3. Une proposition de règle en termes d'effort structurel

A titre d'exemple de règle non manipulable (ou difficilement manipulable), votre rapporteur général estime que l'on pourrait se fixer un objectif en termes d'effort structurel, c'est-à-dire d'impact cumulé sur le déficit public (exprimé en points de PIB) des mesures nouvelles sur les recettes et du différentiel entre la croissance des dépenses et la croissance du PIB. Les gouvernements seraient libres de répartir comme ils l'entendent l'effort entre augmentation des recettes et maîtrise des dépenses. Pour calculer l'effort structurel nécessaire, on considérerait, par convention (pour éviter des manipulations liées à l'estimation du PIB structurel), que le déficit présent est égal au déficit structurel. Pour calculer l'effort structurel permettant d'atteindre l'objectif de solde public, on prendrait en compte non les hypothèses de croissance du Gouvernement, mais celle du consensus des conjoncturistes, ou celle observée au cours d'une période donnée.

Par exemple, on peut se fixer l'objectif de ramener le déficit public à 3 points de PIB dans un délai de 5 ans. Le déficit public est actuellement de l'ordre de 8 points de PIB. Il s'agit d'un effort structurel d'environ 5 points de PIB, soit, sur 5 années, 1 point de PIB par an. Si l'on faisait porter la totalité de l'effort sur la dépense, comme la croissance du PIB des 10 dernières années a été de l'ordre de 2 % en volume, et comme les dépenses publiques représentent environ la moitié du PIB, il faudrait que les dépenses publiques soient stables en volume. Un tel effort étant très important, un gouvernement aurait la possibilité de réduire son effort sur la dépense en augmentant les recettes publiques à due concurrence, de manière pérenne. Par exemple, si l'on décidait d'accroître les dépenses de 1 % par an en volume (au lieu de les stabiliser), l'effort structurel correspondant ne serait plus que de 0,5 point de PIB par an. Il conviendrait donc que les mesures nouvelles sur les recettes entrant en vigueur chaque année aient pour effet d'augmenter celles-ci, de manière pérenne, de 0,5 point de PIB, chacune des années concernées 25 ( * ) .

Pour qu'une telle règle soit appliquée, il faut tout d'abord que la dépense publique soit effectivement pilotée. On ne peut continuer, comme on le fait depuis dix ans, à faire de simples projections de solde public, reposant sur des hypothèses de dépenses qui n'engagent personne. La norme de croissance des dépenses (qui, pour être applicable, semble devoir être exprimée en valeur, sur la base d'hypothèses d'inflation non manipulables 26 ( * ) , et éventuellement corrigée des fluctuations liées aux mécanismes d'indexation de certaines prestations 27 ( * ) ) doit avoir vocation à être respectée chaque année, non seulement pour l'Etat (comme c'est actuellement le cas), mais aussi pour la sécurité sociale. Il pourrait être envisagé de prévoir l'obligation, en cas de dérapage des dépenses, de prendre en cours d'année des mesures correctrices. Ces mesures pourraient être prévues ex ante par la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale, et n'être mises en oeuvre qu'en cas de dérapage 28 ( * ) . Si un dérapage sur l'année était malgré tout constaté a posteriori , des mesures correctrices devraient en tout état de cause être prises.

Pour être effectivement appliquée, une règle d'équilibre doit également avoir une valeur constitutionnelle ou organique. En effet, dans le cas contraire les gouvernements successifs auront toujours d'excellentes raisons pour s'en émanciper au moment présent. La Constitution ou la loi organique ne devrait pas fixer elle-même l'objectif de solde public à moyen terme. En effet, un tel objectif est nécessairement politique. En revanche, elle devrait prévoir des règles, comme par exemple les règles ci-avant, afin que le Conseil constitutionnel puisse vérifier que les grands équilibres prévus par les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale sont bien compatibles avec l'objectif fixé.

* 25 Il ne s'agit pas d'adopter des dispositions dont l'impact sur les recettes ne se ferait sentir qu'à moyen ou long terme, comme le Gouvernement estime possible de le faire pour l'application de la règle sur les niches fiscales prévue par l'article 10 de la loi de programmation des finances publiques.

* 26 Correspondant par exemple aux prévisions des conjoncturistes, ou à l'inflation observée au cours d'une période suffisamment longue.

* 27 Certaines prestations (comme les pensions de retraite et les prestations familiales) sont indexées l'année n sur la prévision d'inflation associée au projet de loi de finances pour l'année n, corrigée de l'erreur de prévision d'inflation pour l'année n-1 associée au projet de loi de finances pour l'année n-1, tel qu'évaluée par le projet de loi de finances pour l'année n.

* 28 Comme le préconise M. Michel Pébereau dans son rapport précité, dans le cas de l'assurance maladie.

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