B. LES ENGAGEMENTS DE L'INDE ET LES DÉCISIONS PRISES PAR LES INSTANCES INTERNATIONALES
La question d'une évolution de la doctrine du NSG s'est posée dès le début de la décennie, après le rapprochement diplomatique opéré entre l'Inde et les Etats-Unis, ainsi que plusieurs pays occidentaux dont la France. En effet, les problèmes énergétiques et la coopération nucléaire civile ont constitué un chapitre majeur des discussions entre l'Inde et ses partenaires.
En juillet 2005, Washington et New-Delhi ont posé le principe d'une telle coopération dans une déclaration conjointe. Quelques semaines plus tard, le 12 septembre 2005, dans une déclaration commune du Président Chirac et du Premier ministre Manmohan Singh, la France « reconnaît la nécessité d'une coopération internationale pleine avec l'Inde dans le domaine du nucléaire civil ».
A la fin de l'année 2006, le Congrès des Etats-Unis adoptait une loi 5 ( * ) dérogeant à l' Atomic Energy Act de 1954 en vue de permettre la conclusion d'un accord de coopération nucléaire avec l'Inde et d'en fixer les conditions.
La mise en oeuvre de ces engagements a toutefois été subordonnée à deux séries de négociations parallèles qui se sont déroulées sur trois années :
- la première avec l'Inde, afin qu'elle mette en oeuvre un certain nombre de règles découlant du régime international de non-prolifération nucléaire ;
- la seconde au sein du NSG, afin de définir les conditions dans lesquelles l'Inde pourrait être exemptée de la règle des garanties généralisées.
Le principe essentiel qui a inspiré ces négociations a été la réalisation par l'Inde d'un plan de séparation entre ses installations et activités nucléaires militaires d'une part et civiles d'autre part. Au terme de ce plan, les installations et activités civiles placées sous les garanties de l'AIEA pourraient bénéficier d'une coopération internationale.
Le plan de séparation indien , présenté au Parlement en mai 2006, a été officiellement transmis à l'AIEA au mois de juillet 2008 6 ( * ) .
Dans ce document, les autorités indiennes soulignent qu'historiquement, l'Inde n'a pas développé de programme militaire séparé et qu'il leur est par conséquent difficile d'identifier les installations à finalité strictement civile. Elles énumèrent néanmoins un certain nombre d'installations ou activités qui seront déclarées comme civiles et soumises aux garanties de l'AIEA.
Seront ainsi placés sous garanties :
- 10 réacteurs en service, incluant les 4 réacteurs déjà contrôlés par l'AIEA, et 4 réacteurs en construction ; l'application des garanties s'échelonnera jusqu'en 2014, date à laquelle 65 % de la puissance installée correspondra à des réacteurs soumis aux garanties ;
- tous les futurs réacteurs civils à construire ;
- certaines installations de transformation des matières nucléaires en combustible.
A cet effet, un nouvel accord de garanties a été conclu entre l'Inde et l'AIEA. Il a été approuvé par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA le 1 er août 2008 et il est entré en vigueur le 11 mai 2009 . L'Inde a également signé le 15 mai dernier un protocole additionnel qui donne à l'AIEA les pouvoirs d'inspection et de contrôle les plus étendus sur les installations et activités civiles soumises aux garanties.
A la suite de l'approbation de l'accord de garanties au cours de l'été 2008, et après que le ministre indien des affaires étrangères ait rappelé le 5 septembre 2008 les engagements pris dans le cadre bilatéral indo-américain, une proposition d'exemption à la clause des garanties généralisées a été présentée par les Etats-Unis au NSG. Le 6 septembre 2008 , le NSG, réuni en session plénière extraordinaire, a adopté la décision d'exemption sur le fondement des engagements indiens .
Cette décision, reproduite en annexe, rappelle la nécessité de contribuer à l'efficacité et à l'intégrité du régime international de non-prolifération nucléaire, reconnaît les besoins énergétiques de l'Inde et prend acte « des avancées que l'Inde a volontairement accomplies » à travers plusieurs engagements et mesures en matière de non-prolifération nucléaire.
En effet, outre le plan de séparation des activités et la conclusion d'un accord de garanties et d'un protocole additionnel avec l'AIEA, l'Inde s'est engagée à ne pas transférer de technologies d'enrichissement et de retraitement aux Etats qui n'en ont pas , et à établir un système national de contrôle des exportations à même de contrôler efficacement les transferts de matières, équipements et technologies nucléaires, sur la base des listes de contrôle des exportations et directives avec celles du NSG.
Enfin, l'Inde s'est engagée à maintenir son moratoire unilatéral sur les essais nucléaires et à collaborer à la conclusion d'un traité multilatéral d'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires .
Au vu de ces engagements et mesures, le NSG a autorisé ses membres à transférer des articles ou technologies destinées à des applications pacifiques dans les installations nucléaires civiles indiennes soumises aux garanties de l'AIEA . Ils ont convenu de s'informer mutuellement des transferts qu'ils opèreront à destination de l'Inde et de mener des consultations sur tous les aspects de la mise en oeuvre de cette décision.
La décision du NSG du 6 septembre 2008 a ouvert la voie à la conclusion d'accords de coopération bilatéraux :
- avec la France le 30 septembre 2008 ;
- avec les Etats-Unis le 10 octobre 2008 ;
- avec la Russie le 9 décembre 2008.
L'Inde s'est également engagée dans un partenariat d'envergure avec le Kazakhstan qui détient d'importantes réserves d'uranium.
* 5 « Henry J. Hyde United States-India Peaceful Atomic Energy Cooperation Act of 2006 ».
* 6 Voir le document INFIRC/731 du 25 juillet 2008 - « Implementation of the India-United States Joint Statement of July 18, 2005 : India's Separation Plan » - www.iaea.org