III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : ASSURER UN EXAMEN APPROFONDI DE L'OPPORTUNITÉ D'UN CUMUL DE FONCTIONS ET DE RÉMUNÉRATIONS

Votre commission des lois estime qu'il n'y a pas lieu d'interdire, dans son principe, la possibilité d'un cumul de fonctions de direction dans une entreprise du secteur public et une entreprise du secteur privé, tout comme celle d'un cumul de rémunérations . En revanche, se pose effectivement la question légitime de l'intérêt d'un encadrement de cette pratique afin qu'elle n'intervienne qu'après un examen approfondi, au cas par cas, de sa pertinence .

A. UN QUESTIONNEMENT LÉGITIME

La question de la légitimité d'un cumul de fonctions de direction dans des entreprises privées et publiques apparaît certainement légitime lorsque ces fonctions portent sur des sociétés dont l'objet social ou le domaine d'activité peuvent être directement ou indirectement concurrents .

Cependant, même hors d'une telle situation , il y a lieu de s'interroger sur la pertinence d'un tel cumul, ne serait-ce qu'afin de faire en sorte que l'intéressé dispose, dans l'exercice des fonctions qui lui sont dévolues dans chaque société, du temps nécessaire au bon accomplissement de ces missions .

A cet égard, il convient de souligner, comme l'a relevé notamment Mme Colette Neuville, présidente de l'Association de défense des actionnaires minoritaires, lors de son audition par votre rapporteur, que le mandat de président du conseil d'administration -même lorsqu'il n'est pas exercé concomitamment avec les fonctions de directeur général- ou de président du conseil de surveillance implique, dans le respect des principes de gouvernement d'entreprise, une charge de travail importante. Cette problématique a également été soulevée par M. Daniel Lebègue, président de l'Institut français des administrateurs, interrogé dans la presse.

Lorsqu'une telle situation survient dans le cadre de sociétés exclusivement privées, elle est réglée par la décision des organes sociaux de chacune des sociétés qui, en fonction de l'intérêt social de chacune d'elles, doivent apprécier l'intérêt ou l'inconvénient de « partager » leur dirigeant avec une autre. Ce d'autant plus que le pouvoir d'influence du président d'un conseil d'administration, même non exécutif, est réel.

La situation est néanmoins plus singulière dans le cadre de sociétés publiques où la nomination des dirigeants intervient, certes, le plus souvent sur proposition des organes sociaux, mais résulte surtout juridiquement d'une décision émanant d'une instance politique et matérialisée par un acte administratif unilatéral.

En outre, un tel cumul conduit en pratique à faire cohabiter les intérêts d'une entreprise qui, compte tenu de la nature de son principal actionnaire -l'Etat- peut avoir une politique financière et industrielle différente, voire contradictoire, de celle d'une entreprise dont les capitaux sont détenus, pour l'essentiel, par des personnes privées . Ce cas de figure pose ainsi, en cas de prééminence de la société publique, la question de la protection des actionnaires minoritaires de la société privée, soulevée devant votre rapporteur par Mme Colette Neuville. À l'inverse, en cas de prééminence de la société privée, l'interrogation est alors celle de la préservation des intérêts patrimoniaux et industriels de l'Etat.

La coexistence de fonctions dans des entreprises du secteur public et du secteur privé doit-elle conduire à introduire un dispositif spécifique destiné à encadrer les possibilités de cumul, ou les règles actuellement applicables sont-elles suffisantes pour prévenir toute difficulté dans le futur ?

A cette interrogation légitime, qui ne saurait bien évidemment se limiter au seul cas d'espèce que les médias ont abondamment commenté dans les dernières semaines, MM. Yvon Collin et Michel Charasse, ainsi que plusieurs autres membres du groupe RDSE, ont entendu répondre par l'affirmative.

Votre commission regrette que, sollicitées sur ce sujet par votre rapporteur, les organisations représentatives des entreprises privées n'aient pas souhaité s'exprimer.

Elle estime néanmoins que, pour que toute crainte au regard de la gouvernance des entreprises et des conflits d'intérêts pouvant subvenir par l'existence même de telles situations puisse être apaisée, il est nécessaire que l'Etat fasse preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande transparence .

Aussi juge-t-elle légitime de prévoir, au niveau législatif, le suivi d'une procédure administrative particulière préalablement à ce type de cumul.

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