III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : RENFORCER LES OBLIGATIONS DES ASSUREURS SANS REVENIR SUR L'ÉQUILIBRE ATTEINT EN 2007

Si votre commission souscrit pleinement aux objectifs affichés par la proposition de loi, dans sa première partie, elle considère qu'elle intervient trop tôt après la mise en application effective du dispositif « AGIRA II », dont on ne saurait affirmer à ce stade qu'il ne donne pas de résultats satisfaisants.

En outre, revenir sur la réforme de 2007 de l'acceptation de la clause bénéficiaire risquerait de menacer l'existence même de l'assurance sur la vie en tant que produit d'épargne spécifique très répandu.

A. RENFORCER LES OBLIGATIONS D'INFORMATION DES ASSUREURS

1. Une obligation annuelle d'information sur le décès de l'assuré

A propos de l'obligation de l'assureur de s'informer de l'éventuel décès de l'assuré, M. Henri de Richemont, rapporteur de votre commission, indiquait en 2007 : « Nous n'avons pas voulu aller au-delà de cette obligation de principe, laissant aux compagnies d'assurance, qui procèdent déjà à cette recherche, le soin d'en étudier les modalités. Nous n'avons pas souhaité instituer de périodicité ou préciser un âge à partir duquel il faut le faire. »

A présent, les assureurs ont pu procéder aux recherches prioritaires résultant de leurs engagements déontologiques, tout en rendant pleinement opérationnelle l'Association pour la gestion des informations relatives aux risques en assurance. Votre commission a donc estimé possible d'aller plus loin et de prévoir une obligation supplémentaire de s'informer sur le décès éventuel de l'assuré, au travers du dispositif « AGIRA II », afin de réduire les délais de détection des contrats dont l'assuré est décédé et qui ne sont pas encore réclamés par leurs bénéficiaires.

Ainsi que le suggère la proposition de loi, cette obligation peut devenir annuelle pour les contrats dont la provision est au moins égale à 2 000 euros, sans autre condition notamment d'âge. Dès lors, pour les contrats dont la provision est inférieure à 2 000 euros, l'obligation générale de s'informer demeure, sans pour autant être annuelle. Les assureurs seraient ainsi tenus de passer au crible, chaque année, l'ensemble des contrats d'assurance sur la vie de leur portefeuille dont la provision est d'au moins 2000 euros.

Toute modification du dispositif « AGIRA II » nécessitera toutefois de solliciter une autorisation modificative auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Cette modification étant modeste, il est vraisemblable que l'autorisation sera accordée rapidement.

2. La prise en charge du coût des démarches effectuées par les assureurs

La proposition de loi envisage d'imputer les frais de recherches des assurés et des bénéficiaires sur les sommes versées, sous forme de capital ou de rente, au bénéficiaire. Cette activité particulière de recherche pourrait d'ailleurs, selon la proposition, justifier la création d'une profession agréée par arrêté ministériel.

Compte tenu des sommes en jeu et de la responsabilité qui incombe à l'assureur de rechercher les bénéficiaires des contrats qu'il commercialise, votre commission a écarté toute possibilité d'imputer ces frais sur les sommes versées.

Votre commission n'a pas non plus retenu la proposition de créer une nouvelle profession agréée, dans le domaine de la recherche des bénéficiaires des contrats non réclamés d'assurance sur la vie.

3. La publicité des démarches effectuées par les assureurs

La proposition de loi aborde la question de l'évaluation globale des contrats non réclamés, en instituant l'obligation d'annexer aux comptes annuels un état récapitulatif du nombre et de l'encours des contrats répondant à certains critères, ainsi que du montant des sommes versées à la suite des recherches effectuées par les assureurs dans le cadre des dispositifs « AGIRA I » et « AGIRA II ».

Dans la mesure où il est extrêmement difficile d'identifier les contrats susceptibles d'être qualifiés de non réclamés, sans doute est-il préférable de prévoir un état en annexe des comptes récapitulant les recherches effectuées, en nombre et en encours de contrats, ainsi que les sommes dont ces recherches ont permis le paiement, en capital ou en rente. En effet, l'évolution d'une année sur l'autre des chiffres présentés dans cet état permettra d'apprécier si les recherches des assurés ou des bénéficiaires, que votre commission propose de renforcer par une obligation annuelle pour l'assureur, donne des résultats tels que le nombre de contrats concernés par ces recherches et donnant lieu à versement diminuera. Une telle diminution serait un indicateur pertinent de la résorption du phénomène des contrats non réclamés au strict flux annuel des contrats nécessitant une recherche particulière.

B. NE PAS REVENIR SUR LA RÉFORME DE L'ACCEPTATION DE LA CLAUSE BÉNÉFICIAIRE

Permettre la libre révocation par le souscripteur de l'acceptation par le bénéficiaire revient à autoriser une rupture unilatérale par le souscripteur du contrat qui le lie avec le bénéficiaire et l'assureur. En effet, la proposition de loi ne modifie pas les conditions de l'acceptation par le bénéficiaire, par voie d'avenant au contrat d'assurance.

La proposition de loi crée un véritable risque de requalification civile 15 ( * ) et fiscale des contrats d'assurance sur la vie si le souscripteur peut librement modifier la clause bénéficiaire en révoquant l'acceptation par le bénéficiaire.

Compte tenu des enjeux financiers de l'assurance sur la vie et de son importance dans l'épargne des ménages français, votre commission a estimé périlleux de rendre révocable l'acceptation bénéficiaire, quand bien même elle ne concernerait que les contrats futurs.

En effet, transformé en simple contrat de capitalisation, le contrat d'assurance sur la vie pourrait-il encore prétendre au régime civil et fiscal qui est le sien aujourd'hui ?

Le texte de l'article L. 132-9 du code des assurances, tel qu'il résulte de la loi du 17 décembre 2007 adoptée à l'unanimité par le Sénat, constitue un point d'équilibre qui n'est pas contesté entre les droits du souscripteur et ceux du bénéficiaire. Ce texte, en 2007, s'apparentait déjà à une profonde novation, sans pour autant remettre en cause le principe de la stipulation pour autrui.

A peine plus de deux ans après l'adoption de la loi de 2007, le régime de l'assurance sur la vie ne doit pas être menacé. Il a besoin de stabilité.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

* 15 A cet égard, par quatre arrêts de chambre mixte du 23 novembre 2004, la Cour de cassation a considéré que : « le contrat d'assurance dont les effets dépendent de la durée de la vie humaine comporte un aléa au sens des articles 1964 du code civil, L. 310-1,1 et R. 321-1,20, du code des assurances et constitue un contrat d'assurance sur la vie ». La doctrine a retiré de ces arrêts que la Cour de cassation avait refusé la requalification des contrats d'assurance sur la vie en contrats de capitalisation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page