EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. L. 132-9-3 du code des assurances
et art. L. 223-10-2 du code de la mutualité)
Renforcement des obligations de recherche et d'information
des assureurs en matière de contrats d'assurance sur la vie non réclamés

L'article premier prévoit deux séries de dispositions identiques, pour les entreprises d'assurance et institutions de prévoyance, qui relèvent du code des assurances, et pour les mutuelles, qui relèvent du code de la mutualité. Il complète ainsi successivement l'article L. 132-9-3 du code des assurances et l'article L. 223-10-2 du code de la mutualité.

En premier lieu, cet article vise à renforcer l'obligation, à la charge des assureurs, de recherche des assurés décédés. Actuellement, il existe une obligation générale de l'assureur de s'informer de l'éventuel décès de l'assuré, par consultation des données du répertoire national d'identification des personnes physiques. L'obligation de s'informer de l'éventuel décès de l'assuré devient annuelle lorsque celui-ci n'a pas accusé réception, comme veut lui imposer la proposition de loi, de la communication annuelle prévue à l'article L. 132-22 du code des assurances à trois reprises consécutives et que la provision mathématique du contrat d'assurance est supérieure à 2000 euros. Or, la communication annuelle étant adressée au contractant et non à l'assuré et ceux-ci pouvant être des personnes différentes, il est difficile de considérer que l'absence d'accusé de réception du contractant vaille par principe absence de réponse de l'assuré.

Le montant de 2000 euros correspond précisément au seuil, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie en vertu de l'article L. 132-22, au-delà duquel la communication annuelle est obligatoire. La fixation de ce seuil est donc à renvoyer au même arrêté.

Cette obligation a paru trop restrictive à votre commission, car elle permet de fait d'attendre un délai de trois ans sans accusé de réception avant que l'assureur n'ait l'obligation de procéder à la vérification du décès éventuel de l'assuré, et ce quel que soit son âge. Au surplus, cette disposition serait en retrait par rapport aux engagements déontologiques pris par les assureurs dans le prolongement de la loi du 17 décembre 2007.

Depuis l'entrée en vigueur du dispositif « AGIRA II », les assureurs ont déjà pu procéder, conformément à leurs engagements déontologiques, au contrôle des contrats pour lesquels la provision mathématique était supérieure à 2000 euros, l'assuré était âgé de plus de 90 ans et aucun contact avec lui n'avait eu lieu depuis au moins deux ans.

Votre commission a considéré qu'il était possible d'aller au-delà avec un mécanisme plus simple, le dispositif « AGIRA II » étant dorénavant pleinement opérationnel, en prévoyant une obligation annuelle de consultation du répertoire national d'identification des personnes physiques pour tous les contrats dont la provision est supérieure à 2000 € afin de s'assurer du décès éventuel de l'assuré, sans aucune condition d'absence d'accusé de réception du souscripteur ou de l'assuré, ni d'âge.

Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

En deuxième lieu, cet article impose une obligation de recherche du bénéficiaire du contrat lorsqu'il apparaît, à l'issue de la recherche au répertoire national d'identification des personnes physiques, que l'assuré n'est pas décédé, mais qu'il n'a pas accusé réception à trois reprises consécutives. Or, la communication annuelle dont la proposition de loi impose d'accuser réception est adressée par l'assureur au contractant et non à l'assuré, celui-ci n'étant pas toujours le contractant, comme déjà indiqué plus haut.

On peut s'interroger sur une telle obligation, car elle ne concerne pas un contrat non réclamé. Sans doute faut-il considérer que si l'assureur n'a plus de contact avec le souscripteur, peut-être le bénéficiaire en a-t-il et que, dès lors, l'assureur, en retrouvant le bénéficiaire, retrouverait le souscripteur. Pour autant, si le souscripteur n'est pas décédé, cette lourde démarche permettrait simplement de pouvoir retrouver son adresse, ce qui ne serait guère utile en outre dans le cas où il ne serait pas l'assuré. En effet, après un premier délai de trois ans sans nouvelle, l'assureur doit vérifier l'éventualité du décès après un second délai de trois ans, soit six ans pour procéder à la recherche.

Cette obligation a donc paru inadaptée à votre commission, à la fois insuffisante dans ses effets et disproportionnée dans sa mise en oeuvre.

En troisième lieu, la proposition de loi tend à permettre d'imputer, dans des limites fixées par décret, les frais de vérification de l'éventuel décès de l'assuré et les frais de recherche du bénéficiaire en cas de décès de l'assuré, sur le capital ou la rente lorsque l'entreprise d'assurance est en mesure de procéder à leur versement.

Votre commission a estimé injustifié de faire peser sur le bénéficiaire des coûts dont il n'est pas directement responsable. Il entre dans les diligences normales de l'assureur à l'égard du bénéficiaire, envers lequel il est redevable des sommes prévues au contrat, de procéder aux recherches nécessaires pour le retrouver ou pour s'assurer du décès de l'assuré. Dans la plupart des cas, ces coûts sont minimes. Prévoir une telle faculté risque de susciter des dérives au détriment des bénéficiaires, par le prélèvement de frais injustifiés qui pourrait prendre un caractère automatique.

En outre, il appartient à l'assureur de vérifier que la clause bénéficiaire du contrat, lors de sa conclusion, a été rédigée d'une façon suffisamment claire et précise pour pouvoir retrouver aisément le bénéficiaire. Ce type de contrat emploie souvent des clauses-types désignant de façon non nominative comme bénéficiaire le conjoint, à défaut les enfants nés ou à naître et à défaut les héritiers. De telles clauses, bien qu'autorisées, rendent difficile l'identification du ou des bénéficiaires.

En outre, il est ressorti des auditions menées par votre rapporteur qu'une telle faculté d'imputer les frais de recherche n'était pas demandée par les organisations professionnelles du secteur de l'assurance et de la mutualité.

Votre commission a donc écarté cette disposition.

En quatrième lieu, l'article premier prévoit la publication annuelle par les entreprises d'assurance d'un état indiquant le nombre et l'encours des contrats, qualifiés de non réclamés, répondant cumulativement aux critères figurant actuellement dans les engagements déontologiques de la profession, à savoir un assuré âgé de plus de 90 ans, une provision mathématique de plus de 2000 € et une absence d'accusé de réception de la communication annuelle à trois reprises consécutives. Cet état doit également faire état des sommes versées à la suite des vérifications faites au répertoire national d'identification des personnes physiques. Il doit être annexé aux comptes soumis à l'assemblée générale et transmis à l'autorité de tutelle, à savoir la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel, qui s'est substituée, au début de cette année, entre autres à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles 16 ( * ) .

Une telle obligation de transparence, que votre commission approuve pleinement dans son principe, ne semble guère opérationnelle, en ce qu'elle ne peut viser, dans sa rédaction, qu'une partie des contrats susceptibles d'être non réclamés. Une information plus objective consisterait à ce que les assureurs rendent compte des démarches effectuées au titre des dispositifs « AGIRA I » et « AGIRA II » et de leurs résultats. Un suivi statistique de ces démarches d'une année à l'autre permettrait d'apprécier non pas l'ampleur du phénomène des contrats non réclamés, impossible à calculer de façon fiable et objective, mais l'évolution du nombre de contrats retrouvés alors que l'assuré est décédé. Une baisse régulière du nombre de ces contrats signifierait la réduction du nombre des contrats non réclamés.

En outre, cette disposition trouverait sans doute mieux sa place à un autre emplacement dans le code des assurances. Aussi votre commission a-t-elle créé pour ce faire un article additionnel après l'article premier.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article premier bis
(art. L. 132-22 du code des assurances
et art. L. 223-21 du code de la mutualité)
Publicité des démarches effectuées par les assureurs
en vue de la résorption des contrats d'assurance sur la vie non réclamés

Reprenant en la modifiant une disposition disjointe de l'article premier, votre commission a adopté un amendement ayant pour objet de créer, dans le code des assurances, au sein du chapitre IV du titre IV, relatif aux dispositions comptables et statistiques, du livre III, relatif aux entreprises d'assurance, une obligation d'annexer aux comptes annuels un état des démarches effectuées au titre des deux dispositifs « AGIRA I » et « AGIRA II » et des résultats obtenus, notamment en termes de sommes versées aux bénéficiaires.

L'Association pour la gestion des informations relatives aux risques en assurance serait également tenue à une obligation globale de publication des démarches réalisées par ses soins à la demande des assureurs.

L'information serait ainsi disponible, à la disposition du public, à la fois pour le portefeuille de contrats d'assurance sur la vie de chaque assureur et pour l'ensemble des assureurs intervenant sur ce type de contrat.

Des dispositions analogues sont prévues dans le code de la mutualité, au sein de la section 6, relative aux dispositions financières et comptables, du chapitre IV du livre Ier, relatif aux règles générales applicables à l'ensemble des mutuelles.

Article 2
(art. L. 132-22 du code des assurances
et art. L. 223-21 du code de la mutualité)
Renforcement des obligations d'information des assureurs
à l'égard des souscripteurs de contrat d'assurance sur la vie

L'article 2 prévoit deux séries de dispositions identiques, pour les entreprises d'assurance et institutions de prévoyance, qui relèvent du code des assurances, et pour les mutuelles, qui relèvent du code de la mutualité.

Il dispose que, dans la communication annuelle au souscripteur du contrat prévue à l'article L. 132-22 du code des assurances pour les contrats dont la provision mathématique est au moins égale à 2000 €, seuil fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie, l'entreprise d'assurance mentionne l'obligation pour le souscripteur de l'informer de tout changement d'adresse. La communication doit également faire état de la possibilité de modifier la clause bénéficiaire, possibilité prévue par l'article 4 de la proposition de loi que votre commission propose par ailleurs de supprimer.

En outre, la proposition prévoit l'obligation, pour le souscripteur, d'accuser réception dans le délai d'un mois de la communication qui lui est adressée par l'entreprise d'assurance et, s'il y a lieu, de l'informer de son changement d'adresse et de la modification de la clause bénéficiaire.

Cette obligation d'accuser réception n'est assortie d'aucune sanction, mais sur elle repose le mécanisme de l'article premier consistant pour l'assureur à s'informer de l'éventuel décès de l'assuré, en cas d'absence d'accusé de réception trois années consécutives par le souscripteur. A cet égard, il faut noter que, dans certains cas, le souscripteur n'est pas l'assuré, de sorte que le décès du souscripteur n'entraîne pas la liquidation du contrat et le versement du capital ou de la rente.

De plus, pour matérialiser l'accusé de réception, aucune solution ne paraît pleinement satisfaisante. Il peut prendre la forme, par exemple, d'un coupon figurant dans le courrier de communication annuelle, à retourner à l'assureur. En l'absence de sanction, il est vraisemblable que le souscripteur, par négligence, omettra d'accuser réception, sans pour autant que cela puisse signifier qu'il soit décédé. Il conviendrait alors de procéder à l'envoi de toute communication annuelle par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui constituerait une formalité très lourde compte tenu du nombre de contrats. De plus, même dans ce cas, la négligence est possible, lorsque le souscripteur ne prend pas soin de recevoir la lettre recommandée, et l'absence d'accusé de réception ne saurait signifier le décès.

Des dispositions analogues sont prévues par la proposition de loi à l'article L. 223-21 du code de la mutualité.

Compte tenu des modifications qu'elle a déjà apportées à l'article premier, votre commission a considéré que ces formalités supplémentaires étaient à la fois inefficaces, coûteuses et manifestement disproportionnées si leur but est effectivement de permettre à l'entreprise d'assurance de s'informer du décès, d'autant que l'article premier prévoit l'obligation de s'informer sur le décès après seulement trois absences consécutives d'accusé de réception, c'est-à-dire après un délai de trois ans. Si le souscripteur, lorsqu'il est aussi l'assuré, est décédé, il n'est pas souhaitable d'attendre trois ans pour le vérifier.

Votre commission a donc supprimé l'article 2.

Article 3
(art. L. 132-8 du code des assurances
et art. L. 223-10 du code de la mutualité)
Intervention de tiers agréés pour la recherche des bénéficiaires
de contrat d'assurance sur la vie en cas de décès de l'assuré

L'article 3 prévoit deux dispositions identiques, pour les entreprises d'assurance et institutions de prévoyance, qui relèvent du code des assurances, et pour les mutuelles, qui relèvent du code de la mutualité.

Cet article complète le dernier alinéa de l'article L. 132-8 du code des assurances, lequel dispose que l'assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire du contrat lorsqu'il est informé du décès de l'assuré. L'article 3 prévoit que l'assureur, pour procéder à cette recherche, peut avoir recours à des tiers agréés par arrêté du ministre chargé de l'économie selon des modalités fixées par décret.

Une disposition analogue est prévue par la proposition de loi à l'article L. 223-10 du code de la mutualité.

Votre commission a considéré que chaque assureur était en mesure, le plus souvent, de procéder à la recherche du bénéficiaire lui-même et que, dans les cas où il s'avère nécessaire de faire appel à un prestataire spécialisé dans la recherche de personnes, l'assureur est d'ores et déjà capable de solliciter un tel prestataire et de choisir celui qui présentera à ses yeux les meilleures garanties de sérieux et de compétence. En l'état actuel de la législation, rien ne s'oppose en effet à ce qu'un assureur utilise les services de ces prestataires.

Il ne paraît donc pas opportun de créer un agrément spécifique, qui serait réservé aux sociétés spécialisées dans la recherche de bénéficiaires de contrats d'assurance sur la vie. La gestion d'un tel dispositif représenterait, en outre, pour l'administration chargée d'instruire les demandes et d'attribuer les agréments, un coût sans doute disproportionné par rapport à son utilité.

Votre commission a donc supprimé l'article 3.

Article 4
(art. L. 132-9 du code des assurances
et art. L. 223-11 du code de la mutualité)
Caractère révocable de la stipulation par le souscripteur
d'un contrat d'assurance sur la vie en faveur du bénéficiaire du contrat

L'article 4 prévoit également deux dispositions identiques, pour les entreprises d'assurance et institutions de prévoyance, qui relèvent du code des assurances, et pour les mutuelles, qui relèvent du code de la mutualité.

Il vise à revenir sur l'équilibre de la loi du 17 décembre 2007 en ce qu'elle a modifié les conditions de l'acceptation de la clause bénéficiaire, en disposant que la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance sur la vie est attribué à un bénéficiaire est révocable à tout moment par le souscripteur, à la seule condition d'en informer préalablement le bénéficiaire, qui est supposé en accuser réception. L'absence d'accusé de réception par le bénéficiaire ne semble pas emporter de conséquence. Cette formalité d'information du bénéficiaire suppose que celui-ci puisse être informé, ce qui n'est pas le cas à l'évidence pour les enfants à naître du souscripteur. Le rachat du contrat par le souscripteur ou le versement d'avances au souscripteur sont possibles dans les mêmes conditions, après information du bénéficiaire.

Actuellement, l'article L. 132-9 tel qu'il résulte de la loi de 2007 indique que la stipulation devient irrévocable dès lors qu'elle a été accepté par le bénéficiaire, cette acceptation étant entourées de règles nouvelles. En effet, lorsque l'assuré est encore en vie, l'acceptation par le bénéficiaire prend la forme d'un avenant au contrat d'assurance, avenant auquel l'assureur, le souscripteur et le bénéficiaire sont parties. De la sorte, l'acceptation par le bénéficiaire ne peut avoir lieu sans l'accord du souscripteur.

En outre, l'article 4 se réfère inutilement au dernier alinéa de l'article L. 132-4-1, selon lequel l'acceptation du bénéfice d'un contrat conclu moins de deux ans avant la publicité du jugement de mise sous tutelle ou curatelle du souscripteur peut être annulée en cas d'incapacité notoire au moment de la souscription. En effet, l'acceptation est révocable à tout moment.

L'équilibre atteint en 2007 dans la modification de l'acceptation de la clause bénéficiaire paraissant largement satisfaisant, votre commission n'a pas souhaité le remettre en cause.

Votre commission a donc supprimé l'article 4.

*

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Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

* 16 Instituée par l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance, l'Autorité de contrôle prudentiel, chargée de la surveillance des acteurs des marchés de la banque et de l'assurance, procède de la fusion de la Commission bancaire, de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, du Comité des entreprises d'assurance et du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

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