards d'euros au 31 décembre 2007, 4,6 milliards d'euros au 31 décembre 2008).

La réserve sur ce sujet a donc pu être levée. Il en est allé de même de la réserve formulée par la Cour des comptes, pour l'exercice 2007, en ce qui concerne l'exhaustivité et la valorisation des provisions pour risques inhérents à l'activité de l'Etat . En effet, la Cour des comptes estime que « l'incertitude globale pesant sur l'exhaustivité du recensement et la valorisation des autres risques donnant lieu à la comptabilisation de provisions dans les comptes de l'Etat a été réduite à un niveau acceptable », bien que « des incertitudes demeurent sur le provisionnement des litiges fiscaux, regroupées avec celles qui affectent les produits régaliens ».

(2) Les deux réserves substantielles partiellement levées

Les deux réserves à caractère substantiel qui ont pu être levées en partie avaient été formulées par la Cour des comptes dans le cadre de sa certification des comptes de l'Etat pour l'année 2007 comme pour l'année 2006.

En premier lieu, la Cour des comptes avait critiqué l'absence de constatation au passif du bilan de l'Etat des effets des déficits fiscaux reportables en avant . Elle estimait que le droit pour les redevables de reporter ces déficits dans le temps devait conduire à les comptabiliser, d'autant que leur montant était connu de l'administration. En 2008, la révision des normes comptables applicables a permis, selon la Cour des comptes, de « mieux qualifier l'effet des déficits fiscaux de droit commun et des crédits d'impôt non restituables mais reportables en avant ». Le stock des déficits reportables recensés à la clôture de l'exercice a été chiffré à 245 milliards d'euros, l'incidence de leur imputation sur les futurs produits régaliens de l'Etat étant estimée à 36 milliards d'euros.

En second lieu, la Cour des comptes avait contesté l'absence d' inscription au bilan de l'Etat des actifs liés à son pouvoir d'autoriser ou de restreindre l'occupation ou l'exploitation du domaine public . Cette lacune a été partiellement comblée en 2008, dans la mesure où les actifs incorporels spécifiques que sont les autorisations d'exploitation des fréquences hertziennes ayant donné lieu à des transactions, notamment les licences GSM et UMTS, ont été intégrés au bilan, pour un total de 4 milliards d'euros.

b) Les réserves récurrentes

La Cour des comptes, dans son rapport de certification pour 2008, reconduit dix réserves qu'elle a déjà exprimées sur la présentation des comptes de l'Etat en 2007, voire dès 2006 . Huit de ces réserves, qui sont les huit premières dans l'ordre retenu par la Cour des comptes, revêtent un caractère substantiel . Elles visent :

1.- les systèmes d'information financière et comptable de l'Etat. La Cour des comptes souligne la limitation des travaux de certification à laquelle conduit l'état de ces systèmes. Elle relève notamment le morcellement de ces derniers (plus de 350 applications), leur faible adaptation aux exigences de la comptabilité générale et la nécessite de poursuivre un effort de fiabilisation. Le projet « Chorus », dont le déploiement est prévu de 2008 à 2011, doit rassembler dans un progiciel de gestion intégrée les fonctionnalités du plus grand nombre possible d'applications actuelles, mais la Cour des comptes fait valoir que ce projet, durant sa phase de mise en place, « ne constituera qu'une application supplémentaire, incapable de remédier à court terme aux limites » constatées. Le projet de refonte du système de paiement du programme « Copernic », quant à lui, n'est annoncé que pour 2012 ;

2.- les dispositifs ministériels de contrôle interne et d'audit interne . Leur examen conduit la Cour des comptes à conclure à l'« incapacité [de ces dispositifs] à donner au certificateur une assurance sur la maîtrise, par l'ensemble des ministères, des opérations concourant à la production des états financiers ». Les progrès attendus concernent la traçabilité des actions de contrôle interne et la structuration de la fonction d'audit interne dans chaque ministère. En 2008, seuls trois ministères les deux ministères « financiers » et celui de l'agriculture et de la pêche ont disposé d'un dispositif jugé opérationnel, indépendant et doté de moyens suffisants ;

3.- les opérateurs de l'Etat, définis comme des entités dotées de la personnalité juridique et exerçant une mission de service public sous le contrôle étroit de l'Etat, qui leur apporte un financement majoritaire. Au 31 décembre 2008, 663 opérateurs ont été recensés, représentant un montant de participations de l'Etat de 54,7 milliards d'euros, soit près d'un tiers de l'ensemble de ses participations financières. La Cour des comptes observe que les chantiers pluriannuels mis en oeuvre depuis 2006 par le Gouvernement ne permettent toujours de remédier : ni aux lacunes du recensement de ces opérateurs ; ni à l'incapacité d'un nombre significatif d'entre eux (un tiers en 2008, soit 37 % en valeur) de transmettre leurs états financiers dans des délais compatibles avec l'établissement de ceux de l'Etat ; ni à l'insuffisante fiabilité de leurs comptes (seuls 9 % d'entre eux, en valeur, ont achevé les travaux de fiabilisation requis en la matière). Elle estime qu'« à court terme, il pourrait être aisément remédié aux imperfections du recensement et aux retards de remontée des comptes, par une révision des critères de classement [...] et un pilotage plus directif par le producteur des comptes. A plus longue échéance, l'amélioration de la qualité des comptes des opérateurs suppose, outre l'accélération des chantiers pluriannuels déjà lancés (recensement immobilier, contrôle interne, etc.), un renforcement de l'action des tutelles et une extension du champ de la certification aux opérateurs ».

4.- les actifs de la défense . Hors immobilier, fin 2008, ces actifs s'élèvent dans le bilan de l'Etat à 177 milliards d'euros en valeur brute et à 110 milliards d'euros en valeur nette. Malgré les progrès constatés en ce domaine, la Cour des comptes estime qu'une grande majorité des immobilisations et des stocks demeurent valorisés selon une méthode qui n'est pas conforme aux normes en vigueur, et au moyen de prix non justifiés. De la sorte, entre 70 % et 80 % des valeurs brutes des immobilisations et des stocks de la défense demeurent, selon elle, non fiabilisées. Elle précise que l'ampleur des mesures nécessaires à la levée de la réserve requiert une perspective pluriannuelle, dont les priorités devront être définies en lien avec le déploiement du système d'information « Chorus ».

5.- les produits régaliens , qui représentent dans le bilan de l'Etat, pour 2008, 385 milliards d'euros en valeur brute et 275 milliards d'euros en valeur nette, 108 milliards d'euros correspondant à des dégrèvements et obligations fiscales. La Cour des comptes considère que l'environnement de contrôle et de gestion, en la matière, reste défaillant, et que la présentation de l'information financière conduit à des incertitudes importantes ;

6.- les passifs d'intervention de l'Etat au titre de sa mission de régulateur économique et social. En dépit des actions de l'administration, visant à fiabiliser les procédures de recensement et de comptabilisation des passifs d'intervention, la Cour des comptes maintient sa réserve sur ce point. En effet, certains dispositifs gérés par les services déconcentrés ne sont pas suffisamment analysés ; les engagements pluriannuels au titre de certaines mesures d'aide sociale (allocation adulte handicapé, allocation logement à caractère social, allocation équivalent retraite...), bien qu'ils portent sur plusieurs milliards d'euros, ne figurent pas dans les comptes ; et le provisionnement des engagements de l'Etat n'est pas exhaustif. Il en va ainsi, en particulier, des engagements vis-à-vis de RFF, dont la Cour des comptes estime que les subventions versées par l'Etat, pour la période 2009-2011, exigent une provision à hauteur de 7 milliards d'euros. Les comptes produits pour 2008 ont arrêté un total des charges d'intervention à hauteur de 161,6 milliards d'euros, et un montant des passifs d'intervention de 51,6 milliards d'euros de provisions pour charges et de 11,7 milliards d'euros de charges à payer et autres dettes non financières ;

7.- le patrimoine immobilier de l'Etat. La Cour des comptes critique la qualité de sa valorisation, établie à hauteur de 62,4 milliards d'euros au 31 décembre 2008. Elle estime que la trajectoire de fiabilisation engagée en 2006 et 2007 n'a pas été tenue : les outils de comptabilisation du parc immobilier lui apparaissent insuffisants, les procédures d'inventaire et de valorisation défectueux. Elle appelle donc à leur amélioration et, notamment, au déploiement du module immobilier du système « Chorus » ;

8.- les autres inventaires d'actifs et de passifs du bilan de l'Etat. La Cour des comptes juge que le recensement, la valorisation et le traitement comptable de plusieurs éléments significatifs à cet égard (stocks des ministères civils, immobilisations non ventilées, logiciels produits en interne, fonds de concours relatifs à la construction, à l'équipement et à l'exploitation du réseau routier national) conduisent en 2008 à une incertitude « aggravée » par rapport à l'exercice précédent.

c) Une nouvelle réserve substantielle portant sur la CADES

La Cour des comptes formule enfin une nouvelle réserve substantielle concernant la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) . Elle relève en effet que celle-ci ne figure ni dans le périmètre de combinaison des comptes du régime général de sécurité sociale, ni dans le périmètre de certification des comptes de l'Etat, alors que tout porte à considérer la caisse comme une entité contrôlée par ce dernier .

La Cour des comptes rappelle en effet qu'elle a le statut d'établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de la sécurité sociale, et que son conseil d'administration est composé de six membres nommés par décret, dont cinq représentent ces deux ministres. En outre, ses délibérations portant sur le budget et le compte financier sont subordonnées à leur approbation expresse. Les emprunts effectués par la caisse, dont le programme est décidé par le conseil d'administration, sont également soumis à l'approbation du ministre chargé de l'économie et des finances.

La Cour des comptes note, par ailleurs, que l'Etat est « placé en situation de devoir couvrir un éventuel défaut de liquidité de la CADES » et qu'il lui donne une garantie implicite, à travers le statut d'établissement public. Elle estime ainsi que « pour les marchés comme pour les agences de notation, la CADES est classée AAA au moins autant parce que l'Etat la soutient et garantit sa solvabilité que parce qu'elle bénéficie d'une garantie de ressources fiscales affectées ».

Dans ces conditions, la Cour des comptes juge que la stricte application du référentiel comptable conduirait à reclasser la CADES comme participation contrôlée , ce qui aboutirait à grever la situation nette de l'Etat de près de 80 milliards d'euros.

L'administration n'ayant pas effectué ce retraitement comptable, la Cour a donc été amenée à formuler une réserve substantielle mais appelle également à une « clarification des intentions du législateur », « pour qu'il soit mis fin rapidement à l'ambiguïté actuelle qui revient à placer la CADES en dehors des périmètres de combinaison du régime général et de contrôle de l'Etat ».

Le rapport de certification précise que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat s'est engagé à « trouver une solution en accord avec le certificateur au cours de l'exercice 2009 ».

2. Une approche en termes de comptabilité patrimoniale plus utile que jamais

a) Une approche complémentaire de la comptabilité budgétaire

La comptabilité générale , conformément à l'article 30 de la LOLF, dispose d'un champ plus large que celui de la comptabilité budgétaire organisée par la loi organique en ses articles 8 (pour les engagements) et 28 (pour l'exécution en dépenses et en recettes). En effet, elle est fondée sur la constatation des droits et obligations de l'Etat et élaborée à partir de principes et règles comptables applicables aux entreprises, sous la réserve des spécificités liées à l'action de l'Etat . Elle doit recouvrir la comptabilité budgétaire 28 ( * ) , mais permet en outre de saisir l'ensemble des événements qui affectent la gestion de l'Etat, reflétant la position de celui-ci vis-à-vis de tiers (ses dettes, notamment), l'état de son patrimoine (ses immobilisations, leur amortissement et leur dépréciation), l'évolution de ses stocks, la couverture de risques financiers identifiés par des provisions, etc.

Au 31 décembre 2008, le bilan économique de l'Etat présentait une situation nette de  686 milliards d'euros , contre  656,3 milliards d'euros à la fin de l'année 2007, soit une dégradation de 29,7 milliards d'euros d'un exercice à l'autre. Cette dégradation résulte de trois mouvements :

- d'une part, une augmentation des plus-values latentes (42,2 milliards d'euros) ;

- d'autre part, l'affectation du résultat déficitaire de 2007 (42,5 milliards d'euros après correction des variations en balance d'ouverture) ;

- enfin, la dégradation du solde des opérations de l'exercice (31,7 milliards d'euros).

Le bilan de l'Etat pour 2008

(en milliards d'euros)

Comme l'indique le tableau ci-dessus, l'actif total de l'Etat, fin 2008, s'élevait à 639,4 milliards d'euros, soit par rapport à la fin 2007 un enrichissement de 84,0 milliards d'euros , dont 58,5 milliards d'euros au titre de l'actif immobilisé et 24,1 milliards d'euros au titre de la trésorerie.

La progression de l'actif immobilisé est liée, notamment, à l'intégration du spectre hertzien (à hauteur de 4,1 milliards d'euros en valeur nette) et des quotas d'émission de CO 2 (à hauteur de 8,2 milliards d'euros en valeur nette), ainsi qu'à l'indexation sur la valorisation du réseau routier en service (+ 10,2 milliards d'euros) et l'enrichissement du périmètre des matériels militaires (+ 9,7 milliards d'euros). Pour la trésorerie, la variation résulte, à hauteur de 10 milliards d'euros, de la hausse des fonds bancaires et fonds en caisse et, à hauteur de 11,1 milliards d'euros, d'un dépôt de liquidités rémunéré aux taux EONIA effectué, courant décembre 2008, auprès de la caisse de la dette publique (CDP), afin de lui permettre de souscrire une première émission de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) dans le cadre du plan de soutien aux banques.

Parallèlement, le passif total de l'Etat, fin 2008, représentait 1.325,4 milliards d'euros, soit par rapport à la fin 2007 une dégradation de 113,8 milliards d'euros, dont 98,5 milliards d'euros au titre des seules dettes financières . L'évolution de celles-ci tient à la forte hausse des titres négociables à long terme (+ 39,9 milliards d'euros) et des titres négociables à court et moyen termes (+ 55,7 milliards d'euros).

Les trois méthodes de présentation comptable du résultat de l'Etat

Selon l'approche comptable retenue, le résultat de l'Etat pour un exercice peut être présenté différemment.

Le solde d'exécution budgétaire de l'exercice comptabilise les décaissements et encaissements relatifs à un exercice budgétaire n , que ces opérations soient intervenues, par anticipation, à la fin de l'année précédente ( n  1 ), entre le 1 er janvier et le 31 décembre de l'année n ou, lors de la période dite « complémentaire », au tout début de l'année suivante ( n + 1 ).

Le solde d'exécution budgétaire en gestion comptabilise les décaissements et encaissements effectués entre le 1 er janvier et le 31 décembre d'une année n , que ces opérations soient intervenues au titre de cette année même, au titre de l'exercice précédent ( n 1 ) en tant qu'opérations tardives réalisées en période « complémentaire » ou, par anticipation, au titre de l'exercice suivant ( n + 1 ).

Le solde des opérations de l'exercice ou « résultat patrimonial » enregistre, conformément au recueil des normes comptables de l'Etat, les produits et les charges nés au cours de cet exercice. Il convient d'observer que ce résultat présente des spécificités, par rapport à la comptabilité des entreprises, eu égard aux caractéristiques de l'action publique . En particulier, il n'est pas possible de corréler les produits de l'Etat à ses charges, leurs faits générateurs étant largement indépendants, et les charges de transfert et d'intervention de l'Etat sont liées au rôle de régulateur économique et social qui lui est propre.

Source : d'après Cour des comptes

Le résultat patrimonial de l'Etat pour l'exercice 2008 s'établit à un déficit de 73,1 milliards d'euros , contre un déficit de 41,4 milliards d'euros au terme de l'exercice 2007, soit une dégradation de 31,7 milliards d'euros (76,6 %). Les principales composantes de ce résultat sont indiquées dans le tableau ci-après, qui fait apparaître que la dégradation, d'un exercice à l'autre, a principalement résulté de la faible hausse des produits régaliens nets (+ 6,8 milliards d'euros entre 2007 et 2008) et de la forte augmentation des charges nettes (+ 38,5 milliards d'euros entre 2007 et 2008, alors qu'elle avait été limitée à 7,1 milliards d'euros entre 2006 et 2007).

Il convient d'observer que, par rapport à 2007, les charges de fonctionnement nettes ont augmenté de 6,1 % (+ 9,6 milliards d'euros), compte tenu de la diminution des reprises de provisions ( 3,1 milliards d'euros) et des autres produits de fonctionnement ( 6,2 milliards d'euros). Les charges d'intervention nettes apparaissent en hausse de 20 % en raison de l'augmentation des dotations aux provisions (+ 5,3 milliards d'euros) conjuguée à la baisse des reprises de provisions ( 6,8 milliards d'euros) et des contributions reçues des tiers ( 5,2 milliards d'euros). Enfin, les charges financières nettes ont cru de 16,2 % du fait de la forte hausse des émissions de titres négociables et de la stagnation des produits financiers.

Le résultat patrimonial de l'Etat pour 2008

(en milliards d'euros)

Fin 2006

Fin 2007

Fin 2008

Variation 2008/2007

Charges de fonctionnement nettes

148,2

157,8

167,4

9,6

6,1 %

Charges d'intervention nettes

128,8

113,3

136,0

22,7

20 %

Charges financières nettes

25,3

38,3

44,5

6,2

16,2 %

Charges nettes

302,3

309,4

347,9

38,5

12,4 %

Produits fiscaux nets

282,8

277,1

285,7

8,6

3,1 %

Autres produits régaliens nets

3,8

6,3

5,7

0,6

9,5 %

Ressources propres (tva et pnb) de l'union européenne

15,9

15,4

16,6

1,2

7,8 %

Produits régaliens nets

270,7

268,0

274,8

6,8

2,5 %

Solde des opérations

31,6

41,4

73,1

31,7

76,6 %

Source : compte général de l'Etat pour 2008

Il convient de souligner que le résultat patrimonial ( 73,1 milliards d'euros en 2008, contre  41,4 milliards d'euros en 2007) et le solde d'exécution des lois de finances ( 56,3 milliards d'euros en 2008, contre  34,7 milliards d'euros en 2007) correspondent à des concepts comptables différents. Le fait générateur des charges et des produits, en comptabilité générale, intervient lors de la constatation des droits, alors que celui des dépenses et des recettes se rapporte aux mouvements de caisse, sauf exception (loyers budgétaires, charges d'indexation des titres négociables à moyen et long terme). L' accroissement de 10,2 milliards d'euros de l'écart entre le résultat budgétaire et le résultat patrimonial, entre 2007 et 2008 , résulte de plusieurs opérations :

- d'une part, les opérations d'inventaire , qui témoignent d'un effort de fiabilisation des écritures comptables (+ 7 milliards d'euros) ;

- d'autre part, l'augmentation des reprises de dette (+ 4,2 milliards d'euros), qui se traduisent par la comptabilisation immédiate d'une charge financière en contrepartie d'une augmentation de la dette financière au passif du bilan (à hauteur de 2,3 milliards d'euros pour l'ERAP, 2,4 milliards d'euros pour Charbonnages de France et 7,9 milliards d'euros pour le fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles (FFIPSA), alors qu'elles n'engendrent de dépenses budgétaires qu'au fur et à mesure des échéances d'intérêt ;

- enfin, l' intégration du compte des procédures publiques gérées par la Coface dans les participations financières de l'Etat (pour la première fois en 2008 : cf. supra ) a rendu nécessaire une correction comptable du montant du prélèvement opéré par l'Etat sur ce compte (2,5 milliards d'euros).

b) Une approche qui reste largement à développer

La comptabilité générale retrace toute la diversité des engagements de l'Etat à prendre en compte pour apprécier le caractère soutenable de ses finances , y compris les engagements hors bilan, en particulier les dettes non financières (par exemple les engagements de retraites) et les provisions pour risques et charges, qui constituent des dépenses budgétaires pour les années futures. Elle autorise ainsi une analyse plus précise que la comptabilité budgétaire de la situation financière de l'Etat, mais aussi de son évolution sur plusieurs années .

Ainsi, le recensement des actifs de l'Etat dans une vision patrimoniale permet d'évaluer, non seulement les biens possédés ou contrôlés par l'Etat, mais également les dépenses à venir liées à leur conservation et à leur renouvellement. Les amortissements et dépréciations comptabilisés au titre de ces actifs permettent de rattacher les charges afférentes aux exercices concernés ; le rattachement des charges et des produits à l'exercice, indépendamment des encaissements et décaissements budgétaires, autorise une mesure plus fine des droits et obligations nés durant cet exercice. Cette approche assure donc une meilleure évaluation du coût des politiques publiques et, par conséquent, elle est susceptible d'éclairer avec profit la décision budgétaire.

En outre, à l'heure où les différents pays européens ont mis en place des plans de relance pour faire face à la crise économique et financière, la comptabilité générale devrait permettre des comparaisons avec les autres Etats dont les comptes sont soumis à certification annuelle.

Or, non seulement l'articulation entre l'approche budgétaire et l'approche patrimoniale reste à consolider, mais surtout, comme la Cour des comptes le relève dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2008, l'exploitation de la comptabilité générale pour l'élaboration des lois de finances et des lois de programmation s'avère « encore embryonnaire » .

La Cour des comptes, dans le rapport précité, fait valoir que la qualité des comptes conditionne la pertinence des ratios financiers et l'appréciation qu'on peut en tirer sur l'évolution de la situation financière de l'Etat. Elle précise d'ailleurs que les projections d'après les ratios pour 2008, lesquels sont fondés sur les résultats de l'année précédente, c'est-à-dire, pour une large part, avant la crise, sont délicates à mener. D'une manière générale, elle estime que le choix des ratios d'analyse financière doit répondre à trois critères principaux : « l'utilisation d'agrégats simples à mesurer et aisément compréhensibles », « le caractère permanent des données utilisées, pour permettre une analyse dans la durée », et « le souci d'apporter une information financière nouvelle par rapport à celle issue de la comptabilité nationale et de la comptabilité budgétaire ».

Dans cette perspective, la Cour des comptes propose des ratios destinés à compléter ceux qui figurent actuellement dans le compte général de l'Etat , tels que :

- les charges d'intérêt rapportées aux recettes fiscales (14,16 % en 2008, contre 13,84 % en 2007) et, notamment, au produit de l'impôt sur le revenu (79 % en 2008, contre 78 % en 2007) ;

- les charges d'intérêts de la dette financière négociable sur la dette négociable (3,79 % en 2008, contre 4,01 % en 2007) ;

- le délai d'encaissement des créances de l'Etat (63 jours en 2008, contre 59 jours en 2007) et le délai de règlement des fournisseurs (124 jours en 2008, contre 122 jours en 2007).

Votre rapporteur général souscrit à ces propositions, dont la mise en oeuvre contribuerait à enrichir utilement l'information donnée au Parlement .

* 28 Actuellement, la comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires, ainsi que celle des ressources et charges de trésorerie, est étroitement articulée avec la comptabilité générale qui en est le vecteur. En revanche, la comptabilité des engagements ne l'est pas. La Cour des comptes, dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2008, préconise donc de profiter de la « bascule » des programmes budgétaires dans le système d'information « Chorus » en cours de constitution, afin d'assurer une correspondance précise entre les consommations d'autorisations d'engagement et les écritures de comptabilité générale (dettes non financières, provisions, engagements hors bilan).

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