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Rapport n° 55 (2009-2010) de M. Christian COINTAT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 octobre 2009

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N° 55

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 octobre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique de M. Michel MAGRAS tendant à permettre à Saint-Barthélemy d' imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans et sur la proposition de loi organique de MM. Louis-Constant FLEMING, Jean-Paul VIRAPOULLÉ et Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY modifiant le livre III de la sixième partie du c o de général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE ENGAGÉE) ,

Par M. Christian COINTAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Roland Povinelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat : 517, 634 (2008-2009), 56 et 57 (2009-2010)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 21 octobre 2009 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission des lois a examiné le rapport de M. Christian Cointat et établi le texte proposé par la commission pour la proposition de loi organique, présentée par M. Louis-Constant Fleming, modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, n° 634 (2008-2009) et pour la proposition de loi organique, présentée par M. Michel Magras, tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans, n° 517 (2008-2009).

M. Christian Cointat, rapporteur, exposant les raisons justifiant l'examen rapide de ces propositions de loi organique, a expliqué que les services fiscaux et le Conseil d'Etat avaient interprété de manière non conforme à la volonté du législateur les dispositions de la loi organique statutaire du 21 février 2007 relatives aux compétences fiscales de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ce qui obligeait le Parlement à intervenir à nouveau.

Il a rappelé qu'aux termes de la loi organique, les personnes physiques ou morales, qu'elles viennent d'un département de métropole ou d'outre-mer, d'une collectivité d'outre-mer ou de l'étranger, ne peuvent être considérées comme ayant leur résidence fiscale à Saint-Barthélemy qu'après y avoir résidé ou possédé le siège de leur direction pendant au moins cinq ans. Les personnes physiques ou morales qui ne satisfont pas à cette règle des cinq ans de résidence sont considérées comme ayant encore leur domicile fiscal en métropole.

Il a indiqué qu'à Saint-Martin, la cette règle des cinq ans ne s'applique pas aux personnes physiques ou morales établies auparavant à l'étranger, qui sont ainsi considérées comme domiciliées fiscalement dans la collectivité dès leur installation. M. Christian Cointat, rapporteur, a précisé que Saint-Martin devait par ailleurs, pendant les cinq années suivant sa création, recevoir de l'Etat une compensation intégrale des pertes de recettes dues à l'application de la règle des cinq ans.

Il a expliqué que si législateur organique avait entendu donner à Saint-Martin et Saint-Barthélemy une compétence fiscale leur permettant d'imposer les revenus de source locale des personnes installées sur leur territoire sans toutefois remplir le critère de cinq ans de résidence, le Conseil d'Etat, dans un avis du 27 décembre 2007, avait fait une interprétation inverse, ayant pour effet d'empêcher ces deux collectivités de soumettre à des impôts définis par elles les revenus des contribuables trouvant leur source sur leur territoire mais y résidant depuis moins de cinq ans.

Votre commission a intégré 6 amendements de son rapporteur au texte de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin et 2 amendements de son rapporteur au texte de la proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy.

Elle a ainsi souhaité :

? Affirmer la compétence fiscale de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy à l'égard des revenus trouvant leur source dans ces collectivités

Votre commission a adopté, à l'article premier des deux propositions de loi organique, un dispositif visant à permettre à Saint Martin et à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes dont le domicile fiscal est, en raison de l'application de la condition de résidence de cinq ans, établi dans un département de métropole ou d'outre-mer.

Il s'agit de faire prévaloir, par cette disposition, l'interprétation de la loi organique qui correspond à la volonté exprimée par le législateur en février 2007, sur celle retenue par le Conseil d'État dans son avis de décembre 2007.

Un crédit d'impôt compenserait les doubles impositions constatées entre le 1er janvier 2010 et la conclusion de la convention fiscale que chaque collectivité signera avec l'État.

? Evaluer l'application de la règle des cinq ans de résidence

Votre commission a prévu, à l'article premier des deux propositions de loi organique, que le dispositif de la « règle des 5 ans », déterminant la durée de résidence requise pour qu'une personne soit considérée comme ayant son domicile fiscal à Saint-Martin ou à Saint Barthélemy, fera l'objet d'un rapport d'évaluation au cours de sa dixième année d'application.

? Préserver la collégialité des décisions d'autorisation en matière d'urbanisme à Saint-Martin et du fonctionnement du conseil exécutif

A l'article 3 de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, votre commission a souhaité préserver les dispositions statutaires relatives à la responsabilité de chaque conseiller exécutif, devant le conseil exécutif, au titre de la gestion des affaires et du fonctionnement des services dont il est chargé par le président du conseil territorial.

Votre commission a par ailleurs supprimé l'article 4 de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, qui visait à confier au président du conseil territorial de Saint-Martin la compétence pour délivrer les autorisations d'utilisation ou d'occupation du sol et déterminer l'assiette et la liquidation des taxes auxquelles donnent lieu les opérations d'urbanisme et de construction.

? Actualiser les dispositions statutaires en matière d'environnement

Votre commission a introduit dans chacune des deux propositions de loi organique des dispositions visant à prendre en compte les préoccupations environnementales (article 5 bis nouveau de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin et article 1er bis nouveau de la de loi organique relative à Saint-Barthélemy).

La commission a adopté les textes des propositions de loi organiques ainsi rédigés.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner la proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, déposée le 29 septembre 2009 par notre collègue Louis-Constant Fleming (n° 634, 2008-2009), ainsi que la proposition de loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans, déposée par notre collègue Michel Magras le 7 juillet 2009 (n° 517, 2008-2009).

Ces propositions de loi organique tendent à apporter des aménagements aux statuts des collectivités d'outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, créées en juillet 2007, en application de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer (DSIOM) 1 ( * ) .

Ces collectivités d'outre-mer ont ainsi succédé aux communes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, ainsi qu'au département et à la région de la Guadeloupe, sur la partie française de l'île de Saint-Martin et dans l'île de Saint-Barthélemy. Régies par l'article 74 de la Constitution, dotées de l'autonomie, elles exercent des compétences normatives étendues.

Deux années après la mise en place des collectivités, les propositions de loi organique présentées par nos collègues Louis-Constant Fleming et Michel Magras tendent à compléter les dispositions statutaires relatives à compétence fiscale de ces collectivités. La proposition de loi organique relative à Saint-Martin comporte en outre des dispositions relatives aux compétences du président du conseil territorial et du conseil exécutif et au remplacement du président du conseil territorial.

Ces propositions interviennent alors que les deux collectivités connaissent encore des situations très différenciées 2 ( * ) . Saint-Martin reste en effet confrontée à d'importantes difficultés financières, tandis que Saint-Barthélemy cultive une prospérité fondée sur le tourisme de luxe.

Il s'agit cependant, pour chacune des deux collectivités, de clarifier les conditions d'exercice de leur compétence fiscale, en mettant fin à une divergence d'interprétation de la loi organique statutaire du 21 février 2007. Votre commission, sans ignorer les spécificités respectives des deux collectivités, a donc jugé plus expédient d'examiner les deux propositions de loi au sein d'un même rapport.

Saint-Barthélemy et Saint-Martin entendent ainsi soumettre aux impôts qu'elles définissent les personnes dont le domicile fiscal n'est pas établi sur leur territoire en application de la règle de cinq ans de résidence. Il s'agit de permettre à chaque collectivité d'imposer ces personnes à raison des revenus et de la fortune trouvant leur source sur leur territoire. Les deux propositions de loi organique précisent par conséquent l'étendue de la compétence fiscale de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy et ses conditions d'application.

Aussi les dispositifs proposés doivent-ils entrer en vigueur rapidement, pour produire des effets dès l'exercice budgétaire 2010.

Les conseils territoriaux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont été saisis pour avis de chacune de ces propositions de loi organique le 15 octobre 2009 3 ( * ) .

*

* *

I. LA CRÉATION DES COLLECTIVITÉS DE SAINT-MARTIN ET SAINT-BARTHÉLEMY EN 2007

A. LE STATUT DE 2007 ET LA MISE EN PLACE DES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont une organisation institutionnelle originale, dont l'assemblée délibérante, le conseil territorial, est l'organe principal. Ce conseil territorial désigne son président en son sein. Il peut mettre en cause sa responsabilité par le vote d'une motion de défiance.

Chaque collectivité est en outre dotée d'un conseil économique social et culturel (CESC), chargé d'assister à titre consultatif le conseil territorial.

Le régime juridique de ces collectivités d'outre-mer est proche de celui applicable aux départements d'outre-mer. Les lois et règlements y sont en effet applicables de plein droit, sauf dans les matières relevant de la compétence normative de la collectivité ou en matière d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.

1. La création de la collectivité de Saint-Martin

Le statut de la collectivité

Les institutions de la nouvelle collectivité de Saint-Martin comprennent un conseil territorial de 23 membres et un conseil exécutif de 7 membres, dirigé par le président de la collectivité, élu pour 5 ans au suffrage universel.

Le régime d'application des lois et règlements à Saint-Martin est fondé sur le principe de l'identité législative, assortie d'exceptions. L'article L.O. 6313-1 du code général des collectivités territoriales rend en effet les lois et règlements applicables de plein droit dans la collectivité, sauf s'ils interviennent dans des matières relevant de sa compétence normative ou s'ils concernent les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi qu'au droit d'asile.

Ainsi, comme à Saint-Barthélemy, les textes portant sur l'entrée et le séjour des étrangers ou le droit d'asile ne sont applicables à Saint-Martin que sur mention expresse. Cette exception au principe d'identité législative vise à permettre à la collectivité de relever d'un droit adapté, en ces matières, à sa situation particulière, liée à la double souveraineté française et néerlandaise sur l'île et au contexte de la zone Caraïbe.

Le conseil territorial exerce les compétences qui étaient auparavant dévolues à la commune, au département et à la région. Il fixe les règles applicables dans les matières suivantes :

- impôts, droits et taxes ;

- urbanisme ; habitation ; logement (à compter du 1 er janvier 2012 4 ( * ) ) ;

- circulation routière et transports routiers ; desserte maritime d'intérêt territorial ; immatriculation des navires ; création, aménagement et exploitation des ports maritimes à l'exception du régime du travail ;

- voirie, droit domanial et des biens de la collectivité ;

- environnement ;

- accès au travail des étrangers ;

- tourisme ;

- énergie (à compter du 1 er janvier 2012 1 ) ;

- création et organisation des services et des établissements publics de la collectivité.

Le conseil territorial est obligatoirement consulté sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret qui introduisent, modifient ou suppriment des dispositions particulières à la collectivité.

En outre, à l'initiative de la commission des lois du Sénat, la loi organique du 21 février 2007 a reconnu à la collectivité de Saint-Martin l'autonomie prévue par l'article 74 de la Constitution.

La mise en place de la collectivité

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, la nouvelle collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a été mise en place au cours de l'été 2007, avec l'élection de son conseil territorial.

Les membres du conseil territorial de Saint-Martin sont élus pour cinq ans au scrutin de liste à deux tours avec répartition des sièges à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans seuil minimal d'accès à la répartition des sièges. La liste qui recueille la majorité absolue des suffrages exprimés au 1er tour (et rassemble au moins 25 % des électeurs inscrits si cette élection est acquise au 1er tour) ou la majorité relative au second tour, obtient une prime d'un tiers des sièges, soit 8 sièges.

M. Louis-Constant Fleming est devenu le premier sénateur de Saint-Martin après les élections sénatoriales du 21 septembre 2008.

La collectivité de Saint-Martin a usé de son pouvoir normatif dans les domaines de compétence suivants :

- la fiscalité : délibération du 21 novembre 2007 modifiée relative aux nouvelles dispositions fiscales applicables à Saint-Martin pour l'année 2008 ;

- la fiscalité routière ; délibération du 21 novembre 2007 instaurant une taxe routière sur les véhicules à moteur ;

- la circulation routière : délibération du 15 janvier 2008 relative à la réglementation applicable aux taxis.

Depuis la première réunion de son conseil territorial le 15 juillet 2007, la collectivité de Saint-Martin exerce toutes les compétences qui lui ont été transférées par la loi organique DSIOM du 21 février 2007. Cette loi organique prévoit que « tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat, la région ou le département de la Guadeloupe ou la commune de Saint-Martin et la collectivité de Saint-Martin est accompagné du transfert concomitant à la collectivité de Saint-Martin des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. » (art. L.O. 6371-4 du code général des collectivités territoriales).

Ces charges doivent être compensées par le transfert d'impôts, la dotation globale de fonctionnement, la dotation globale de construction et d'équipement scolaire et, pour le solde, par l'attribution d'une dotation globale de compensation inscrite au budget de l'Etat (art. L.O. 6371-5 du code général des collectivités territoriales).

Le montant de cette dotation globale de compensation (DGC), qui doit être précisé chaque année par la loi de finances, établi sur la base des travaux d'une commission consultative d'évaluation des charges (CCEC).

2. La création de la collectivité de Saint-Barthélemy

? Les institutions et les compétences de la collectivité

Les institutions de la collectivité de Saint-Barthélemy sont organisées sur le même modèle que celle de Saint-Martin et comprennent donc :

- le conseil territorial, assemblée délibérante de la collectivité, dotée de compétences dans le domaine de la loi ;

- le président du conseil territorial, autorité exécutive de la collectivité, responsable devant l'assemblée ;

- le conseil exécutif, chargé d'exercer collégialement certaines compétences exécutives ;

- le conseil économique, social et culturel, investi de pouvoirs consultatifs

Aux termes de l'article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales, la collectivité fixe les règles applicables dans les matières suivantes :

- impôts, droits et taxes ; cadastre ;

- urbanisme ; construction ; habitation ; logement ;

- circulation routière et transports routiers ; desserte maritime d'intérêt territorial ; immatriculation des navires ; création, aménagement et exploitation des ports maritimes, à l'exception du régime du travail ;

- voirie ; droit domanial et des biens de la collectivité ;

- environnement, y compris la protection des espaces boisés ;

- accès au travail des étrangers ;

- énergie ;

- tourisme ;

- création et organisation des services et des établissements publics de la collectivité.

L'Etat demeure toutefois compétent pour fixer, dans ces matières, les règles relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions pénales.

? La mise en place de la collectivité d'outre-mer

Le 21 septembre 2008, M. Michel Magras (UMP) a été élu sénateur de Saint-Barthélemy.

Depuis sa création en juillet 2007, la collectivité de Saint-Barthélemy a notamment fait usage de ses compétences normatives dans les matières suivantes :

- création d'un code de l'environnement (le 12/06/2009),

- création d'un code des contributions (le 30/10/2007),

- création d'un code de l'urbanisme (le 30/10/2007),

- création d'une chambre économique pluridisciplinaire (le 20/12/2007),

- modification de la partie réglementaire du code de la route (le 11/12/2008).

3. La présence de l'État à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy

Lorsque Saint-Barthélemy et Saint-Martin appartenaient au département d'outre-mer de la Guadeloupe, leur organisation administrative était celle, classique, d'un arrondissement d'environ 40.000 habitants et ne tenait pas compte des particularités de ces îles.

La création des deux collectivités s'est accompagnée d'un renforcement de la présence de l'Etat.

Ainsi, par lettre du 28 mars 2007, le Premier ministre a chargé le préfet délégué pour les îles de Saint Barthélemy et Saint-Martin, de réfléchir à une organisation des services de l'Etat adaptée à la situation locale. Fruit d'une large concertation avec les services de l'Etat et les élus locaux, le rapport du 29 mai 2007 propose la mise en place d'une structure intégrée et souple, mettant fin à l'éparpillement des services.

Deux décrets publiés en juillet 2009 finalisent l'organisation des services de l'Etat dans les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, en reprenant les objectifs définis dans la lettre de mission du Premier ministre en mars 2007.

Le décret n° 2009-906 du 24 juillet 2009, relatif aux pouvoirs du représentant de l'Etat, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, définit les pouvoirs du représentant de l'Etat et organise une large délégation au profit du préfet délégué. Ainsi, le préfet de Guadeloupe reste préfet de Saint-Martin, mais le préfet délégué assure la direction effective des services.

Le texte s'inspire du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets. Le préfet délégué est l'autorité hiérarchique des agents dans les limites de l'article 33 du décret de 2004, lequel précise les corps non soumis au lien hiérarchique avec le représentant de l'Etat.

L'autorité du préfet délégué ne fait pas obstacle au maintien des liens avec les directions départementales de Guadeloupe. En fait, si les agents sont mis à disposition, leur carrière demeure gérée par leur direction pour l'avancement, la rémunération et les nominations.

Il revient au préfet de Guadeloupe de fixer le nombre et la qualité des agents affectés par chaque administration à la délégation, les nominations étant toutefois soumises à une validation préalable du préfet délégué.

Le décret n°2009-907 du 24 juillet 20009 relatif aux services de la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin complète le décret relatif aux pouvoirs du représentant de l'État, à l'organisation et à l'action des services de l'État.

Le texte institue la préfecture de Saint-Barthélemy et Saint-Martin en précisant :

- que les attributions précédemment dévolues aux antennes déconcentrées des administrations civiles de l'Etat seront désormais exercées par les services de la préfecture.

- qu'il demeure possible, à la demande du préfet délégué, de recourir aux services des administrations civiles de l'Etat en Guadeloupe, soit parce qu'elles non pas d'implantations sur l'une ou l'autre des deux îles, soit parce que certaines missions exigent une expertise ou une compétence spécifique.

La préfecture est conçue comme une structure souple et intégrée : les directions départementales conservent une place, même subsidiaire dans le dispositif et le budget opérationnel prévisionnel de la Guadeloupe continue à inclure le périmètre territorial de Saint-Martin (les services de la délégation sont des unités fonctionnelles dans chaque budget)

La préfecture est installée à Saint-Martin, un guichet étant par ailleurs créé à Saint-Barthélemy. La délégation est composée des services qui étaient placés sous l'autorité du représentant de l'Etat et implantés dans l'une au moins des collectivités à la date d'entrée en vigueur du décret.

La structure, qui s'organise autour de cinq pôles, dont un pôle réglementation et un pôle cohésion sociale, n'est toutefois pas un simple agrégat des antennes ou des guichets locaux préexistants. Elle est dotée des moyens nécessaires, en particulier humains, à la conception des politiques publiques et à l'exécution des missions de l'Etat.

Le renforcement des effectifs a essentiellement porté sur des agents d'encadrement de catégorie A et dans un moindre mesure, de catégorie B.

B. LA FISCALITÉ APPLICABLE À SAINT-MARTIN ET À SAINT-BARTHÉLEMY

1. La fiscalité applicable à Saint-Martin

Le budget principal de Saint-Martin pour 2009, a été adopté en équilibre pour 87 764 945 euros en section de fonctionnement et 34 171 747 euros en section d'investissement.

S'agissant tout d'abord de la section de fonctionnement, près de 59,8 % des dépenses sont consacrées aux charges à caractère général et de gestion courante, 25,5 % aux charges de personnel, 6,4 % au financement du RMI-RSA et 3,3 % au financement des dépenses d'investissement (autofinancement).

La collectivité de Saint-Martin présente un taux de dépenses de fonctionnement par habitant très élevé (2 349 euros contre 1 206 euros pour la moyenne des DOM), largement imputable aux dépenses de personnel (25,5 % des dépenses de fonctionnement contre 17 % pour la moyenne des DOM). Cette comparaison doit cependant être nuancée dans la mesure où la collectivité exerce non seulement les compétences du département mais également celles de la commune et de la région.

Les recettes de fonctionnement sont composées pour 40,3 % du produit de la fiscalité, pour 29,6 % du produit des contributions directes (taxe d'habitation, taxes foncières et taxe professionnelle), pour 16,3 % de l'excédent de fonctionnement reporté, pour 11,5 % des dotations et participations (dont 9,23 millions d'euros pour la dotation globale de fonctionnement) et pour 0,94 % de divers produits de gestion courante, des services et du domaine.

Les principales composantes de la fiscalité (hors les contributions directes) sont l'impôt sur le revenu (10,2 millions d'euros), la taxe de publicité foncière et les droits d'enregistrement (9,5 millions d'euros), l'impôt sur les sociétés (6,6 millions d'euros), la taxe sur les carburants (3,3 millions d'euros), et la taxe sur la location de véhicules (1,8 million d'euros).

S'agissant ensuite de la section d'investissement (34,17 millions d'euros), 80 % des dépenses sont consacrées aux dépenses d'équipement, 13,5 % aux subventions versées et 6 % au remboursement du capital des emprunts. Ces dépenses sont financées pour 16,7 millions d'euros par des subventions d'équipement, pour 8,3 millions d'euros par des ressources propres, pour 4,5 millions d'euros par l'affectation du résultat 2008 et pour 2,9 millions d'euros par l'autofinancement (différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement de l'exercice).

Enfin, la dette de la collectivité se monte au 1 er janvier 2009 à 11,1 millions d'euros pour une annuité (capital + intérêts) de 3,11 millions d'euros.

Les recettes de la collectivité sont en outre limitées par les difficultés techniques de recouvrement de l'impôt, en particulier des taxes sur les carburants et de la taxe de séjour. Un effort de recouvrement a toutefois été engagé en 2007, comme l'atteste la hausse des recettes provenant des taxes locales par rapport à 2006 (+ 26 %).

La perte de la part de l'octroi de mer naguère reversée par la Guadeloupe, estimée à 12 millions d'euros en 2009, pèse lourdement sur les finances de la collectivité et devra être compensée par une amélioration de la couverture fiscale. Les recettes de fonctionnement comprennent une dotation annuelle de l'Etat de 8 millions d'euros.

? Droits de douane et contributions indirectes

Le règlement CEE du 12 octobre 1992 entré en vigueur le 1 er janvier 1993 a reconnu, à la demande des autorités françaises, l'extraterritorialité des îles du Nord. L'article 19 de la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 exonère les deux îles du paiement de l'octroi de mer. Cependant, le nouveau statut de Saint-Martin prive la collectivité des transferts de cet impôt que la Guadeloupe effectuait jusqu'en fin d'année 2007 à la commune. Les pertes sont évaluées à 29 % des recettes fiscales que percevait Saint-Martin.

L'administration fiscale a précisé à plusieurs reprises, notamment par les lettres ministérielles des 3 juillet 1948, 4 décembre 1957, 12 mai 1993 et 2 décembre 1994, que la TVA n'est pas applicable à Saint-Martin. Après l'évolution statutaire, le conseil territorial de Saint-Martin a voté l'inapplicabilité de la TVA, y compris immobilière (délibérations CT 9-1-2008 du 24 avril 2008, article 2).

Les autres droits indirects ne sont pas applicables (à l'exception du droit de licence sur les débits de boisson et de la taxe sur les spectacles). Les droits d'enregistrement et assimilés sur les mutations à titre onéreux (ventes...) ou à titre gratuit (donations, successions...) sont en revanche exigibles.

Enfin, l'île de Saint-Martin perçoit des taxes indirectes qui lui sont propres :

- la taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation des véhicules, instituée par la loi de finances rectificative de 1987 ;

- la taxe annuelle sur les locations de véhicules instaurée par la loi de finances rectificative pour l'année 1990 et fixée à 5 % du prix de la location ;

- la taxe de séjour, équivalente à 5 % du prix des nuitées ;

- une taxe sur les carburants de 0,06 euros par litre, instaurée le 28 janvier 2002, conformément aux dispositions de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer. Cette taxe, destinée à suppléer celle auparavant versée par la région et recouvrée à Saint-Martin comme à Saint-Barthélemy par la douane, a pour finalité l'entretien du réseau routier.

? Les impôts directs

L'ensemble des anciens impôts directs locaux (taxe foncière sur la propriété non bâtie, taxe foncière sur la propriété bâtie, taxe d'habitation, taxe professionnelle) étaient exigibles dans la commune.

Depuis le 1 er janvier 2008, Saint-Martin perçoit les parts de la fiscalité directe locale jusqu'alors affectées au conseil régional et au conseil général de la Guadeloupe. Alors que les taux d'imposition de 2007 ont été reconduits, pour 2008, le taux de taxe communale a été revu à la baisse par le conseil territorial dans sa délibération CT 8-2-2008 du 31 mars 2008, relative à la fixation des taux d'imposition de la fiscalité directe et indirecte.

Par délibération CT 5-1-2007 du 21 novembre 2007, le Conseil territorial de Saint-Martin a voté une réduction générale d'impôt sur le revenu se traduisant par un abattement porté de 30 % à 40 % (article 4), ainsi que la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (article 26).

Les taxes spécifiques, telles que la taxe d'apprentissage, la taxe sur les salaires pour les non assujettis à la TVA, les participations des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et à l'effort de construction pour les entreprises de plus de 10 salariés, ou encore la taxe sur les voitures de sociétés sont applicables.

La règle des 5 ans de résidence définie par l'article L.O. 6314-4 (I-1°) du code général des collectivités territoriales de la loi DSIOM du 21 février 2007 a pour effet de créer une catégorie particulière parmi les résidents fiscaux de Saint Martin. Cette catégorie est composé des personnes qui, auparavant domiciliées fiscalement dans un département de métropole ou d'outre-mer, sont arrivées à Saint-Martin après le 15 juillet 2007 et comptent moins de 5 années de résidence continue sur le territoire. Ces personnes sont en effet soumises à l'imposition applicable en métropole, sous réserve toutefois du bénéfice de l'abattement de 30 % sur le revenu global prévu par l'article 197 du code général des impôts. Le produit de cette imposition alimente par conséquent le budget de l'Etat et non celui de la collectivité.

Les personnes arrivées à Saint Martin avant le 15 juillet 2007 ne sont soumises à aucune condition de résidence pour bénéficier d'une taxation selon les règles applicables localement.

Le dispositif applicable aux personnes physiques est transposable de plein droit aux personnes morales, à moins qu'elles ne soient détenues par des personnes physiques remplissant les conditions de résidence.

En outre, l'article L.O. 6380-1 du code général des collectivités territoriales prévoit une compensation de la perte fiscale subie par Saint-Martin du fait de l'imposition au profit de l'Etat des personnes ne remplissant pas les conditions de résidence définies par l'article LO 6314-4.

2. La fiscalité applicable à Saint-Barthélemy

Le premier exercice budgétaire de la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy s'est traduit par un excédent de 8 millions d'euros comptabilisé au compte administratif 2008 du budget principal.

La collectivité ne rencontre pas de difficultés budgétaires particulières. Lors des trois dernières années, aucun des documents budgétaires de la collectivité n'a fait l'objet de saisine de la chambre régionale des comptes.

Le budget 2009 a été voté en équilibre pour un montant de 81 630 784 euros en section de fonctionnement et de 66 786 802 euros en section d'investissement.

S'agissant tout d'abord de la section fonctionnement, près de 55 % des dépenses sont consacrées au financement des dépenses d'investissement (autofinancement), plus de 35 % aux charges à caractère général et de gestion courante et 8,7 % aux charges de personnel.

Les recettes de fonctionnement sont composées pour près de 33 % du produit de la fiscalité, pour 44 % de l'excédent de fonctionnement reporté, pour plus de 18 % de la dotation de compensation et pour 4,8 % de divers produits de gestion courante, des services et du domaine.

Les principales recettes de fonctionnement sont le droit de quai (9 millions d'euros), la taxe sur les carburants (2,6 millions d'euros), et la taxe de séjour (2,4 millions d'euros).

S'agissant ensuite de la section d'investissement, les dépenses d'un montant de 81,63 millions d'euros sont financées notamment pour 36,6 millions d'euros par l'autofinancement (différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement de l'exercice) et pour 39,3 millions d'euros par l'affectation du résultat 2008.

Enfin, la collectivité de Saint-Barthélemy ne possède aucune dette car aucun emprunt n'a jusqu'à présent été souscrit.

La collectivité perçoit des taxes indirectes qui lui sont propres :

- le droit de quai ad valorem, équivalent à 4 % de la valeur marchande des importations et institué par la loi de finances de 1974 ;

- une taxe sur les carburants de 0,09 euros par litre instaurée le 1 er janvier 2001, conformément aux dispositions de la loi n°2000-1207 qui permet aux îles du Nord d'accroître leurs ressources fiscales par des nouvelles recettes. Cette taxe, destinée à suppléer celle auparavant versée par la région, est recouvrée par les services de la douane et a pour finalité l'entretien du réseau routier.

Les pertes de recettes résultant de l'évolution statutaire, notamment de la suppression des transferts de la région Guadeloupe d'une partie de l'octroi de mer, représenteraient 11 % environ de fonctionnement de la collectivité. La collectivité de Saint-Barthélemy prévoit de compenser ces pertes par de nouvelles recettes découlant d'une majoration des taux afférant aux taxes fiscales et par la création de nouvelles taxes.

Le conseil territorial de la collectivité a en effet adopté le 13 novembre 2007 le code des contributions de Saint-Barthélemy . Entré en vigueur le 1 er janvier 2008, il prévoit la mise en place d'une dizaine de taxes indirectes touchant aussi bien les habitants que les visiteurs :

- création d'une TVA touristique appelée « taxe de séjour » de 5 % sur le prix affiché de la nuitée, quelles que soient la nature et la catégorie d'hébergement (hôtel ou location saisonnière) ;

- création d'une « taxe locale d'urbanisme » qui soumet tout projet de construction nouvelle à une taxe de 1 à 5 % dont l'assiette est calculée sur la base de « la valeur de l'ensemble immobilier » (y compris le terrain) ;

- création d'une taxe sur le profit immobilier prévoyant une imposition de 25 % sur la plus value réalisée lors de la vente d'un bien immobilier, y compris s'il s'agit d'une résidence principale ;

- mise en place d'une contribution annuelle forfaitaire des entreprises, avec une taxe de base fixée à 300 euros, augmentée de 100 euros par employé et plafonnée à 5.000 euros ;

- instauration d'une taxe sur les véhicules à moteur dont le montant est fonction de la puissance : de 30 euros par an pour un deux roues de moins de 50 cm3 à 200 euros par an pour les véhicules de tourisme de plus de 15 chevaux fiscaux. ;

- relèvement de 4 % à 5 % du droit de quai ;

- reconduction des taxes sur les carburants et l'électricité, ainsi que de la redevance pour le traitement et l'élimination des ordures ménagères, déjà en application avant 2008.

Comme l'a expliqué à votre rapporteur M. Michel Magras, sénateur élu à Saint-Barthélemy, la règle des cinq ans de résidence définie par l'article L.O. 6214-4 (I,1) du code général des collectivités territoriales, issu de la loi organique DSIOM du 21 février 2007, exclut les personnes physiques ou morales ne justifiant pas d'une durée de séjour de plus de cinq ans sur le territoire de la collectivité du bénéfice de l'absence d'imposition sur les revenus. Toutefois, cette règle de cinq années de résidence n'est pas opposable aux personnes qui se trouvaient sur le territoire de la collectivité avant le 15 juillet 2007, date de la création de la collectivité.

Les personnes fiscalement résidentes de Saint-Barthélemy mais ne justifiant pas de cette durée minimale de résidence de cinq ans sont traitées fiscalement comme résidents de métropole, sous réserve de l'application de l'abattement de 30 % prévu au 3 de l'article 197 du code général des impôts 5 ( * ) . Les droits correspondant aux revenus ainsi déclarés sont perçus au profit de l'Etat.

Or, l'interprétation de la loi organique retenue par le Conseil d'État et par l'administration fiscale ne permet pas à Saint-Barthélemy de soumettre à la fiscalité qu'elle définit les revenus trouvant leur source sur le territoire de la collectivité.

Notre collègue Michel Magras a ainsi expliqué qu'une personne considérée comme résident fiscalement dans un département de métropole ne pouvait, en raison de cette interprétation, être soumise à la taxe de 25 % sur les plus-values immobilières si elle procédait à la vente de sa résidence principale située à Saint-Barthélemy.

Les plus-values réalisées lors de la cession de la résidence principale étant exonérées de taxe en métropole, l'absence de taxation à la source ne profite même pas à l'État. Au contraire, faute d'imposition à la source, l'Etat ne peut percevoir les droits sociaux auxquels il aurait pu soumettre la plus-value si celle-ci avait été imposée à Saint-Barthélemy 6 ( * ) .

II. LA NÉCESSITÉ DE PRÉCISER LES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA COMPÉTENCE FISCALE DE SAINT-MARTIN ET DE SAINT-BARTHÉLEMY

L'objet principal des deux propositions de loi organiques soumises au Sénat est de préciser les compétences respectives de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy en matière de fiscalité, afin de surmonter les difficultés posées par l'interprétation des dispositions statutaires présentée par le Conseil d'État dans un avis du 27 décembre 2007.

S'éloignant de la volonté exprimée par le législateur organique, cette interprétation dénie aux deux collectivités la faculté d'imposer les revenus et la fortune de source locale des personnes dont le domicile fiscal est établi dans un département de métropole ou d'outre-mer.

A. LES AMÉNAGEMENTS ENVISAGÉS PAR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE RELATIVE À SAINT-MARTIN

1. L'étendue de la compétence fiscale de la collectivité

L'article 1 er de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin précise les conditions d'application de la « règle des cinq ans », selon laquelle les personnes physiques ou morales ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Martin qu'après y avoir résidé ou installé le siège de leur direction effective pendant cinq ans au moins, cette condition ne s'appliquant qu'aux personnes dont le domicile fiscal était auparavant installé en métropole ou dans un département d'outre-mer.

Cet article prévoit par ailleurs l'application de la fiscalité définie par Saint-Martin aux personnes physiques ou morales dont le domicile fiscal est établi dans un département de métropole ou d'outre-mer, pour les revenus ou la fortune trouvant leur source sur le territoire de la collectivité.

L'article 6 de la proposition de loi organique définit les modalités de compensation des pertes de recettes qui résulteraient, pour l'État, de l'application de ces nouvelles dispositions.

2. La répartition des compétences en matière d'application de l'impôt

L'article premier de la proposition de loi organique précise les dispositions statutaires relatives à l'application de l'impôt. Ainsi, les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, droits et taxes seraient assurés par l'administration de l'État, à laquelle les personnels de la collectivité pourraient apporter leur concours.

L'article 2 clarifie les compétences du conseil exécutif de la collectivité en matière de délivrance des agréments fiscaux, dont dépend le bénéfice de certains avantages prévus par la réglementation fiscale applicable localement. Il permet en outre au conseil exécutif de participer à la désignation des membres de commissions administratives intervenant en matière d'application de l'impôt.

3. Les compétences du président du conseil territorial et du conseil exécutif

L'article 3 de la proposition de loi organique précise les rôles respectifs du président du conseil territorial et du conseil exécutif dans la direction, l'animation et le contrôle de l'administration. Aussi supprime-t-il la possibilité pour le conseil exécutif de charger chacun de ses membres d'animer et de contrôler un secteur de l'administration et donne cette possibilité au seul président du conseil territorial.

L'article 4 étend par ailleurs les compétences de ce dernier en matière d'urbanisme et d'application des impôts et taxes afférent à ce domaine. Ainsi, la proposition de loi donne au président du conseil territorial la compétence pour délivrer des autorisations d'utilisation ou d'occupation du sol et pour déterminer l'assiette et la liquidation des taxes auxquelles donnent lieu ces autorisations.

4. Les modalités de remplacement du président du conseil territorial

Afin d'assurer un remplacement plus rapide du président du conseil territorial en cas de vacance de son siège pour quelque cause que ce soit, l'article 5 de la proposition de loi organique prévoit que pour la désignation de son successeur, la réunion du conseil territorial n'est pas soumise à l'envoi, douze jours auparavant, d'un rapport sur l'ordre du jour.

B. LES PRÉCISIONS APPORTÉES PAR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE RELATIVE À SAINT-BARTHÉLEMY

La proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy a pour seul objet de préciser les compétences fiscales de cette collectivité.

Elle inscrit donc explicitement dans les dispositions organiques du code général des collectivités territoriales relatives au statut de cette collectivité que les personnes dont le domicile fiscal est établi, en application de la règle des cinq ans de résidence, dans un département de métropole ou d'outre-mer, sont soumises aux impositions définies par Saint-Barthélemy pour les revenus trouvant leur source sur le territoire de cette collectivité.

C. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : RÉAFFIRMER LA POSSIBILITÉ POUR SAINT-MARTIN ET SAINT-BARTHÉLEMY D'IMPOSER LES REVENUS TROUVANT LEUR SOURCE SUR LEUR TERRITOIRE

Votre commission a intégré 6 amendements de son rapporteur au texte de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin et 2 amendements de son rapporteur au texte de la proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy.

1. Affirmer la compétence fiscale de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy à l'égard des revenus trouvant leur source dans ces collectivités

A l'article premier de chacune des deux propositions de loi organique, votre commission a adopté un dispositif identique, afin de permettre à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes dont le domicile fiscal est, en raison de l'application de la condition de résidence de cinq ans, établi dans un département de métropole ou d'outre-mer.

Ainsi, la compétence de chacune des deux collectivités pour soumettre les personnes ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer aux impôts qu'elle définit, à raison des revenus et de la fortune qui prennent leur source sur son territoire, sera clairement établie. Cette compétence est affirmée sans préjudice de la compétence générale de l'État pour imposer ces personnes.

Il s'agit de faire prévaloir, par cette disposition, l'interprétation de la loi organique qui correspond à la volonté exprimée par le législateur en février 2007, sur celle retenue par le Conseil d'État dans son avis de décembre 2007.

Votre commission a précisé que cette compétence s'exercerait sur les revenus afférents, suivant le cas, à toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1 er janvier 2010 et à l'impôt sur la fortune établi à compter de l'année 2010. Un crédit d'impôt compenserait les doubles impositions constatées entre cette date et la conclusion de la convention fiscale que chaque collectivité conclura avec l'État.

S'agissant de Saint-Martin, la rédaction adoptée par la commission maintient en outre la disposition selon laquelle les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts et taxes sont assurées par des agents de l'État, et non par « l'administration de l'État » comme le suggère la proposition de loi organique. En effet, ce sont bien les agents de cette administration qui interviennent. Votre commission a cependant repris l'idée selon laquelle la convention définit non seulement les modalités de cette intervention, mais aussi la rétribution des agents de l'État.

2. Evaluer l'application de la règle des cinq ans de résidence

Votre commission a prévu, à l'article premier de chacune des deux propositions de loi organique, que le dispositif de la « règle des 5 ans », déterminant la durée de résidence requise pour qu'une personne soit considérée comme ayant son domicile fiscal à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy, fait l'objet d'un rapport d'évaluation au cours de sa dixième année d'application.

Ce rapport devrait être transmis aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il s'agit de permettre au Parlement de disposer d'informations exhaustives pour apprécier la nécessité de maintenir, d'aménager ou de supprimer cette règle spécifique à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

3. Préserver la collégialité des décisions d'autorisation en matière d'urbanisme à Saint-Martin et du fonctionnement du conseil exécutif

A l'article 3 de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, votre commission a souhaité préserver les dispositions statutaires relatives à la responsabilité de chaque conseiller exécutif, devant le conseil exécutif, au titre de la gestion des affaires et du fonctionnement des services dont il est chargé par le président du conseil territorial.

Ces dispositions rappellent en outre que les conseillers exécutifs exercent leurs attributions individuelles dans le cadre des décisions prises par le conseil exécutif et doivent tenir celui-ci informé. Ces règles de responsabilité et de transparence répondent à la volonté du législateur organique de faire du conseil exécutif un organe collégial.

Votre commission a par ailleurs supprimé l'article 4 de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, qui visait à confier au président du conseil territorial de Saint-Martin la compétence pour délivrer les autorisations d'utilisation ou d'occupation du sol et déterminer l'assiette et la liquidation des taxes auxquelles donnent lieu les opérations d'urbanisme et de construction.

Votre commission a estimé qu'une telle disposition contredisait la logique de collégialité voulue par le législateur organique en 2007. La loi organique statutaire confie en effet ces compétences au conseil exécutif, sorte de « gouvernement » local. Il paraît essentiel que, deux ans seulement après l'entrée en vigueur de ce statut, ces compétences demeurent confiées à cet organe collégial.

4. Actualiser les dispositions statutaires en matière d'environnement

Votre commission a introduit dans chacune des deux propositions de loi organique des dispositions visant à prendre en compte les préoccupations environnementales (article 5 bis nouveau de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin et article 1 er bis nouveau de la de loi organique relative à Saint-Barthélemy). Ces dispositions prévoient que :

- le conseil économique, social et culturel de Saint-Martin et celui de Saint-Barthélemy font une place aux représentants d'associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement et à des personnalités qualifiées dans ces domaines ;

- avant l'examen du projet de budget, le président du conseil territorial présente au conseil territorial un rapport sur la situation de Saint-Martin en matière de développement durable et sur les orientations et programmes visant à améliorer cette situation.

*

* *

Votre commission a adopté les propositions de loi organique ainsi modifiées.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE MODIFIANT LE LIVRE III DE LA SIXIÈME PARTIE DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES RELATIF À SAINT-MARTIN
CHAPITRE PREMIER - FIXATION DES RÈGLES EN MATIÈRE D'IMPÔTS, DROITS ET TAXES

Article premier - (Art. L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales) - Compétences fiscales de la collectivité

Cet article précise l'étendue de la compétence fiscale de la collectivité de Saint-Martin, en particulier à l'égard des revenus trouvant leur source sur son territoire.

Des difficultés d'interprétation de la loi organique statutaire sont apparues lors de la préparation des projets de conventions fiscales entre l'Etat et Saint-Martin d'une part et entre l'Etat et Saint-Barthélemy d'autre part.

Le I de l'article premier de la proposition de loi organique tend en particulier à soumettre l'ensemble des revenus ou de la fortune trouvant leur source à Saint-Martin à la fiscalité définie par la collectivité.

1. Les compétences de Saint-Martin en matière de fiscalité

Aux termes de l'article L.O. 6314-3 (I, 1°) du code général des collectivités territoriales, Saint-Martin fixe les règles applicables en matière d'impôts, droits et taxes, dans les conditions prévues à l'article L.O. 6314-4.

L'article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales définit par conséquent les conditions dans lesquelles la collectivité de Saint-Martin exerce ses compétences en matière d'impôts, droits et taxes, le Parlement ayant souhaité en 2007 prévenir toute transformation de l'île en paradis fiscal.

Ainsi, le I, 1°, de cet article prévoit que les personnes physiques ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Martin qu'après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. De même, les personnes morales ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Martin que si elles y ont établi le siège de leur direction effective depuis cinq ans au moins ou depuis une durée inférieure, si elles sont contrôlées directement ou indirectement par des personnes physiques ayant établi leur résidence à Saint-Martin depuis cinq ans au moins.

Toutefois, à la différence du régime défini pour Saint-Barthélemy, la règle des cinq ans de résidence n'est applicable qu'aux personnes physiques ou morales dont le domicile fiscal était précédemment établi dans un département de métropole ou d'outre-mer. Échappent donc à cette règle les contribuables dont le domicile fiscal est établi à l'étranger ou dans une autre collectivité d'outre-mer. Ce dispositif vise à préserver l'attractivité de Saint-Martin, dans un contexte géographique de grande proximité avec des territoires très compétitifs en matière fiscale.

La compétence normative attribuée à Saint-Martin en matière fiscale doit ainsi permettre à la collectivité d'établir une fiscalité adaptée à sa situation particulière et mieux perçue par la population 7 ( * ) .

Par ailleurs, à l'initiative de la commission des lois du Sénat, la loi organique statutaire prévoit que l'État compense intégralement les pertes de recettes résultant pour la collectivité de l'application de cette condition de résidence, pendant les cinq premières années suivant l'entrée en vigueur du statut (article L.O. 6380-1, dernier alinéa, du code général des collectivités territoriales).

En outre, afin de faciliter la recherche et la répression des pratiques de fraude, la collectivité est tenue de transmettre à l'État toute information utile pour l'application de sa réglementation fiscale et pour l'exécution des clauses d'échange de renseignements prévues par les conventions fiscales conclues par la France avec d'autres États ou territoires (2° du I de l'article L.O. 6314-4)

Enfin, le 3° du I de l'article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales dispose que l'Etat reste compétent pour fixer, par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe, les règles applicables à Saint-Martin en matière de cotisations sociales et de prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l'amortissement de la dette sociale. Il s'agit de la contrepartie nécessaire à l'application de plein droit, à Saint-Martin, des règles de droit commun en matière de protection sociale.

Le dernier alinéa du I de l'article L.O. 6314-4 prévoit qu'une convention fiscale conclue entre l'Etat et la collectivité doit préciser les conditions d'application des dispositions relatives à l'exercice des compétences fiscales de Saint-Martin, afin de prévenir l'évasion fiscale et les doubles impositions et de définir les obligations de la collectivité en matière de communication d'informations à des fins fiscales.

L'Etat assure en outre les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, droits et taxes, dans des conditions définies par une convention conclue avec la collectivité (II).

Enfin, le paragraphe III de l'article L.O. 6314-4 permet à l'État d'instituer des taxes visant à garantir le financement des missions d'intérêt général lui incombant en matière de sécurité aérienne et de communications électroniques. En effet, selon un principe constant, l'État peut percevoir, dans les collectivités d'outre-mer et sans préjudice des compétences fiscales de ces dernières, des taxes pour financer les missions qu'il conserve. Les modalités de recouvrement et de gestion des recettes destinées au financement de la sécurité aérienne sont définies par une convention conclue entre l'État et la collectivité.

2. Les divergences d'interprétation sur la compétence fiscale de Saint-Martin à l'égard des revenus de source locale des non-résidents

Le Conseil d'Etat, saisi par le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a rendu le 27 décembre 2007 un avis sur l'étendue de la compétence en matière fiscale des collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin 8 ( * ) . Cet avis visait à déterminer si « la loi organique n° 2007-223 du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer donne aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin la compétence pour imposer les revenus ou la fortune dont disposent dans ces territoires les personnes qui n'y ont pas la qualité de résident fiscal, lorsque sont en cause des impositions, droits ou taxes reposant sur une notion de résidence fiscale » .

Dans cet avis, le Conseil d'Etat déduit d'une lecture combinée des dispositions de l'article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales et des articles 4 A et 885 A du code général des impôts 9 ( * ) , que les personnes ayant leur domicile fiscal en France, du fait de l'application de la règle des cinq ans, sont exclues de la compétence fiscale de Saint-Martin.

Il considère que « ces personnes sont, par suite, passibles des seuls impôts sur le revenu et sur la fortune établis en France, dans les conditions prévues pour les personnes domiciliées fiscalement en France par les dispositions des articles 4 A et 885 A du code général des impôts, sur l'ensemble de leurs revenus ou l'ensemble de leurs biens ». Il relève en outre que la loi organique s'est bornée à « prévoir une compensation intégrale pendant cinq ans, pour la seule collectivité de Saint-Martin, des pertes de recettes résultant pour celle-ci de la limitation de sa compétence fiscale ».

Or, la volonté du législateur organique était de définir des conditions de résidence de nature à éviter l'évasion fiscale, tout en donnant à Saint-Martin, comme à Saint--Barthélemy, une compétence fiscale pleine et entière, y compris sur les revenus et la fortune de source locale des non-résidents.

Comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi organique de notre collègue Louis-Constant Fleming, l'interprétation restrictive du Conseil d'Etat, suivie par l'administration fiscale, a privé Saint-Martin du « produit fiscal significatif qui pouvait être attendu, notamment, de l'imposition :

« - des bénéfices réalisés par les sociétés françaises exploitant à Saint-Martin un établissement, mais ayant leur siège en métropole ou dans un département d'outre-mer, ou à Saint-Martin, mais depuis moins de cinq ans ;

« - des revenus fonciers et des plus-values immobilières de source saint-martinoise réalisés par des contribuables domiciliés dans un département de métropole ou d'outre-mer ;

« - des dividendes de source saint-martinoise distribués à des bénéficiaires domiciliés en métropole ou dans un département d'outre-mer ;

« - des salaires versés à des personnes ayant transféré leur domicile à Saint-Martin, depuis un département de métropole ou d'outre-mer, sans répondre à la condition d'une résidence de cinq années . »

Compte tenu des difficultés financières de Saint-Martin, il apparaît aujourd'hui urgent de reconnaître à cette collectivité une pleine compétence fiscale non seulement à raison des revenus réalisés à Saint-Martin par des personnes physiques ou morales étrangères, mais aussi sur les revenus réalisés à Saint-Martin par les personnes physiques ou morales domiciliées dans un département de métropole ou d'outre-mer ou domiciliées dans la collectivité depuis moins de cinq ans.

Dans sa décision du 15 février 2007 sur la loi organique statutaire, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs émis une réserve d'interprétation aux termes de laquelle les dispositions de l'article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales « ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de restreindre l'exercice des compétences conférées au législateur organique par l'article 74 de la Constitution, notamment dans les cas où cette convention ne pourrait aboutir ou ne permettrait pas de lutter efficacement contre l'évasion fiscale ».

Les représentants du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi et du secrétariat d'Etat à l'outre-mer entendus par votre rapporteur conviennent aujourd'hui de la nécessité de modifier la loi organique pour préciser l'étendue de la compétence fiscale de Saint-Martin.

3. Les modifications proposées

? Le renforcement de la règle des cinq ans de résidence

Le I de l'article premier de la proposition de loi organique précise les compétences de Saint-Martin en matière de fiscalité. Le a) du 1° de ce I vise tout d'abord à prévenir le risque de contournement de la règle des cinq ans, par des personnes dont le domicile fiscal serait établi dans un département de métropole ou d'outre-mer et qui s'établiraient pendant un an à l'étranger ou dans une collectivité d'outre-mer. Une telle délocalisation temporaire dans un Etat ou une collectivité d'outre-mer leur permettrait en effet de devenir résidents fiscaux de Saint-Martin dès leur installation dans la collectivité.

Aussi la proposition de loi organique prévoit-elle que la condition de cinq ans de résidence s'appliquerait aux personnes physiques ou morales dont le domicile fiscal était, dans les cinq ans précédant leur établissement à Saint-Martin, établi dans un département de métropole ou d'outre-mer. Il faudrait donc que ces personnes, dans tous les cas, respectent un délai de cinq ans de résidence à l'étranger ou à Saint-Martin pour que leur domicile fiscal soit établi dans la collectivité.

? La compétence fiscale à l'égard des revenus de source saint-martinoise

Le b du 1° du I de l'article premier de la proposition de loi organique précise que les personnes physiques ou morales ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer sont soumises aux impositions en vigueur dans ces départements. Il établit ensuite que « nonobstant » cette règle, les personnes ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer sont « également » imposables par la collectivité de Saint-Martin pour les revenus ou la fortune trouvant leur source sur le territoire de la collectivité.

Saint-Martin se verrait donc reconnaître explicitement une compétence pour imposer les revenus et la fortune de source locale des non-résidents.

Le II de l'article premier prévoit que les nouvelles dispositions relatives à l'application de la règle des cinq ans et à la compétence fiscale de Saint-Martin à raison des revenus de source locale des non-résidents s'appliquent à compter de la date à laquelle la convention fiscale entre l'Etat et Saint-Martin prend effet. En toute hypothèse, ces dispositions entreraient en vigueur au plus tard le 1 er janvier 2010. Elles s'appliqueraient donc aux revenus afférents à toute année civile ou tout exercice commençant à partir du 1 er janvier 2010 et à l'impôt sur la fortune établi à compter de l'année 2010.

? La répartition des compétences en matière d'application de l'impôt

Le 2° du I de l'article premier de la proposition de loi organique réécrit le II de l'article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit que les agents de l'Etat assurent les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, droits et taxes, dans les conditions définies par une convention entre l'Etat et la collectivité.

La proposition de loi organique modifie cette disposition afin de préciser que :

- ces missions sont assurées par l'administration de l'Etat plutôt que par ces agents, afin de marquer plus clairement que l'application de l'impôt reste, à Saint-Martin, une mission de l'Etat ;

- la convention détermine notamment les conditions de rétribution de l'administration de l'Etat effectuant ces opérations de recouvrement et de contrôle ;

- les impôts directs et taxes assimilés de la collectivité sont recouvrés en vertu de rôles que le représentant de l'Etat à Saint-Martin rend exécutoires. Le préfet pourrait cependant déléguer cette compétence au directeur des services fiscaux ;

- des personnels de la collectivité placés sous l'autorité de l'administration de l'Etat peuvent apporter leur concours à l'exécution des opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement. Cette nouvelle possibilité est demandée tant par la collectivité que par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi.

4. Le dispositif adopté par la commission

Si elle regrette qu'une interprétation erronée des dispositions de la loi organique statutaire conduise à une nouvelle intervention du Parlement, votre commission juge indispensables les modifications proposées pour clarifier la compétence fiscale de Saint-Martin, en faisant prévaloir explicitement l'interprétation qui était déjà celle du législateur en 2007.

Elle a adopté un amendement de son rapporteur précisant certains aspects de la rédaction proposée.

Ainsi, votre commission a d'abord souhaité prévoir pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy un dispositif identique en matière d'imposition des revenus de source locale. Les dispositions relatives à l'imposition des revenus de source locale seraient donc regroupées au sein d'un 1° bis inséré dans le I de l'article L.O. 6314-4 ((b) du 1° du I de l'article premier de la proposition de loi organique).

Souhaitant marquer la volonté du législateur organique de permettre à Saint-Martin d'imposer les revenus de source locale sans susciter de doubles impositions, votre commission a préféré préciser que cette compétence s'exercerait « sans préjudice » des dispositions relatives à la compétence fiscale de l'Etat. Cette formulation semble plus claire que celle prévoyant que la collectivité dispose « également » de la compétence pour imposer les revenus de source locale.

Votre commission a ensuite inscrit dans un nouveau 1° bis du I de l'article premier de la proposition de loi organique, insérant un I bis au sein de l'article L.O. 6314-4, les dispositions relatives à la convention fiscale qui devra préciser les modalités d'application de la règle des cinq ans et de la compétence de Saint-Martin en matière d'imposition des revenus de source locale des personnes ne satisfaisant pas aux conditions de résidence, en vue de prévenir les doubles impositions et de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

Votre commission a par ailleurs prévu dans le même paragraphe qu' un crédit d'impôt devrait compenser les doubles impositions qui seraient constatées entre le 1er janvier 2010 et l'entrée en vigueur de la convention .

Ce crédit d'impôt ne s'appliquerait qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû et ne pourrait donc donner lieu à un versement dans le cas où le contribuable ne devrait pas d'impôt à l'autre territoire (Etat ou collectivité). Il serait égal à l'impôt effectivement acquitté dans le premier territoire à raison des revenus provenant de ce territoire et ne pourrait excéder la fraction d'impôt due au titre de ces revenus dans le territoire de domiciliation fiscale.

L'amendement adopté précise en outre, au II de l'article premier de la proposition de loi organique, que la collectivité exerce sa faculté d'imposition à l'égard des revenus afférents à toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1 er janvier 2010 et à l'impôt sur la fortune établi à compter de l'année 2010.

Par ailleurs, votre commission n'a pas retenu la disposition de l'article 1 er de la loi organique visant à prévoir qu'il reviendrait à l'administration de l'État, plutôt qu'aux agents de l'État, de réaliser les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts à Saint-Martin (2° du I). Elle a en revanche maintenu la disposition prévoyant que la convention relative aux modalités d'intervention des agents de l'État devrait définir les conditions de leur rétribution.

Enfin, l'amendement adopté par la commission prévoit que le dispositif relatif à la règle des cinq ans fera l'objet d'une évaluation au cours de sa dixième année d'application.

Le rapport d'évaluation serait transmis aux commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat avant la onzième année suivant l'entrée en vigueur de la loi organique du 21 février 2007 (III nouveau de l'article 1 er de la proposition de loi organique). Le Parlement disposera ainsi d'éléments de nature à lui permettre de décider le maintien, l'aménagement ou la suppression de ces dispositions.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié .

Article 2 - (Art. L.O. 6353-4 et L.O. 6353-4-1 nouveau
du code général des collectivités territoriales) - Compétences du conseil exécutif en matière d'agrément fiscal et de désignation des membres des commissions administratives intervenant dans l'application de l'impôt

Cet article précise les compétences du conseil exécutif de Saint-Martin en matière de délivrance des agréments relatifs aux opérations d'investissement ouvrant droit à des mesures de défiscalisation définies par la collectivité.

Le conseil exécutif de Saint-Martin dispose d'une compétence consultative à l'égard des opérations de défiscalisation décidées par l'Etat.

En effet, la loi organique statutaire prévoit que le conseil exécutif est consulté par le ministre chargé de l'outre-mer ou par le représentant de l'Etat sur les décisions portant agrément des opérations d'investissement ouvrant droit à déduction fiscale, prises par les autorités de l'Etat dans le cadre des dispositions législatives relatives aux mesures fiscales de soutien à l'économie (article L.O. 6353-5, 4°). Le conseil exécutif dispose alors d'un délai d'un mois pour émettre son avis, ce délai étant réduit à quinze jours en cas d'urgence.

Le I de l'article 2 de la proposition de loi organique complète l'article L.O. 6353-4 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir que le conseil exécutif délibère sur les décisions individuelles relatives aux agréments et décisions dont dépend le bénéfice d'un avantage défini par la réglementation fiscale de la collectivité.

Ainsi, au-delà de sa compétence consultative à l'égard des agréments relatifs aux mesures de défiscalisation définis par l'Etat, le conseil exécutif serait l'autorité de décision pour les agréments fiscaux liés à l'application du régime fiscal saint-martinois. Il s'agit de donner un fondement juridique clair à cette compétence, qui correspond parfaitement aux attributions du conseil exécutif telles que les a conçues le législateur organique.

Comme le relève l'exposé des motifs de la proposition de loi organique, le conseil exécutif joue en effet « dans la collectivité le rôle de ministre du budget, et doit être en mesure d'assurer, par les décisions individuelles concernées, détachables de la procédure d'application individuelle de l'impôt, la conformité des stimulants fiscaux accordés à la politique de développement de la collectivité ».

La politique de défiscalisation ayant abouti à des résultats contrastés à Saint-Martin, il est particulièrement nécessaire que ces décisions d'agrément fassent l'objet d'un examen approfondi.

Par ailleurs, le II de l'article 2 de la proposition de loi organique insère dans le statut de Saint-Martin un nouvel article L.O. 6353-4-1 permettant au conseil exécutif de participer à la désignation des membres des commissions administratives intervenant en matière fiscale. Il s'agit surtout de la commission territoriale des impôts, qui a succédé, à Saint-Martin, à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

Cette compétence subsidiaire s'exercerait dans les conditions fixées par la réglementation fiscale de la collectivité. Elle ne serait mise en oeuvre que dans le cas d'une défaillance des organisations professionnelles chargées de procéder à ces désignations.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

CHAPITRE II - COMPÉTENCES DU PRÉSIDENT DU CONSEIL TERRITORIAL ET DU CONSEIL EXÉCUTIF

Article 3 - (Art. L.O. 6352-3 et 6353-3 du code général des collectivités territoriales) Rôles du président du conseil territorial et du conseil exécutif dans l'animation et le contrôle de l'administration locale

Cet article modifie la répartition des compétences entre le président du conseil territorial et le conseil exécutif en matière de direction, d'animation et de contrôle de l'administration locale.

L'article L.O. 6352-3 du code général des collectivités territoriales dispose que le président du conseil territorial est, sous réserve des compétences attribuées au conseil exécutif, seul chargé de l'administration. Il peut déléguer, sous sa responsabilité et sa surveillance, une partie de ses fonctions aux vice-présidents ou, en cas d'absence ou d'empêchement de ces derniers, à d'autres membres du conseil exécutif.

Aux termes de l'article L.O. 6353-3 du même code, le conseil exécutif peut charger chacun de ses membres d'animer et de contrôler un secteur de l'administration, par une délibération prise dans les dix jours suivant l'élection des membres du conseil exécutif. Les attributions individuelles des conseillers exécutifs s'exercent alors dans le cadre des décisions prises par le conseil exécutif, chaque conseiller étant responsable devant ce conseil de la gestion des affaires et du fonctionnement des services relevant du secteur administratif dont il est chargé.

L'article 3 de la proposition de loi organique abroge l'article L.O. 6353-3 (II) et confie au président du conseil territorial la capacité de charger chaque membre du conseil exécutif d'animer et de contrôler un secteur de l'administration de la collectivité (I).

Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi organique, ces dispositions statutaires « souffrent d'une insuffisance de cohérence, préjudiciable à une conduite efficace de l'administration territoriale ».

Votre rapporteur rappelle que le législateur organique avait entendu apporter à la mise en oeuvre des délibérations du conseil territorial les garanties de la collégialité, au sein du conseil exécutif. Il relève cependant que le transfert du conseil exécutif au président du conseil territorial de la compétence pour confier aux conseillers exécutifs l'animation et le contrôle d'un secteur de l'administration peut être un élément de simplification, sous réserve de maintenir les conditions d'exercice, par les conseillers exécutifs, de leurs attributions individuelles.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur préservant le second alinéa de l'article L.O. 353-3 du code général des collectivités territoriales, relatif à la responsabilité de chaque conseiller exécutif devant le conseil exécutif, au titre de la gestion des affaires et du fonctionnement des services dont il est chargé par le président du conseil territorial. Ces dispositions précisent en outre que les conseillers exécutifs exercent leurs attributions individuelles dans le cadre des décisions prises par le conseil exécutif et doivent tenir celui-ci informé.

Ces règles de responsabilité et de transparence correspondent à la volonté du législateur organique de faire du conseil exécutif un organe collégial.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 - (Art. L.O. 6352-7-1 nouveau et 6353-4 - du code général des collectivités territoriales) - Compétence du président du conseil territorial pour délivrer les autorisations d'urbanisme

Cet article étend les compétences du président du conseil territorial en matière d'urbanisme et de construction, ainsi qu'en matière d'application des taxes liées aux opérations réalisées en ces domaines.

L'article L.O. 6353-4 du code général des collectivités territoriales donne au conseil exécutif la compétence pour délibérer sur les décisions individuelles intervenant en matière d'autorisation d'utilisation ou d'occupation du sol (2°).

L'article 4 de la proposition de loi organique supprime cette disposition (II) et confie cette prérogative au président du conseil territorial (I). Ce dernier pourrait en outre procéder à la détermination de l'assiette et à la liquidation des taxes auxquelles donnent lieu les autorisations de construire et les autorisations d'utilisation ou d'occupation du sol. Cette compétence fiscale est aujourd'hui celle du conseil territorial, en application de l'article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales.

Votre rapporteur souligne que le législateur organique avait souhaité, en 2007, créer à Saint-Martin un organe original, le conseil exécutif, chargé d'assurer collégialement la mise en oeuvre des délibérations du conseil territorial.

En outre, les spécificités de Saint-Martin, île densément peuplée (625 habitants au km 2 dans la partie française) qui doit préserver son environnement pour rester une destination touristique attractive, ont incité le législateur organique à confier la délivrance des autorisations d'urbanisme à un organe collégial plutôt qu'à une autorité unipersonnelle.

Le principe de collégialité paraît également plus indispensable encore s'agissant de la définition de l'assiette et de la liquidation des taxes dont la délivrance du permis de construire constitue le fait générateur.

Votre commission considère que ces options demeurent fondées après seulement deux années d'application du statut de la collectivité. Elle s'est donc prononcée pour le maintien des compétences du conseil exécutif et du conseil territorial en matière d'autorisations d'utilisation ou d'occupation du sol et de fiscalité applicable aux opérations d'urbanisme.

Votre commission a par conséquent supprimé l'article 4 .

Article 5 - (Art. L.O. 6322-2 du code général des collectivités territoriales) - Modalités de remplacement du président du conseil territorial

Cet article précise les conditions dans lesquelles le conseil territorial se réunit pour procéder à la désignation d'un nouveau conseil exécutif en cas de vacance du siège de président du conseil territorial.

Aux termes de l'article L.O. 6322-2 du code général des collectivités territoriales, en cas de vacance du siège de président pour quelque cause que ce soit, l'intérim est assuré par un vice-président du conseil territorial ou, à défaut, par un conseiller territorial désigné par le conseil. Le conseil exécutif doit ensuite être renouvelé dans le délai d'un mois, conformément aux modalités définies à l'article L.O. 6322-6 du code général des collectivités territoriales.

L'article L.O. 6321-22 du même code dispose en outre que douze jours avant la réunion du conseil territorial, le président adresse aux conseillers un rapport, sur chacune des affaires qui doivent leur être soumises.

L'article 5 de la proposition de loi organique précise, au premier alinéa de l'article L.O. 6322-2, que ces dispositions ne s'appliquent pas à la réunion du conseil territorial convoquée par le renouvellement du conseil exécutif.

Votre rapporteur estime que le texte de la loi organique devait bien être interprété comme ne contraignant pas le président du conseil territorial par intérim à adresser, douze jours avant la réunion du conseil, un rapport sur la question du renouvellement du conseil exécutif.

La précision apportée par la proposition de loi organique permettra toutefois de lever toute ambiguïté et de marquer clairement que le conseil territorial peut procéder à ce renouvellement sans attendre le délai de douze jours.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

CHAPITRE III (NOUVEAU) - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENVIRONNEMENT

Cette division additionnelle, issue d'un amendement de votre rapporteur, regroupe les dispositions introduites par votre commission pour prendre en compte les préoccupations environnementales dans le statut de Saint-Martin.

Article 5 bis (nouveau) - (art. L.O. 6323-1 et L.O. 6351-11-1 nouveau
du code général des collectivités territoriales) - Insertion, dans le statut de Saint-Martin, de dispositions relatives à l'environnement

Cet article additionnel, adopté à l'initiative de votre rapporteur, insère dans le statut de Saint-Martin deux dispositions visant à assurer la prise en compte, par les institutions de la collectivité, des questions relatives à l'environnement.

Ainsi, le I reprend et adapte une disposition figurant à l'article 100 du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, adopté en première lecture par le Sénat le 8 octobre 2009.

Il complète les dispositions de l'article L.O. 6323-1 du code général des collectivités territoriales, relatives à la composition du conseil économique, social et culturel de Saint-Martin, afin de prévoir que cet organe comprend également des représentants d'associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement et des personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d'environnement et de développement durable.

Le II reprend une disposition analogue à celle que votre commission a introduite dans le statut de la Nouvelle-Calédonie, dans le cadre de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte 10 ( * ) .

Cette disposition s'inspire de l'article 101 du projet de loi portant engagement national pour l'environnement. Elle prévoit par conséquent qu'avant l'examen du projet de budget de la collectivité, le conseil territorial entend la présentation par son président du rapport du conseil exécutif sur la situation de Saint-Martin en matière de développement durable et sur les orientations et programmes visant à améliorer cette situation.

Votre commission a jugé que la collectivité de Saint-Martin, dont le développement est lié à la préservation d'un environnement fragile, ne devait pas être laissée à l'écart des évolutions législatives en ce domaine.

Votre commission a adopté l'article 5 bis ainsi rédigé .

Article 6 - Compensation des pertes de recettes résultant pour l'Etat de la proposition de loi organique

Cet article prévoit que les pertes de recettes qui résulteraient, pour l'Etat, de l'application des dispositions de la loi organique devraient être compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits relatifs aux tabacs (articles 575 et 575 A du code général des impôts).

En effet, l'application aux revenus trouvant leur source à Saint-Martin de la fiscalité définie par cette collectivité entraînerait, en théorie, une diminution des recettes de l'Etat. Elle pourrait cependant avoir pour résultat une augmentation des recettes de l'État au titre des cotisations sociales, qui s'appliquent aux éléments imposés par la collectivité.

L'article 6 assure donc la conformité de la proposition de loi organique avec l'article 40 de la Constitution. Seul le Gouvernement pourrait supprimer cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE TENDANT À PERMETTRE À SAINT-BARTHÉLEMY D'IMPOSER LES REVENUS DE SOURCE LOCALE DES PERSONNES ÉTABLIES DEPUIS MOINS DE CINQ ANS

Article premier - (Art. L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales) - Imposition par Saint-Barthélemy des revenus de source locale des personnes établies sur son territoire depuis moins de cinq ans

Cet article complète les dispositions du statut de Saint-Barthélemy relatives aux compétences fiscales de la collectivité, afin de lui reconnaître la faculté d'imposer les non-résidents à raison des revenus trouvant leur source sur son territoire.

Aux termes de l'article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales, la collectivité de Saint-Barthélemy fixe les règles applicables en matière d'impôts, droits et taxes, « dans les conditions prévues à l'article L.O. 6214-4 ».

1. La compétence fiscale de Saint-Barthélemy

Le I de cet article L.O. 6214-4 dispose que la collectivité exerce ses compétences en matière de fiscalité dans le respect de trois exigences :

- une exigence liée aux conditions requises pour avoir son domicile fiscal à Saint-Barthélemy (1°) ;

- une obligation de transmission par la collectivité à l'Etat de toute information utile pour l'application de sa réglementation fiscale et pour l'exécution des clauses d'échange de renseignements avec d'autres Etats ou territoires (2°) ;

- l'application à Saint-Barthélemy des règles fixées par l'Etat en matière de cotisations sociales et autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l'amortissement de la dette sociale, par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe (3°).

Les modalités d'application de ces trois exigences sont précisées par une convention conclue entre l'Etat et la collectivité, afin de prévenir, notamment, l'évasion fiscale et les doubles impositions et de définir les obligations de la collectivité en matière de communication d'informations à des fins fiscales.

La proposition de loi organique présentée par notre collègue Michel Magras vise à préciser les conditions d'application de la compétence fiscale de Saint-Barthélemy au regard des règles de détermination de la résidence fiscale définies au 1° de l'article L.O. 6214-4.

En effet, aux termes de ces dispositions, appelées « règle des cinq ans », les personnes physiques ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy qu'après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. De même, les personnes morales ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy que :

- si elles y ont installé le siège de leur direction effective depuis cinq ans au moins ;

- ou si elles sont contrôlées directement ou indirectement, par des personnes physiques résidant à Saint-Barthélemy depuis au moins cinq ans.

Les personnes physiques ou morales, de nationalité française ou étrangère, qui résident à Saint-Barthélemy mais n'y ont pas, en application de la règle des cinq ans, leur résidence fiscale, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en métropole.

Selon notre collègue Michel Magras, les personnes dont le domicile fiscal n'est pas établi à Saint-Barthélemy représenteraient environ 10 % de la population de la collectivité.

2. La divergence d'interprétation sur l'imposition des revenus de source locale

Les règles de détermination de la résidence fiscale permettent à Saint-Barthélemy d'éviter l'installation d'opérateurs qui ne chercheraient qu'à tirer profit de sa fiscalité spécifique.

Cependant, l'interprétation des dispositions du I de l'article L.O. 6214-4 a donné lieu à des divergences qui sont aujourd'hui préjudiciables au bon exercice, par la collectivité, de sa compétence fiscale.

Certes, le législateur organique a souhaité transférer à la collectivité de Saint-Barthélemy une compétence fiscale pleine et entière, comme le montrent les rapports du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que les débats dans chaque assemblée. La règle des cinq ans vise seulement à prévenir l'évasion fiscale et à épargner à Saint-Barthélemy l'arrivée de personnes pratiquant une forme d'opportunisme fiscal.

En tout état de cause, rien, dans la loi organique statuaire, n'interdit à Saint-Barthélemy d'imposer les personnes dont le domicile fiscal n'est pas établi sur son territoire, à raison des revenus et de la fortune qui trouvent leur source dans la collectivité.

Pourtant, dans son avis n° 381.054 du 27 décembre 2007, le Conseil d'Etat, saisi par le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, estime que les dispositions de la loi organique excluent les personnes ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer, ou étant réputées l'avoir, de la compétence fiscale de Saint-Barthélemy. Ces personnes ne seraient donc passibles, selon cette interprétation, que des impôts sur le revenu et sur la fortune établis en France sur l'ensemble de leurs revenus ou de leurs biens 11 ( * ) .

Bien que l'avis du Conseil d'Etat n'ait aucune force contraignante, le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi s'y réfère pour élaborer la convention fiscale qui doit être conclue entre l'Etat et la collectivité. Dès lors, il apparaît que Saint-Barthélemy serait dans l'impossibilité de soumettre aux impôts qu'elle définit les revenus des non-résidents qui trouvent leur source dans la collectivité. Il s'agit, par exemple, de la taxe de 25 % sur les plus-values immobilières, prévue par l'article 100 du code des contributions de Saint-Barthélemy.

Aussi, paraît-il d'autant plus fondé de faire prévaloir l'interprétation donnant à Saint-Barthélemy la compétence pour imposer les revenus et la fortune de source locale des non-résidents, que la loi organique prévoit une convention pour éliminer les doubles impositions. Or les divergences d'interprétation bloquent pour l'instant la signature de cette convention.

3. L'intervention nécessaire du législateur organique

Dans sa décision du 15 février 2007 sur la loi organique statutaire (DSIOM), le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé que si la convention ne pouvait être conclue, le législateur organique devait intervenir 12 ( * ) .

Il estime en effet que les dispositions du dernier alinéa du I de l'article L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales « ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de restreindre l'exercice des compétences conférées au législateur organique par l'article 74 de la Constitution, notamment dans les cas où cette convention ne pourrait aboutir ou ne permettrait pas de lutter efficacement contre l'évasion fiscale ».

Cette réserve d'interprétation conforte la démarche entreprise par notre collègue Michel Magras.

L'article premier de sa proposition de loi organique vise en effet à reconnaître clairement à la collectivité de Saint-Barthélemy la faculté d'imposer, à raison de leurs revenus de source locale, les personnes ne remplissant pas les conditions de résidence définies par la loi organique.

Comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi organique, « dans le cadre de la discussion préalable à la conclusion d'une convention fiscale entre l'Etat et la collectivité de Saint-Barthélemy en vue de prévenir l'évasion fiscale et les doubles impositions, il est clairement apparu que cette clarification ne pouvait être opérée par le biais d'une convention, mais nécessitait une modification de la loi organique ».

Aussi, l'article premier de la proposition de loi organique prévoit-il que les personnes physiques et morales ne remplissant pas les critères de résidence de la règle des cinq ans sont « également imposables par la collectivité de Saint-Barthélemy », pour les revenus trouvant leur source sur le territoire de Saint-Barthélemy.

Cette faculté s'appliquerait à compter de la date à laquelle une convention entre l'Etat et la collectivité afin de prévenir l'évasion fiscale et les doubles impositions prend effet et, au plus tard, à compter du 1 er janvier 2010.

Par ailleurs, la proposition de loi organique précise que la capacité, pour Saint-Barthélemy, d'imposer les revenus de source locale des non-résidents s'appliquerait, pour les personnes physiques, aux revenus ou gains réalisés à compter du 1 er janvier 2010 et, pour les personnes morales, à tout exercice ouvert à compter de cette date.

4. Le dispositif adopté par la commission des lois

Votre commission approuve les modifications proposées pour clarifier la compétence fiscale de Saint-Barthélemy, en faisant prévaloir explicitement l'interprétation qui était déjà celle du Parlement en 2007.

Elle a adopté un amendement de son rapporteur précisant la rédaction proposée.

Ainsi, sur le modèle du texte adopté pour Saint-Martin, les dispositions relatives à l'imposition des revenus de source locale seraient regroupées au sein d'un 1° bis inséré dans le I de l'article L.O. 6214-4 (I de l'article premier de la proposition de loi organique).

Votre commission y a rappelé en premier lieu que les personnes physiques ou morales ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer étaient soumises aux impositions en vigueur dans ces départements.

En second lieu, pour marquer la volonté du législateur organique de permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale sans susciter de doubles impositions, la rédaction retenue par la commission établit que cette compétence s'exercerait « sans préjudice » des dispositions relatives à la compétence fiscale de l'Etat. Cette formulation paraît préférable à celle prévoyant que la collectivité dispose « également » de la compétence pour imposer les revenus de source locale.

Votre commission a ensuite inscrit au II de l'article premier de la proposition de loi organique, insérant un I bis au sein de l'article L.O. 6214-4, les dispositions relatives à la convention fiscale qui devra préciser les modalités d'application de la règle des cinq ans et de la compétence de Saint-Barthélemy en matière d'imposition des revenus de source locale des personnes ne satisfaisant pas aux conditions de résidence.

Votre commission a par ailleurs prévu dans le même paragraphe qu'un crédit d'impôt devrait compenser les doubles impositions qui seraient constatées entre le 1 er janvier 2010 et l'entrée en vigueur de la convention.

Ce crédit d'impôt ne s'appliquerait qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû et ne pourrait donc donner lieu à un versement dans le cas où le contribuable ne devrait pas d'impôt à l'autre territoire (Etat ou collectivité). Il serait égal à l'impôt effectivement acquitté dans le premier territoire à raison des revenus provenant de ce territoire et ne pourrait excéder la fraction d'impôt due au titre de ces revenus dans le territoire de domiciliation fiscale.

L'amendement adopté précise en outre, au III de l'article premier de la proposition de loi organique, que la collectivité exerce cette faculté d'imposition à l'égard des revenus afférents à toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1 er janvier 2010 et à l'impôt sur la fortune établi à compter de l'année 2010.

Enfin, l'amendement adopté par la commission prévoit que le dispositif relatif à la règle des cinq ans fera l'objet d'une évaluation au cours de sa deuxième année d'application. Le rapport d'évaluation serait transmis aux commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat avant la onzième année suivant l'entrée en vigueur de la loi organique du 21 février 2007. Le Parlement disposera ainsi d'éléments de nature à lui permettre de décider le maintien, l'aménagement ou la suppression de ces dispositions.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié .

Article premier bis (nouveau) - (art. L.O. 6223-1 et L.O. 6251-11-1 nouveau
du code général des collectivités territoriales) - Dispositions relatives à l'environnement

Cet article additionnel, adopté à l'initiative de votre rapporteur, insère dans le statut de Saint-Barthélemy deux dispositions visant à assurer la prise en compte, par les institutions de la collectivité, des questions relatives à l'environnement. Il s'agit de dispositions identiques à celles insérées dans le statut de Saint-Martin 13 ( * ) .

Ainsi, le I reprend et adapte une disposition figurant à l'article 100 du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, adopté en première lecture par le Sénat le 8 octobre 2009.

Il complète les dispositions de l'article L.O. 6223-1 du code général des collectivités territoriales, relatives à la composition du conseil économique, social et culturel de Saint-Barthélemy, afin de prévoir que cet organe comprend également des représentants d'associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement et des personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d'environnement et de développement durable.

Le II reprend une disposition analogue à celle que votre commission a introduite dans le statut de la Nouvelle-Calédonie, dans le cadre de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte 14 ( * ) .

Cette disposition serait insérée au sein d'un nouvel article L.O. 6251-11-1 du code général des collectivités territoriales. Elle s'inspire de l'article 101 du projet de loi portant engagement national pour l'environnement. Elle prévoit par conséquent qu'avant l'examen du projet de budget de la collectivité, le conseil territorial entend la présentation par son président du rapport du conseil exécutif sur la situation de Saint-Barthélemy en matière de développement durable et sur les orientations et programmes visant à améliorer cette situation.

Votre commission a jugé que la collectivité de Saint- Barthélemy, dont le développement est lié à la préservation d'un environnement fragile, ne devait pas être laissée à l'écart des évolutions législatives en ce domaine.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis ainsi rédigé .

Article 2 - Compensation des pertes de recettes résultant pour l'Etat de la proposition de loi organique

Cet article prévoit que les pertes de recettes qui résulteraient, pour l'Etat, de l'application des dispositions de la loi organique devraient être compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits relatifs aux tabacs (articles 575 et 575 A du code général des impôts).

En effet, l'application aux revenus trouvant leur source à Saint-Barthélemy de la fiscalité définie par cette collectivité entraînerait, en théorie, une diminution des recettes de l'Etat. Elle pourrait toutefois avoir pour résultat une augmentation des recettes de l'État au titre des cotisations sociales, qui s'appliquent aux éléments imposés par la collectivité. L'article 6 assure donc la conformité de la proposition de loi organique avec l'article 40 de la Constitution. Seul le Gouvernement pourrait supprimer cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 21 OCTOBRE 2009

_______

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Cointat sur la proposition de loi organique n° 634 (2008-2009), présentée par M. Louis-Constant Fleming, modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin et sur la proposition de loi organique n° 517 (2008-2009), présentée par M. Michel Magras, tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans.

M. Christian Cointat , rapporteur, a tout d'abord exposé les raisons justifiant l'examen rapide de ces propositions de loi organique. Il a ainsi expliqué que les services fiscaux et le Conseil d'Etat avaient interprété les dispositions de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 relatives aux compétences fiscales de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et visant à éviter les phénomènes d'évasion fiscale dans ces deux nouvelles collectivités d'outre-mer, de manière manifestement non conforme à la volonté du législateur, ce qui obligeait celui-ci à intervenir à nouveau.

La loi organique prévoit ainsi que les personnes physiques ou morales, qu'elles viennent d'un département de métropole ou d'outre-mer, d'une collectivité d'outre-mer ou de l'étranger, ne peuvent être considérées comme ayant leur résidence fiscale à Saint-Barthélemy qu'après y avoir résidé ou possédé le siège de leur direction pendant au moins cinq ans. Les personnes physiques ou morales qui ne satisfont pas à cette règle des cinq ans de résidence sont considérées comme ayant encore leur domicile fiscal en métropole. Parallèlement, une convention fiscale devait permettre d'éviter les phénomènes de double imposition.

Pour tenir compte de la mauvaise situation financière de Saint-Martin, la loi organique statutaire dispose que cette règle des cinq ans ne s'applique pas, dans cette collectivité, aux personnes physiques ou morales établies auparavant à l'étranger, et notamment dans la partie néerlandaise de l'île, qui sont ainsi considérées comme domiciliées fiscalement à Saint-Martin dès leur installation. Précisant que cette disposition devait permettre à Saint-Martin d'attirer, avec une fiscalité appropriée, des investisseurs, M. Christian Cointat, rapporteur , a indiqué que, à Saint-Martin, il revenait à l'Etat de percevoir les impôts et d'en reverser le produit à la collectivité. La collectivité doit par ailleurs, pendant les cinq années suivant sa création, recevoir de l'Etat une compensation intégrale des pertes de recettes dues à l'application de la règle des cinq ans.

Le législateur organique avait en outre conçu la compétence fiscale de Saint-Martin et Saint-Barthélemy comme autorisant ces collectivités à imposer les revenus de source locale des personnes installées sur leur territoire sans toutefois remplir le critère de cinq ans de résidence.

Toutefois, les services fiscaux, d'une part, et les deux nouvelles collectivités, d'autre part, ayant fait une interprétation divergente de ces dispositions, le Gouvernement a demandé au Conseil d'Etat d'émettre un avis sur cette question. Or, le Conseil, dans son avis n° 381-054 du 27 décembre 2007, a rejeté la « compétence de source » non seulement pour Saint-Martin, mais également pour Saint-Barthélemy, de sorte qu'il est devenu impossible pour ces deux collectivités de soumettre à des impôts définis par elles les revenus des contribuables trouvant leur source sur leur territoire mais y résidant depuis moins de cinq ans. En outre, le Conseil a considéré que, les sommes en cause n'ayant pas été prélevées par l'Etat, il était impossible de les rétrocéder aux collectivités. Dès lors, la conclusion de conventions fiscales entre chacune des collectivités et l'Etat a été bloquée.

M. Christian Cointat, rapporteur, a estimé qu'il était par conséquent urgent de permettre à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy d'imposer à raison des revenus trouvant leur source sur leur territoire respectif les personnes ne satisfaisant pas aux conditions de résidence fiscale définies par la loi organique.

Il a donc proposé de reprendre, sous réserve de quelques modifications, les textes proposés par M. Louis-Constant Fleming pour Saint-Martin et par M. Michel Magras pour Saint-Barthélemy, et indiqué que ces textes avaient également fait l'objet d'une concertation avec les services fiscaux, ceux-ci ayant d'ailleurs approuvé l'objectif de clarification des compétences fiscales des deux collectivités.

M. Christian Cointat, rapporteur, a ensuite commenté les textes proposés et les amendements qu'il soumettait à la commission.

Concernant l'article premier de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, il a proposé que cette collectivité puisse imposer les revenus de source locale des personnes qui sont considérées comme ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer, du fait de l'application de la règle des cinq ans. Cette disposition serait applicable dès le 1 er janvier 2010. En outre, un crédit d'impôt compenserait les doubles-impositions constatées entre le 1er janvier 2010 et l'entrée en vigueur de la future convention fiscale passée entre l'Etat et la collectivité. Il a proposé les mêmes dispositions pour Saint-Barthélemy.

Pour Saint-Martin, il serait également précisé que la convention fixe les conditions de la rémunération des agents des services fiscaux de l'Etat qui assurent les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts et taxes pour la collectivité.

Par ailleurs, M. Christian Cointat, rapporteur, a proposé de garder inchangées les dispositions de la proposition de loi organique prévoyant que le représentant de l'Etat rend exécutoires les rôles relatifs au recouvrement des impôts et permettant que des personnels de la collectivité de Saint-Martin, placés sous l'autorité de l'Etat, apportent leur concours à l'exécution des opérations de recouvrement et de contrôle.

Concernant l'article 3, alors que le statut actuel prévoit que le conseil exécutif de Saint-Martin, organe collégial, décide des attributions de ses membres en matière de gestion des affaires et de fonctionnement des services, M. Christian Cointat, rapporteur, a approuvé la disposition tendant à faire du président du conseil territorial l'autorité chargée de cette désignation, et proposé que le conseil exécutif reste toutefois compétent pour le contrôle de l'exercice de ces attributions. En effet, le statut de cette collectivité étant très récent, il serait sans doute prématuré de le changer en profondeur, d'autant qu'un dispositif similaire s'applique à Saint-Barthélemy.

Concernant l'article 4, la proposition de loi organique prévoit que le président du conseil territorial de Saint-Martin, et non plus son conseil exécutif, serait compétent pour délivrer les autorisations d'utilisation ou d'occupation du sol et déterminer l'assiette et la liquidation des taxes auxquelles donnent lieu les opérations d'urbanisme et de construction. M. Christian Cointat, rapporteur, a fait valoir que cette rédaction serait en contradiction avec la logique collégiale voulue par le législateur organique. En conséquence, il a proposé la suppression de cet article.

Il a ensuite proposé d'adopter sans modification les articles 5 et 6 de la proposition de loi organique et d'y ajouter des dispositions étendant à Saint-Martin de nouvelles règles issues du Grenelle de l'environnement.

M. Christian Cointat, rapporteur, a ensuite exposé les amendements à la proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy. Il a proposé de retenir, en matière de fiscalité et d'environnement, une rédaction identique à celle proposée pour Saint-Martin.

Par ailleurs, il a illustré le risque d'évasion fiscale existant en l'état actuel du droit et la correction apportée par la proposition de loi organique. Ainsi, si résider à Saint-Martin depuis cinq ans est nécessaire pour y être considéré comme résident fiscal, cette règle ne s'applique pas aux personnes en provenance d'un pays étranger, de sorte qu'il suffit à une personne ayant sa résidence à Saint-Martin depuis moins de cinq ans de s'installer dans la partie néerlandaise de l'île puis de revenir à Saint-Martin pour être exemptée de la règle des cinq ans. Afin d'éviter ce contournement par des personnes venant d'un département de métropole ou d'outre-mer, la proposition de loi organique relative à Saint-Martin dispose que la règle des cinq ans s'applique à ces personnes si leur domicile fiscal était, dans les cinq ans précédant leur établissement à Saint-Martin, établi dans un département de métropole ou d'outre-mer.

En outre, si l'état du droit ne prévoit pas la taxation de la plus-value sur la résidence principale dans les départements de métropole ou d'Outre-mer, une telle taxe constitue une ressource importante pour Saint-Barthélemy, où elle a été fixée à 25 % du montant de la plus-value réalisée lors d'une cession immobilière. Or, le dispositif actuel permet à une personne acquérant une résidence principale à Saint-Barthélemy de n'être imposée sur la plus-value qu'elle réalise en la revendant quatre ans plus tard ni localement, puisqu'elle est toujours domicilié en France, ni au titre des cotisations sociales françaises afférentes. La proposition de loi organique résout également ce problème, en permettant à chaque collectivité d'imposer les revenus de source locale des non-résidents.

M. Louis-Constant Fleming a regretté que l'Etat n'ait pas compensé toutes les recettes perdues par Saint-Martin en provenance des autres niveaux de collectivité, comme la loi organique le prévoyait et après le rapport rendu par la commission d'évaluation des charges en février 2008. Il a également souligné la confusion qui régnait en matière de reversement de l'octroi de mer, alors que la part du produit de cet impôt, perçu en Guadeloupe, annuellement reversée à Saint-Martin s'élevait à 12 millions d'euros. La transformation en 2008 de cette ressource communale en une subvention régionale a ajouté, selon lui, à cette confusion.

M. Louis-Constant Fleming a ensuite exprimé son accord avec la proposition du rapporteur de supprimer l'article prévoyant la compétence du président de la collectivité en matière d'autorisation d'urbanisme, en soulignant cependant que le véritable décisionnaire en cette matière était en réalité le service d'urbanisme de la commune, le conseil exécutif ne faisant que confirmer le choix fait par ce service. Par ailleurs, il a estimé que la loi organique faisait clairement du président, et non pas du conseil exécutif, le véritable pouvoir exécutif de la collectivité.

M. Bernard Frimat a regretté le délai très court d'examen des propositions de loi organique et a fait valoir que les membres du groupe socialiste auraient pu souhaiter déposer des amendements, mais n'en avaient pas eu le temps en raison de ce délai. En outre, le chapitre II de la proposition de M. Louis-Constant Fleming, relatif aux institutions de la collectivité, lui est apparu constituer un cavalier législatif, ses dispositions n'ayant par ailleurs pas le même caractère d'urgence que celles du chapitre premier relatif à la fiscalité. M. Bernard Frimat a ensuite exprimé son accord avec l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale poursuivi par les propositions de loi organique, en regrettant toutefois que le budget de l'Etat ménage lui-même un grand nombre de possibilités d'évasions par le biais des « niches fiscales ». Il a également remarqué que la non-compensation par l'Etat de certaines recettes dues à Saint-Martin ne plaçait pas celle-ci dans une situation différente de celle des autres collectivités territoriales françaises, l'Etat n'honorant jamais, selon lui, ses promesses dans ce domaine. En outre, il a regretté que les commissions d'évaluation des charges ne prennent jamais en compte l'évolution des montants concernés, mais seulement leur état à un instant donné. Il a, en conséquence, indiqué que les membres du groupe socialiste ne participeraient pas au vote.

M. Christian Cointat , rapporteur , a convenu que les dispositions du chapitre II ne revêtaient pas le même caractère d'urgence que celles du chapitre premier.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements sur la proposition de loi organique présentée par M. Louis-Constant Fleming.

A l'article premier (compétences fiscales de la collectivité), concernant l'amendement n° 1 rectifié, M. Christian Cointat , rapporteur , a indiqué qu'il concernait les dispositions les plus importantes de la proposition de loi organique et précisait le régime fiscal applicable à Saint-Martin. Il a envisagé par ailleurs que soient supprimées de la loi organique les dispositions concernant le reversement par l'Etat à Saint-Martin des impôts recouvrés pendant les cinq années suivant la création de la collectivité, puisque la proposition de loi organique prévoyait à présent la compétence de source pour cette collectivité. Cette suppression pourrait faire l'objet d'un amendement extérieur discuté en séance publique.

M. Louis-Constant Fleming a rappelé que l'Etat aurait dû verser une compensation de juillet 2007 à septembre 2009 mais que les services fiscaux ne parvenaient pas à faire le calcul nécessaire. En effet, ce calcul concerne non seulement l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, mais aussi, par exemple, la taxation des plus-values, les droits d'enregistrement et les droits de mutation. Ainsi, un cabinet notarial de Saint-Martin a attesté avoir versé à la trésorerie de la Guadeloupe plus de 15,4 millions d'euros entre le 15 juillet 2007 et le 30 septembre 2009, sans que les services de l'Etat sachent répartir ce produit. Il a également souhaité attirer l'attention des membres de la commission sur le risque que les dispositions de la loi organique statutaire relatives aux conditions de domiciliation fiscale soient critiquées par la Commission européenne.

La commission a adopté l'amendement n° 1 rectifié.

Puis elle a adopté l'amendement n° 2 du rapporteur visant à prévoir que le dispositif de la « règle des cinq ans », déterminant la durée de résidence requise pour qu'une personne soit considérée comme ayant son domicile fiscal à Saint-Martin, fasse l'objet d'un rapport d'évaluation au cours de sa dixième année d'application. Ce rapport serait transmis aux commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat et permettrait d'apprécier la nécessité de maintenir ce dispositif spécifique pour les deux collectivités d'outre-mer.

A l'article 3 (rôles du président du conseil territorial et du conseil exécutif dans l'animation et le contrôle de l'administration locale), la commission a adopté l'amendement n° 6 du rapporteur maintenant les dispositions statutaires aux termes desquelles les conseillers exécutifs exercent leurs attributions individuelles dans le cadre des décisions prises par le conseil exécutif et doivent tenir celui-ci informé. M. Christian Cointat , rapporteur , a répondu aux observations de M. Louis-Constant Fleming en rappelant que le pouvoir exécutif était partagé entre le conseil exécutif et le président, ce qui implique la préservation du rôle de contrôle du conseil exécutif.

Après avoir adopté l'amendement n° 3 visant à supprimer l'article 4 (compétence du président du conseil territorial pour délivrer les autorisations d'urbanisme), la commission a adopté les amendements n° s 4 et 5 du rapporteur qui visent à mettre à jour le statut de Saint-Martin en matière d'environnement, comme il y avait été procédé à l'occasion de la loi organique n° 2009-269 du 6 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements de la proposition de loi organique dont elle était saisie, tous présentés par le rapporteur.

Article premier
Compétences fiscales de la collectivité

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Cointat, rapporteur

1 rect.

Régime fiscal de Saint-Martin

Adopté

M. Cointat, rapporteur

2

Rapport d'évaluation
sur la « règle des cinq ans »

Adopté

Article 3
Rôles du président du conseil territorial et du conseil exécutif
dans l'animation et le contrôle de l'administration locale

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Cointat, rapporteur

6

Répartition du pouvoir exécutif
entre le président et le conseil exécutif

Adopté

Article 4
Compétence du président du conseil territorial
pour délivrer les autorisations d'urbanisme

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Cointat, rapporteur

3

Compétence du conseil exécutif
en matière d'autorisations d'urbanisme

Adopté

Division additionnelle après l'article 5

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Cointat, rapporteur

4

Application à Saint-Martin des nouvelles règles
en matière de développement durable

Adopté

Article additionnel après l'article 5

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Cointat, rapporteur

5

Application à Saint-Martin des nouvelles règles
en matière de développement durable

Adopté

Enfin, la commission a procédé à l'examen des amendements sur la proposition de loi organique , présentée par M. Michel Magras, tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans.

M. Christian Cointat , rapporteur , a indiqué que le premier amendement reprenait les dispositions fiscales adoptées pour Saint-Martin, le second amendement comprenant des dispositions environnementales, également identiques à celles prévues pour Saint-Martin.

Les deux amendements ont été adoptés par la commission.

Article premier Imposition par Saint-Barthélemy des revenus de source locale des personnes établies sur son territoire depuis moins de cinq ans

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Cointat, rapporteur

1 rect.

Régime fiscal de Saint-Barthélemy

Adopté

Article additionnel après l'article premier

M. Cointat, rapporteur

2

Application à Saint-Barthélemy des nouvelles règles en matière de développement durable

Adopté

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

_______

- M. Louis-Constant Fleming , sénateur, auteur de la proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, n° 634 (2008-2009)

- M. Michel Magras, sénateur, auteur de la proposition de loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans, n° 517 (2008-2009).

Ministère de l'outre-mer

- M. Foulques Chombart de Lauwe , chargé de mission au Cabinet de la secrétaire d'Etat à l'outre-mer

- Mme Laetitia de La Maisonneuve , conseillère parlementaire au cabinet de la Secrétaire d'Etat à l'outre-mer

- M. Rodolphe Juy-Birman , chef du service des affaires juridiques et institutionnelles de la Délégation générale à l'outre-mer (DGOM)

- M. Jean-Bernard Nilam , chef du département de la vie économique, de l'emploi et de la formation (DGOM)

Ministère des finances

- M. Blaise-Philippe Chaumont, Conseiller chargé de la fiscalité auprès de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

- M. Benjamin Besnier , Inspecteur du Trésor public à la direction générale des finances publiques

- M. Régis Cario, Inspecteur des Impôts à la direction générale des finances publiques

ANNEXE 2 - AVIS DU CONSEIL D'ETAT DU 27 DECEMBRE 2007

_____

Section des finances - Avis n° 381.054 - 27 décembre 2007

Droit applicable outre-mer - Saint-Barthélemy et de Saint-Martin - Loi organique n°2007-223 du 27 février 2007 - Imposition des revenus ou de la fortune - Domicile fiscal - Notion - Compétences fiscales des collectivités.

Le Conseil d'Etat, saisi par la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi d'une demande d'avis : « relative à l'étendue de la compétence en matière fiscale des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin », qui pose la question de savoir : « si la loi organique n° 2007-223 du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer donne aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin la compétence pour imposer les revenus ou la fortune dont disposent dans ces territoires les personnes qui n'y ont pas la qualité de résident fiscal, lorsque sont en cause des impositions, droits ou taxes reposant sur une notion de résidence fiscale ».

Vu la Constitution, notamment son article 74 ;

Vu la loi organique n° 2007-223 du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-547 DC du 15 février 2007;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles LO. 6211-1, LO. 6214-3, LO. 6214-4, LO. 6311-1, LO. 6314-3, LO. 6314-4 et LO. 6380-1;

Vu le code général des impôts, notamment ses articles 4 A, 4 B, 4 bis , 209 et 885 A ;

Est d'avis qu'il y a lieu de répondre à la question posée dans le sens des observations ci-après :

I. - La compétence des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en matière fiscale

A. - La loi organique n° 2007-223 du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, en instituant les deux nouvelles collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, leur a donné une compétence en matière fiscale.

Les articles LO. 6214-3 et LO. 6314-3 du code général des collectivités territoriales, introduits dans le code par cette loi organique, disposent, respectivement pour Saint-Barthélemy et pour Saint-Martin, dans les mêmes termes, que : « La collectivité fixe les règles applicables » en matière d' « impôts, droits et taxes dans les conditions prévues » à l'article LO. 6214-4 pour Saint-Barthélemy et à l'article LO. 6314-4 pour Saint-Martin.

Les articles LO. 6214-4 pour Saint-Barthélemy et LO. 6314-4 pour Saint-Martin du même code précisent que la collectivité exerce les compétences qu'elle tient du 1° du I de l'article LO. 6214-3 ou de l'article LO. 6314-3 « dans le respect » des dispositions qui suivent.

1° Ces dispositions encadrent de deux manières la compétence fiscale de ces collectivités :

- au 1° des deux articles, est fixée une condition de durée de résidence d'au moins cinq ans pour qu'une personne, physique ou morale, soit considérée comme ayant son domicile fiscal dans la collectivité ;

- au 3°, est posée la règle selon laquelle les collectivités exercent leur compétence fiscale sans préjudice des règles fixées par l'Etat en matière de cotisations sociales et des autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l'amortissement de la dette sociale.

2° Par les dispositions du 2° des deux articles, obligation est faite aux collectivités de Saint- Barthélemy et de Saint-Martin de transmettre à l'Etat toute information utile pour l'application de leur réglementation fiscale ou pour l'exécution des clauses d'échanges de renseignements figurant dans les conventions fiscales conclues par la France ;

3° Enfin, est posé, dans le dernier alinéa du I des articles LO. 6214-4 et LO. 6314-4, le principe que les modalités d'application de cette partie des articles seront, en tant que de besoin, précisées par des conventions conclues entre l'Etat et les collectivités, en vue de prévenir l'évasion fiscale et les doubles impositions et de définir les obligations de communication d'informations des collectivités.

B. - Les dispositions du 1° du I des articles LO. 6214-4 et LO. 6314-4 ne sont pas identiques pour les deux collectivités.

a) En vertu du I de l'article LO. 6214-4, les personnes physiques ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy qu'après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. Pour les personnes morales, la condition de domiciliation fiscale est l'installation du siège de leur direction effective depuis cinq ans au moins, sauf si, installées depuis moins de cinq ans, elles sont contrôlées, directement ou indirectement, par des personnes physiques résidant elles-mêmes à Saint-Barthélemy depuis cinq ans au moins.

Un dernier alinéa de cet article précise pour Saint-Barthélemy que les personnes physiques et morales qui ne remplissent pas cette condition de résidence de cinq ans, et ne peuvent donc être considérées comme ayant leur domicile fiscal dans cette collectivité, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France.

Il s'en déduit que les personnes installées dans la collectivité de Saint-Barthélemy depuis moins de cinq ans, qu'elles aient été jusque là domiciliées fiscalement en France, c'est-à-dire, du point de vue fiscal, en métropole ou dans un département d'outre-mer, ou dans une autre collectivité d'outre-mer ou à l'étranger, ne peuvent être considérées comme domiciliées fiscalement à Saint-Barthélemy. Ces personnes sont donc réputées avoir leur domicile fiscal en France, dès lors qu'elles remplissent, à Saint-Barthélemy, l'une des conditions prévues à l'article 4 B du code général des impôts pour être domiciliées fiscalement en France.

b) Pour Saint-Martin, le législateur organique, afin de ne pas décourager l'installation de personnes physiques ou morales étrangères, a limité la condition de résidence d'au moins cinq ans aux personnes ayant, avant leur installation à Saint-Martin, leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer, ce qui a pour conséquence que les personnes ayant leur domicile fiscal dans une autre collectivité d'outre-mer ou à l'étranger peuvent se voir reconnaître leur domicile fiscal dans la collectivité de Saint-Martin sans y résider depuis au moins cinq ans.

Par ailleurs, du fait que la condition de résidence de cinq ans ne s'applique pour Saint-Martin qu'aux personnes ayant leur domicile fiscal en France, le législateur organique n'a pas précisé, comme il l'a fait pour Saint-Barthélemy, que les personnes ne remplissant pas cette condition de résidence étaient domiciliées en France.

C. Dans le silence de la loi organique, la condition de résidence de cinq ans doit être regardée comme satisfaite, à compter du 15 juillet 2007, date d'entrée en vigueur de cette loi, par une résidence dans la collectivité pendant les cinq années qui précèdent la date à laquelle cette condition doit être appréciée.

II. - Les conséquences de la domiciliation fiscale sur les compétences des collectivités

A. Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la fortune

1. - La domiciliation fiscale en France a pour conséquence, selon les dispositions du code général des impôts, de rendre les personnes domiciliées passibles de certaines impositions établies en France.

Selon l'article 4 A du code général des impôts, les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus, quelle qu'en soit l'origine. Celles dont le domicile fiscal est fixé hors de France sont passibles de cet impôt seulement en raison de leurs revenus de source française. L'article 4 B dispose notamment que sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, ou celles qui exercent en France une activité professionnelle, sauf si celle-ci est accessoire, ou celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. Enfin, l'article 4 bis rend passibles de l'impôt sur le revenu les personnes de nationalité française ou étrangère, domiciliées fiscalement en France ou non, si elles recueillent des bénéfices ou des revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

En vertu des dispositions de l'article 885 A du même code, sont soumises à l'impôt annuel de solidarité sur la fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à une limite, les personnes 3 physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ou hors de France ainsi que les personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France.

2. - Les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution ont un statut défini par une loi organique qui fixe notamment leurs compétences.

En prévoyant que les compétences des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en matière d'impôts, droits et taxes s'exercent notamment « dans le respect » des dispositions du 1° du I des articles LO. 6214-4 et LO. 6314-4, lesquelles indiquent à quelles conditions les personnes physiques et morales peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal dans ces collectivités, le législateur organique a entendu préciser la compétence de ces collectivités en matière fiscale au regard de la domiciliation fiscale des personnes.

a) Pour les personnes ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin

Les dispositions de la loi organique permettent à ces collectivités d'exercer leur compétence fiscale en instituant des impôts sur les revenus ou la fortune dont disposent les personnes qui y sont domiciliées fiscalement. Si l'une de ces collectivités adoptait des dispositions prévoyant un impôt sur le revenu ou un impôt sur la fortune assis sur l'ensemble des revenus ou des biens, y compris ceux qui ont leur origine ou sont situés en France (métropole ou départements d'outre-mer), les situations de double imposition qui résulteraient de l'application à ces mêmes personnes des dispositions des articles 4 A ou 885 A du code général des impôts pourraient être prévenues par les stipulations de la convention fiscale prévue entre la France et cette collectivité.

b) Pour les personnes ayant leur domicile fiscal en France

A l'inverse, les dispositions susmentionnées doivent s'interpréter comme excluant les personnes ayant leur domicile fiscal en France, ou étant réputées l'avoir, de la compétence fiscale des deux collectivités. Ces personnes sont, par suite, passibles des seuls impôts sur le revenu et sur la fortune établis en France, dans les conditions prévues pour les personnes domiciliées fiscalement en France par les dispositions des articles 4 A et 885 A du code général des impôts, sur l'ensemble de leurs revenus ou l'ensemble de leurs biens.

D'une part, en effet, la loi organique n'a pas prévu que, par exception, ces personnes pourraient être assujetties à des impositions établies par les collectivités de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin, se bornant au contraire à prévoir une compensation intégrale pendant cinq ans, pour la seule collectivité de Saint-Martin, des pertes de recettes résultant pour celle-ci de la limitation de sa compétence fiscale.

D'autre part, il ressort tant des rapports présentés devant le Sénat et l'Assemblée nationale au nom des commissions de ces assemblées que des déclarations du ministre de l'outre-mer et des débats parlementaires que le législateur organique a voulu, comme le lui proposait le Gouvernement, écarter le risque d'évasion fiscale résultant de la compétence fiscale des deux nouvelles collectivités par la mise en place d'un dispositif permettant l'application du seul droit fiscal national aux personnes dont le domicile fiscal est, en application des dispositions de la loi organique, situé en France.

c) Pour les personnes qui n'ont leur domicile fiscal ni dans une des collectivités ni en France

Pour les personnes qui n'ont pas, ou pas encore, leur domicile fiscal dans l'une des collectivités, sans l'avoir en France, aucune disposition de la loi organique ne fait obstacle à ce que cette collectivité impose les revenus ou la fortune dont ces personnes disposent dans la collectivité, sous réserve des stipulations des conventions fiscales qui viendraient à être conclues pour la collectivité avec des Etats étrangers.

B. Pour l'impôt sur les sociétés

Pour les mêmes motifs que ceux exposés au b du 2. du A du II, il résulte de la combinaison des dispositions des articles LO. 6214-4 et LO. 6314-4 du code général des collectivités territoriales susmentionnées et de celles du I. de l'article 209 du code général des impôts - qui prévoient, sous réserve des dispositions de l'article 209 quinquies du même code, que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les 4 entreprises exploitées en France, ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions - que les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ne peuvent soumettre à un impôt sur les sociétés les personnes morales résidant fiscalement en France, même pour les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées dans la collectivité.

* 1 Voir le rapport n° 25 (2006-2007) fait au nom de la commission des lois par M. Christian Cointat.

* 2 Voir le rapport n° 329 (2004-2005) fait au nom de la commission des lois à la suite d'une mission effectuée en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin du 9 au 14 décembre 2004, par MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et Simon Sutour.

* 3 Les conseils territoriaux ayant été saisis par le représentant de l'Etat selon la procédure d'urgence, ils disposent de quinze jours pour se prononcer, en application des articles L.O. 6213-3 et L.O. 6313-3 du code général des collectivités territoriales. Ces consultations doivent intervenir avant l'adoption de la proposition de loi organique en première lecture par la première assemblée saisie.

* 4 Avant cette date, le conseil territorial de la collectivité peut adapter, dans ces matières, les lois et règlements à ses caractéristiques et contraintes particulières.

* 5 Le 3 de l'article 197 du code général des impôts dispose que le montant de l'impôt sur le revenu est réduit de 30 %, dans la limite de 5 100 euros, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

* 6 En effet, les revenus imposés à Saint-Barthélemy restent soumis à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), le régime de protection sociale métropolitain s'appliquant à Saint-Barthélemy.

* 7 Le régime fiscal appliqué à Saint-Martin avant l'évolution statutaire de 2007 était le fruit de l'histoire, qui avait favorisé le maintien de pratiques coutumières que les textes et les juridictions n'avaient pu abolir véritablement. Ainsi, le 11 février 1850, le Conseil privé de la Guadeloupe avait adopté une délibération approuvant un arrêté concédant « à la dépendance de Saint-Martin de nouvelles immunités commerciales, ainsi que des faveurs nouvelles pour encourager l'exploitation de ses salines ». Saint-Martin est alors devenu un port franc, non soumis à la perception de droits de douane. Le décret n° 47-2390 du 27 décembre 1947 a maintenu ce régime particulier, tandis que le décret n° 48-540 du 30 mars 1948 a exonéré les îles du Nord de la Guadeloupe (Saint-Barthélemy et Saint-Martin) des droits indirects.

* 8 Avis du Conseil d'Etat n° 381-054 du 27 décembre 2007.

* 9 Art. 4 A.- Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française.

Art. 885 A.- Sont soumises à l'impôt annuel de solidarité sur la fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à la limite de la première tranche du tarif fixé à l'article 885 U :

1° Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ou hors de France. Toutefois, les personnes physiques mentionnées au premier alinéa qui n'ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont leur domicile fiscal en France ne sont imposables qu'à raison de leurs biens situés en France. Cette disposition s'applique au titre de chaque année au cours de laquelle le redevable conserve son domicile fiscal en France, et ce jusqu'au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France.

2° Les personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France. Sauf dans les cas prévus aux a et b du 4 de l'article 6, les couples mariés font l'objet d'une imposition commune. Les conditions d'assujettissement sont appréciées au 1er janvier de chaque année. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l'article 515-1 du code civil font l'objet d'une imposition commune. Les biens professionnels définis aux articles 885 N , 885 O, 885 O bis, 885 O ter, 885 O quater, 885 O quinquies, 885 P et 885 R ne sont pas pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

* 10 Voir l'article 37 de cette loi organique et le rapport n° 490 (2008-2009), fait au nom de la commission des lois par votre rapporteur.

* 11 Les conditions de cette imposition étant définies par les articles 4A et 885A du code général des impôts.

* 12 Décision n° 2007-547 DC du 15 février 2007, considérant 49.

* 13 Voir le commentaire de l'article 5 bis (nouveau) dans la partie du présent rapport consacrée à l'examen des articles de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin.

* 14 Voir l'article 37 de cette loi organique et le rapport n° 490 (2008-2009) fait au nom de la commission des lois par votre rapporteur.

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