II. UN ACCÈS À LA COOPÉRATION NUCLÉAIRE CIVILE LIÉ À UNE ÉVOLUTION DE LA POSITION DE L'INDE AU REGARD DU RÉGIME INTERNATIONAL DE NON-PROLIFÉRATION

La réalisation par l'Inde, Etat non partie au traité de non-prolifération (TNP), d'un programme nucléaire militaire, attesté par un premier essai nucléaire en mai 1974, a entraîné un arrêt pratiquement complet de la coopération internationale en matière civile.

La reprise de cette coopération supposait qu'elle puisse s'effectuer en conformité avec les engagements internationaux des pays fournisseurs en matière de non-prolifération, c'est-à-dire sous les garanties de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA).

L'Inde a accepté de placer sous le contrôle de l'AIEA une partie de son programme nucléaire civil, ainsi que toutes les activités futures susceptibles de bénéficier d'une coopération nucléaire civile. Cette décision, ainsi que les engagements pris par l'Inde en matière de non-prolifération, ont conduit le Groupe des fournisseurs nucléaires à autoriser une reprise des transferts de biens et technologies nucléaires avec l'Inde.

A. LE CADRE ACTUEL DE LA COOPÉRATION NUCLÉAIRE AVEC L'INDE

Les premiers développements de l'énergie nucléaire en Inde remontent aux années 1950 et 1960, et ont bénéficié du concours du Canada, pour un réacteur de recherche, et des Etats-Unis pour deux réacteurs destinés à la production d'électricité.

C'est à partir du réacteur canadien, en mettant au point une technologie nationale du retraitement, que les experts indiens ont obtenu le plutonium utilisé dans un engin rudimentaire qui a été testé en mai 1974.

A cette époque, l'Inde ne déclarait pas ouvertement vouloir mettre au point une arme nucléaire et présentait son essai comme une explosion nucléaire « pacifique » destinée à conforter la maîtrise de technologies destinées à un usage civil. L'Inde se refusait néanmoins à adhérer au TNP et à placer l'ensemble de ses activités nucléaires sous le contrôle de l'AIEA, dans le cadre d'un accord de garanties généralisées.

L'essai nucléaire de 1974 a entraîné l'interruption de la coopération nucléaire avec le Canada tout d'abord puis, dans les années qui ont suivi, avec les Etats-Unis et les autres pays industrialisés. C'est également à la suite de cet essai qu'a été créé en 1974 le Club de Londres, transformé par la suite en Groupe des fournisseurs nucléaires ( Nuclear Suppliers Group - NSG ) 3 ( * ) , régime établi par les exportateurs en vue de définir une ligne commune sur les transferts de biens et technologies nucléaires ou à double usage.

En mai 1998, l'Inde est définitivement sortie de l'ambigüité qu'elle entretenait quant au nucléaire militaire, en réalisant une série de 5 essais d'engins de puissances et de conceptions différentes. Il s'agissait clairement d'attester la crédibilité de son outil de dissuasion 4 ( * ) .

Durant cette période, l'Inde a poursuivi son programme nucléaire civil à un rythme ralenti, puisqu'elle ne pouvait compter sur la coopération occidentale.

En 1992, le NSG a adopté par consensus une règle générale selon laquelle aucune exportation de technologie nucléaire n'interviendrait en faveur d'Etats n'ayant pas accepté les « garanties généralisées » de l'AIEA , c'est-à-dire le placement de la totalité de leur programme nucléaire sous le contrôle de l'agence de Vienne.

Cette décision a renforcé l'embargo nucléaire à l'encontre de l'Inde qui, du fait de son programme militaire, ne pouvait souscrire un accord de garanties « généralisées ».

Seules quatre installations indiennes ont été soumises aux garanties de l'AIEA en vertu d'accord conclus avec certains Etats fournisseurs de technologies ou de matières nucléaires (Canada, Etats-Unis, Russie). En outre, pour rendre la coopération internationale à usage pacifique possible, certaines installations de traitement des matières sont soumises aux garanties « par campagnes », c'est à dire que si elles transforment des matières destinées à un usage civil, identifiées comme telles, ces matières restent soumises aux garanties lors de leur passage dans l'installation non soumise.

La fourniture de combustible nucléaire à l'Inde, pour les seuls réacteurs placés sous garanties de l'AIEA, a pu se poursuivre, de manière limitée, dans le cadre d'arrangements bilatéraux particuliers souscrits sous l'égide de l'Agence. L'Inde a utilisé ses propres stocks d'uranium pour alimenter ses réacteurs à eau lourde pressurisée, qui ne nécessitent pas d'uranium enrichi. La disponibilité en combustible a toutefois constitué pour l'Inde une contrainte majeure au cours de ces dernières années, amenant les autorités indiennes à ne faire fonctionner les réacteurs que très en deçà de leur puissance.

Il faut noter que les règles du NSG et, de manière plus générale, les obligations découlant du TNP, ne font pas obstacle à des coopérations dans le domaine de la sûreté nucléaire.

* 3 Voir en annexe la liste des 46 pays membres du NSG.

* 4 Selon les experts internationaux, l'Inde disposerait de 50 à 60 têtes nucléaires opérationnelles. Officiellement, l'Inde revendique une capacité de « dissuasion minimale crédible » reposant sur trois composantes : aérienne (bombes nucléaires à gravitation), terrestre (missiles balistiques) et navale (missiles tirés depuis des navires de surface et, à terme, de sous-marins).

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