Rapport n° 18 (2009-2010) de M. Marcel-Pierre CLÉACH , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 7 octobre 2009

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N° 18

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCCÉLÉRÉE , relatif à la reconnaissance et à l' indemnisation des victimes des essais nucléaires français ,

Par M. Marcel-Pierre CLÉACH,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1696 , 1768 et T.A. 308

Sénat :

505 (2008-2009) et 19 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Nous entamons ici l'examen d'un projet de loi depuis longtemps attendu par ceux qui ayant participé directement ou indirectement à l'élaboration de la force de dissuasion nucléaire française ont contracté une maladie radio-induite liée à ces expérimentations.

Ce projet de loi relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français est une réponse concrète aux difficultés que rencontrent ces victimes à obtenir une indemnisation dans l'état actuel de la législation .

Le fait même que le Parlement ait à discuter de ce texte est un acte de reconnaissance des conséquences sanitaires des essais nucléaires qui, grâce à un effort accru de transparence et aux progrès de la science, sont aujourd'hui mieux connues. C'est également un acte de reconnaissance de l'Etat français à l'égard de ceux qui ont contribué à garantir ainsi la protection de ses intérêts vitaux et lui ont permis de jouer un rôle de premier plan avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies.

C'est l'honneur de la République de reconnaître la responsabilité de l'Etat dans les souffrances que supportent aujourd'hui ceux qui l'ont servi hier.

Un système d'indemnisation efficace et juste est un dispositif fondé sur des critères clairs et objectifs, qui permet -à l'issue d'une procédure rigoureuse et transparente- de définir, le cas échéant, une indemnisation proportionnée aux préjudices subis.

C'est à l'aune de ces critères que votre commission a souhaité procéder à un examen approfondi des modalités et des conséquences du dispositif qu'il nous est proposé d'adopter.

I. LES ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS NÉCESSAIRES À NOTRE POLITIQUE DE DISSUASION ONT EU DES CONSÉQUENCES SANITAIRES AUJOURD'HUI MIEUX CONNUES

Votre rapporteur n'entend pas ici retracer dans le détail le travail d'expérimentation qui a permis à la France de se doter d'une force de dissuasion nucléaire. Ces essais ont fait l'objet de nombreuses publications, notamment du Comité de liaison du Suivi Sanitaire des Essais Nucléaires français (CSSEN). Il souhaite simplement ici rappeler quelques faits qui permettent de mieux apprécier la portée du dispositif d'indemnisation proposé.

A. DE 1959 À 1996, LA FRANCE A PROCÉDÉ À 210 ESSAIS NUCLÉAIRES SOUTERRAINS ET ATMOSPHÉRIQUES

1. Les expérimentations nucléaires françaises au Sahara et en Polynésie

Les essais nucléaires se sont d'abord déroulés sur des sites sahariens, puis, à l'indépendance de l'Algérie, en Polynésie française.

a) Au Sahara

Le 13 février 1960 , l'explosion Gerboise bleue permet à la France d'intégrer le groupe des puissances nucléaires.

Il s'agit du premier d'une série de quatre essais atmosphériques réalisés au sud de l'Algérie, au Centre Saharien d'Expérimentations Militaires (CSEM), près de Reggane, du 13 février 1960 au 25 avril 1961. Plus tard, treize essais ont été réalisés en galerie au Centre d'Expérimentation Militaire des Oasis (CEMO), dans le Hoggar, près d'In Ecker, du 7 novembre 1961 au 16 février 1966.

La technique d'essais en galerie avait pour but d'assurer le confinement de l'essai et éviter toute dispersion de matière radioactive. Cependant, quatre de ces essais n'ont pas été totalement confinés. L'un d'entre eux, l'essai BERYL, du 1 er mai 1962, a provoqué une retombée radioactive sur une bande de 150 km sous le vent.

Au Sahara, tant pour les essais aériens que lors de l'accident de l'essai Béryl du 1 er mai 1962, du fait des mesures d'évacuation prises, on estime qu'aucune population ne résidait en principe dans ces zones.

Le démantèlement des sites d'expérimentation au Sahara (centre saharien des expérimentations militaires et centre d'expérimentations militaires des oasis) a pris fin le 31 décembre 1967.

b) En Polynésie

En 1962, l'indépendance de l'Algérie a contraint les autorités françaises à quitter les sites sahariens. Elles ont finalement retenu les sites de Mururoa et Fangataufa en Polynésie française pour y poursuivre les expérimentations.

Les sites de Mururoa et Fangataufa avaient été choisis en raison de plusieurs critères, leur isolement, le très faible peuplement à proximité et le régime de vents dominants qui minimisait les risques de retombées sur des zones habitées.

Distants d'une quarantaine de kilomètres l'un de l'autre, ils se trouvent à l'extrémité sud-est de l'archipel des Tuamotu, à environ 5 000 km de la Nouvelle-Zélande et plus de 6 900 km de l'Australie et du continent américain. Entre le 2 juillet 1966 et le 14 septembre 1974, la France procède , à partir du Centre d'expérimentation de la Polynésie (CEP), à 41 essais nucléaires aériens et 5 essais de sécurité.

Lors de ces essais, les navires, avec leur personnel, étaient mis à l'abri du vent, à une distance de sécurité en fonction de la puissance de l'engin. Leur retour n'était autorisé qu'après contrôle de l'état radiologique du site.

Les essais sur barge se sont accompagnés d'une forte radioactivité au niveau du sol. Ces tirs ont été remplacés par des tirs sous ballon effectués entre 220 et 700 mètres d'altitude, dont l'incidence radiologique était censée être moindre. Trois bombes ont également été larguées par avions de combat à des altitudes comprises entre 250 et 1 000 mètres.

Les 41 essais aériens ont tous entraîné, à des degrés divers, des retombées radioactives. Dix d'entre eux ont eu des retombées particulièrement significatives en raison notamment des conditions météorologiques. Selon les travaux de l'Agence internationale à l'énergie atomique et du ministère de la défense, ces retombées s'étendent sur un secteur angulaire de 100 degrés centré sur Mururoa sur une distance de 560 kilomètres, comprenant les îles et atolls de Reao, Pukarua, Tureia et l'archipel des Gambiers.

En outre, 137 essais nucléaires et 10 essais de sécurité souterrains ont été réalisés entre le 5 juin 1975 et le 27 janvier 1996. Ces essais n'ont pas entraîné de dispersion de matière radioactive dans l'environnement au-delà des sites évoqués.

c) Des mesures de protection insuffisantes

Les risques encourus lors des essais nucléaires ont été dès le début pris en compte.

Le ministère de la défense a, dès janvier 1958, créé une commission consultative de sécurité chargée d'étudier les problèmes de sécurité relatifs aux essais nucléaires . Plus tard, le Groupement opérationnel des expérimentations nucléaires (GOEN) a, dès 1959, défini des zones de sécurité. La Commission internationale de protection radiologique (CIPR) a publié des premières recommandations en 1954 qui inspirent en 1957 la mise en place de normes d'expositions externes et internes à respecter pour les personnes employées sur les sites d'expérimentations et pour les populations.

Dans le Sahara , des zones d'évacuation étaient définies et des mesures étaient prises avant chaque essai, en fonction des caractéristiques et des conditions de l'essai. Les populations, y compris nomades, et les personnels étaient évacués de cette zone.

L'efficacité des mesures d'évacuation était vérifiée par des moyens terrestres et aériens avant que l'essai soit autorisé. La levée des mesures était prononcée après vérification que l'état radiologique de la zone le permettait.

A titre d'exemple, la zone évacuée, dite « zone de contrôle rapproché terrestre » pour l'essai « Gerboise bleue » s'étendait sur une profondeur de 300 à 400 kilomètres à l'est, à l'ouest et au sud du point dit zéro.

En Polynésie , lors d'une expérimentation aérienne, trois zones étaient mises en place pour protéger les personnes non seulement des effets thermiques et mécaniques de l'explosion, mais aussi des rayonnements ionisants.

Il reste que les dispositions prises à l'époque n'ont pas suffi à empêcher l'exposition à des contaminations de personnes qui soit participaient directement aux expérimentations, soit se trouvaient dans les zones environnant les tirs.

Ces mesures de sécurité n'ont, tout d'abord, pas empêché la survenue de trop nombreux incidents techniques lors de la préparation ou du déroulement des essais.

Dans le Sahara, un premier accident est survenu le 19 avril 1962 à l'occasion d'un tir de pastille, c'est-à-dire une expérimentation mettant en jeu une capsule contenant 25 grammes de plutonium qui a explosé prématurément, dispersant dans l'environnement un dixième de ce plutonium. De même, lors de l'essai Béryl du 1 er mai 1962, l'obturation imparfaite de la galerie a également provoqué une rupture de confinement entraînant un rejet dans l'environnement de 5 à 10 % de la radioactivité générée par l'essai, soit sous forme de laves et de scories projetées sur le carreau, soit sous forme d'aérosols et de produits gazeux formant un nuage qui a culminé à environ 2 600 mètres d'altitude. D'autres fuites sont survenues lors des essais Améthyste, Rubis et Jade.

En ce qui concerne les essais aériens, les modèles de prévision météorologique disponibles à l'époque n'ont, ensuite, pas toujours permis de prévoir de façon optimale la trajectoire des retombées radioactives.

La décision d'effectuer l'essai n'était, certes, prise que si les prévisions météorologiques démontraient l'absence de retombées directes sur les îles habitées. Mais comme l'a fait observer le rapport de février 2001 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de MM. Christian Bataille, député, et Henri Revol, sénateur, les prévisions n'ont pas permis de prévoir des modifications des conditions météorologiques conduisant des nuages radioactifs sur des trajectoires qui n'avaient pas été anticipées. Ainsi, lors de l'essai dit « Centaure », le nuage principal a généré plusieurs nuages secondaires qui ont suivi des trajectoires distinctes globalement dirigées vers l'Ouest où se situent les îles du Vent, dont Tahiti.

Enfin, force est de constater que les normes de sécurité de l'époque étaient très en deçà de ce que l'on tolèrerait aujourd'hui. En effet, compte tenu de l'évolution des connaissances scientifiques sur les effets des radiations, les normes d'exposition tolérées ont évolué avec le temps pour être aujourd'hui, selon les situations, 2 à 10 fois moins élevées qu'en 1958, comme l'illustre le tableau ci-après.

Cette différence dans la perception du danger explique sans doute également que les mesures de protection n'aient pas été toujours mises en oeuvre avec la même vigilance, comme le soulignent de nombreux témoignages de vétérans des essais nucléaires.

Évolution des normes de radioprotection

Normes de radioprotection

Doses maximales admissibles exprimées en millisievert 1 ( * )

Pour 12 mois signifie 12 mois consécutifs et 1 an signifie une année calendaire

CCS de 1958

CCS de 1961

Réglementation française actuelle

Travailleurs exposés (PDA)

50 mSv/an

50 mSv/an

20 mSv/12 mois

Travailleurs non directement exposés (PDA)

50 mSv/an

15 mSv/an

6 mSv/12 mois

Expositions exceptionnelles

100 mSv

100 mSv

40mSv

Populations

15 mSv/an

5 mSv/an

1 mSv/an

Source : Dossier de présentation des essais nucléaires et leur suivi au Sahara, Délégation à l'information et à la communication de la défense, janvier 2007

2. Les progrès scientifiques permettent aujourd'hui de simuler ces essais afin de maintenir opérationnelle notre force de dissuasion

La France a abandonné le recours à des essais nucléaires, dont on mesure aujourd'hui les effets néfastes pour la santé et pour l'environnement, pour ne réaliser que des simulations informatiques. Sa force de dissuasion nucléaire n'en demeure pas moins un des éléments majeurs de sa sécurité et de son indépendance stratégique. Aussi, la fin des expérimentations « grandeur nature » s'inscrit-elle dans un contexte qu'il convient d'avoir à l'esprit pour bien mesurer la portée et la signification du projet de loi.

En 1992, 32 ans après le début des essais nucléaires français, le Président de la République, M. François Mitterrand, a proposé un moratoire sur les expérimentations nucléaires.

En 1995, le chef de l'État, M. Jacques Chirac, a décidé une dernière campagne d'essais souterrains afin de compléter les données scientifiques relatives au concept de charge nucléaire « robuste ».

A partir de 1996, il a décidé l'arrêt des essais nucléaires, au profit des simulations informatiques et l'adhésion au traité d'interdiction complète des essais nucléaires. La France a adhéré, la même année, au traité pour une zone exempte d'armes nucléaires dans le Pacifique Sud. Parallèlement, notre pays a engagé le démantèlement des installations du Centre d'expérimentation du Pacifique, achevé en 1998. La France a enfin arrêté la production de matières fissiles avec, là encore, pour corollaire, le démantèlement des usines de Pierrelatte et de Marcoule.

Ces décisions permettent ainsi à notre pays d'être tout à la fois une des grandes puissances nucléaires et un acteur important du désarmement nucléaire dans le monde.

La France a fait là un choix courageux et cohérent qui suppose le développement du programme « simulation ». Ce dernier, grâce à l'expérience acquise lors des essais en vraie grandeur, nous fournit aujourd'hui les moyens de garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires. Il permet d'évaluer les conséquences du vieillissement des charges sur les armes actuelles. Il rend possible la validation des futures têtes nucléaires dotées de charges « robustes ». Les simulations permettent, en effet, de vérifier que les caractéristiques de ces dernières sont compatibles avec les modèles définis à la suite de la dernière campagne d'essais.

Les expérimentations menées depuis 50 ans et maintenant les simulations ont donc permis à la France de faire de la dissuasion nucléaire le pilier de sa stratégie de sécurité. Si la France a renoncé, dès que cela a été techniquement possible, aux essais nucléaires, elle bénéficie encore aujourd'hui de leurs enseignements.

Dans un environnement international marqué par la permanence d'arsenaux nucléaires considérables, par la prolifération d'armes nucléaires, biologiques, chimiques, la dissuasion nous garantit qu'en toutes circonstances, la France, son territoire, son peuple et ses institutions républicaines sont à l'abri d'une agression ou de chantages les mettant directement en péril, comme ce fut le cas en 1940.

C'est grâce à ces essais que la France peut garantir la protection de ses intérêts vitaux et jouer un rôle de premier plan comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. C'est pourquoi votre rapporteur estime que notre pays doit aux vétérans des essais nucléaires, non seulement une juste réparation, mais également une légitime gratitude . La reconnaissance des conséquences sanitaires des essais est aussi un acte de reconnaissance tout court à l'égard de ceux qui ont contribué à assurer la sécurité et la grandeur de la France.

B. LES CONSÉQUENCES SANITAIRES DE CES ESSAIS SONT AUJOURD'HUI MIEUX CONNUES

Durant toute la période de la guerre froide, la culture du secret était de règle, non seulement en France, mais dans tous les pays qui ont procédé à des essais nucléaires. Ce secret couvrait toutes les activités liées aux essais : préparation et réalisation des expérimentations, observation des retombées, informations relatives aux infrastructures. La transparence et la communication étaient alors en contradiction avec cette règle du secret justifiée par le contexte stratégique de l'époque.

1. Une transparence accrue permet aujourd'hui de mieux identifier les zones et les périodes concernées

Depuis une décennie, la règle du secret s'est assouplie. Grâce à la mobilisation des associations de victimes et du Parlement, un effort important de transparence permet aujourd'hui de mieux connaître ce que furent les conséquences de ces essais nucléaires pour les hommes et les femmes qui ont séjourné dans les zones touchées.

a) Dès l'arrêt des essais, l'ouverture des sites à l'expertise scientifique s'est considérablement amplifiée.

Plusieurs études internationales ont permis de mieux mesurer l'impact des tirs sur les sites mêmes des expérimentations.

En Algérie, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a évalué, en 1999, la pollution radiologique de ces sites. L'AIEA a rendu son rapport en 2005, établissant que la faiblesse des rayonnements artificiels ne nécessitait pas d'assainissement, en dehors de quatre sites de tir précis : Gerboise bleue et blanche, Béryl et Améthyste.

En Polynésie, deux instances internationales ont été saisies en 1996 de la question des incidences des essais nucléaires :

- le Comité consultatif international de l'AIEA, chargé d'étudier la situation radiologique présente et future des atolls ;

- la Commission géomécanique internationale, chargée d'étudier leur stabilité géologique et leur hydrographie.

Au niveau national, à partir de 2000, les rapports publics à l'initiative tant du Parlement que du Gouvernement se sont multipliés.

En février 2001, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques établit un bilan très complet des connaissances sur le sujet dans un rapport consacré aux « Incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 ». En janvier 2004, le Gouvernement crée le Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français qui publie régulièrement des études sur leurs conséquences sanitaires.

En mai 2006, le Délégué à la sûreté nucléaire de défense et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND) publie les premiers éléments récapitulant les constatations dosimétriques. En août 2006, les résultats d'une étude épidémiologique financée par l'Association pour la recherche sur le cancer de M. Florent de Vathaire de l'INSERM sont publiés. En mai 2007, le Comité de liaison interministériel de suivi des essais nucléaires français diffuse une synthèse des données disponibles sur les personnes concernées et les effets à long terme des rayonnements ionisants.

Votre rapporteur ne peut recenser ici l'intégralité des études existantes, mais les quelques travaux cités témoignent de la transparence accrue des pouvoirs publics . Ils ont contribué à une meilleure connaissance des conséquences sanitaires des essais.

b) Les zones et les périodes d'exposition aux rayonnements ionisants sont mieux identifiées

Les estimations de la population touchée par les retombées radioactives des essais nucléaires dépendent étroitement de la définition des territoires contaminés et de celle des périodes pendant lesquelles ces zones ont été exposées à des retombées nucléaires.

(1) Dans le Sahara

D'après les études précitées, les zones touchées par les pollutions radiologiques sont :

- le Centre Saharien d'Expérimentations Militaires (CSEM) de Reggane et les zones de retombées des nuages radioactifs provoqués par les essais Gerboise. Les zones de retombées sont comprises dans un secteur angulaire centré sur Reggane de 10° sur un rayon de 350 km ;

- le Centre d'Expérimentation Militaire des Oasis (CEMO) d'In Ekker et les zones de retombées des fuites survenues lors des essais Améthyste, Rubis, Jade et surtout Béryl. La zone de retombées est constituée d'un secteur angulaire de 40° pour un rayon de 40 km, prolongé par un rectangle de 150 km de longueur.

En 1999, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a reconnu que la faiblesse des rayonnements artificiels ne nécessitait pas d'assainissement, en dehors de quatre sites de tir précis : Gerboise bleue et blanche, Béryl et Améthyste. L'AIEA n'a donc recommandé aux autorités algériennes de n'interdire l'accès qu'à ces quatre sites.

En ce qui concerne les périodes à prendre en compte pour les centres de tirs du Sahara, elles doivent nécessairement s'étendre du premier essai jusqu'à la date de démantèlement des sites, les militaires et civils présents sur les sites ayant pu manipuler des matières radioactives, y compris lors des opérations de démantèlement des sites. À compter du 1 er janvier 1968, il peut être considéré qu'il appartenait aux autorités algériennes de maintenir un haut degré de sécurité autour de ces sites afin que personne n'y pénètre.

S'agissant des zones périphériques touchées par les seules retombées des essais aériens, la détermination de la durée pendant laquelle elles ont été effectivement dangereuses est moins aisée. Si l'on considère que les radio-isotopes en cause ont une durée de dangerosité qui va de quelques heures à cinq semaines, la période pendant laquelle les sites touchés par des retombées sont dangereux ne dépasse pas deux mois. Le projet de loi va au-delà puisqu'il retient les mêmes durées pour les zones périphériques et pour les centres d'expérimentation.

(2) Dans le pacifique :

En Polynésie, la France a procédé à 41 expérimentations aériennes à partir des sites de Mururoa et Fangataufa. Le niveau des retombées, quelle que soit la méthode utilisée (barge, largage par avions de combat, expérimentation sous ballons), a été très variable selon les conditions météorologiques.

On considère que la majorité des tirs ont eu des conséquences sur :

- l'atoll d'Hao, centre logistique de préparation, de soutien et de suivi des essais ;

- les îles et atolls de Reao, Pukarua, Tureia, l'archipel des Gambiers, ainsi que la presqu'île de Tahiti.

Comme pour les centres du Sahara, la durée d'activité des centres d'expérimentation de Polynésie doit être couverte jusqu'au démantèlement.

Les zones périphériques de retombées radioactives des essais aériens doivent être couvertes du début des essais atmosphériques jusqu'à quelques mois après le dernier essai atmosphérique, intervenu le 14 septembre 1974. Le projet de loi prévoit de prendre en compte toute la période jusqu'à décembre 1974.

2. Les estimations du nombre de victimes potentielles sont difficiles à réaliser avant l'examen au cas par cas du comité d'indemnisation

a) Les prévisions du nombre de personnes susceptibles de bénéficier du présent projet de loi doivent être considérées avec précaution

Il faut tout d'abord évidemment souligner qu'on ne peut préjuger du nombre des victimes qui seront indemnisées, car c'est précisément la mission du comité d'indemnisation prévue par le projet de loi que d'examiner chaque cas individuel. Ce n'est donc que dans plusieurs années que nous en connaîtrons le nombre. En attendant, il appartient au législateur d'anticiper les conséquences des dispositifs qu'il adopte et d'avoir un ordre de grandeur du nombre de personnes susceptibles d'en bénéficier.

Pour ce qui est des personnes présentes dans les périmètres déterminés par la loi, il faut avoir présent à l'esprit qu'il n'existait pas à l'époque des essais de recensement centralisé et exhaustif.

Si on ne considère que le personnel employé dans les centres d'expérimentation, sa gestion relevait de chaque armée, les données n'étant pas centralisées. Il y avait sur chaque site des militaires de carrière ou appelés du contingent, des agents civils du ministère ainsi que les personnels des entreprises extérieures et du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Pour chaque catégorie, il existe des données élaborées de façon distincte, pas toujours exhaustives et se recoupant plus ou moins. Quant aux civils habitant dans les périphéries des centres, même si ces informations existent, elles sont parcellaires, car aucun recensement n'était effectué de façon systématique. Avec la multiplication des études, le recoupement des données permet néanmoins d'avoir des ordres de grandeur fidèles à la réalité.

La signification des chiffres évoqués doit ensuite faire l'objet d'une juste interprétation . Il y a les estimations du nombre de personnes qui ont séjourné dans les zones précitées pendant la période des essais. Les zones et les périodes visées ayant été définies comme les zones et les périodes où il y a eu des retombés radioactives, il s'agit potentiellement de l'ensemble le plus vaste des personnes susceptibles de bénéficier à l'avenir des dispositions du projet de loi.

Ces personnes n'utiliseront ce dispositif que si elles contractent une maladie radio-induite. Cela ne sera fort heureusement pas toujours le cas, ne serait-ce que parce que certaines personnes, bien qu'ayant séjourné dans les zones contaminées, n'ont pas été exposées à des rayonnements ionisants ou dans des proportions infimes.

Les autorités sanitaires sur la base des études épidémiologiques existantes estiment qu'il existe une relation entre les doses d'exposition et la probabilité de développer une maladie radio-induite. Cette relation -votre rapporteur aura l'occasion d'y revenir- est complexe. Elle dépend de la maladie, de l'âge de la victime lors de l'exposition, de la date de la survenue de la maladie. Elle est néanmoins statistiquement significative.

Aussi de nombreuses études tentent de déterminer le sous-ensemble des personnes qui ont été exposées à des doses significatives. Ce n'est pas chose aisée, mais il existe des données relatives à la dosimétrie qui, bien que partielles, peuvent permettre des estimations.

Certes, il existe un véritable débat sur les effets à long terme des faibles doses qu'il ne faut pas négliger. Ce débat fait l'objet d'une documentation abondante dont les derniers travaux du Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des rayonnements ionisants (UNSCEAR). On peut toutefois considérer dans une première approche que cet ensemble relatif aux personnes exposées à de fortes doses donne une première idée du nombre de victimes potentielles.

Mais même parmi cet ensemble, seule une partie des personnes développeront une maladie radio-induite, tant la relation entre exposition et maladie varie selon les individus. C'est donc ce sous-ensemble là qui constitue les victimes des essais nucléaires, et donc les demandeurs potentiels du dispositif d'indemnisation que propose le projet de loi.

Ce préalable méthodologique posé, considérons les chiffres avancés par les différentes études et par l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi.

b) L'estimation du nombre de personnes qui ont séjourné dans les zones touchées au moment des essais est de l'ordre de 150 000

L'étude d'impact estime qu'au total, environ 150 000 travailleurs civils et militaires ont été présents sur les sites d'expérimentation entre 1960 et 1998.

70 000 d'entre eux, susceptibles d'avoir été professionnellement exposés à des rayonnements ionisants, ont fait l'objet de mesures de surveillance radiologique individuelle à l'aide de dosimètres photographiques. Les autres personnels bénéficiaient d'un suivi radiologique d'ambiance ou collectif.

Le calcul des effectifs bénéficiant d'une surveillance dosimétrique permet d'avoir une estimation du personnel présent sur les sites d'expérimentations, mais il exclut par définition les membres du personnel qui n'en bénéficiaient pas.

(1) Au Sahara

Le nombre des personnels militaires et civils affectés aux activités nucléaires, sur les sites sahariens, pour le compte du ministère de la défense, s'élève à 20 000 selon les données de l'étude d'impact. Ce chiffre regroupe à la fois des militaires, de carrière ou appelés du contingent, des agents du ministère, ainsi que les employés des entreprises extérieures. Il convient d'y ajouter les personnels du Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

Cet ensemble recouvre une grande diversité d'affectations. Tous ces personnels n'ont pas nécessairement connu de situation d'exposition dangereuse : manipulation de matières fissiles, passage à proximité des lieux de tir, traversée des nuages radioactifs pour les cas des pilotes chargés d'en mesurer la radioactivité.

Des populations autochtones ont également pu être touchées par les retombées des rayonnements ionisants dans les zones périphériques. Cette population est difficile à évaluer. Par exemple, 40 000 personnes vivaient autour de la Palmeraie de Reggane à l'époque des tirs, dont seulement 500 dans un rayon de 10 km autour du champ d'expérimentation 2 ( * ) . Le passage de populations nomades aux périodes de contamination est possible, bien que peu probable, compte tenu des mesures de reconnaissance aérienne et d'évacuation prises lors des essais atmosphériques.

(2) En Polynésie française

Le ministère de la défense estime le nombre d'employés ayant séjourné sur le centre d'essais de Polynésie (CEP) à 120 000, dont 100 000 militaires, 8 000 civils du ministère, 12 000 personnels d'entreprises extérieures au CEP auxquels il faut ajouter 7 500 salariés du CEA qui ont travaillé au Sahara et au CEP 3 ( * ) .

En ce qui concerne les populations civiles, 2 000 personnes auraient résidé dans des zones touchées par les retombées radioactives, dont 600 enfants de moins de 15 ans, dans le secteur angulaire que le projet de loi propose de définir, auxquelles il convient d'ajouter 8 000 personnes dans la zone de Tahiti.

c) Le suivi médical et radiologique des personnes permet de se faire une idée plus précise des contaminations

Les données relatives aux personnes qui ont effectivement été exposées aux rayonnements ionisants à des doses significatives et qui, de ce fait, ont pu contracter une maladie radio-induite sont plus difficiles à établir.

Il convient de rappeler que les personnes présentes sur les sites ont pu être soumises à des rayonnements ionisants de deux façons :

- l'exposition interne provient de l'inhalation pendant la retombée ou de l'ingestion d'aliments contenant des radioéléments . Ces aliments sont, en priorité, ceux contenant de l'iode (eau de pluie, lait). En 1974, suite à l'essai « Centaure », le lait produit à Tahiti a ainsi été contaminé, l'iode radioactif s'étant déposé dans les pâturages. À Tureia, l'eau de pluie conservée dans une citerne pour les besoins de l'alimentation a également pu être contaminée et consommée ;

- l'exposition externe se produit lors du passage du nuage et provient ensuite des particules déposées sur le sol . Les dépôts se maintiennent au sol pendant une durée variable selon les isotopes et la diversité des sols qui conditionne la migration dans le sol et le lessivage.

Seul le suivi médical et radiologique des personnes à l'issue des essais permet de se faire une idée plus précise des contaminations. Or si une partie du personnel de la défense participant aux essais faisait l'objet d'un suivi médical courant et d'une dosimétrie, les autres personnes n'en faisaient pas l'objet. Cette carence est particulièrement regrettable, non seulement parce qu'un suivi plus complet aurait permis d'avoir des données fiables, mais aussi parce qu'il aurait amélioré la prévention de certaines maladies.

Les données dosimétriques concernant les personnels sont de deux ordres :

- les données fournies par les dosimètres (dosimétrie externe) ; les dosimètres étaient systématiquement distribués aux personnels de tous statuts susceptibles d'être exposés aux rayonnements ionisants ;

- les mesures sur la contamination interne par spectrométrie gamma (dosimétrie interne).

D'après les travaux du Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français de mai 2007, les données issues des dosimètres (dosimétrie externe) font apparaître que le nombre de personnels exposés à des doses significatives est faible, notamment pour la Polynésie :

- doses cumulées supérieures à 50 millisieverts : 111 personnes (Sahara : 102 ; Polynésie : 9) ;

- doses supérieures à 5 millisieverts : 926 personnes (Sahara : 581 ; Polynésie : 345) ;

- doses supérieures à 1 millisievert : 1 740 personnes pour la Polynésie.

Au total, selon ces chiffres, plus de 2 500 personnes ont été exposées à des doses supérieures à 1 millisievert.

En outre, de nouvelles estimations publiées par le Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense fournissent deux types de résultats :

- les doses « efficaces », qui évaluent l'impact du rayonnement sur le corps entier (par pondération des doses évaluées sur les différents organes) ;

- les doses « à la thyroïde », qui évaluent l'impact spécifique sur la thyroïde.

Pour chacun de ces résultats, la dose est évaluée sur les adultes et sur les enfants. Les calculs ont été effectués en retenant une exposition à la contamination la plus élevée possible et une consommation alimentaire incluant les produits les plus contaminés.

Pour les six essais aux retombées les plus significatives :

- les doses efficaces maximales estimées sont systématiquement inférieures à 10 millisieverts, seuil retenu aujourd'hui par les normes de radioprotection pour une mise à l'abri ; la quasi-totalité de la population n'a pas été exposée à une dose supérieure à 5 millisieverts ;

- les doses à la thyroïde maximale sont systématiquement inférieures à 100 millisieverts, seuil retenu aujourd'hui pour la prise d'iode ; la quasi-totalité de la population n'a pas été exposée à une dose à la thyroïde supérieure à 50 millisieverts.

Les populations concernées par ces retombées les plus significatives sont celles de :

- Tureia, 50 habitants environ à l'époque des tirs (3 des 6 tirs) ;

- les Gambiers, 500 habitants environ à l'époque des tirs (3 des 6 tirs) ;

- deux communes de Tahiti (Faaone et Hitia'a) et la presque île de Taravao, 8 000 habitants à l'époque de ce tir (1 seul des 6 tirs).

Ces données sont néanmoins parcellaires, car elles ne concernent qu'une partie des populations et qu'une partie des essais.

Au total, on peut retenir les chiffres suivants : sur les 150 000 personnes présentes sur les sites concernés, entre 1960 et 1998, 70 000 d'entre elles ont fait l'objet de mesures de surveillance dosimétrique, 12 000 ont été exposées à des doses supérieures à la limite de détection (0,2 mSv), 2 500 personnes auraient été exposées à des doses supérieures à 1 mSv.

Ces chiffres sont par ailleurs à rapprocher de l'irradiation naturelle, qui varie de 1 à 10 millisieverts par an, selon le lieu (2,4 millisieverts en moyenne, notamment à Paris), et de l'irradiation médicale (évaluée en moyenne à 1 millisievert par an, avec des situations très variées).

C. LA SCIENCE NE PEUT ÉTABLIR QU'UN LIEN DE PROBABILITÉ ENTRE DES MALADIES RADIO-INDUITES SANS SIGNATURE ET L'EXPOSITION AUX RADIATIONS

A partir des données relatives aux expositions, l'estimation du nombre de victimes dépend des relations complexes entre exposition et apparition de la maladie. Pour bien comprendre la complexité de cette relation, il faut avoir à l'esprit les caractéristiques des maladies radio-induites.

1. Les maladies radio-induites sont sans signature et multifactorielles

Les maladies radio-induites les plus fréquentes sont des cancers.

Il est établi qu'il existe des maladies non cancéreuses au-delà de seuils de doses élevés de l'ordre de 500 mSv qui apparaissent de façon rapide et sont d'une gravité proportionnelle aux doses reçues. Des études sont en cours sur l'existence de pathologies non cancéreuses pour des expositions à faibles doses.

En ce qui concerne les cancers, ils peuvent apparaître après des délais de plusieurs années. Il s'agit de leucémies, de cancers de la thyroïde, du poumon, du colon, de la peau sauf le mélanome, mais aussi cancers des glandes salivaires, de l'oesophage, de l'estomac, du foie, de l'intestin grêle, du rectum, du rein, de la vessie, du cerveau, de l'os et du tissu conjonctif, de l'utérus et de l'ovaire. La liste des cancers susceptibles d'être radio-induits établie par Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des rayonnements ionisants (UNSCEAR) figure en annexe du présent rapport.

Ces cancers comme tous les cancers sont des maladies dites « sans signature ». Cela signifie qu'aucune analyse histologique ne permet de déterminer l'agent causal qui est à l'origine de cette maladie. On ne peut jamais, face à une de ces maladies, affirmer avec certitude qu'il s'agit d'une maladie déclenchée par une irradiation ou par un facteur héréditaire ou comportemental.

La science ne peut établir qu'un lien de probabilité entre les contaminations et les maladies radio-induites et non un lien certain . Ce lien de probabilité est estimé à partir d'études épidémiologiques. Seules ces dernières permettent d'établir un lien de probabilité entre un degré d'exposition et le déclenchement d'une maladie radio-induite. Dans la pratique, ce lien probabiliste dépend de nombreux facteurs dont : l'âge de l'exposition, l'âge de survenue de la maladie, le degré d'exposition, la nature de la maladie.

Les études épidémiologiques sur lesquelles se fondent les connaissances scientifiques dans ce domaine sont rares.

Les populations irradiées sont en effet peu nombreuses au regard des échantillons de populations habituellement utilisés dans les enquêtes de santé publique. C'est notamment une des difficultés rencontrées en Polynésie pour établir des données statistiques fiables. Des études ont été réalisées à la suite des bombardements de Hiroshima et Nagasaki, à la suite des essais américains et français, un certain nombre à la suite de l'accident de Tchernobyl ou d'accidents de radiothérapie, mais le corpus existant est assez réduit. Ceci explique que les connaissances dans ce domaine ne soient pas fixées et évoluent rapidement en fonction des nouvelles études sur de nouvelles données ou revisitant des données existantes.

En l'état des connaissances, il existe des modélisations statistiques qui sur la base des études épidémiologiques permettent d'estimer à partir des caractéristiques d'une exposition à des rayonnements ionisants (doses d'exposition, âge de la personne, âge de survenue de la maladie) l'excès de probabilité de développer telle ou telle maladie à tel âge par rapport à une situation où la personne n'aurait pas été contaminée.

Sans signature certaine, ces cancers comme tous les cancers sont également multifactoriels. Ils peuvent avoir plusieurs causes. Le cancer du poumon qui figure sur la liste des maladies radio-induites peut avoir pour origine aussi bien une exposition à des rayonnements ionisants qu'une consommation régulière et intensive de tabac que d'autres facteurs ou que tous ces facteurs combinés. Il n'y a donc aucune particularité des maladies radio-induites qui permettrait de les distinguer.

2. La science ne peut établir qu'un lien probabiliste entre la maladie et l'exposition aux radiations

Selon les données publiées par l'Institut national de veille sanitaire, le pourcentage des personnes susceptibles, au sein d'une population témoin standard, de développer au cours de leur vie les maladies figurant sur la liste des pathologies dites radio-induites est de l'ordre de 20 %. L'exposition à des rayonnements ionisants vient augmenter la probabilité de déclencher un de ces cancers.

Dans les cas d'expositions liées aux essais nucléaires, l'épidémiologie permet de déterminer l'excès relatif du risque de provoquer telle ou telle maladie. Cet excès de risque dépend de nombreux facteurs liés aux personnes et aux maladies. Il dépend au premier chef des doses de rayonnements ionisants.

De l'étude publiée en 2005 par le groupe de travail sur les pathologies susceptibles d'être radio-induites du Comité interministériel de liaison, composé de cinq médecins spécialistes de différents horizons, on peut tirer les enseignements suivants.

Pour des irradiations aiguës supérieures à 100 millisieverts ou des irradiations répétées supérieures à 200 millisieverts (pour les cancers de la thyroïde) ou environ 500 millisieverts (pour les autres cancers), de nombreuses études épidémiologiques permettent de quantifier précisément l'excès de risque relatif de cancers radio-induits en fonction du volume irradié et des conditions de surexposition.

Pour des doses inférieures, et compte tenu de la fréquence spontanée des cancers, le risque de cancer radio-induit est plus difficile à évaluer. Il existe sur ce point un débat scientifique fourni que le législateur ne peut et ne doit évidemment pas trancher.

La question revient schématiquement à savoir si l'organisme humain se comporte de la même façon face à une exposition à haute dose et à faible dose. Si on estime que c'est le cas, on peut extrapoler, vers les faibles doses, des facteurs de risque observés pour les fortes doses. On dit alors qu'il y a une linéarité sans seuil de la relation entre la dose et le risque.

Si on juge que ce n'est pas le cas et que les mécanismes de défense de l'organisme contre les faibles et fortes doses sont très différents et sont proportionnellement beaucoup plus efficaces à faible dose, on appliquera des schémas statistiques de linéarité avec seuil.

Quel que soit le schéma retenu, les autorités de radioprotection estiment que pour les personnes exposées à de faibles doses ou exposées de manière chronique, l'ordre de grandeur de l'excès de décès par cancer par rapport au reste de la population est de l'ordre de 1 à 5 % par Sievert (soit 0,5 % pour 100 millisieverts).

Au regard des chiffres précités d'exposition, le nombre de personnes qui pourraient bénéficier du projet de loi dans les années à venir se situerait entre quelques centaines et plusieurs milliers (2 500 personnes auraient été exposées à des doses supérieures à 1 millisievert)

Ces estimations utiles pour comprendre la portée du projet de loi ne préjugent aucunement du nombre des victimes indemnisées puisqu'il appartiendra au Comité d'indemnisation d'apprécier chaque cas individuel.

Elles peuvent également être rapprochées du nombre de demandes d'indemnisation actuelle, qui s'élève à ce jour, pour les militaires, à 355, un chiffre qui illustre aussi le caractère dissuasif du régime actuel d'indemnisation.

3. La poursuite des études épidémiologiques est nécessaire

Les limites de ces estimations rendent plus que jamais nécessaire la poursuite des études permettant de synthétiser les informations disponibles : suivi médical des militaires affectés sur ces sites et des agents du CEA, données épidémiologiques relatives aux populations autochtones. Ce travail doit être poursuivi en direction de toutes les populations éligibles au dispositif.

En Polynésie, le suivi épidémiologique devra faire la part des perturbations que les essais ont pu provoquer au sein de la population. Le rapport en cours d'élaboration par l'organisme Sepia Santé devrait apporter dans les prochains mois un nouvel éclairage sur les données existantes.

Les actions concernant les populations civiles algériennes seront plus difficiles à mettre en oeuvre. Il importera que des médecins français soient associés au travail de leurs homologues algériens. Une telle perspective pourrait être envisagée en complément des discussions portant sur la mise en oeuvre du dispositif de réparation en Algérie.

II. LE RÉGIME ACTUEL D'INDEMNISATION DES VICTIMES EST INADAPTÉ ET SUSCITE UNE LÉGITIME MOBILISATION

Le système actuel de prise en charge des personnes souffrant d'une maladie radio-induite, sous forme d'indemnisation ou de pension, est très complexe et laisse peu de chances à celles-ci de voir leurs demandes aboutir. Il existe, à cet égard, une différence sensible de traitement entre les militaires relevant du code des pensions civiles et militaires et le personnel civil dépendant du régime général de la sécurité sociale.

A. UN SYSTÈME D'INDEMNISATION INADAPTÉ

1. Des situations inégales selon le statut des victimes

Actuellement, les droits à pension d'invalidité sont attribués sur la base de plusieurs types de législation :

- le code des pensions militaires d'invalidité pour les militaires ; il ne prévoit pas de liste limitative des maladies susceptibles d'être radio-induites et l'intéressé doit apporter la preuve du lien avec le service, c'est-à-dire que la maladie a été causée par le fait ou à l'occasion du service et qu'il existe une relation médicale entre le fait constaté et l'infirmité invoquée ; toutefois, en l'absence de preuves indiscutables, le droit à pension peut être reconnu à partir d'un faisceau de présomptions ;

- le code de la sécurité sociale pour certains agents civils de l'Etat et les salariés de droit privé ; dans sa partie relative aux maladies professionnelles, il comporte une liste des affections provoquées par les rayonnements ionisants assez limitative ;

- des dispositions comparables sont prévues pour les personnes relevant du régime de prévoyance sociale polynésien . Toutefois, une convention relative au suivi sanitaire des anciens travailleurs civils et militaires du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) et des populations vivantes ou ayant vécu à proximité de sites d'expérimentation nucléaire a été conclue entre l'Etat et la Polynésie française, le 30 août 2007.

Cette convention prévoit :

- un centre de suivi médical qui assure des consultations individuelles pour les anciens travailleurs du CEP et des personnes justifiant avoir résidé habituellement dans les communes de Tureia, Reao, Pukarua et Gambier entre 1966 et 1974 ainsi que les personnes ayant leur résidence principale dans ces communes ;

- une commission d'évaluation médicale mixte Etat-Polynésie qui donne son avis sur l'imputabilité des dossiers qui lui sont présentés. La liste des maladies prises en compte est celle du tableau n° 6 relatif aux affections provoquées par les rayonnements ionisants, annexé à l'article R.461-3 du code de la sécurité sociale ;

- le régime commun de la responsabilité administrative pour les populations civiles.

Tableau comparatif des voies d'indemnisation pour les victimes des essais nucléaires

Personnel militaire

Personnel civil

Agents relevant du régime de sécurité sociale spécifique à la Polynésie française

Population civile

Source : code des pensions militaires d'invalidité

Source : code de la sécurité sociale - dispositions relatives aux accidents du travail et les maladies professionnelles

Source : réglementation territoriale (décret du 24 février 1957)

Source : régime de la responsabilité administrative .

Pas de liste des maladies susceptibles d'être radio-induites

Liste des maladies radio-induites inscrite dans le tableau 6 de maladies professionnelles annexées au Livre IV du code de la sécurité sociale. Cette liste est cependant réduite et n'a pas été actualisée depuis 1984.

Liste des maladies radio-induites - la reconnaissance de la maladie professionnelle est effectuée par des instances paritaires comprenant employeurs et syndicats.

Pas de liste des maladies susceptibles d'être radio-induites

Charge de la preuve : l'intéressé doit normalement apporter la preuve du lien avec le service . En l'absence de preuve indiscutable, le droit à pension peut être reconnu à partir d'un faisceau de présomptions.

En outre, l'art. L3 de ce code instaure une présomption d'imputabilité quand la preuve de l'origine professionnelle de la maladie est impossible à rapporter. Les conditions posées pour que puisse jouer cette présomption sont tellement restrictives qu'elles deviennent inopérantes . S'il s'agit d'une maladie, il faut « qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ». Le délai de 60 jours empêche celle-ci de jouer, les maladies radio-induites pouvant survenir bien des années après la fin du service.

Présomption d'imputabilité au bénéfice de la victime : le salarié souhaitant obtenir réparation n'a pas à prouver le lien de causalité entre son affection et son activité professionnelle, à partir du moment où cette maladie figure sur la liste.

Présomption d'origine professionnelle des maladies radio-induites.

La charge de la preuve pèse sur la victime qui doit établir que les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies :

• existence d'un fait générateur de responsabilité

• existence d'un préjudice personnel, direct, actuel et certain

existence d'un lien de causalité entre le dommage et le préjudice

Nature de la réparation : forfaitaire

La jurisprudence administrative tend à reconnaître le droit à une indemnité complémentaire du forfait de pension au titre des souffrances physiques ou morales, des préjudices esthétiques ou d'agrément, même en l'absence de faute de l'administration. Cf. arrêt du CE. Ass. 4 juillet 2003, Mme Moya-Caville .

Nature de la réparation : forfaitaire

La faute inexcusable de l'employeur reconnue par un tribunal donne droit à une indemnisation complémentaire qui équivaut au doublement de la réparation forfaitaire des préjudices reconnus ainsi qu'à la réparation de chefs de préjudice exclus du régime forfaitaire (préjudices extrapatrimoniaux notamment). article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Nature de la réparation : forfaitaire - pas d'indemnisation complémentaire.

Réparation intégrale fixée par la juridiction administrative.

2. Des procédures lourdes et inadaptées

La démarche de demande de pensions sur la base de la participation aux essais est longue et difficile . Complexes, historiquement conçues pour les victimes des conflits armés classiques, les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité paraissent inadaptées à la prise en compte de situations particulières comme celles qui sont liées aux essais nucléaires.

Les intéressés signalent à juste titre qu'il leur est pratiquement impossible d'apporter la preuve requise pour des maladies déclarées si longtemps après les faits. Toutefois, l'incapacité d'établir l'origine de la maladie ne peut pas pour autant entraîner son imputation systématique aux essais nucléaires.

En l'absence d'une présomption, même partielle, du lien de causalité, les victimes n'arrivent pas à obtenir réparation. En effet, comme il a été souligné, l'exposition à des rayonnements ionisants ne laisse aucune trace dans l'organisme. Même si des études épidémiologiques montrent que les pathologies sont liées aux radiations, il est impossible d'établir sur la base d'une analyse histologique l'existence d'un agent causal en lien avec une exposition aux rayonnements ionisants. Ainsi, parce que le cancer est une pathologie qui selon l'expression consacrée « n'a pas de signature », les requérants ne peuvent pas prouver le lien entre leur cancer et leur passé de vétérans des essais nucléaires.

Dès lors que les demandeurs sont incapables d'établir un lien de causalité inattaquable entre leur maladie et l'exposition à des rayonnements ionisants, ils sont déboutés de la plupart de leurs demandes.

A titre d'exemple, s'agissant du personnel militaire, à ce jour, sur les 355 demandes de pensions militaires d'invalidité au titre de maladies liées aux essais nucléaires, seulement 21 pensions sont actuellement versées, 52 dossiers sont en cours d'instruction, 282 demandes ont fait l'objet de décisions de rejet dont 134 font l'objet de contentieux en cours.

Cette situation est particulièrement douloureuse pour des personnes qui, après avoir servi hier la cause de l'arme nucléaire française, souffrent aujourd'hui dans leur chair de pathologies douloureuses et invalidantes et, pour certaines, mortelles.

B. UNE FORTE MOBILISATION DANS UN CONTEXTE OÙ D'AUTRES PAYS ONT DÉJÀ ADOPTÉ DES DISPOSITIFS D'INDEMNISATION SPÉCIFIQUE

Le projet qui nous est proposé fait suite à de nombreuses propositions, émanant des associations de vétérans, de parlementaires, des élus polynésiens, mais aussi du Médiateur de la République dont la qualité du travail mérite d'être soulignée. Leur mobilisation, dans un contexte où d'autres pays ayant procédé à de tels essais ont adopté des dispositifs d'indemnisation, a grandement contribué à la genèse de ce texte. Ce texte n'aurait cependant pas été proposé, votre rapporteur tient à le souligner, sans la volonté du ministère de la défense, d'assumer pleinement ses responsabilités.

1. Un projet qui s'appuie sur une forte mobilisation des associations de victimes et du Parlement

Plusieurs associations de victimes ont, depuis des années, effectué un travail d'information et de sensibilisation de l'opinion publique tout à fait remarquable . Parmi ces associations, on peut notamment relever le rôle de l'association des vétérans des essais nucléaires français et leurs familles (AVEN) qui regroupe depuis 2001 les vétérans, malades ou non malades, personnels civils ou militaires ayant participé aux programmes d'essais nucléaires français sur les sites du Sahara et de Polynésie française.

L'AVEN défend la cause de tous les vétérans auprès des autorités judiciaires ou administratives afin d'obtenir le recensement des vétérans, l'accès aux dossiers médicaux militaires, l'instauration d'une commission de suivi des essais nucléaires et d'un fonds d'indemnisation des victimes civiles et militaires des essais, un droit à pension pour les vétérans et leurs ayants droit et enfin, la reconnaissance de la Nation.

D'autres associations font un travail important. Votre rapporteur ne veut en oublier aucune, mais ne peut les citer toutes.

Il pense, par exemple, à l'association « Moruroa e tatou », créée à Papeete en 2001, qui regroupe d'anciens travailleurs ou veuves d'anciens travailleurs des sites d'essais nucléaires français de Moruroa et Fangataufa en Polynésie. Elle effectue un travail soutenu de sensibilisation, d'interpellation des pouvoirs publics, mais également d'accompagnement des victimes, de leurs ayants droit et de leurs descendants. Il faudrait également souligner le rôle de la FNATH (Fédération Nationale des Accidentés du travail et des Handicapés), celui du comité « Vérité et Justice », celui de Tamarii Mururoa, celui de l'ANVEN (l'Association Nationale Vétérans Victimes Essais Nucléaires) et de bien d'autres associations mobilisées sur ce thème.

La prise de conscience progressive des difficultés que rencontrent les victimes pour obtenir l'indemnisation à laquelle elles peuvent légitimement prétendre s'est naturellement traduite ces dernières années par le dépôt, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, de multiples propositions de loi ou demandes de création de commissions d'enquête parlementaire, issues de parlementaires de presque tous les groupes politiques. Le Parlement, comme il se doit, a ici relayé les créances de la société civile.

Au Sénat, quatre propositions de loi et une demande de création d'une commission d'enquête parlementaire ont été déposées depuis 2002, notamment à l'initiative de Mme Hélène Luc dont le travail approfondi sur ce sujet mérite d'être souligné. Il s'agit des propositions :

- de loi n° 141 du 22 janvier 2003, de Mme Marie-Claude Beaudeau, relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français ;

- de loi n° 448 du 27 juillet 2005, de Mme Hélène Luc, relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français ;

- de résolution n° 247 du 9 mars 2006, de Mme Dominique Voynet, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, menés en Polynésie entre 1966 et 1996, sur la santé des populations exposées et sur l'environnement ;

- de loi n° 168 du 17 janvier 2007, de Mme Hélène Luc, tendant à modifier certaines dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sur le délai de présomption d'imputabilité applicable aux maladies radio-induites ;

- de loi n° 225 du 12 février 2007, de Mme Hélène Luc, visant à créer un fonds d'indemnisation des préjudices causés par les essais nucléaires pratiqués en Algérie et en Polynésie française ;

- de loi n°118 du 2 décembre 2008 de M. Guy Fischer relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat avait elle-même auditionné M. Marcel Jurien de la Gravière, Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense, afin de faire le point sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires.

L'excellent rapport de notre collègue M André Dulait, sur les propositions de loi et de résolution n° 247 (2005-2006) et n° 488 (2004-2005), avait également permis d'établir un bilan approfondi des travaux en cours sur le sujet.

A l'Assemblée nationale, neuf propositions de loi ont été déposées au cours des XII e et XIII e législatures depuis 2002 :

- proposition de loi n° 3532 du 17 janvier 2002 de Mme Marie-Hélène Aubert relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n° 130 du 24 juillet 2002 de M. Yves Cochet, relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n° 368 du 7 novembre 2002 de M. Maxime Gremetz, relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français ;

- proposition de loi n° 3025 du 12 avril 2006 de Mme Christiane Taubira, et M. Paul Giacobbi visant à la reconnaissance et à l'indemnisation des personnes, civils, militaires et populations, victimes des essais ou accidents nucléaires ;

- proposition de loi n° 3104 du 18 mai 2006 de M. Yannick Favennec, relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n° 92 du 18 juillet 2007 de M. Yannick Favennec, relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n° 553 du 20 décembre 2007, de Mme Christiane Taubira et M. Paul Giacobbi visant à la reconnaissance et à l'indemnisation des personnes, civils, militaires et populations, victimes des essais ou accidents nucléaires ;

- proposition de loi n° 751 du 27 mars 2008, de M. Maxime Gremetz, relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français ;

- proposition de loi n° 643 du 29 janvier 2008 de François de Rugy, relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n°1258 du 14 novembre 2008 de Mme Taubira relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires.

Cette dernière proposition de loi dont Mme Christiane Taubira a été auteur et rapporteur a fait l'objet d'un débat en séance publique à l'Assemblée nationale le 19 novembre 2008. A cette occasion, le ministre de la défense, M. Hervé Morin, avait annoncé l'élaboration d'un projet de loi visant à mettre en place un dispositif d'indemnisation.

Le projet de loi du Gouvernement s'appuie donc sur de nombreux travaux parlementaires qui ont fait mûrir les esprits et ont préparé le terrain pour les solutions concrètes qui sont aujourd'hui proposées.

2. Plusieurs pays ont déjà mis en place des systèmes d'indemnisation

Le projet de loi a également pu s'appuyer sur les expériences étrangères. Le cas de la France n'est, en effet, pas isolé. Plusieurs puissances nucléaires ont également dû reconnaître leur responsabilité dans l'exposition à des rayonnements ionisants de personnes participant à des essais nucléaires. C'est le cas des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, mais également, dans une moindre mesure, de l'Australie et du Canada.

a) Le régime d'indemnisation actuelle en vigueur aux États-Unis

Le régime d'indemnisation actuelle en vigueur aux États-Unis est fixé par le Radiation Exposure Compensation Act (RECA) du 5 octobre 1990 qui met en place aux USA un programme de compensation du préjudice subi par les participants ou les populations touchées par le développement des armes nucléaires.

Le dispositif RECA s'applique aux personnes impliquées dans le développement de l'armement nucléaire : essais, mineurs d'uranium et transporteurs de minerais.

Il fixe un certain nombre de critères. Seuls les essais aériens, figurant sur une liste précisée dans RECA sont pris en considération. Tous ces essais ont eu lieu avant 1963. Les essais souterrains, réputés n'avoir pas eu de retombées, ne sont pas pris en considération.

Les zones considérées comme touchées comprennent les sites d'essais pour les participants aux essais et les zones de retombées concernant les populations (dix comtés de l'Utah, six de l'Arizona et cinq du Nevada). La zone de reconnaissance s'étend sur 800 km vers l'Est des sites d'essais sur le continent américain.

Les participants pouvant prétendre au bénéfice du système sont les employés civils ou militaires qui ont occupé une liste d'emplois liés aux expérimentations. Les participants doivent avoir été présents à la date de l'essai répertorié, cette période étant prolongée de six mois après l'essai.

Les populations pouvant prétendre au bénéfice du système sont celles qui ont résidé dans les comtés de l'Utah, de l'Arizona et du Nevada entre 1951 et 1958, pendant au moins un an (pour la leucémie de l'enfant) ou deux ans (pour les autres maladies susceptibles d'être reconnues) ou pendant toute la période du 30 juin au 31 juillet 1962.

Les maladies susceptibles d'être indemnisées figurent sur une liste limitative. L'indemnisation, versée sous forme de capital, est de 50 000 dollars pour la population et 75 000 dollars pour les participants. Elle ne prévoit pas la prise en charge de soins.

Le dispositif RECA offre une indemnisation forfaitaire aux personnes reconnues victimes des essais nucléaires aériens ou à leurs ayants droit, non cumulable avec d'autres systèmes de compensation ou de reconnaissance de maladie professionnelle.

Au 11 juin 2009, plus de 30 000 demandes avaient été examinées, plus de 21 000 ayant conduit au versement d'une indemnité. Plus de 13 000 personnes présentes « sous le vent » et plus de 1 300 participants aux essais ont reçu une réparation pour un montant total de plus de 754 000 dollars, soit une indemnité moyenne d'environ 52 000 dollars.

b) L'exemple du dispositif britannique

En Grande-Bretagne, une méthode préconisée par l'Agence internationale de l'énergie atomique a été reprise pour l'indemnisation des vétérans des essais nucléaires. Le système de reconnaissance est basé sur le calcul de la probabilité de causalité et utilise le modèle de risque relatif préconisé par les travaux scientifiques internationaux. Le système britannique est dénommé « Compensation Scheme for Radiation Linked Diseases » (CSRLD).

La réparation varie selon la probabilité du lien de causalité entre la maladie du demandeur et les essais nucléaires. La réparation s'effectue ainsi :

- si la probabilité de causalité est inférieure à 20 %, il n'y a pas de réparation ;

- si la probabilité de causalité est comprise entre 30 et 40 %, la réparation versée est de 50 % ;

- si la probabilité de causalité est comprise entre 40 et 50 %, la réparation versée est de 75 % ;

- si la probabilité de causalité est supérieure à 50 %, la réparation est à taux plein.

Ces différents exemples qui pourraient être complétés par les dispositifs canadiens et australiens montrent que les autres puissances nucléaires ont répondu plus tôt que la France aux difficultés rencontrées par les vétérans des essais. Il est à l'honneur de l'actuel Gouvernement de ne plus différer l'adoption en France d'une solution adaptée.

III. LE PROJET DE LOI CONSTITUE UN PROGRÈS VERS UNE LÉGITIME RECONNAISSANCE ET UNE JUSTE INDEMNISATION DES VICTIMES

Treize ans après la fin des essais nucléaires français, le dispositif proposé constitue une avancée importante pour la reconnaissance et l'indemnisation des victimes. Il propose une réponse concrète aux difficultés ressenties actuellement par les victimes pour faire reconnaître leurs droits. Il devrait mettre fin à de longues et complexes procédures qui ne faisaient que retarder une juste réparation.

A. UN DISPOSITIF EQUILIBRÉ

Votre rapporteur souhaiterait ici tracer à grands traits les caractéristiques d'un dispositif qui est étudié en détail dans l'examen des articles.

1. Un régime d'indemnisation unifié

Le projet de loi met fin à la disparité des régimes d'indemnisation et unifie la procédure quels que soient la nationalité, le rôle ou la profession du demandeur. Cette unification constitue en soi un élément de simplification et d'équité.

Les victimes n'auront plus à identifier la juridiction compétente, le projet de loi crée un seul comité d'indemnisation pour l'ensemble des victimes. Ce comité instruira la demande et émettra une recommandation au ministre auquel il reviendra de décider et communiquer sa décision aux demandeurs.

2. Une procédure simplifiée

Contrairement à la situation actuelle des militaires pour lesquels il fallait apporter des éléments de preuve du lien entre la maladie et le service, le projet de loi prévoit une procédure simplifiée où les demandeurs doivent seulement attester d'avoir été dans les zones potentiellement contaminées et d'avoir contracté une maladie radio-induite.

Le demandeur doit précisément attester qu'il a résidé ou séjourné :

- soit au Sahara, entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires ou, entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967, au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques définies par décret en Conseil d'Etat ;

- soit en Polynésie française, entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998, dans les atolls de Mururoa et Fangataufa, ou dans des zones de Polynésie française circonscrites dans un secteur angulaire précisé par décret en Conseil d'Etat, entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1974.

Le demandeur doit également attester qu'il souffre d'une des maladies radio-induites visées par une liste de maladies fixée par décret en Conseil d'Etat qui s'inspirera de la liste du Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des rayonnements ionisants (UNSCEAR), dont les travaux sont internationalement reconnus.

3. Un comité d'indemnisation spécialisé

Le projet de loi prévoit la création d'un comité d'indemnisation spécifique chargé d'examiner les demandes individuelles d'indemnisation. Ce comité indépendant, présidé par un conseiller d'Etat ou un conseiller à la Cour de cassation, sera composé principalement de médecins notamment spécialisés en radiopathologies. Le comité procédera ou fera procéder à toutes les investigations scientifiques et médicales utiles.

A l'issue de l'instruction du dossier, le comité présentera au ministre de la défense une recommandation sur les suites qu'il convient de donner à la demande. Le ministre, au vu de cette recommandation, notifiera son offre d'indemnisation à l'intéressé ou le rejet de la demande.

4. Une réparation intégrale des préjudices

Le dispositif permet une réparation intégrale. Autrement dit, le demandeur ayant subi un préjudice serait replacé dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit. L'indemnisation de la victime doit ainsi compenser l'intégralité du préjudice.

B. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ONT RENFORCÉ L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements au dispositif qui s'inscrivent dans l'esprit et la logique du texte.

1. Une procédure mieux encadrée

Une première série de modifications concernent la liste des pathologies visées et les zones susceptibles d'avoir été exposées aux rayonnements.

L'Assemblé nationale a précisé que la liste des pathologies radio-induites ouvrant droit à réparation sera établie « conformément aux travaux reconnus par la communauté internationale ». Cette précision tend à encadrer l'élaboration de cette liste et à inviter le Gouvernement à se fonder sur les travaux du Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des rayonnements ionisants (UNSCEAR).

Par un amendement du Gouvernement et à la demande du rapporteur de la commission de la défense et des forces armées, l'Assemblée nationale a également introduit deux nouvelles zones en Polynésie qui ont notoirement été exposées, en particulier à la suite de l'explosion Centaure du 17 juillet 1994.

Sont visées :

- « certaines zones de l'atoll de Hao » entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 ;

- « certaines zones de la presqu'île de Tahiti » entre le 19 juillet 1974 et le 31 décembre 1974.

Une seconde série d'amendements vise à mieux encadrer la procédure et à renforcer les droits des demandeurs.

Ainsi le projet de loi ne fixait aucun délai pour l'instruction des demandes. Il était simplement indiqué qu'un délai serait prévu par un décret en Conseil d'Etat. Aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, le comité disposera d'un délai de quatre mois pour instruire la demande et émettre sa recommandation et le ministre d'un délai de deux mois à compter de la réception de la recommandation pour se prononcer.

De même, l'Assemblée nationale a, par un amendement de son rapporteur, prévu que la recommandation du comité soit communiquée par le ministre au demandeur lors de la notification de son offre ou de son rejet. Cette obligation constituera, s'il en était besoin, une forte incitation à suivre des recommandations devenues publiques. En outre, la recommandation pourrait utilement servir de support à une éventuelle contestation devant le juge administratif.

L'Assemblée nationale a également adopté un amendement tendant à imposer au comité d'indemnisation le respect du principe du contradictoire, laissant au demandeur la possibilité de contester l'analyse faite par ses membres ou par les experts auxquels il recourt.

2. Un suivi de l'application de la loi mieux assuré

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du rapporteur de la commission de la défense et des forces armées, un article additionnel tendant à créer une commission de suivi de l'application du projet de loi.

Le dispositif adopté prévoit que le ministre de la défense réunit au moins deux fois par an « une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires . ». La commission comprend notamment « des représentants des ministres chargés de la défense, de la santé, de l'outre-mer et des affaires étrangères, le président du gouvernement de la Polynésie française ou son représentant, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou son représentant, deux députés, deux sénateurs, cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires ainsi que quatre personnalités scientifiques qualifiées dans ce domaine. »

La commission sera consultée sur le suivi de l'application de la présente loi ainsi que sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites. À ce titre, elle pourra adresser des recommandations au ministre de la défense et au Parlement.

Dans l'esprit de ses auteurs, ce comité a une triple vocation, il assure le suivi du mécanisme d'indemnisation, il veille à l'actualisation de la liste des maladies radio-induites, il associe les associations de victimes au suivi de l'application de la loi.

Votre rapporteur se félicite de cette avancée. Il importe, en effet, d'associer pleinement les associations de victimes qui ont tant oeuvré pour faire reconnaître les souffrances des victimes et leur assurer une pleine transparence des mécanismes d'indemnisation.

Cette commission permettra également de vérifier que le dispositif tient compte de l'évolution des données scientifiques et médicales. La liste des maladies radio-induites doit évoluer parallèlement aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale. La commission de suivi y veillera.

Elle aura à discuter sur l'opportunité d'inclure dans la liste deux pathologies qui ne figurent pas dans le projet de liste des maladies radio-induites retenues au titre des mesures d'application du présent projet de loi : le myélome et le lymphome à l'exception de la maladie de Hodgkin. Le rapport de l'UNSCEAR de 20064 ( * ) laisse penser qu'il existe une probabilité non négligeable que ces deux maladies puissent être radio-induites. Ce constat a conduit les autorités américaines à les introduire dans la liste des maladies indemnisables du RECA 5 ( * ) . Il conviendra également de réfléchir aux maladies cardio-vasculaires pour évaluer, au regard des travaux scientifiques en cours, si l'hypothèse selon laquelle il n'existe pas de maladies radio-induites de ce type dans un contexte de faible exposition est toujours valable. La commission pourra notamment s'inspirer des travaux du programme EPICE menés par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (IRSN) dont l'objectif est d'évaluer les pathologies induites par le Césium 137, un élément radioactif qui se fixe sur les muscles.

Les recommandations qui seront émises seront d'autant plus légitimes qu'il s'agira d'une décision collective d'un organe qui associe l'ensemble des parties prenantes.

De la même façon, une large réflexion doit être menée sur les conséquences environnementales des essais, tant à l'époque des tirs qu'aujourd'hui. Les essais ont eu d'importantes répercussions sur la faune et la flore qui se sont cependant atténuées avec le temps. Les essais abandonnés, il subsisterait plusieurs milliers de tonnes de déchets radioactifs immergés dans les lagons de Mururoa et de Hao.

Votre rapporteur considère qu'il est du devoir du Gouvernement d'aider à collecter et à diffuser toutes les informations disponibles sur les conséquences environnementales des essais sur la faune et la flore.

Il reste la question de savoir si la commission de suivi de ce système d'indemnisation est le lieu approprié pour en discuter. Il apparaît que cette question relève avant tout du ministère de l'environnement, de celui de la défense qui est responsable des sites et des collectivités territoriales concernées. Il n'y a pas de compétence environnementale dans la commission de suivi car sa vocation est de suivre l'application de la loi, des mécanismes d'instruction des dossiers et d'évaluation des préjudices, de vérifier s'il faut faire évoluer la liste des maladies.

C. LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION

A ce stade de l'examen du projet de loi, quelques points restent en discussion. Votre commission, vous l'aurez compris, approuve l'architecture globale du texte proposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale. Aussi sans constituer des points de détails, les questions qui font encore l'objet d'un débat sont des questions que votre rapporteur se doit d'évoquer ici et qui font l'objet d'un examen approfondi dans le commentaire des articles.

Avant d'aborder les propositions de votre commission, quelques mots sur les critères qui ont présidé à leur élaboration. Un système d'indemnisation efficace et juste est un dispositif fondé sur des critères clairs et objectifs qui instaure une procédure rigoureuse et transparente permettant, le cas échéant, de définir une indemnisation juste et proportionnée aux préjudices subis.

Clarté, objectivité, rigueur, transparence, justice, proportionnalité, il faut ajouter à ces critères traditionnels en matière de droit de la responsabilité deux critères propres à la situation des victimes des essais nucléaires : un système efficace et inattaquable.

Il faut entendre par « efficace » un dispositif qui puisse rapidement être mis en oeuvre. Le premier essai nucléaire français a eu lieu il y a près de 50 ans. C'est pour certains la dernière chance d'obtenir réparation de leurs préjudices de leur vivant.

« Inattaquable » parce que ce projet de loi doit permettre à la France de tourner la page des essais nucléaires. Elle doit le faire de façon incontestable. Ce texte doit mettre fin aux contentieux sur ce sujet aussi bien pour les victimes que pour l'Etat. Pour cela, il doit reposer sur des bases juridiques indiscutables.

1. Préserver l'équilibre et l'efficacité du dispositif

En ce qui concerne le comité d'indemnisation, votre commission s'est interrogée sur deux points : l'opportunité de la création d'un fonds spécifique doté d'une personnalité morale et celle de l'intégration des associations de victimes dans le comité ou dans ce fonds.

Sur le premier point, il est apparu que la solution retenue, la création d'un comité composé de personnalités indépendantes avec un financement assis sur un programme du ministère de la défense, était la plus pertinente au regard de la spécificité de la situation.

Dans la mesure où il n'y a qu'un seul responsable des dommages créés, le ministère de la défense, et un nombre limité de demandeurs, cette solution devrait permettre de répondre efficacement et rapidement aux demandes sans passer par la création d'un fonds spécifique à l'instar du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ou par l'intégration du dispositif dans des fonds existants comme celui du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). L'expérience du FIVA montre que le passage par un fonds autonome sous la forme d'un établissement public est un processus long qui aurait sans doute retardé la mise en place des indemnisations.

Votre commission a cependant été sensible à la nécessité d'accroître l'indépendance du comité vis-à-vis du ministère. Il ne faut pas, en effet, que sa composition puisse nourrir des soupçons quant à son impartialité. Aussi a-t-elle adopté un amendement prévoyant que les experts médicaux qui seront conduits à examiner les dossiers des victimes soient nommés conjointement par le ministre de la défense et de la santé sur proposition du Haut Conseil de la santé publique créé par l'article 1411-4 du Code de la santé publique.

Sur le deuxième point, votre rapporteur a souhaité examiner tous les arguments en faveur et en défaveur de l'intégration des associations de victimes dans le comité d'indemnisation comme l'illustre plus avant l'examen de l'article 4 du projet de loi. Il lui est apparu in fine que l'équilibre atteint par le texte adopté par l'Assemblée nationale disposait d'une véritable cohérence.

L'introduction d'une procédure contradictoire, où les associations pourront assister les demandeurs et la création d'un comité de suivi où elles seront membres de droit, leur apportent des garanties de transparence substantielles. Dès lors la place des associations n'est pas d'être à la fois juge et partie, mais, conformément à leur vocation, d'être auprès des victimes lors de l'examen de leur dossier.

En revanche, votre commission a adopté une série d'amendements visant à conforter leur rôle. Ainsi a-t-elle inscrit dans la loi le principe selon lequel le demandeur pourra être accompagné de la personne de son choix et notamment d'un représentant d'une association de victimes . Elle a prévu la possibilité pour le comité de suivi -dans lequel les associations sont membres de droit- de s'autosaisir à la demande de la majorité de ses membres.

2. Asseoir la procédure sur des bases juridiques indiscutables

Votre commission a tenu à s'assurer que le dispositif mis en place soit conforme au droit commun de la responsabilité et à celui des droits de la défense.

Au moment où l'Etat français décide de reconnaître et d'indemniser les victimes des essais nucléaires, il importe que la procédure mise en place soit inattaquable sur le plan des principes. Il serait dommage de réduire la portée symbolique et politique de ce texte par des imprécisions juridiques. Il en va du sort des victimes qui ont placé leurs espoirs dans ce texte, comme de la bonne gestion de ce dossier qui gagnerait à ne plus être la source de contentieux.

Pour cela, le dispositif proposé gagne à s'inscrire dans le droit commun de la responsabilité . Plus on s'écarte du droit commun, plus on prend le risque de la polémique et du contentieux, car rien n'empêchera les victimes de faire valoir leur droit devant le juge administratif. Le juge se prononcera alors au regard de la loi mais aussi des principes généraux de la responsabilité administrative. Plus on s'écarte du droit commun, plus on risque ce que les spécialistes des régimes d'indemnisation appellent les effets de contournement. Déboutées ou déçues par un régime d'indemnisation, les victimes et leurs avocats le contournent pour s'adresser directement aux juges.

C'est avec ces préoccupations à l'esprit que votre rapporteur avait souhaité adopter une nouvelle rédaction de l'article 1 afin de prévoir explicitement la réparation du préjudice propre des ayants droits . Cet amendement n'a malheureusement pas pu être adopté par la commission en raison de son irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution qui limite le pouvoir d'initiative des parlementaires en matière financière et interdit toute création ou aggravation d'une charge publique.

Le préjudice propre des ayants droit, des victimes par ricochet, c'est le préjudice de la femme dont le mari est handicapé par sa maladie et dont elle doit s'occuper, c'est la douleur d'un enfant qui a perdu son père à l'adolescence. Il y a là de vrais préjudices qui ne sont pas ceux de la victime, mais qui sont réels, des situations de détresse morale et matérielle qui trouvent leur origine dans le même fait générateur que la victime : l'exposition à des rayonnements ionisants.

Alors que le droit commun de la responsabilité et l'ensemble des dispositifs d'indemnisation tels que le fonds pour les victimes de l'amiante, ou l'ONIAM pour les personnes atteintes du VIH ou de l'hépatite C en raison d'une transfusion sanguine, prévoient à la fois l'action successorale des ayants droit et la réparation des préjudices propres des ayants droit, le projet de loi ne semble prévoir que l'action successorale des ayants droit.

Ne voyant aucune raison à ce qu'une fois que l'on a reconnu qu'une victime a droit à une réparation du fait de son exposition à des rayonnements ionisants, on n'indemnise pas le préjudice de leurs proches comme ceux des autres régimes, votre rapporteur dans un souci d'équité aurait souhaité pouvoir étendre le dispositif à ce préjudice plutôt que de renvoyer les ayants droit encombrer les tribunaux.

En l'état du texte, les ayants droit pourront toujours sur la base de l'acceptation du dossier de la victime directe par le comité d'indemnisation requérir, dans un deuxième temps, devant le juge la réparation de leurs préjudices propres .

Ce souci de lisibilité et de sécurité juridique a également conduit votre commission à adopter un amendement clarifiant la rédaction de l'article 4 relatif au principe de présomption de causalité.

Il y avait sur ce point, dans le texte transmis au Sénat, des ambiguïtés qu'il convenait de dissiper.

D'un côté, le texte organisait un système de présomption de causalité. Aux termes du projet de loi, il n'est plus demandé aux victimes de prouver que la maladie dont ils souffrent provient des essais nucléaires. A l'article 3, on leur demande simplement de prouver, d'une part, qu'ils ont été dans les zones contaminées pendant les périodes où il y a eu des retombées radioactives, d'autre part qu'ils souffrent bien d'une maladie radio-induite. Ne demander que ces deux conditions, c'est comme il a été souligné, une des grandes avancées du texte.

D'un autre côté, l'article 4 prévoit que le comité vérifie que les demandeurs remplissent les conditions et qu'ensuite le comité examine si, « compte tenu de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le lien de causalité entre la maladie et les essais peut être regardé comme possible ». Autrement dit, quand une victime remplit les conditions, elle a, selon le texte, seulement le droit à ce que son dossier soit étudié.

A l'article 3, on est dans la logique d'une présomption de causalité, dans l'article 4, on n'y est plus. Cette contradiction vient sans doute de ce que le ministère a souhaité à la fois conserver la main avec une étude au cas par cas sur des paramètres que seul le comité maîtrisera et tendre la main aux victimes en simplifiant l'accès à l'indemnisation.

Votre commission a adopté une rédaction qui met en cohérence les articles 3 et 4, qui concilie un principe de présomption avec une étude au cas par cas.

Elle a estimé qu'on ne pouvait pas se permettre d'ouvrir un guichet impliquant une réparation qui serait automatique si la victime remplit les deux conditions. Elle a jugé, en conséquence, nécessaire de garder l'étude du cas par cas à partir d'un principe de présomption.

La rédaction qu'elle vous propose met en oeuvre la volonté affichée du ministre de faire porter la charge de la preuve contraire à l'État lorsqu'il affirme à l'Assemblée nationale « désormais c'est à l'État, le cas échéant, qu'il reviendra de prouver l'absence de lien de causalité entre la maladie et l'exposition ». Il s'agit d'une rédaction très proche de celle proposée par le Médiateur de la République, M Jean-Paul Delevoye, qui souhaite depuis longtemps que soit retenu un régime de présomption de causalité.

Aux termes de cette rédaction, si la victime remplit les conditions, elle bénéficie d'une présomption de causalité, sauf si le comité, compte tenu des caractéristiques de la maladie et des conditions d'exposition, estime que le risque attribuable aux essais nucléaires est négligeable.

S'agissant de la procédure, quelques inquiétudes semblaient subsister lors des débats à l'Assemblée nationale quant aux recours juridictionnels, aux délais de réponse et aux droits de la défense.

Une partie de ces craintes peut être apaisée par le rappel du droit commun . Le recours contre une décision d'indemnisation est, dans le cas qui nous occupe, un recours de pleine juridiction auprès du tribunal administratif. Les demandeurs n'auront pas à intenter un recours pour excès de pouvoir, puis un autre recours pour voir l'affaire traitée au fonds. Pour ce qui est des délais d'instruction prévus -quatre mois pour le comité d'indemnisation, deux mois pour le ministre- leur respect sera garanti par la règle selon laquelle le silence de l'administration vaut refus, car passés ces délais, les demandeurs pourront attaquer la décision implicite de rejet.

En ce qui concerne les droits de la défense , votre commission a souhaité poursuivre le travail entamé à l'Assemblée nationale. Dans cette perspective, outre l'amendement prévoyant que le demandeur puisse être assisté par la personne de son choix, elle a explicitement prévu que le décret d'application du texte doit prévoir les modalités permettant le respect du contradictoire et des droits de la défense. Il importe que le comité communique au demandeur tous les éléments susceptibles de lui faire grief, l'informe de la fin de la procédure d'instruction, l'invite à consulter le dossier établi à l'issue de l'instruction et lui transmette la date à laquelle l'avis de prise en charge, ou de rejet, sera communiqué au ministre afin que la victime soit en mesure de faire valoir ses droits.

En matière de recours , la commission a également adopté un amendement tendant à rendre obligatoire la motivation de la décision du ministre en cas de rejet afin que les motifs de faits et de droit soient connus du demandeur. De même, pour faciliter le cas échéant les recours en Polynésie, la commission a souhaité que les litiges relatifs à la décision du ministre relève de la compétence du tribunal administratif de Papeete lorsque le demandeur a sa résidence dans le ressort territorial de cette juridiction et du tribunal administratif de Paris dans les autres cas. Elle n'a retiré sur ce point son amendement qu'avec l'assurance que cette disposition réglementaire figure dans le décret d'application.

La commission n'a pas souhaité bouleverser le texte mais le consolider, préserver l'équilibre et l'efficacité du dispositif et assurer sa sécurité juridique. Elle a eu le souci de mettre fin aux contentieux sur ce sujet aussi bien pour les victimes que pour l'Etat .

Votre rapporteur croit que cette loi peut faire date, permettre de solder ce contentieux, de tourner la page dans l'honneur. Il faut pour cela s'en donner les moyens et rester ferme sur les principes.

Comme l'a déclaré le ministre de la défense à l'Assemblée nationale, « La France a été grande dans ce défi scientifique, technologique et humain. La France a été grande dans ce défi politique et stratégique, qui nous permet d'appartenir au cercle très restreint des puissances nucléaires. Elle doit désormais être grande dans sa volonté de réparer ses erreurs. ». La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat s'est efforcée d'y contribuer.

EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé

Dans la rédaction initiale retenue par le Gouvernement, le projet n° 1696 déposé à l'Assemblée nationale s'intitulait : « Projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français ».

Dans le titre du projet de loi voté par les députés, la mention de la « réparation des conséquences sanitaires » a été remplacée par celle de « reconnaissance » et « d'indemnisation des victimes » des essais nucléaires français.

Il a donc fallu attendre 13 ans depuis la fin des essais nucléaires pour qu'un dispositif juste et équitable soit proposé aux victimes. Ce projet de loi, votre rapporteur a déjà eu l'occasion de le souligner est, de fait, non seulement un acte de reconnaissance des souffrances des victimes, mais également du travail accompli pour doter la France d'une dissuasion nucléaire. Il paraît justifié que le mot « reconnaissance » figure dans le projet de loi. Quant à la référence aux victimes, elle paraît incontournable. Il s'agit d'un projet de loi d'indemnisation des victimes.

Votre rapporteur approuve en conséquence cette modification.

Dans le droit-fil de cette reconnaissance, il souhaiterait que les directions départementales de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre puissent accueillir avec bienveillance les demandes de titre de reconnaissance de la Nation de la part des vétérans des essais nucléaires . Il demande à ce que le ministère de la défense étudie la possibilité de prévoir une disposition particulière dans le décret n°2002-511 du 12 avril 2002 portant création de la médaille de reconnaissance de la Nation.

Les vétérans des essais nucléaires n'ont certes pas combattu, mais ils ont contribué à un outil de sécurité et de dissuasion qui bénéficie à la communauté nationale. Ils méritent le titre de reconnaissance de la Nation.

Article 1er - Indemnisation des conséquences sanitaires des essais nucléaires

L'article 1 er pose le principe de la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires et établit un droit à réparation au profit des personnes « souffrant d'une maladie radio-induite résultant directement d'une exposition à des rayonnements ionisants à l'occasion des essais nucléaires français ».

Le premier alinéa définit le champ d'application du dispositif. Celui-ci vise « toute personne » sans condition de nationalité, ni d'activité . Le droit à indemnisation est ainsi ouvert aux Français comme aux étrangers, et notamment aux Algériens, présents près des centres d'essais du Sahara, aux militaires comme aux civils.

L'unification de ce régime d'indemnisation est rendue possible par le recours à la loi qui seule permet de créer un régime juridique identique pour des préjudices subis par les populations et par les personnes ayant participé aux essais, quels que soient leur statut ou nationalité et les différentes législations dont ils relèvent en matière de réparation des maladies professionnelles.

Pour être indemnisées, les personnes touchées doivent satisfaire deux conditions :

- souffrir « d'une maladie radio-induite inscrite sur une liste fixée au Conseil d'État » ;

- que cette maladie résulte « directement d'une exposition à des rayonnements ionisants à l'occasion des essais nucléaires français. »

La définition des maladies radio-induites est renvoyée à un décret en Conseil d'État. Les maladies radio-induites sont les maladies qu'on estime induites par des rayonnements ionisants. La liste de ces dernières n'est pas établie « une fois pour toutes ». Elle dépend de l'état des connaissances scientifiques qui permettent d'établir si une pathologie résulte ou non d'une contamination radioactive. Cette liste a vocation à évoluer avec le temps.

Le Gouvernement a annoncé qu'il reprendra la liste élaborée par le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des rayonnements ionisants (UNSCEAR) dont les travaux sont internationalement reconnus 6 ( * ) . Elle présente pour les victimes l'avantage d'être plus étendue que la liste limitative des affections provoquées par les rayonnements ionisants visée actuellement par le code de la sécurité sociale.

Cette liste de l'UNSCEAR a déjà évolué avec l'avancement des connaissances scientifiques. Il importait donc que la liste visée par le projet de loi puisse être actualisée régulièrement. Le recours au décret, qui juridiquement s'imposait, permettra, dans la pratique, une actualisation plus régulière que si elle figurait dans la loi.

L'alinéa 1 dispose que la maladie doit résulter « directement » de l'exposition à des rayonnements.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, le terme « directement » vise ici à exclure les personnes dont la maladie serait indirectement liée à des rayonnements.

Ce terme, sans doute hérité de la doctrine relative à la responsabilité et au préjudice direct et certain, apparaît ici quelque peu déplacé dans la mesure où la très grande majorité des contaminations ont été indirectes par inhalation d'air contaminé ou ingestion de produits de consommation contaminés.

Il semble toutefois que l'intention des rédacteurs n'était pas d'exclure les contaminations indirectes.

Il n'est, semble-t-il, pas non plus question de privilégier les catégories de personnels directement affectés à des tâches sous rayonnements ionisants (DA) au détriment des Non directement affectés (NDA), Non affectés (NA) ou Non exposés (NE) selon les classifications en vigueur au CEA.

Seraient en revanche concernés par cette exclusion les descendants de personnes contaminées qui n'auraient pas été directement exposés à une contamination. Les enfants exposés au cours de la grossesse rentreraient dans le champ d'application du dispositif, mais pas ceux qui auraient été conçus, portés et élevés hors des zones concernées. Cette exclusion se fonderait sur le fait qu'en l'état des connaissances scientifiques, il n'y aurait pas de preuves de l'existence d'une transmission héréditaire de pathologie radio-induite. On peut toutefois observer que ces enfants, même en l'absence du mot directement, seront exclus de l'indemnisation puisqu'ils ne répondront pas aux critères liés aux zones et aux périodes de contamination.

La référence à « des maladies radio-induites résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants à l'occasion des essais nucléaires français » permet, par ailleurs, sans introduire le mot directement, d'exclure les maladies non radio-induites ou les pathologies contractées dans le cadre d'une activité nucléaire civile ou à l'occasion d'une erreur de réglage lors d'une radiothérapie.

Dès lors le terme « directement » ne semble pas nécessaire à l'économie du dispositif et introduit en revanche une incertitude sur le caractère direct ou indirect de l'exposition qu'il convient de réduire. Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement supprimant ce terme.

En revanche, pour plus de précisions, elle a remplacé les mots « à l'occasion des » par « dus aux » de façon à marquer le lien de causalité entre les rayonnements ionisants et les essais nucléaires.

La maladie doit résulter d'une « exposition à des rayonnements ionisants à l'occasion des essais nucléaires français ». Les maladies retenues par l'UNSCEAR, comme les leucémies ou un certain nombre de cancers, peuvent avoir d'autres causes que des radiations. Il s'agit de ne prendre en compte ici que les malades dont la pathologie peut être liée à une exposition à des rayonnements ionisants.

La référence aux essais nucléaires français exclut, par ailleurs, les personnes qui auraient contracté une maladie radio-induite dans un autre cadre que les essais nucléaires. Sont ainsi exclues les pathologies contractées notamment dans le cadre d'une activité nucléaire civile ou à l'occasion d'une erreur de réglage lors d'une radiothérapie. Les victimes d'accidents nucléaires du type de la catastrophe de Tchernobyl relèvent d'une autre problématique et d'un dispositif spécifique prévu par la loi n° 68-943 du 30 octobre 1968 modifiée relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

Le texte proposé prévoit que les demandeurs qui remplissent les conditions fixées peuvent obtenir une réparation intégrale de leur préjudice. La réparation intégrale est fondée sur l'idée de réparer tout le préjudice subi afin de replacer la victime, si possible, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu.

Il s'agit là d'une dérogation à la règle de la réparation forfaitaire des maladies professionnelles ou de service. Cette règle faisait déjà l'objet d'aménagements, tant dans le cadre du régime général de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l'employeur, qu'en vertu de la jurisprudence administrative tendant à reconnaître le droit à une indemnité complémentaire du forfait de pension. Le projet de loi pose ainsi le principe, dans le cas des victimes des essais, de la réparation intégrale.

En conséquence, seront indemnisés :

- les préjudices patrimoniaux ou économiques : il s'agit de l'indemnisation de l'incapacité fonctionnelle (taux d'incapacité à apprécier suivant un barème médical), du préjudice professionnel (perte de gains) et de tous les frais qui résultent de la pathologie restant à la charge de la victime (frais de soins, autres frais supplémentaires tels que tierce personne, aménagement du véhicule et du logement, etc.) ;

- les préjudices extrapatrimoniaux ou personnels : préjudice moral et physique, préjudice d'agrément, préjudice esthétique.

Il appartiendra au comité d'indemnisation de prévoir le mode de calcul des indemnisations. Cependant, il convient de rappeler qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, l'évaluation des préjudices est effectuée poste par poste.

A cet égard, dans un avis rendu le 4 juin 2007 7 ( * ) , le Conseil d'Etat a fixé, en l'absence de dispositions réglementaires imposant une nomenclature de préjudices, une liste de postes de préjudice à distinguer, à tout le moins, lorsque les circonstances de l'espèce font apparaître le versement de prestations correspondantes :

- dépenses de santé ;

- frais liés au handicap ;

- pertes de revenus ;

- incidences professionnelle et scolaire du dommage corporel ;

- autres dépenses liées au dommage corporel (notamment frais d'obsèques et de sépulture) ;

- préjudices personnels (souffrances physiques et morales, préjudice esthétique, troubles dans les conditions d'existence).

Le comité d'indemnisation devrait donc reprendre la méthodologie décrite ci-dessus.

L'alinéa 2 dispose que « si la personne est décédée, la demande peut être présentée par ses ayants droit ». Ainsi, dans le cas où une personne ayant souffert d'une des maladies visées par la liste prévue au premier alinéa serait décédée avant d'avoir pu établir une demande de réparation, le dispositif ouvre la possibilité aux enfants, conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité de le faire.

Il s'agit là d'une action successorale ou héréditaire. Les ayants droit, héritiers ou légataires universels, agissent en cette qualité, engagent ou poursuivent l'action en réparation dont aurait disposé la personne si elle avait survécu. En perdant la vie, celle-ci a fait naître une créance dans son patrimoine que recueille ainsi sa succession. Cette disposition consacre, comme c'est le cas généralement dans les dispositifs d'indemnisation et dans le droit de la réparation en général, une transmission active du droit de créance lié à l'indemnisation aux ayants droit.

En revanche, dans sa rédaction actuelle, le texte ne prévoit pas que les ayants droit puissent réclamer pour eux-mêmes une indemnisation du préjudice lié à la perte ou au handicap d'un parent qui serait décédé des suites d'une maladie radio-induite, comme c'est le cas généralement en matière de responsabilité.

Aussi bien en matière civile, par exemple, en matière d'accident de la circulation qu'en droit administratif, notamment dans les régimes d'indemnisation instaurés ces dernières années, les victimes par ricochet sont indemnisées pour leurs préjudices propres. Les dispositifs d'indemnisation des victimes de l'amiante, des aléas thérapeutiques ou des accidents de transfusion sanguine, prévoient l'action exercée, à titre personnel, par les ayants droit ou les tiers en leur nom propre, pour obtenir la réparation du préjudice matériel et moral que leur cause directement le décès. Il s'agit à chaque fois d'indemniser un préjudice « réfléchi » ou « par répercussion » parce qu'il puise sa source dans le préjudice initial subi par la victime. Bien que déployant ses effets par l'intermédiaire de la victime, le préjudice est considéré comme direct, donc, réparable.

Il s'agit, par exemple, d'indemniser la douleur d'un enfant qui perd son père, du bouleversement du cadre de vie de la jeune veuve qui perd son mari ou doit s'occuper d'un mari devenu invalide.

A titre d'exemple, L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), qui a pour principale mission d'indemniser les victimes d'aléas thérapeutiques, les victimes du V.I.H. d'origine transfusionnelle, ainsi que les victimes présentant des dommages consécutifs à une vaccination obligatoire, prévoit -lorsqu'elle agit dans le cadre de la réparation comme ici et non dans le cadre de la solidarité nationale- dans son référentiel d'indemnisation les « préjudices des victimes indirectes en cas de décès de la victime » et même les « préjudices des victimes indirectes en cas de survie de la victime directe » 8 ( * ) .

Il s'agit de la réparation de préjudices patrimoniaux destinés à compenser les pertes de revenus du foyer en raison du décès de la victime directe, de la réparation du préjudice « d'accompagnement » concernant les bouleversements sur leur mode de vie au quotidien, dont sont victimes les proches de la victime directe et enfin de la réparation du préjudice moral lié à la perte d'un proche.

On comprendrait mal que les victimes des essais nucléaires français soient, de ce point de vue, traitées différemment.

L'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 relative aux victimes de l'amiante prévoit lui aussi que « Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices :

1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ;

2° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la République française ;

3° Les ayants droit des personnes visées aux 1° et 2° ».

Ne voyant pas ce qui pourrait justifier qu'un traitement plus défavorable soit réservé aux victimes des essais nucléaires, votre rapporteur aurait souhaité que les ayants droit puissent être indemnisés pour leurs préjudices propres si cette mesure avait été recevable au regard de l'article 40 de la Constitution relatif à la recevabilité financière des amendements ou si le Gouvernement l'avait reprise à son compte.

Cette mesure s'imposait d'autant plus qu'actuellement plusieurs tribunaux des affaires de sécurité sociale ont mis en application le principe de l'indemnisation du préjudice propre des ayants droit des victimes des essais nucléaires français.

Si l'on se réfère par ailleurs à la jurisprudence du Conseil d'Etat relative au VIH contracté lors d'une transfusion sanguine, le droit à réparation de la victime est transmis à ses héritiers et s'ajoute au droit à réparation que détiennent les héritiers à l'égard du préjudice propre qu'ils ont subi. (CE, 27 févr. 2002, n° 184009, 184306, Assistance publique Marseille Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles).

Autrement dit, en l'état, le texte ne mettra pas fin aux contentieux. Il semble, en outre, que le juge pourra dans ce cas apprécier de façon assez largement la notion d'ayants droit.

Il appartiendra aux ayants droit des victimes reconnues par le comité d'indemnisation prévu par la présente loi de saisir dans un deuxième temps les tribunaux pour faire valoir leur droit.

Par un amendement de la commission de la défense nationale et des forces armées, l'Assemblée nationale a précisé que la liste des pathologies radio-induites ouvrant droit à réparation sera établie « conformément aux travaux reconnus par la communauté internationale ».

Cette précision encadre utilement l'élaboration de cette liste et invite le Gouvernement à se fonder sur les travaux de l'UNSCEAR.

Si la liste de l'UNSCEAR semble être l'instrument le plus approprié, cela n'exclut pas qu'il y ait, par ailleurs, un débat important au sein de la communauté scientifique et parmi les associations de victimes pour inclure dans cette liste de nouvelles maladies et, en particulier, des maladies non cancéreuses. Il appartiendra au comité de suivi de l'application de la loi de faire sur ce point les recommandations qui s'imposent.

Votre rapporteur souhaite attirer l'attention du Gouvernement et de ce comité sur deux pathologies qui ne figurent pas dans le projet de liste qui lui a été transmis : le myélome et le lymphome à l'exception de la maladie de Hodgkin . Le rapport de l'UNSCEAR de 2006 9 ( * ) laisse penser qu'il existe une probabilité non négligeable que ces deux maladies puissent être radio-induites. Ce constat a conduit les autorités américaines à les introduire dans la liste des maladies indemnisables du RECA 10 ( * ) . Il serait sans doute souhaitable que les autorités françaises réfléchissent à faire de même.

Votre commission a adopté à l'issue de l'examen de cet article pour les raisons ci-dessus exposées un amendement supprimant le terme « directement » et remplaçant les mots « à l'occasion des » par les mots « dus aux ».

Article 2 - Détermination des zones et périodes concernées

Le présent article détermine les zones où les demandeurs d'une indemnisation doivent avoir séjourné pour pouvoir bénéficier d'une indemnisation, ainsi que les périodes pendant lesquelles ces séjours doivent avoir eu lieu.

Le texte distingue les essais nucléaires français du Sahara de ceux effectués en Polynésie.

a) Les zones du Sahara

Pour le Sahara, deux sites sont visés.

Le premier est le site du « centre saharien d'expérimentations militaires » (CSEM). Le site retenu se situait à environ 50 kilomètres au sud de Reggane et 700 kilomètres de Colomb-Béchar.

Au total, quatre essais aériens ont été réalisés au CSEM. D'après l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, « les zones de retombées sont comprises dans un secteur angulaire centré sur le point 0°03'26"ouest, 26°18'42" nord, compris entre l'azimut 100 et l'azimut 110°, pour un rayon de 350 km » . C'est pourquoi le projet de loi vise également « les zones périphériques à ces centres » afin de prendre en compte la dispersion de poussières radioactives sous l'action des vents. Ces zones seront, selon l'alinéa 4 de cet article, délimitées par décret.

Pour ce site, la période retenue par le dispositif court du 13 février 1960 au 31 décembre 1967 , soit plus de six ans après le dernier essai aérien effectué au CSEM. Le premier essai, Gerboise bleue, fut conduit le 13 février 1961. Aussi le texte prévoit-il cette date pour ouvrir la période de réparation. Les essais s'y sont poursuivis jusqu'au 25 avril 1961, date de la dernière expérimentation aérienne dite Gerboise verte. Le site, contaminé, a été démantelé le 31 décembre 1967, avant sa rétrocession aux autorités algériennes. Le démantèlement ayant entraîné la manipulation de matières fissibles, c'est ce dernier événement qui sert de borne à la période visée par le dispositif.

Le second est le centre d'expérimentation militaire des oasis (CEMO) où se déroulèrent les essais souterrains, à proximité d'In Ekker dans le massif du Hoggar, à 150 kilomètres au sud de Tamanrasset, où 13 essais en galerie souterraine ont été réalisés.

La technique d'essais en galerie avait pour but d'assurer le confinement de l'essai et d'éviter toute dispersion de matière radioactive. Cependant, quatre de ces essais n'ont pas été totalement confinés et l'un d'entre eux, l'essai Beryl du 1 er mai 1962, a provoqué une retombée radioactive sur une bande de 150 km sous le vent. D'après l'étude d'impact, « la zone de retombées est constituée d'un secteur angulaire de 40° centré sur le point 05°02'30" est, 24°03'00" nord, compris entre l'azimut 70° et l'azimut 110° pour un rayon de 40 km, prolongé sur l'axe d'azimut 90° par un rectangle de 100 km de longueur ». C'est pourquoi le dispositif retient également pour ce site la notion de « zones périphériques », dont la délimitation sera définie par décret.

Pour ce site, la période retenue court du 7 novembre 1961, date du premier essai, au 31 décembre 1967 , date du démantèlement du site, soit plus d'un an après le dernier essai en galerie.

b) Les zones touchées en Polynésie française

En Polynésie française, le projet de loi initial prévoyait deux zones.

La première zone concerne les atolls de Mururoa et Fangataufa où la France a procédé, à partir de 1966, à 41 essais aériens, puis à partir de 1975 à 137 essais souterrains.

La période d'indemnisation retenue pour cette zone court depuis le premier essai, intervenu le 2 juillet 1966, jusqu'à la fin de l'année de démantèlement des sites, le 31 décembre 1998.

La seconde aire géographique visée est constituée des « zones exposées de Polynésie française ».

Selon l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, parmi les 41 essais aériens effectués à Mururoa et Fangataufa, dix essais ont entraîné « des retombées sur une zone circonscrite dans un secteur angulaire de 100 degrés centré sur Mururoa (21° 51' sud, 139° 01' ouest) compris entre l'azimut 15 °et l'azimut 115 °sur une distance de 560 kilomètres, comprenant les îles et atolls de Reao, Pukarua, Tureia et l'archipel des Gambiers ».

Si les bases d'expérimentation sont demeurées les mêmes entre 1966 et 1996, les zones de contamination ont donc évolué. Pour la période particulière des essais aériens, le projet de loi élargit les zones concernées en se référant à des « zones exposées de Polynésie française inscrites dans un secteur angulaire ».

Le dispositif couvre cette zone pour les personnes y ayant séjourné ou résidé entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1974 . Cela signifie que la période de couverture de la zone périphérique au centre de tir dépasse de quelques mois le dernier essai aérien, intervenu le 14 septembre 1974.

c) La délimitation des zones périphériques et des secteurs angulaires

Le dernier alinéa du projet de loi renvoie à un décret pris en Conseil d'État qui délimitera les zones autres que les centres d'expérimentation, c'est-à-dire les zones périphériques mentionnées à l'alinéa 2, d'une part, et le secteur angulaire mentionné dans l'alinéa 3, d'autre part.

d) Les travaux de l'Assemblée nationale

Par un amendement du Gouvernement et à la demande du rapporteur de la commission de la défense et des forces armées, l'Assemblée nationale a introduit deux nouvelles zones en Polynésie.

Sont visées :

- « certaines zones de l'atoll de Hao » entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 ;

- « certaines zones de la presqu'île de Tahiti » entre le 19 juillet 1974 et le 31 décembre 1974.

L'introduction de l'atoll de Hao est justifiée par le fait qu'il ait servi de base logistique des essais du 2 juillet 1966 au 31 décembre 1998. Des travaux de recherche sur cet atoll ont montré dans certaines zones des traces de contamination à la suite de l'explosion Centaure du 17 juillet 1994. Il apparaissait dès lors légitime de les inclure dans le dispositif.

L'ajout de « certaines zones de la presqu'île de Tahiti » s'explique également par les conséquences de l'explosion Centaure dont les retombées radioactives auraient touché sept communes de Tahiti.

Après les avoir introduites dans le texte, l'Assemblée nationale a, en outre, prévu que ces nouvelles zones fassent l'objet d'une délimitation par décret en Conseil d'État.

Votre commission a adopté ce texte sans modification.

Elle attire néanmoins l'attention du Gouvernement sur le zonage de l'atoll de Hao qui fait l'objet de contestation ainsi que sur la situation des marins qui ont pu se trouver aux limites des zones définies par le projet de loi lorsque leur navire était chargé de la surveillance de la zone de tir.

Article 3 - Eléments matériels à l'appui de la demande d'indemnisation

L'article 3 du projet de loi initial prévoit que chaque demandeur justifie à l'appui de sa demande :

- d' avoir « résidé ou séjourné dans les zones et durant les périodes visées à l'article 2 » ;

- d'être « atteint de l'une des maladies figurant sur la liste établie à l'article 1 er ».

Cet article illustre une des avancées du projet de loi par rapport au droit existant. Les intéressés n'ont plus à apporter la preuve du lien de causalité, ni d'attester d'un seuil de contamination, ils doivent seulement attester d'avoir été dans les zones potentiellement contaminées et d'avoir contracté une maladie radio-induite. Il revient au comité d'indemnisation de déterminer s'il existe un lien de causalité entre la maladie et les essais nucléaires.

Pour établir qu'une personne atteinte d'une maladie radio-induite a été présente dans les zones précitées aux périodes de contamination, il conviendra seulement de justifier qu'elle ait « résidé ou séjourné » dans l'une de ces zones. Ne sont donc pas exclues du dispositif des personnes qui, sans avoir résidé dans les centres d'expérimentation ou dans les zones périphériques, y auraient fait des séjours.

Les personnes susceptibles de bénéficier du projet de loi sont non seulement des agents du Commissariat à l'énergie atomique qui habitaient dans ces zones mais également des populations autochtones, des chercheurs, des journalistes, des militaires de passage dans ces zones.

Si le dispositif est ainsi assez ouvert, il faudra que les demandeurs fassent matériellement la preuve d'un séjour dans les zones touchées. Cette preuve sera sans doute assez facile à apporter dans la majorité des cas. Cela sera vraisemblablement plus difficile pour les populations nomades du Sahara. Cela pourrait être également moins facile pour certains militaires dont les états de service ne font pas toujours mention des lieux d'affectation ou encore moins des lieux de déplacement.

D'après les informations données à votre rapporteur, la majorité des anciens employés du ministère de la défense devront cependant pouvoir obtenir, auprès des services compétents, leur dossier médical, leur relevé dosimétrique individuel correspondant à la période pendant laquelle ils ont travaillé sur les sites d'expérimentation, leurs états de service ou tout autre document qui leur paraîtrait utile. En cas de difficultés liées à l'incomplétude des données ou à la détérioration des archives, votre rapporteur souligne la nécessité de permettre un large accès aux archives militaires de la défense.

Pour établir que la victime est atteinte de l'une des maladies radio-induites visées par le décret prévu à l'article 1 er , une attestation médicale permettra de s'acquitter de cette démarche.

L'Assemblée nationale a adopté, à cet article, un amendement rédactionnel de son rapporteur.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 - Comité d'indemnisation

L'article 4 crée un comité d'indemnisation, fixe les pouvoirs respectifs du comité et du ministre de la défense et détermine la procédure d'instruction des demandes.

Le paragraphe I crée le comité, précise sa composition et définit quelles personnes peuvent présenter leur demande.

a) Composition du comité d'indemnisation

Le comité d'indemnisation est présidé par un conseiller d'État ou par un conseiller à la Cour de cassation. L'alinéa 1 dispose qu'il est composé  « notamment d'experts médicaux ».

Le paragraphe III précise par ailleurs que sa composition exacte est fixée par un décret en Conseil d'État.

Selon les informations qui ont été transmises au rapporteur, le comité devrait être constitué de neuf membres dont :

- deux représentants du ministre de la défense dont au moins un médecin choisi en raison de sa compétence dans le domaine de la radiopathologie ;

- deux représentants du ministre chargé de la santé dont au moins un médecin choisi en raison de sa compétence dans le domaine de la radiopathologie ;

- un représentant du ministre du travail ;

- un représentant du ministre chargé de la sécurité sociale ;

- deux personnalités qualifiées, sur proposition conjointe du ministre de la défense et du ministre chargé de la santé.

Cet alinéa pose la question de l'éventuelle représentation des associations de victimes dans le comité d'indemnisation . Elle n'est pas prévue par le projet de loi. La présence de ces dernières dans le comité présenterait, selon ces mêmes associations, plusieurs avantages. Elle permettrait tout d'abord de garantir l'indépendance du comité qui agirait en quelque sorte sous la surveillance des victimes. Elle contribuerait ensuite à donner au comité une meilleure connaissance des réalités du terrain des essais nucléaires. Composées de vétérans, ces associations pourront éclairer les autres membres du comité sur les conditions précises dans lesquelles les essais se déroulaient.

La présence d'associations de victimes dans des fonds d'indemnisation tend, en outre, à devenir la norme. C'est notamment le cas dans le FIVA. Leur présence est toutefois plus fréquente dans des dispositifs où il existe, d'une part, un conseil d'administration où les associations sont représentées et, d'autre part, un comité d'experts qui instruisent les dossiers et dans lequel les associations ne figurent pas.

Plusieurs arguments militent cependant contre la présence des associations au sein du comité d'indemnisation.

Il faut, d'abord, observer que le texte prévoit qu'elles peuvent assister les victimes lors de la procédure contradictoire et qu'elles sont membres de droit du comité de suivi de l'application de la loi. Si des représentants des associations figuraient dans le comité, ils se trouveraient dans une situation de conflit d'intérêt puisqu'ils représenteraient à la fois le demandeur et l'instance d'indemnisation. Il s'agit là d'un argument de poids. Le texte adopté par l'Assemblée nationale dispose d'une cohérence en confiant aux associations un rôle d'appui des demandeurs et de suivi de l'application de la loi.

D'autres arguments sont évoqués pour s'opposer à l'intégration des associations dans le comité. On peut estimer que le comité est une instance technique d'expertise juridique, médicale et financière dans lequel un représentant associatif n'aurait pas sa place. On peut estimer qu'il serait délicat de donner ainsi largement accès à des données couvertes par le secret médical, pour ce qui est des dossiers des malades, ou par le secret défense, pour ce qui est des caractéristiques des tirs. Un dernier argument contre la présence des associations dans le comité est de nature plus pratique. Dès lors qu'on ne peut pas admettre toutes les associations dans le comité, ce qui bouleverserait son équilibre, comment déterminer un critère de représentativité. Il s'agit d'une difficulté qui se posera également pour le comité de suivi.

A l'examen de ces arguments, votre commission a estimé que l'équilibre atteint par le texte adopté par l'Assemblée nationale doit être maintenu. La place des associations n'est pas d'être à la fois juge et partie, mais, conformément à leur vocation, d'être auprès des victimes lors de l'instruction de leur dossier .

Votre commission a néanmoins été sensible à la volonté d'assurer au comité une plus large autonomie par rapport au ministère de la défense . Ce dernier auquel revient la charge financière de l'indemnisation pourrait être également considéré comme juge et partie. S'il n'y a, a priori, aucune raison de douter de l'indépendance d'esprit des membres du comité, il convient toutefois d'entourer la nomination des experts d'un maximum de garanties, ne serait-ce que pour éviter que le comité ne soit soupçonné d'être un démembrement du ministère. Sachant que les experts médicaux auront un rôle central dans l'appréciation des dossiers, votre commission a adopté un amendement précisant que ces derniers devront être nommés conjointement par les ministres chargés de la défense et de la santé sur proposition du Haut Conseil en santé publique.

L'alinéa 2 prévoit que les ayants droit « peuvent saisir le comité dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi ». La commission a adopté à cet alinéa un amendement de précision : la prescription de 5 ans s'applique pour les personnes décédées avant la promulgation de la présente loi mais pas pour les ayants droit des personnes qui viendraient à décéder après celle-ci et en particulier plus de 5 ans après. Il s'agit de réparer une omission et de prévoir que « Les ayants droit des personnes visées à l'article 1 décédées avant la promulgation de la présente loi peuvent saisir le comité d'indemnisation dans un délai de cinq ans à compter de cette promulgation. »

b) Le rôle du comité d'indemnisation et le lien de causalité entre les maladies radio-induites et les essais nucléaires.

L'alinéa 3 liste les missions confiées au comité d'indemnisation.

Il lui appartient tout d'abord de « vérifier que les demandeurs remplissent les conditions fixées aux articles précédents ».

Les membres s'assurent, d'une part, que le demandeur est bien atteint d'une des pathologies figurant dans le décret prévu à l'article 1 er et, d'autre part, qu'il se trouvait sur un site exposé aux rayonnements issus des essais nucléaires aux périodes mentionnées par l'article 2 du projet de loi.

Le comité doit ensuite déterminer si « compte tenu de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le lien de causalité entre la maladie dont ce dernier est atteint et les essais nucléaires peut être regardé comme existant »

Aux termes de cette rédaction, le demandeur n'a pas à prouver qu'il existe un lien entre la pathologie et les essais nucléaires, c'est au comité de vérifier si celui-ci existe ou, le cas échéant, de prouver que ce lien est inexistant.

Par rapport à la situation actuelle, le projet de loi constitue un indéniable progrès, en particulier pour le personnel militaire, puisqu'il ne revient plus au demandeur d'établir la preuve de cette causalité, il doit uniquement démontrer qu'il remplit les deux conditions.

Le dispositif proposé est, en revanche, en deçà d'une situation de présomption où le droit à indemnisation serait automatiquement accordé à partir du moment où les deux conditions sont remplies .

D'une part, le principe de présomption ne figure pas dans le projet de loi, d'autre part, il revient au comité la mission d'examiner pour chaque demande « la nature de la maladie », les « conditions d'exposition de l'intéressé » et surtout « le lien de causalité entre la maladie dont ce dernier est atteint et les essais nucléaires » .

Un dispositif trop automatique aurait sans doute conduit à indemniser des pathologies qui ne sont pas nécessairement liées aux essais nucléaires. Dans la liste des maladies radio-induites figurent de nombreuses pathologies qui peuvent avoir d'autres causes que l'exposition à des rayons ionisants. Le comité peut refuser l'indemnisation si, au vu du dossier médical du demandeur, il considère que la pathologie est liée à un autre événement ou que la probabilité du lien est inexistante. Le texte vise ainsi à ne pas exclure l'étude du cas par cas.

Dans un régime de présomption, ce lien de causalité est présumé exister à partir du moment où les conditions relatives à la maladie et à l'exposition au risque sont remplies, sauf si la preuve contraire est établie. C'est le cas dans le dispositif prévu par l'article 102 de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 qui concerne les personnes contaminées par le virus de l'hépatite C, mais également dans celui prévu par l'article 53-1 de la loi du 23 décembre 2000 relatif au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Dans la rédaction proposée par le projet de loi, même si les deux premiers critères sont remplis, le comité pourra discuter de l'existence du lien de causalité. De fait, remplir les conditions donne le droit à ce que son dossier soit examiné, à charge pour le comité de prouver ou non l'existence d'un lien de causalité.

La référence à l'examen des conditions d'exposition laisse, en effet, entendre que remplir les deux critères ne suffit pas toujours. Il ne suffirait pas d'avoir été dans les zones contaminées pendant les périodes de contamination, un certain degré d'exposition pourrait être nécessaire. On pourrait alors craindre la réintroduction de la notion de seuil de contamination, dont on sait combien elle a été une source de controverse et de difficultés pour les victimes. D'autre part, si le comité était amené dans certains cas à considérer qu'à la vue des conditions d'exposition « le lien de causalité peut être regardé » comme « inexistant », il reviendrait de nouveau au demandeur d'administrer la preuve que les rayonnements sont bien la cause de sa maladie.

On aboutit à une situation très comparable à celle à laquelle le projet de loi voulait mettre fin. Le renversement de la preuve qui avait été annoncé comme une des avancées importantes du projet de loi ne pourrait être, dans certaines situations, qu'une apparence.

Pour le personnel civil du ministère de la défense qui bénéficie actuellement d'un véritable régime de présomption de causalité, cette rédaction pourrait constituer un recul important . L'unification du régime d'indemnisation se traduirait par un nivellement par le bas.

Ces préoccupations ont conduit l'Assemblée nationale à modifier cet article et à substituer le mot « existant » à celui de « possible ». Le comité doit ainsi déterminer « si, compte tenu de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le lien de causalité entre la maladie dont ce dernier est atteint et les essais nucléaires peut être regardé comme possible ».

Il n'est cependant pas sûr que cette nouvelle rédaction ait réussi à dépasser la contradiction que cet alinéa a introduite dans le dispositif.

Si l'on observe l'ensemble des articles 1, 2, 3 et 4, on constate que les articles 1, 2, 3 instituent un régime de présomption classique. L'article 1 pose le principe de l'indemnisation et les deux critères. L'article 2 définit le critère des zones et des périodes. L'article 3 indique qu'il n'est demandé aux victimes que la preuve qu'ils remplissent les deux critères. Cet alinéa de l'article 4 lui revient en arrière. On est encore dans un régime de présomption lorsque le texte de cet alinéa prévoit que le comité vérifie que les demandeurs remplissent les conditions fixées aux articles précédents , on n'y est plus à partir de « notamment ».

Ce mot devrait logiquement décliner une des composantes des deux conditions. Or, contre la grammaire et contre la logique des articles précédents, il introduit une nouvelle condition : qu'il y ait un lien de causalité ou plus précisément puisque nous sommes dans le domaine de la probabilité, que ce lien puisse être regardé comme possible. Avec ce « notamment », sous couvert de préciser un des aspects des deux conditions, on réintroduit la preuve du lien de causalité, à cette différence avec la situation actuelle -pour les militaires- que l'administration de la preuve ou sa négation revient entièrement au comité.

Cette analyse a conduit votre rapporteur à proposer à la commission de rétablir la cohérence du dispositif sans pour autant instituer un régime de présomption automatique qui exclurait l'étude de chaque cas individuel.

Il est apparu plus conforme à la logique du texte de prévoir que le comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsque celles-ci sont réunies, la victime bénéficie d'une présomption de causalité à moins que le comité n'en n'apporte la preuve contraire.

Dans ce cadre, le demandeur doit prouver qu'il souffre d'une maladie radio-induite et qu'il a séjourné dans une zone de retombées radioactives. Si c'est le cas, compte tenu des incertitudes et de la difficulté à démontrer de façon incontestable l'origine de la maladie, il bénéficie d'une présomption de causalité. Il revient au comité de démontrer, le cas échéant, que la probabilité du lien entre la maladie du demandeur et les essais nucléaires est négligeable.

C'est non seulement la logique du texte, mais également la façon dont ce texte est présenté par le ministre de la défense lui-même lorsqu'il soutient devant l'Assemblée nationale que « désormais, c'est à l'Etat, le cas échéant, qu'il reviendra de prouver l'absence de lien de causalité entre la maladie et l'exposition ».

Avant de proposer une rédaction, votre rapporteur a cependant souhaité s'interroger sur la façon dont concrètement le comité allait instruire les dossiers afin de confronter les termes de la future loi à la réalité concrète de l'examen des dossiers.

Des informations fournies lors des auditions, il apparaît que le comité va dans un premier temps vérifier si le demandeur remplit bien les conditions d'éligibilité au dispositif. Dans un second temps, le comité va recenser les informations suivantes : la maladie en cause, l'âge de la victime lors de l'exposition, l'âge de la survenue de la maladie et la dose d'exposition supposée.

A partir de ces données et à l'aide de modèles statistiques issus des études épidémiologiques propres à chaque maladie, le comité évaluera l'accroissement relatif de la probabilité pour le demandeur d'avoir déclenché la maladie qui est attribuable à l'exposition à des rayonnements ionisants à l'occasion des essais nucléaires, autrement dit le risque attribuable aux essais.

Ce risque attribuable devrait être calculé par un modèle mathématique issu des travaux de l'UNSCEAR et de l'AIEA à l'image de celui reproduit dans l'encadré ci-dessous, qui prendra comme paramètre, outre le niveau d'exposition, le sexe, l'âge au moment de l'exposition, l'âge au moment de l'apparition de la maladie, le délai écoulé entre l'exposition et l'apparition de la maladie, la nature de la maladie.

Dans ces modèles, la nature de la maladie a un impact important puisque le niveau d'exposition à partir duquel une probabilité raisonnable d'apparition de la maladie se manifeste est beaucoup plus bas, par exemple, pour une leucémie que pour un cancer des intestins.

Méthode internationale de calcul de probabilitéqu'une maladie constatée soit liée à une exposition aux rayonnements ionisants

La méthode retenue par l'AIEA et reconnue par l'UNSCEAR résulte des travaux en épidémiologie issue de la communauté scientifique internationale. Des formules mathématiques adaptées aux différents cas permettent de décrire le risque relatif (RR), puis d'en déduire la probabilité (P) que la maladie étudiée soit due à l'exposition aux rayonnements ionisants. Le risque relatif est la façon habituelle de comparer le nombre de maladies apparaissant dans une population exposée au nombre apparaissant dans une population équivalente non exposée. Ainsi, pour une maladie déterminée, RR=1 signifie qu'il y a le même nombre de malades dans les deux populations, donc que le facteur d'exposition n'a pas d'influence. Un RR supérieur à 1 signifie qu'il y a un surcroît de personnes atteintes de cette maladie dans la population exposée.

La méthode générale de calcul de la probabilité qu'une maladie constatée chez une personne soit liée à son exposition se présente en deux étapes :

Calcul du risque relatif :

RR= 1+ (aD + bD 2 ) e c pour les leucémies

RR= 1 + aD e (b(e-10)) pour d'autres cancers

D'autres formules spécifiques à certains cas sont utilisées. a,b et c sont des coefficients tenant compte de l'âge lors de l'exposition, de l'âge lors de l'apparition de la maladie et du délai écoulé entre l'exposition et l'apparition de cette maladie. Ces coefficients sont indiqués par l'AIEA pour les différents cas. D est le niveau d'exposition. Il est la plupart du temps connu par la surveillance individuelle. Dans les autres cas, les données physiques de la surveillance collective ou environnementale permettent de le reconstituer avec une précision convenable.

Calcul de la probabilité de lien en fonction du risque relatif : P = (RR-1)/RR

Exemple pour la leucémie

Un homme avec une leucémie à 68 ans après une seule irradiation de 100 mSv à 43 ans.

Le modèle pour un âge supérieur à 20 ans et une latence égale ou inférieure à 25 ans est donné par la formule RR = 1 + (0,243D + 0,271D 2 ) e (2,380) Soit RR = 1 +( 0,243x0,1 + 0,271X0,1X0,1) x 10,665 d'où RR = 1,2881. La probabilité de lien ou risque attribuable est (RR-1)/RR soit 22,37%

Cas pour une leucémie, en fonction de l'exposition

Diagnostiquée chez un homme de 65 ans, exposé à l'âge de 43 ans

Variations du risque  attribuable (probabilité que l'exposition soit la cause de la leucémie) selon l`exposition.

Exposition (mSv)

Risque attribuable

100

22%

50

12%

10

3%

3

0,8%

Si ce risque attribuable dépasse un certain seuil qui pourrait être de 1 %, c'est-à-dire une chance sur cent de plus d'avoir déclenché la maladie, le demandeur sera indemnisé, en-dessous il ne le sera pas. En dessous de 1 % ou du seuil choisi, on considérera que le lien entre la maladie et l'exposition est négligeable. C'est en l'occurrence la méthodologie utilisée par le système américain où le seuil de recevabilité de la demande a été fixé à 1 % de risque attribuable, défini comme la probabilité que la pathologie considérée soit due à l'exposition.

Dans le modèle mathématique, ce risque attribuable varie essentiellement avec les doses d'exposition exprimées en millisieverts, puis dans une moindre mesure en fonction de l'âge lors de l'exposition et lors du diagnostique. Le profil des courbes statistiques est cependant propre à chaque maladie.

La notion de risque attribuable présente plusieurs avantages . Elle permet dans une certaine mesure de pendre en compte le problème des susceptibilités individuelles puisque la radiosusceptibilité est mesurable et pourra être prise en compte par un facteur correcteur. Un raisonnement analogue peut être fait en cas d'actions conjointes de deux causes de cancer. Dans le cas d'un cancer du poumon, le modèle devra prendre en considération le risque attribuable au tabagisme pour ne pas l'imputer aux rayonnements ionisants, mais aussi le fait que l'irradiation accroît le risque lié au tabagisme.

Le comité décidera souverainement et de la méthode et d'une des données centrales à savoir la dose d'exposition. Il existe, certes, des relevés dosimétriques issus de dosimètres individuels. Mais moins de la moitié des personnes présentes dans les zones contaminées pendant les périodes concernées disposait de dosimètre. Il est vraisemblable que le comité sera contraint « d'attribuer une dose »  à une grande partie des demandeurs en fonction de leur localisation lors des essais. Dans certains cas, le comité pourra se fonder sur des dosimètres d'ambiance, dans d'autres, il lui faudra émettre des hypothèses en fonction de la localisation du demandeur lors des essais.

Selon la méthode utilisée, les paramètres employés -par exemple linéarité avec ou sans seuil- selon que l'hypothèse de dose d'exposition haute ou basse sera retenue, certaines victimes pourront ou non être indemnisées.

Dans ce contexte, le comité disposera d'une marge de manoeuvre importante et d'outil statistique d'une technicité peu accessible au demandeur.

En outre, il faut garder à l'esprit que ce type de modélisation comporte une marge d'incertitude. En effet, ces modèles sont fondés sur des moyennes statistiques qui par construction ne prennent pas bien en compte les sensibilités individuelles notamment génétiques. Faute de mieux, on utilise l'épidémiologie comme instrument de diagnostique individuel. Destinée à éclairer les mesures de prévention collectives, l'épidémiologie a par nature -et, de surcroît, quand elle se traduit par un modèle mathématique- nécessairement des limites. Elle ne peut, en effet, par définition supprimer une marge d'incertitude face au cas individuel. Cette marge d'incertitude devrait bénéficier au demandeur.

Cette marge d'incertitude et la marge de manoeuvre du comité pour procéder à des évaluations statistiques inaccessibles aux victimes n'ont fait qu'accroître le sentiment que le doute devait bénéficier aux victimes et qu'il convient de confier la charge de « la preuve contraire » au comité.

Seul un dispositif de ce type instauré par ailleurs aux USA pour les victimes des essais nucléaires américains, proposé également par le Médiateur de la République et réclamé par l'ensemble des associations de victimes permet un examen équitable des dossiers.

Après avoir introduit la présomption de causalité, il est apparu nécessaire de définir les modalités de la preuve contraire.

Affirmer qu'il revient le cas échéant au comité de prouver qu'il n'existe pas de lien entre une maladie et l'exposition à des rayonnements ionisants aurait conduit à confier au comité une mission impossible. En effet, il n'existe pas de moyen scientifique d'apporter la preuve de l'absence ou de l'impossibilité d'un lien, dans la mesure on ne peut pas déterminer de façon définitive les causes de ces cancers.

La solution qui aurait consisté à affirmer que le comité pouvait écarter une demande s'il prouve qu'il existe une autre cause que l'exposition aux rayonnements ionisants ne peut être retenue. Les cancers étant des maladies multifactorielles ou les facteurs de risque interagissent, cette solution aurait été particulièrement injuste. Il est, par exemple, établi que l'exposition aux rayonnements ionisants multiplie les risques du cancer du fumeur. Ainsi quand il y une exposition à des doses radioactives significatives, le tabagisme peut éventuellement atténuer le risque attribuable aux essais nucléaires, mais en aucun cas dédouaner totalement la responsabilité de cette exposition dans la survenue d'un cancer.

Après réflexion, il a été proposé d'introduire la notion de risque attribuable et d'affirmer que la victime bénéficie d'une présomption de causalité à moins que le comité n'évalue que le risque attribuable aux essais nucléaires est négligeable.

Cette rédaction correspond à la volonté de rendre la « preuve contraire » possible, de coller au plus près de réalité concrète de l'examen des dossiers et de fonder son élaboration sur une analyse scientifique.

La démarche à laquelle invite le texte de la commission consiste à évaluer dans quelle mesure l'exposition de la victime a accru son risque de déclencher une maladie radio-induite. Lorsque ce risque attribuable à l'exposition aux rayonnements ionisants est tellement faible que le lien entre la maladie et l'exposition n'est plus vraisemblable, alors la présomption pourra être écartée. A l'inverse, si ce risque n'est pas négligeable ou s'il y a un doute, alors la victime bénéficiera d'une présomption de causalité entre la maladie et les essais et sera par conséquent indemnisée.

Pour ces raisons, votre commission a adopté un amendement indiquant que « Le comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsque celles-ci sont réunies, le demandeur bénéficie d'une présomption de causalité à moins que le comité n'évalue que compte tenu de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le risque attribuable aux essais nucléaires est négligeable ».

c) Les pouvoirs du comité d'indemnisation lors de l'instruction

Le paragraphe II de cet article 4 définit les pouvoirs accordés au comité dans le cadre de son instruction des dossiers. Il précise la répartition des rôles entre le comité et le ministre de la défense.

Le comité dispose de larges pouvoirs puisqu'il peut faire « procéder à toute investigation scientifique ou médicale utile, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé » (alinéa 4). Il peut également « requérir de tout service de l'État, collectivité publique, organisme gestionnaire de prestations sociales ou assureur, communication de tous renseignements relatifs à leurs obligations éventuelles . » (alinéa 5).

La notion d'obligations éventuelles, bien que peu claire, renvoie sans doute aux obligations des caisses d'assurance-maladie ou des assureurs. Votre rapporteur considère que c'est là une conception assez restrictive des informations qui pourraient être utiles au comité pour, par exemple, prouver ou infirmer la présence du demandeur dans les zones incriminées. Un recensement des passages de nomades dans le Sahara algérien ne correspond pas forcément à une obligation légale des services des armées, il peut en revanche se révéler être une information de nature à éclairer l'examen d'un dossier. C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement substituant à la notion « d'obligations éventuelles », celle plus large de « renseignements nécessaires à l'instruction de la demande ».

Pour préserver la confidentialité des données, le texte prévoit que ces informations ne peuvent pas être utilisées « à d'autres fins que l'instruction de la demande » . Les membres du comité, ayant à connaître des informations couvertes par le secret professionnel, sont eux-mêmes astreints au secret professionnel , sans qu'il soit nécessaire de le préciser dans le texte . L'article 226-13 du Code pénal prévoit que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende . »

Le texte du projet de loi ne précisait pas le régime applicable aux informations classifiées . Afin d'éviter que la protection de certaines données ne fasse obstacle au travail d'instruction du comité, notamment les éléments concernant les militaires, l'Assemblée nationale a réparé cet oubli. Elle a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement qui prévoit que « les membres du comité et les agents désignés pour les assister doivent être habilités, dans les conditions définies pour l'application de l'article 413-9 du Code pénal, à connaître des informations visées aux alinéas précédents ».

Cette disposition permettra aux membres du comité d'indemnisation ainsi qu'aux agents qui les assistent d'être habilités à connaître des informations classifiées.

L'Assemblée nationale a adopté à cet alinéa un amendement tendant à imposer au comité d'indemnisation le respect du principe du contradictoire , laissant au demandeur la possibilité de contester l'analyse faite par ses membres ou par les experts auxquels il recourt.

Dans la mesure où le comité sera amené à formuler une recommandation pouvant conduire le ministre à prendre une décision faisant grief, la procédure doit, en effet, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CEDH), veiller au respect des droits du demandeur et, en particulier, au principe du débat contradictoire. Le demandeur devra ainsi être informé et mis en mesure de prendre connaissance de son dossier et de présenter sa défense avant même que l'avis du comité soit rendu.

L'application de ce principe en matière de prise en charge d'accidents et de maladies au titre de la législation sur les risques professionnels donne un bon exemple de ses implications dans une procédure non contentieuse.

Ce principe implique pour la Cour de cassation dans une jurisprudence maintenant établie 11 ( * ) 1) de communiquer au demandeur tous les éléments susceptibles de lui faire grief, 2) de l'informer de la fin de la procédure d'instruction, sans que celui-ci ait à la solliciter 3) de l'inviter à consulter le dossier établi à l'issue de l'instruction, 4) de lui communiquer la date à laquelle la recommandation de prise en charge, ou de rejet, sera adoptée.

Votre commission souhaite que les mêmes principes s'appliquent lors de cette procédure. Elle a, en conséquence, adopté un amendement prévoyant que le décret d'application du projet de loi définisse les modalités permettant le respect du contradictoire et des droits de la défense .

Dans le cadre de ce débat contradictoire, il est souhaitable que les demandeurs puissent être assistés par une personne de leur choix, avocat, représentant d'associations de victimes, représentant syndical ou médecin. Votre commission a en conséquence adopté à cet alinéa un amendement tendant à prévoir explicitement cette possibilité. Il s'agit de s'assurer que les demandeurs puissent bénéficier du soutien et de l'expertise de la personne de leur choix . Cet amendement conforte le rôle des associations sans l'imposer.

d) Le pouvoir de décision du ministre de la défense

L'alinéa 6 détermine les pouvoirs respectifs du comité et du ministre de la défense.

L e comité ne dispose que d'un pouvoir de recommandation au ministre qui décide alors librement soit de faire une offre d'indemnisation, soit de rejeter la demande.

Le projet de loi prévoit que « Le comité présente au ministre de la défense une recommandation sur les suites qu'il convient de donner à la demande. Le ministre, au vu de cette recommandation, notifie son offre d'indemnisation à l'intéressé ou le rejet de sa demande. »

Si on peut penser que le ministre souhaitera suivre les recommandations du comité, le dispositif proposé le place devant la situation délicate d'être à la fois juge et partie puisque c'est à son ministère que revient la charge de l'indemnisation.

Le coût de l'ensemble des indemnités étant financé par le budget du ministère sur un programme destiné aux pensions, certains craignent qu'une fois les crédits annuels affectés aux victimes des essais nucléaires dépensés, le ministère soit un jour, le cas échéant, contraint dans un contexte budgétaire tendu de devoir arbitrer entre les pensionnés et les victimes. Autrement dit, donner le pouvoir de décision au ministère serait éventuellement prendre le risque de voir certaines décisions être prises au regard de considérations qui relèveraient autant sinon plus de la discipline budgétaire que de l'équité.

L'Assemblée nationale a, par un amendement de son rapporteur, souhaité atténuer le pouvoir discrétionnaire du ministre en prévoyant que la recommandation du comité soit communiquée par le ministre au demandeur lors de la notification de son offre ou de son rejet . Cette obligation constituera, s'il en était besoin, une forte incitation à suivre des recommandations devenues publiques. En outre, la recommandation pourrait utilement servir de support à une éventuelle contestation devant le juge administratif.

Bien que cela ne soit pas prévu par le projet de loi, on pouvait vraisemblablement penser que la décision du ministre devrait être par ailleurs motivée. L'article 1 er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public prévoit, en effet, que « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ». La justification exigée par cette loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

Toutefois, cet article précise que l'administration est tenue de motiver les décisions qui " refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. " Or, les décisions prises en matière d'indemnisation pourraient ne pas rentrer dans cette dernière catégorie, dans la mesure où les droits des requérants sont déterminés en fonction des responsabilités encourues et du préjudice subi et ne correspondent pas à un droit stricto sensu.

Dans le doute sur l'applicabilité de la loi de 1979 sur ce texte qui ne prévoit pas un droit à indemnisation mais une possibilité, votre commission a adopté à cet alinéa un amendement imposant au ministre de motiver sa décision lors d'un rejet.

Votre commission s'est également interrogée sur les recours éventuellement contre les décisions du ministre et sur la localisation des tribunaux administratifs compétents. Il lui est apparu que pour les ressortissants de Polynésie française, il était sans doute pénalisant de devoir s'adresser aux tribunaux métropolitains.

C'est pourquoi elle a souhaité que le décret d'application de la loi indique que les litiges relatifs à la décision du ministre relèvent de la compétence du tribunal administratif de Papeete lorsque le demandeur a sa résidence dans le ressort territorial de cette juridiction et du tribunal administratif de Paris dans les autres cas. Le choix du tribunal de Paris pour les autres cas permettra d'éviter une trop grande disparité de jurisprudence et de créer, le cas échéant, un pôle spécialisé sur ce type de contentieux.

L'Assemblée nationale a également encadré les délais de la procédure.

Le projet de loi ne fixait aucun délai pour l'instruction des demandes. Il était simplement indiqué qu'un délai serait prévu par un décret en Conseil d'Etat.

Aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, le comité disposera d'un délai de quatre mois pour instruire la demande et émettre sa recommandation et le ministre d'un délai de deux mois à compter de la réception de celle-ci pour se prononcer.

Le comité devant sans doute faire face à un afflux massif de demandes lors de la première année, l'Assemblée nationale a porté à huit mois les délais d'instruction par le comité à compter du dépôt de la demande. Autrement dit, la première année, le délai maximum entre l'enregistrement de la demande et la décision du ministre sera de dix mois, puis les années suivantes de six mois.

Compte tenu de la nécessité dans certains cas d'avoir recours à des expertises médicales, on peut douter de la capacité du comité à respecter les délais. En effet, le recours à des experts médicaux peu nombreux dans ce domaine spécialisé peut prendre plusieurs mois.

Aussi pour ne pas, dans ce cas, susciter des contentieux liés au non-respect des délais, votre commission a adopté à cet alinéa un amendement ouvrant la possibilité de porter à six mois le délai d'instruction lorsque le comité recourt à des expertises .

Si le délai prévu pour la première année paraît long pour des situations qui sont souvent urgentes, il prend en compte le fait qu'il existe déjà plus de 350 dossiers en instance devant les tribunaux. Il est vraisemblable que, les premiers mois, un certain nombre de demandeurs, qui étaient auparavant découragés par la complexité des procédures, vont, par ailleurs, déposer des dossiers du fait de l'existence du nouveau dispositif. Le délai de la première année prend en compte cet afflux.

Il est à noter que, conformément aux principes généraux du droit et à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, l'absence de réponse dans les délais impartis vaudra rejet de la demande, décision implicite qui permettra un éventuel recours devant les tribunaux administratifs.

On pourrait être tenté de renverser par la loi cette logique et de prévoir que le silence de l'administration vaut acceptation comme c'est le cas, par exemple, dans le code de l'urbanisme en matière de permis de construire. Outre que cela n'aurait que peu de sens puisqu'il faudrait de toute façon un recours pour obtenir l'évaluation de l'indemnisation et, partant, l'instruction du dossier, l'article 22 de la loi du 12 avril 2000 précité dispose que l'acceptation implicite n'est jamais possible pour une demande à caractère financier.

Le paragraphe III, alinéa 7, du projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'État qui précise notamment la composition exacte du comité, son organisation, les éléments que doit présenter le demandeur ainsi que les modalités et les délais de l'instruction. Du fait de l'introduction du dispositif relatif aux délais, ce paragraphe est devenu le paragraphe IV.

Votre commission a adopté à cet alinéa un amendement rédactionnel tendant à remplacer dans le renvoi au décret les dispositions relatives aux délais, qui sont maintenant prévues par la loi, par des dispositions relatives au respect du contradictoire et des droits de la défense.

Aux termes de l'examen de cet article et pour les raisons ci-dessus exposées, votre commission a adopté cet article ainsi amendé.

Article 5 - Régime financier de l'indemnité

L'article 5 fixe le régime financier de l'indemnisation. Il dispose qu'elle est versée sous forme de capital dont doivent être déduites toutes les sommes perçues par ailleurs au titre de la réparation d'un même dommage.

L'alinéa 1 dispose que l'indemnité est versée sous forme de capital , excluant toute pension ou rente, comme cela peut être le cas dans des dossiers relatifs à une invalidité.

L'alinéa 2 interdit de cumuler l'indemnisation reçue au titre de la présente loi avec d'autres réparations préalablement perçues, quel que soit le cadre juridique de leur obtention. « Toute réparation déjà perçue par le demandeur à raison des mêmes chefs de préjudice et notamment le montant actualisé des pensions éventuellement accordées est déduite des sommes versées au titre de l'indemnisation prévue par la présente loi ». Les modalités pratiques de ces remboursements seront définies dans le cadre d'une convention-cadre établie entre le ministère de la défense et tous les organismes qui ont pu prendre à leur charge l'indemnisation des victimes, notamment la caisse d'assurance-maladie de Polynésie. Pour ce qui concerne les populations civiles d'Algérie, le régime d'indemnisation ou de remboursement devrait être fixé par un accord entre la France et l'Algérie.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, les sommes versées par le ministère de la défense au titre de cette indemnisation seront financées sur son budget propre au titre des pensions.

Cette solution a été préférée à un fonds d'indemnisation sur l'exemple du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

Le recours à un fonds d'indemnisation aurait eu l'avantage d'apporter une forte visibilité à la cause des victimes. On peut se demander si, par ailleurs, il ne permettrait pas de mieux sanctuariser les ressources consacrées à cette indemnisation dans un contexte où le budget du ministère de la défense est soumis comme l'ensemble du budget de l'Etat aux contraintes budgétaires engendrées par la détérioration de nos finances publiques.

Quand on observe les fonds existants, force est de constater que le recours à un fonds n'est pas toujours la solution la plus pertinente. Ainsi, par exemple, le rapport d'information n° 301 (2004-2005) de M. Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales, le 15 avril 2005, note que « Alors que la notion de « fonds » recouvre toutes les catégories juridiques possibles, le choix de faire du FIVA un établissement public administratif ne paraît pas avoir été comparé à d'autres solutions telles le recours à des structures existantes. Le retard pris pour l'indemnisation des premières victimes par le FIVA -deux ans et demi entre l'adoption par la loi du principe de réparation intégrale et sa mise oeuvre- illustre les difficultés initiales rencontrées de ce fait ».

La notion de fonds recouvre des réalités juridiques diverses ne disposant pas toujours de la personnalité juridique et n'apportant au final que peu de garantie supplémentaire par rapport au montage financier proposé par le projet de loi.

La création d'un fonds se justifie en outre lorsque les responsabilités ne sont pas clairement identifiées ou que les sources de financement sont multiples. Or, contrairement au cas de l'amiante, la responsabilité de l'État ne fait ici aucun doute. Les essais nucléaires ont été menés par l'État sous sa seule responsabilité. Sur le plan budgétaire, il apparaît donc pertinent que le versement des indemnités se fasse sur le budget de la défense.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, ces sommes seront prélevées sur le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Le programme devrait comporter une action spécifique retraçant les sommes consacrées à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires . Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit à cet effet sur ce programme un budget de 10 millions d'euros.

Serait-il opportun que ces crédits fassent l'objet d'un compte d'affectation spéciale (CAS) comme cela a été suggéré lors des débats à l'Assemblée nationale ? L'intérêt d'un CAS serait d'assurer une meilleure lisibilité au budget alloué aux indemnisations et des règles de gestion plus souples que celles qui sont applicables aux crédits du ministère. Au regard de l'article 21 de loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances qui détermine le régime des comptes d'affectation spéciale, les CAS ont cependant pour vocation de permettre la gestion de « recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». Or en l'espèce, il n'y a pas de recettes affectées. Dès lors, on voit mal comment justifier, lors de la loi de finances, la création d'un tel compte.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission a adopté ce texte sans modification.

Article 6 - Extinction des actions juridictionnelles

L'article 6 prévoit que l'acceptation de l'offre du ministre de la défense constitue une transaction au sens de l'article 2044 du code civil. Ce dernier dispose qu'une « transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». Les victimes qui acceptent l'offre qui leur est faite ne pourront en conséquence plus intenter une quelconque action et verront les actions pendantes cesser aussitôt. L'article 2044 précité indique que le contrat doit être rédigé. Le demandeur devra donc notifier au ministre son acceptation par écrit.

Cet article dispose également que l'acceptation « rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices. ». Si cette disposition empêche toute action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices, elle n'exclut pas le droit à demander réparation pour un nouveau dommage. Certains dommages pouvant être établis postérieurement à l'indemnisation, le demandeur devrait pouvoir déclencher une nouvelle procédure pour être indemnisé, au regard de ces nouveaux éléments et pour ces nouveaux préjudices.

Il convient de noter, par ailleurs, qu'en l'absence de disposition spécifique dans le projet de loi, le recours de droit commun contre la décision du ministre devra se faire devant les tribunaux administratifs. S'agissant d'une décision d'indemnisation, ce dernier est un recours de plein contentieux. Autrement dit les juges statueront non seulement sur la légalité de la décision mais également sur le montant de l'indemnité proposée. De surcroît, les juridictions administratives pourront requalifier un recours administratif pour excès de pouvoirs en recours de pleine juridiction si jamais le demandeur ne l'avait pas fait.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission a adopté ce texte sans modification.

Article 7 - La commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative du rapporteur de la commission des forces armées un article additionnel tendant à créer une commission de suivi de l'application du projet de loi.

Le dispositif adopté prévoit que « Le ministre de la défense réunit au moins deux fois par an une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires. » . La commission comprend « notamment des représentants des ministres chargés de la défense, de la santé, de l'outre-mer et des affaires étrangères, le président du gouvernement de la Polynésie française ou son représentant, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou son représentant, deux députés, deux sénateurs, cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires ainsi que quatre personnalités scientifiques qualifiées dans ce domaine. ».

La commission est « consultée sur le suivi de l'application de la présente loi ainsi que sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites. À ce titre, elle peut adresser des recommandations au ministre de la défense et au Parlement. » .

Un décret en Conseil d'État fixe la liste des membres, leurs modalités de désignation et les principes de fonctionnement de la commission.

Dans l'esprit de ses auteurs, ce comité a une triple vocation, il assure le suivi du mécanisme d'indemnisation, il veille à l'actualisation de la liste des maladies radio-induites, il associe les associations de victimes au suivi de l'application de la loi.

Votre rapporteur se félicite de cette avancée. Il importe en effet d'associer pleinement les associations de victimes qui ont tant oeuvré pour faire reconnaître les souffrances des personnes qui ayant participé à l'aventure nucléaire française en ont souffert dans leur chair. Il est également essentiel de veiller à l'actualisation de la liste des maladies concernées au regard des « travaux reconnus par la communauté scientifique internationale » comme le prévoit l'article 1 du projet de loi.

Il souhaite que cette commission puisse jouer un rôle important dans l'évaluation du dispositif. C'est pourquoi, il a été adopté à cet article un amendement prévoyant que cette dernière peut également se réunir à la demande de la majorité de ses membres. Dotée de la faculté de s'autosaisir à condition que la majorité de ses membres en soit d'accord, la commission pourra se saisir d'une avancée de la science, d'un dysfonctionnement grave pour émettre des recommandations sans attendre que le ministère ne la convoque.

La commission a adopté cet article ainsi amendé.

Article 8 - Exonération fiscale des indemnités

L'Assemblée nationale a adopté un deuxième article additionnel après l'article 6 exonérant d'impôt les indemnités versées en application du projet de loi.

Cet article insère, après le 33° bis de l'article 81 du code général des impôts -qui prévoit que « sont affranchies d'impôts » toute une série d'allocations, prestations et indemnités dont celles relatives aux victimes de l'amiante-, un 33° ter qui vise « les indemnités versées aux personnes souffrant de maladies radio-induites ou à leurs ayants droit, en application de la loi (...) relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français" ».

Votre rapporteur estime que cet alignement avec nombre d'indemnités comparables dans leur philosophie est justifié.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé à l'examen du présent rapport lors de sa réunion du 7 octobre 2009.

M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a souligné en introduction que ce texte était attendu depuis longtemps par ceux qui, ayant participé directement ou indirectement aux essais nucléaires français, avaient contracté, malgré les mesures de sécurité, une maladie radio-induite.

Il a estimé que c'était l'honneur de la République de reconnaître la responsabilité de l'Etat dans les souffrances que supportaient aujourd'hui ceux qui l'avaient servi hier. Il a salué la détermination et le courage du ministre sans lequel ce projet n'aurait sans doute pas été discuté. Il a également fait observer que le travail gouvernemental avait été facilité par de nombreuses contributions des parlementaires et par le travail des associations de victimes.

Il a indiqué que la France avait procédé à 210 essais nucléaires, 17 au Sahara, 193 en Polynésie française ; sur ce total, 50 étaient des essais atmosphériques et 160 des essais souterrains.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur , a considéré que dans l'ensemble, c'étaient les essais atmosphériques qui avaient eu le plus de conséquences sanitaires du fait de la dispersion des nuages radioactifs, mais que certains essais souterrains avaient eu également d'importantes conséquences suite à des incidents. Il a notamment évoqué l'essai Béryl au Sahara où des fissures avaient entraîné une retombée radioactive sur une bande de 150 km.

Il a rappelé que la France, sous la présidence de M. Jacques Chirac, avait abandonné, en 1996, définitivement, le recours à des essais « grandeur nature » et s'était lancée dans un programme de simulation qui, grâce aux progrès technologiques, fournissait aujourd'hui les moyens de garantir la fiabilité des armes nucléaires françaises.

Il a estimé que c'était grâce aux renseignements acquis lors de campagnes d'essais que la France avait pu créer et maintenir opérationnelle sa force de dissuasion. Il a rappelé l'expression du Général de Gaulle selon laquelle l'arme atomique avait donné à la France « les moyens de sa sécurité et de son indépendance, par là-même de son action au profit de l'équilibre et de la paix du monde ». En conséquence, il a affirmé que ce projet était un texte de reconnaissance des conséquences sanitaires des essais, mais aussi de reconnaissance à l'égard de ceux qui avaient contribué à assurer la sécurité et la grandeur du pays. Il a jugé que la France devait aux vétérans non seulement une juste réparation, mais également une légitime gratitude.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur , a ensuite évoqué le champ d'application du texte qui s'adresse à toute personne qui souffre d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants à l'occasion des essais nucléaires français. Il a souligné que les accidents du nucléaire civil étaient exclus ainsi que les accidents de radiothérapie.

Il a précisé que les maladies dont souffraient ces personnes étaient essentiellement des cancers, observant que, comme tous les cancers, il s'agissait de maladies « sans signature ». Il a insisté sur le fait qu'aucune analyse biologique ne permettait d'identifier une cause certaine de ces maladies. Il a considéré que cette caractéristique expliquait les difficultés que rencontraient aujourd'hui les victimes quand les tribunaux leur demandaient de prouver le lien de causalité entre leur maladie et les essais nucléaires, rappelant que, aujourd'hui, pour les militaires, sur 355 demandes d'indemnisation au titre d'une maladie liée aux essais nucléaires, seulement 21 avaient été acceptées.

Il a ensuite exposé les critères sur lesquels il s'était fondé pour juger de ce projet de loi. Il a observé qu'un système d'indemnisation efficace et juste était un dispositif fondé sur des critères clairs et objectifs, qui instaurait une procédure rigoureuse et transparente permettant, le cas échéant, de définir une indemnisation proportionnée aux préjudices subis.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur , a ensuite présenté le projet de loi. Le dispositif proposé prévoit, tout d'abord, un régime d'indemnisation unifié. Avec ce texte, serait créé, par la loi, un régime unique d'indemnisation et un comité d'indemnisation pour l'ensemble des victimes.

Le projet de loi instaure, en second lieu, une procédure simplifiée. Contrairement à la situation actuelle où les militaires doivent apporter des éléments de preuve du lien entre les maladies et les essais, le projet de loi n'exige que deux conditions :

- avoir résidé ou séjourné dans des zones potentiellement contaminées pendant les périodes d'expérimentation ;

- avoir contracté une maladie radio-induite inscrite sur une liste établie par le Conseil d'Etat.

Citant le ministre de la défense lors du débat à l'Assemblée nationale, il a souligné que, désormais, c'était à l'Etat, le cas échéant, qu'il reviendrait de prouver l'absence de lien entre l'exposition et la maladie.

Il a ensuite indiqué que le projet de loi prévoit la création d'un comité d'indemnisation spécifique. Il a fait observer que le Gouvernement avait fait le choix de ne pas intégrer ce dispositif dans un mécanisme existant, comme celui de l'ONIAM ou du FIVA, mais de créer un comité spécialisé, composé principalement de médecins, spécialisés en radiothérapie et habilités à connaître des informations classifiées.

Il a précisé que le projet de loi prévoyait enfin une réparation intégrale des préjudices.

Le rapporteur a estimé que l'architecture d'ensemble du projet de loi constituait par rapport au droit existant un indéniable progrès.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur , a ensuite évoqué les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, en considérant qu'elles avaient été positives, en encadrant mieux la procédure et en instaurant un suivi de l'application du projet de loi.

Evoquant les auditions auxquelles il a procédé, M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur , a estimé que la commission pouvait encore apporter à ce texte une valeur ajoutée à condition de préserver l'équilibre et l'efficacité du dispositif, tout en lui assurant des bases juridiques incontestables.

Il a affirmé qu'il avait été sollicité par les associations de victimes pour transformer le comité en un établissement public autonome et pour les y intégrer. Il a estimé que ce n'était pas la bonne voie. S'agissant de la proposition de création d'un fonds spécifique, il a fait remarquer que, si une telle solution avait été retenue pour les victimes de l'amiante, cela répondait à une logique de responsabilité partagée alors que, dans le cas des essais nucléaires, il n'y avait qu'un responsable : le ministère de la défense.

Il a considéré, de plus, que la création de ce fonds risquerait de retarder la mise en place du dispositif. En revanche, il s'est déclaré sensible à la nécessité d'accroître l'indépendance du comité vis-à-vis du ministère, jugeant qu'il ne fallait pas que sa composition puisse nourrir des soupçons quant à son impartialité. En conséquence, il a proposé que les experts médicaux, qui joueront un rôle central dans l'examen des dossiers, soient nommés conjointement par les ministres de la défense et de la santé, sur proposition de l'académie de médecine et non plus par le seul ministère de la défense.

Evoquant la demande des associations de rentrer dans la composition du comité d'indemnisation, il a estimé que l'équilibre atteint par le texte adopté par l'Assemblée nationale possédait une véritable cohérence. Le rôle des associations était de soutenir les victimes dans leur démarche et d'assurer le suivi du dispositif dans le comité de suivi et non de se substituer à des experts pour instruire les dossiers au sein dudit comité. En revanche, il a proposé de conforter leur rôle de soutien aux victimes en prévoyant :

- d'une part, que les demandeurs puissent être assistés par la personne de leur choix et donc, le cas échéant, par un représentant d'association ;

- d'autre part, que le comité de suivi, dont les associations sont membres, puisse s'autosaisir à la demande de la majorité de ses membres.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur , a ensuite estimé que, pour mettre fin à la fois aux soupçons et aux contentieux, ce texte devait s'inscrire dans le droit commun de la responsabilité.

Dans cette perspective, il a proposé une modification de l'article premier du projet de loi afin de prévoir l'indemnisation du préjudice propre des ayants droit. Il a souligné qu'il s'agissait de vrais préjudices qui, sans être ceux de la victime, étaient néanmoins réels. Ces situations de détresse morale et matérielle trouvent leur origine dans le même fait générateur : l'exposition à des rayonnements ionisants.

Il a indiqué que l'amendement qu'il proposait réglait tout à la fois un problème moral, celui de la réparation de ce préjudice, un problème d'équité, celui de l'égalité de traitement de toutes les victimes, et un problème juridique, celui de l'ouverture de nouveaux contentieux.

Dans un même souci de clarté et de lisibilité, M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur , a également proposé une modification de la rédaction de l'article 4 relatif à la présomption de causalité afin lever les ambigüités voire les contradictions du texte.

En effet, alors que, à l'article 3, il est exigé des victimes simplement de prouver qu'elles se sont trouvées dans les zones contaminées pendant les périodes où s'y abattaient des retombées radioactives, et qu'elles souffrent bien d'une maladie radio-induite, l'article 4 dispose que le comité examine si, « compte tenu de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le lien de causalité entre la maladie et les essais peut être regardé comme possible ». Il a estimé que cette contradiction venait de ce que le Gouvernement souhaitait à la fois conserver la main, avec une étude au cas par cas, sur des paramètres que seuls le comité maîtrisera et tendre la main aux victimes en simplifiant l'accès à l'indemnisation.

Il a souligné que sa proposition mettait en oeuvre la volonté affichée du ministre de faire reporter la charge de la preuve contraire à l'État et a fait observer que cette rédaction était très proche de celle proposée par le Médiateur de la République qui milite depuis longtemps sur ce dossier pour un régime de présomption de causalité.

L'amendement proposé par le rapporteur prévoit que, si la victime remplit les conditions, elle bénéficie d'une présomption de causalité, sauf si le comité, compte tenu des caractéristiques de la maladie et des conditions d'exposition, estime que le risque attribuable aux essais nucléaires est négligeable.

S'agissant de la procédure, M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a relevé trois inquiétudes subsistant à l'issue des débats à l'Assemblée nationale :

- les recours juridictionnels ;

- les délais de réponse ;

- les droits de la défense.

Il a estimé qu'une partie de ces craintes pouvait être apaisée par le rappel du droit commun, mais que d'autres conduisaient à proposer quelques modifications, certaines pour faciliter le travail du comité, notamment en termes de délais, d'autres, à l'inverse, pour renforcer les droits de la défense.

Les propositions d'amendements soumises à la commission ne visent pas à bouleverser le projet mais à le consolider, à préserver son équilibre et son efficacité tout en assurant sa sécurité juridique.

En conclusion, il a cité le ministre de la défense lors du débat à l'Assemblée nationale : « La France a été grande dans ce défi scientifique, technologique et humain. La France a été grande dans ce défi politique et stratégique, qui nous permet d'appartenir au cercle très restreint des puissances nucléaires. Elle doit désormais être grande dans sa volonté de réparer ses erreurs », et il a affirmé que le Sénat devait contribuer à cette grandeur.

M. André Vantomme a souligné que longtemps la France avait nié l'existence même des conséquences des essais nucléaires réalisés.

Il a rappelé que, le 13 février 1960, l'explosion « Gerboise bleue » permettait à la France d'intégrer le groupe des puissances nucléaires, soulignant qu'il s'agissait du premier d'une série de 45 essais atmosphériques. Il a indiqué que, entre 1960 et 1996, la France avait mené 210 essais atomiques, d'abord sur des sites sahariens, puis en Polynésie française.

Il a jugé que, près de cinquante ans après le premier essai nucléaire français, il était temps qu'un projet de loi reconnaisse les victimes du programme d'expérimentation nucléaire français, relevant que la France rejoindrait ainsi les autres puissances nucléaires occidentales, dans leurs démarches de réparation.

M. André Vantomme a salué la volonté du ministre de faire aboutir ce projet de loi et d'avoir levé les nombreux obstacles qui s'y opposaient. Il a rappelé le travail long et opiniâtre des associations Aven et Moruroa e tatou, qui avait permis que ce projet de loi soit enfin débattu. Il a souligné que ce texte arrivait après de nombreuses propositions de loi, émanant des associations de vétérans, de parlementaires, des élus polynésiens, et même du Médiateur de la République.

Il a ensuite évoqué les améliorations que le groupe socialiste souhaitait apporter à ce texte pour assurer un régime d'indemnisation juste, rapide et facile à mettre en oeuvre qui permette aux victimes d'obtenir réparation dans des délais garantis.

Il a indiqué que les amendements déposés tendaient à :

- renforcer l'efficacité et la simplicité du dispositif ;

- accroître l'indépendance du comité par rapport au ministre de la défense.

Il a proposé d'inscrire dans la loi le principe de présomption du lien de causalité entre la maladie et la présence sur les zones de retombées radioactives, d'affirmer que toutes les victimes des essais nucléaires doivent être indemnisées et qu'il s'agit d'un droit et non pas d'une possibilité.

Il a appelé de ses voeux :

- la création d'un dispositif comparable au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante doté d'une personnalité juridique ;

- l'instauration d'une réparation du préjudice propre des ayants droit.

S'agissant de la délimitation des zones, il a indiqué que son intention était d'éviter tout effet réducteur qui pourrait exclure injustement du dispositif d'indemnisation certaines victimes.

Il a souhaité la mise en place d'un droit d'indemnisation pour les personnes ayant séjourné ou travaillé sur les sites d'expérimentation postérieurement aux périodes visées à l'article 2.

Evoquant la procédure, il a soutenu l'intégration des associations de victimes au sein du comité d'indemnisation chargé d'examiner les demandes, ainsi que la création d'une commission nationale de suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, soulignant qu'il était primordial de prendre en compte cette double dimension.

En conclusion, il a estimé que les amendements proposés par le rapporteur allaient dans la bonne direction mais que le groupe socialiste souhaitait encore améliorer le texte.

M. Didier Boulaud a souligné que, si l'arrêt des essais nucléaires français avait été effectivement décidé en 1996 sous la présidence de M. Jacques Chirac, c'était François Mitterrand qui, le premier, avait déclaré un moratoire sur les essais dès 1992.

Mme Michelle Demessine a rappelé que ce projet de loi est une première étape sur la voie de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires effectués par la France, soulignant qu'il illustrait le rôle positif que pouvaient jouer des associations qui, à propos de ce problème de société et de santé publique, avaient réussi à faire évoluer la législation.

Elle a estimé que ce projet de loi était l'aboutissement encore imparfait d'un combat mené par deux associations depuis les années 2000 pour faire reconnaître et indemniser les victimes de maladies radio-induites qu'elles imputaient aux essais nucléaires pratiqués entre 1960 et 1996.

Elle a souligné que ce combat avait été relayé par dix-huit propositions de loi qui avaient fortement pesé sur la décision du Gouvernement de légiférer.

Estimant que ce texte avait une grande portée symbolique puisqu'il reconnaissait enfin, cinquante ans après, que les essais nucléaires avaient fait des victimes, elle a jugé qu'il était encore insuffisant et ne permettait pas de créer un véritable droit à indemnisation.

Elle a relevé que le texte adopté par l'Assemblée nationale avait apporté quelques améliorations non négligeables relatives, par exemple, aux dates, aux périodes et aux conditions d'indemnisation, à la délimitation des zones, ou bien encore à la création d'un comité de suivi dont feraient parties les associations,

Mme Michelle Demessine a regretté que :

- la présomption d'un lien de causalité entre les maladies radio-induites et les essais ne soit pas formellement inscrite dans la loi ;

- les associations ne soient pas représentées au sein du comité d'indemnisation ;

- les veuves et les ayants droit des victimes se voient toujours refuser toute forme de réparation personnelle ;

- aucun dispositif de retraite anticipée ne soit prévu ;

- la dimension environnementale des conséquences des essais ne figure pas parmi les missions du comité de suivi.

Elle a souligné que le désaccord le plus important portait sur le principe et la procédure d'indemnisation.

Elle a considéré que le comité d'indemnisation, par sa composition et par son mode de fonctionnement, n'était qu'une structure sans responsabilité, puisque la décision finale était prise par le ministre qui était à la fois juge et partie.

Elle a estimé qu'il s'agissait en outre d'une indemnisation a minima, qui sera limitée aux victimes ayant participé aux seuls essais dont le ministère reconnaît qu'ils ont donné lieu à des incidents.

Elle a indiqué que, pour ces raisons, le groupe communiste proposerait la création d'un fonds spécifique d'indemnisation des victimes doté d'une personnalité juridique propre et de pouvoirs de décision.

Elle a cependant concédé que les propositions du rapporteur allaient dans le bon sens, mais n'étaient pas suffisantes pour réellement prendre en compte les demandes des associations que le groupe communiste avait traduites dans ses amendements.

Mme Dominique Voynet a souligné que, après des années de déni et de mépris, le changement d'attitude de l'Etat à l'égard des victimes des essais nucléaires était récent, relevant que le premier mérite de ce texte était finalement cette reconnaissance des victimes et de leurs souffrances. Après s'être félicitée de l'existence de ce texte et du régime d'indemnisation, elle a présenté trois suggestions. En premier lieu, elle a jugé qu'il fallait apporter à la société polynésienne une réponse globale sur la façon dont ce territoire avait été utilisé pour ces expérimentations. Elle a estimé ensuite qu'il fallait mieux prendre en compte les conséquences environnementales des essais nucléaires sur la faune et la flore. Enfin elle a relevé qu'il fallait tirer les leçons des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires et ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé, relevant que de nombreuses interrogations demeuraient, par exemple, sur les conséquences des activités du site du commissariat à l'énergie atomique de Valduc en Bourgogne.

M. Josselin de Rohan , président , a ensuite indiqué que si trente-deux amendements avaient été déposés à la commission, seuls trente et un avaient été distribués, l'amendement 21 étant irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution.

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M-P Cléach

1

Clarifier la situation des victimes indirectes

Irrecevable

M. Demessine

16

Inscrire le principe du droit à une réparation intégrale des préjudices causés par les essais nucléaires

Irrecevable

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

24

Élargir le droit à réparation aux préjudices propres des ayants droit

Irrecevable

Observant que l'indemnisation du préjudice propre des ayants droit est généralement admise par le droit commun de la responsabilité administrative et civile, M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur, a estimé qu'il était préférable d'insérer cette possibilité dans le régime d'indemnisation, de sorte que l'ensemble des préjudices soient traités en une seule fois plutôt que d'obliger les ayants droit à venir encombrer les tribunaux à l'issue de mois de procédure devant le comité.

M. Hervé Morin, ministre de la défense, s'est déclaré défavorable aux amendements 1, 16 et 24 qui ont pour objet d'intégrer la réparation du préjudice propre des ayants droit dans le dispositif. Il a indiqué que cette indemnisation pouvait être obtenue devant les tribunaux ordinaires. Il a jugé, en outre, que cet élargissement du régime d'indemnisation allait créer un afflux de demandes et engorger le comité. Enfin, il a demandé que la commission des finances examine la recevabilité financière de ces amendements.

M. André Vantomme a jugé qu'il était regrettable d'évoquer cette question sur une proposition qui faisait l'objet d'un consensus.

Mme Dominique Voynet a jugé qu'il était excessif de penser que l'indemnisation du préjudice des ayants droit se traduirait par une augmentation aussi importante des demandes.

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M-P Cléach

2

Amendement tendant à supprimer « directement »

Adopté

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

22

Identique au précédent

Satisfait

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

23

Poser le principe d'un droit à réparation

Rejeté

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

25

Extension des zones géographiques concernées par le dispositif d'indemnisation

Rejeté

Evoquant Tchernobyl, M. André Vantomme a estimé que, en application du principe de précaution, il était nécessaire d'avoir une conception large des zones géographiques concernées par le projet de loi.

M. Hervé Morin, ministre de la défense , a fait observer que les derniers essais atmosphériques avaient eu lieu en 1974 et que, aujourd'hui, il n'y avait pas plus de radioactivité dans les atolls de Mururoa qu'en Bretagne, soulignant que le texte du Gouvernement prévoyait des périodes débutant avec les premiers essais et prenant fin avec le démantèlement des installations.

Mme Dominique Voynet a réfuté cette comparaison en estimant que la nocivité et la durée de vie de la radioactivité étaient variables selon les atomes utilisés. Elle a fait observer qu'il fallait, en outre, prendre en compte les effets induits par la contamination de la faune et de la flore.

Article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M-P Cléach

3

Amendement de coordination

Tombé

La commission a décidé de reporter la discussion des amendements 17 et 26 à la discussion, à l'article 4, de l'amendement 6 du rapporteur dont l'objet est similaire.

Article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

27

Élargir la possibilité de réparation aux personnes ayant séjourné ou travaillé sur les sites postérieurement aux périodes visées par la présente loi

Rejeté

Article additionnel après l'article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Demessine

18

Identique au précédent

Rejeté

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Demessine

19

Créer un fonds d'indemnisation des victimes des essais nucléaires

Rejeté

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

28

Identique au précédent

Rejeté

M. André Vantomme et Mme Michelle Demessine ont estimé que le comité d'indemnisation n'offrait pas les garanties d'indépendance nécessaires dans la mesure où il laissait tout le processus d'indemnisation entre les mains du ministère de la défense. Ils ont jugé que la création d'un fonds spécifique d'indemnisation, inspiré du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et doté d'une personnalité juridique, serait une solution plus adaptée.

M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a indiqué que, si la création d'un établissement public avait été justifiée pour l'indemnisation des victimes de l'amiante par la volonté de mutualiser des fonds provenant de l'Etat comme du secteur privé, il en allait autrement dans le cas des victimes des essais nucléaires, puisqu'il n'y avait qu'un seul responsable, le ministère de la défense et qu'une seule source de financement, son budget. Il a estimé que, non seulement la création d'un fonds ne se justifiait pas, mais qu'elle risquait de retarder la mise ne place du dispositif d'indemnisation.

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

29

Intégrer les associations de défense des victimes au comité d'indemnisation

Rejeté

M. Hervé Morin, ministre de la défense , a fait observer que le rôle des associations était de soutenir les demandeurs dans leurs démarches. Il a indiqué qu'il était hostile au fait que les associations intègrent le comité et aient accès aux dossiers médicaux des demandeurs.

Mme Michelle Demessine a souligné que les associations figuraient parmi les membres du conseil d'administration du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

Mme Dominique Voynet a fait valoir que la présence des associations dans le comité et l'indépendance des experts médicaux étaient liées.

M. Hervé Morin, ministre de la défense , a rappelé que les médecins qui figureront au sein du comité exerceront leur mission en toute indépendance et conformément à leur déontologie. Il a estimé qu'on ne pouvait pas éprouver systématiquement de la défiance à l'encontre des représentants de l'État qui siègeront au sein du comité et que, dans un État républicain, on se devait d'avoir confiance dans des serviteurs de l'État qui exercent leur fonction dans l'intérêt général.

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M-P Cléach

4

Accroître l'indépendance du comité d'indemnisation

Adopté après rectification

M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a indiqué que cet amendement tendait à ce que les experts médicaux du comité d'indemnisation, qui seront amenés à jouer un rôle central dans l'examen des dossiers, soient nommés conjointement par les ministres chargés respectivement de la défense et de la santé sur proposition de l'Académie nationale de médecine. Il a souligné qu'assurer au comité une plus grande indépendance par rapport au ministère de la défense contribuait à écarter les soupçons relatifs à son impartialité.

Mme Dominique Voynet a estimé que cet amendement poursuivait un objectif louable mais que l'intervention de l'Académie nationale de médecine lui paraissait inadaptée, observant que cette institution s'était manifestée ces dernières années par des positions critiquées sur plusieurs dossiers sensibles.

M. Hervé Morin, ministre de la défense , a suggéré que l'Académie nationale de médecine soit consultée mais qu'elle n'ait pas de pouvoir de proposition.

M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a proposé alors que les experts médicaux du comité soient nommés par les ministres de la défense et de la santé sur proposition du Haut conseil de la santé publique.

M. André Trillard a souligné le rôle et la compétence des membres de l'Académie nationale de médecine.

L'amendement n° 4 ainsi modifié a été adopté.

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M-P Cléach

5

Amendement de précision

Adopté après rectification

M-P Cléach

6

Clarifier le processus d'examen des demandes d'indemnisation, poser le principe de présomption de causalité, définir les modalités d'administration de « la preuve contraire »

Adopté après rectification

M. Demessine

17

Inscrire le principe de la présomption de causalité entre la maladie et les essais

Satisfait

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

26

Identique au précédent

Satisfait

M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a indiqué que l'amendement n° 6 tendait à clarifier le dispositif d'examen des demandes et instaurait un mécanisme de présomption de causalité. Il a estimé nécessaire que les demandeurs, lorsqu'ils réunissaient les conditions relatives à la maladie et au séjour dans les zones de retombées radioactives, puissent bénéficier d'une présomption de causalité entre leur maladie et les essais nucléaires. Il a précisé que son amendement définissait également les conditions dans lesquelles le comité d'indemnisation pouvait écarter une demande. Il a indiqué que, aux termes de son amendement, la victime peut bénéficier d'une présomption de causalité à moins que, au regard de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Il a jugé que cette rédaction définissait un juste équilibre entre le droit des victimes et le nécessaire examen au cas par cas des dossiers.

Mme Michelle Demessine a indiqué qu'elle partageait les observations du rapporteur et qu'il était nécessaire d'inscrire le principe d'une présomption du lien de causalité entre la maladie et l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires, observant que si l'amendement du rapporteur était adopté, elle retirerait son amendement n° 17.

M. André Vantomme a souligné que, avec le principe de présomption, en cas de contestation, la charge de la preuve incomberait à l'État et non plus à la victime. Il a estimé que son amendement n° 26 était satisfait par celui du rapporteur.

M. Hervé Morin, ministre de la défense , a proposé un sous-amendement substituant la notion de demandeur à celle de victime et modifiant les modalités d'administration de la preuve contraire afin que le comité puisse écarter une demande s'il établit l'existence d'un degré suffisant de vraisemblance d'une cause de la maladie autre que l'exposition aux rayonnements.

M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a proposé de modifier son amendement sur la notion de demandeur, mais a estimé impossible de prévoir que le comité puisse écarter des demandes s'il prouvait l'existence d'autres causes à la maladie du demandeur. Il a fait observer que les cancers étaient des maladies pluricausales et dont les causes interagissent entre elles. En conséquence, il a maintenu la rédaction de son amendement sur l'administration de la preuve contraire.

L'amendement n° 6 ainsi modifié a été adopté.

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

30

Affirmer le principe de causalité

Rejeté

M-P Cléach

7

Clarifier et étendre les informations susceptibles d'être requises par le comité d'indemnisation

Adopté

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M-P Cléach

8

Permettre au demandeur d'être assisté par une personne de son choix lors de l'instruction de sa demande

Adopté

M-P Cléach

9

Amendement rédactionnel

Adopté

M-P Cléach

10

Étendre le délai d'examen des dossiers lorsqu'une expertise médicale est nécessaire

Adopté

M-P Cléach

11

Rendre obligatoire la motivation de la décision du ministre en cas de rejet

Adopté

M-P Cléach

12

Définir les compétences territoriales en cas de recours devant les tribunaux administratifs de Papeete et Paris

Retiré

M. Hervé Morin, ministre de la défense , s'est déclaré favorable sur le fond aux dispositions de l'amendement n° 12, qui prévoit que les ressortissants de Polynésie française pourront effectuer d'éventuels recours devant le tribunal de Papeete, mais a jugé que ces dispositions relevaient du domaine réglementaire, qu'elles figureraient dans le projet de décret d'application du projet de loi et, en conséquence, a demandé au rapporteur de bien vouloir retirer son amendement.

Article 4

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M-P Cléach

13

Insérer les modalités permettant le respect du contradictoire dans les éléments devant figurer dans le décret d'application

Adopté

Article 7

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M-P Cléach

14

Permettre à la commission de suivi de s'autosaisir à la demande de la majorité de ses membres

Adopté après rectification

M-P Cléach

15

Permettre à la commission de suivi d'émettre des recommandations en matière de modification des zones mentionnées à l'article 2 de la loi

Retiré

M. Hervé Morin, ministre de la défense , a jugé que l'amendement n° 15 jetait un soupçon sur la définition des zones qui avait fait l'objet d'un travail approfondi et impartial. Il a regretté qu'on puisse ainsi, avant même l'entrée en vigueur du projet de loi, fragiliser une de ses dispositions majeures.

M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a indiqué que son intention était d'institutionnaliser le dialogue entre les associations de victimes et les représentants du ministère de la défense sur ce sujet qui fait encore l'objet de contestations. Il s'est déclaré cependant sensible aux arguments du ministre et, en conséquence, a retiré son amendement.

Article 7

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Demessine

20

Élargir le domaine de compétence de la commission de suivi aux questions environnementales et à l'organisation du suivi des victimes

Rejeté

A. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

31

Identique au précédent

Rejeté

D. Voynet

32

Intégrer les conséquences environnementales dans le domaine de compétence de la commission de suivi

Rejeté

M. Marcel-Pierre Cléach , rapporteur , a estimé que, si un suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires était nécessaire, ce suivi ne relevait pas de la compétence de la commission de suivi instituée par le projet de loi. Il a souligné que celle-ci avait pour vocation de suivre la mise en oeuvre, l'application du régime d'indemnisation des victimes et que, à ce titre, elle ne disposait d'aucune compétence en matière de préservation de la faune et de la flore. Il a également jugé que la commission de suivi ne pouvait organiser le suivi médical des populations concernées par le projet de loi, relevant que, en Polynésie, un dispositif spécifique avait déjà été établi depuis 2007 pour assurer un tel suivi.

M. Hervé Morin, ministre de la défense , a indiqué qu'il souscrivait à l'analyse du rapporteur et a rappelé, par ailleurs, que l'État avait dépensé plus de 65 millions d'euros pour le démantèlement de la base de l'atoll de Hao et la préservation de sa faune et de sa flore.

La commission a adopté le projet de loi ainsi amendé , le groupe socialiste et le groupe communiste républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant.

ANNEXE 1 - Personnalités auditionnées par le rapporteur

Ministère de la défense

- M. Jean-Paul BODIN, directeur adjoint du cabinet du ministre ;

- M. Jean BERKANI, conseiller juridique ;

- M. Jérôme JEAN, conseiller parlementaire.

- M. Marcel JURIEN de LA GRAVIÈRE, délégué à la sûreté nucléaire de défense ;

- M. Marcel Villeneuve CEA

Parlementaires

- M. Patrice CALMÉJANE, Députée de Seine-Saint-Denis. Rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale sur ce texte.

- M. André DULAIT, sénateur des Deux-Sèvres

- Mme Christiane TAUBIRA, Députée de Guyanne.

- Mme Hélène LUC, sénatrice honoraire du Val-de-Marne.

Médiateur de la République

- M. Jean-Paul DELEVOYE, Médiateur de la République ;

- M. Martine TIMSIT, conseillère du Médiateur ;

- Mme Nadine CHAUVET, directrice des réformes.

Communauté scientifique

- M. le Professeur André AURENGO, chef du service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, membre de l'académie de médecine ;

Juriste

- M. Didier TRUCHET, Professeur à l'Université Panthéon-Assas, membre du Conseil National du droit, Président d'honneur du Association Française de Droit de la Santé

Associations des victimes des essais nucléaires (AVEN)

- M. Michel VERGER, président ;

- M. Jean-Luc SANS, vice-président ;

- Maître TEISSONNIERE Avocat

- M. Jean-Pierre MASSON, secrétaire de l'Aven

Association Nationale Vétérans Victimes Essais Nucléaires ANVEN

- M. Pierre Marhic, président ;

FNATH association des accidentés de la vie

- M. Arnaud de Broca, Secrétaire général

- M. Philippe Karim FELISSI, conseiller national

Comité de soutien « Vérité et Justice » pour les victimes des essais nucléaires

- M. Patrice BOUVERET, président de l'Observatoire des armements et co-secrétaire du comité de soutien « Vérité et Justice » pour les victimes des essais nucléaires.

CONTRIBUTIONS ECRITES

- Propositions des associations Aven, Moruroa e taou et du Comité de soutien « Vérité et Justice »

- Lettre de Roland Oldham Président de Moruroa e tatou

- Etats généraux de l'Outre-mer Atelier 7 - Gérer l'après-nucléaire

- Proposition de l'association Tamarii Moruroa par Yannick LOWGREEN son Président

ANNEXE 2 - Liste des cancers susceptibles d'etre radio-induits

LISTE DES 21 TYPES DE CANCERS RADIO-INDUITS

RETENUS PAR UNSCEAR 2006

Groupe 1

1. Leucémies sauf leucémie lymphoïde chronique (considérée comme non radio-induite)

2. Cancer du sein (femme)

3. Cancer du corps thyroïde

4. Cancer cutané sauf mélanome malin

5. Cancer du poumon

6. Cancer du colon

Groupe 2

1. Cancer des glandes salivaires

2. Cancer de l'oesophage

3. Cancer de l'estomac

4. Cancer du foie

5. Cancer de la vessie

6. Cancer de l'ovaire

7. Cancer du cerveau et système nerveux central

8. Cancer des os et du tissu conjonctif

9. Cancer de l'utérus

10. Cancer de l'intestin grêle

11. Cancer du rectum

12. Cancer du rein

Groupe 3

1. Myélome multiple

2. Lymphomes non hodgkiniens

LISTE DES 21 TYPES DE CANCERS AUTORISANT UNE

INDEMNISATION PAR LA VOIE DE LA PRÉSOMPTION

D'ORIGINE DANS LE RECA

1. Carcinome bronchio-alvéolaire

2. Cancer des canaux biliaires

3. Cancer des os

4. Cancer du cerveau

5. Cancer du sein

6. Cancer du colon

7. Cancer de l'oesophage

8. Cancer de la vésicule biliaire

9. Cancer du petit intestin

10. Toutes les formes de leucémies à l'exception de la Leucémie
Lymphoïde Chronique

11. Cancer du foie sauf en cas de cirrhose ou d'hépatite B

12. Cancer du poumon

13. Lymphome à l'exception de la maladie de Hodgkin

14. Myélome multiple

15. Cancer de l'ovaire

16. Cancer du pancréas

17. Cancer du pharynx

18. Cancer des glandes salivaires

19. Cancer de l'estomac

20. Cancer de la thyroïde

21. Cancer du tractus urinaire (reins, uretère, vessie et urètre)

LISTE DES 18 TYPES DE CANCERS RETENUS DANS LE PROJET

DE DÉCRET D'APPLICATION DU PROJET DE LOI AU 06/07/09

1. Leucémies (sauf leucémie lymphoïde chronique car considérée
comme non radio-induite)

2. Cancer du sein (chez la femme)

3. Cancer du corps thyroïde pour une exposition pendant la période de
croissance

4. Cancer cutané sauf mélanome malin

5. Cancer du poumon

6. Cancer du colon

7. Cancer des glandes salivaires

8. Cancer de l'oesophage

9. Cancer de l'estomac

10. Cancer du foie

11. Cancer de la vessie

12. Cancer de l'ovaire

13. Cancer du cerveau et système nerveux central

14. Cancer des os et du tissu conjonctif

15. Cancer de l'utérus

16. Cancer de l'intestin grêle

17. Cancer du rectum

18. Cancer du rein

* 1 L'exposition au rayonnement ionisant se mesure par la « dose absorbée » en gray (Gy). La « dose efficace » mesurée en sievert (Sv) tient compte de la quantité d'énergie ionisante absorbée, du type de rayonnement et de la sensibilité des divers organes et tissus aux lésions crées par le rayonnement. Le mSv représente 1/1000 de 1 Sv.

* 2 Source : Rapport du Comité de Liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaire Français CSSEN, mai 2007.

* 3 Source : Etude d'impact du projet de loi

* 4 UNSCEAR report volume I page 108 et 111 voir la liste en annexe du présent rapport

* 5 Voir la liste retenue par le RECA en annexe du présent rapport

* 6 Cette liste est annexée au présent rapport en annexe 2 avec celle des maladies retenue dans l'avant projet de décret.

* 7 Avis n° 303422.

* 8 http://www.oniam.fr/textes/referentiel_oniam_20090701.pdf

* 9 UNSCEAR report volume I page 108 et 111

* 10 Voir annexe 2 du présent rapport

* 11 les sept décisions du 19 décembre 2002 qui ont précisé la doctrine de la Chambre Sociale de la cour de cassation en cette matière (BICC 576, 1er mai 2003, n° 502) (Soc., 19 déc. 2002, CPAM de la Somme c/Sté Saint-Louis Sucre, arrêt n° 3938 FS-P+B+R+I, RD sanit. soc. 2003.436)

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