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Rapport n° 428 (2009-2010) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 4 mai 2010

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N° 428

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mai 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , de finances rectificative pour 2010 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale (13 ème législ. ) :

2452, 2460 et T.A. 453

Sénat :

424 (2009-2010)

INTRODUCTION

1. Une loi de finances rectificative pour tenir les engagements de la France

Le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2010, présenté au Conseil des ministres du 21 avril dernier, a pour objet de mettre en oeuvre au niveau national les dispositions de l'accord intervenu le 11 avril 2010 entre les Etats membres de la zone euro.

Cet accord porte sur les modalités du soutien financier qui pourrait être apporté, si nécessaire, à la Grèce afin de préserver la stabilité de la zone euro. Il prévoit la possibilité pour les Etats de l'Eurogroupe d'accorder à la Grèce des prêts bilatéraux, coordonnés par la Commission européenne dans le cadre d'un « package » comprenant également des financements du fonds monétaire international (FMI). Parallèlement, la Commission européenne, en liaison avec la Banque centrale européenne (BCE), le FMI et le Gouvernement grec, a élaboré un programme d'ajustement.

Le Parlement doit aujourd'hui donner les moyens au Gouvernement français de mettre en oeuvre les engagements qu'il a souscrits. A cette fin, il lui revient d'autoriser la création d'une nouvelle section du compte de concours financiers « Prêts à des états étrangers », dont l'intitulé - « Prêts aux Etats-membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » - ne vise pas expressément la Grèce. Cette section, dont les crédits sont évaluatifs, serait dotée en autorisation d'engagement de 16,8 milliards d'euros 1 ( * ) , correspondant à la quote-part de la France dans le montant total des fonds (de 80 milliards d'euros) prévus pour trois années. 3,9 milliards d'euros seraient inscrits en crédits de paiement, correspondant aux estimations de dépense effective réalisées par le Gouvernement pour l'année 2010. Le déficit budgétaire de l'Etat en 2010 serait porté de 149 à 152 milliards d'euros.

La Grèce n'étant plus en mesure de se financer sur les marchés, la mise en oeuvre de ce plan présente un caractère d'urgence : il importe de permettre à ce membre de la zone euro de faire face aux échéances de refinancement de sa dette. Une procédure parlementaire rapide, c'est-à-dire une adoption conforme par le Sénat du texte transmis par l'Assemblée nationale, s'impose donc.

Sur la procédure comme sur le fond, ce dispositif évoque la loi de finances rectificative d'octobre 2008 relative au financement de l'économie, adoptée au terme d'une procédure encore plus brève, afin d'assurer la liquidité du système financier à l'époque, d'un Etat souverain aujourd'hui.

2. De la crise financière à la crise de souveraineté

La crise financière, lorsqu'elle s'est propagée à l'économie réelle, a conduit en 2009 à la mise en oeuvre de plans de relance conçus pour refluer dans le courant de l'année 2010, avec le retour d'une croissance qui, lorsqu'elle serait consolidée, permettrait aux Etats de résorber les déséquilibres budgétaires hérités de la crise.

A la fin de 2009 et au début de cette année, la réalisation de ce scénario s'est accompagnée d'une séquence marquée consécutivement par les révélations sur de nouvelles irrégularités dans les comptes publics de la Grèce et le rôle des banques conseils dans ce maquillage, des rumeurs de spéculation contre l'euro et une défiance du marché des « CDS souverains », les titres qui permettent de se couvrir contre la défaillance d'un Etat, à l'endroit des membres de la zone euro dont la situation des finances publiques est la plus dégradée. Alors que la France et l'Allemagne continuaient de se financer aux conditions les plus favorables de leur histoire, la solvabilité des Etats devenait un sujet d'inquiétude pour les marchés et les observateurs, en premier lieu les agences de notation. Leurs analyses pouvaient se nourrir des appréciations portées par la Commission européenne sur les programmes de stabilité des Etats membres, qu'elle évalue chaque année entre janvier et mars.

Les Etats membres de l'Eurogroupe ont manifesté leur intention de soutenir la Grèce en cas de difficulté dès le 11 février, mais l'évocation des possibles modalités de cette intervention a mis à jour d'importantes divergences d'approche, notamment sur la possibilité juridique de venir en aide à un Etat défaillant, sur le rôle susceptible d'être joué par le FMI ou par un hypothétique Fonds monétaire européen et sur les conditions devant être imposées à la Grèce en contrepartie d'un soutien financier.

Le 25 mars, une déclaration de l'Eurogroupe réaffirmait sa volonté de « prendre, si nécessaire, des mesures déterminées et coordonnées pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble », désormais dans « le cadre d'un accord comprenant une implication financière substantielle du Fonds monétaire international et une majorité de financement européen ». Les modalités de ce dispositif ont été précisées par la déclaration de l'Eurogroupe du 11 avril.

Dans l'intervalle, les difficultés de financement de la Grèce n'ont cessé de croître, au point de conduire ce pays à demander l'activation du plan d'aide, seule solution pour faire face aux échéances de refinancement intervenant au mois de mai 2010. Les agences de notation ont poursuivi leur revue des économies de la zone euro et l'une d'entre elles en a tiré les conséquences dès la fin du mois d'avril sur les notations attribuées au Portugal et à l'Espagne. Alors même que l'Espagne reste mieux notée que l'Italie, qu'aucun Etat n'a fait défaut et qu'en tout état de cause le FMI et les membres de l'Eurogroupe ont affirmé leur intention d'intervenir, des listes d'Etats menacés, appartenant ou non à la zone euro, apparaissent dans la presse. Des économistes se demandent si les Etats de la zone euro doivent vraiment être considérés comme too big to fail . La crédibilité de la monnaie unique ne protège plus les Etats les plus fragiles, ce sont les faiblesses de ces derniers qui menacent la zone dans son ensemble. La crise du risque souverain n'épargne plus personne.

Au total, un triple constat :

- des Etats à la solvabilité mise en cause, connaissant pour certains une profonde crise de compétitivité, ne pouvant dévaluer au sein d'une union monétaire qui n'a pas prévu de mécanisme de résolution des chocs asymétriques ;

- des Etats partageant une monnaie dont le délai de réaction pour élaborer un plan d'urgence avoisine trois mois, qui doivent en quelques semaines trancher des questions qui auraient dû - et il ne peut être reproché à la France de ne pas l'avoir souligné - être résolues lors du lancement de la monnaie unique ;

- des perspectives inquiétantes car, depuis le lancement de l'euro, les divergences de compétitivité et les déséquilibres des balances des paiements ont crû de manière régulière dans les années précédant la crise dans les économies des pays partageant cette monnaie, comme le soulignent les conclusions de l'Eurogroupe du 15 mars 2010. Malgré les politiques de cohésion, caractérisées par l'octroi des fonds structurels dont l'utilisation et l'efficacité ne sont pas vraiment évaluées, et de convergence, mesurée par le respect des critères de Maastricht dans le cadre de la mise en oeuvre des programme de stabilité, la zone euro est plus exposée aujourd'hui aux chocs asymétriques qu'elle ne l'était lors du basculement dans la monnaie unique.

3. Un acte fondateur plutôt qu'un acte de décès ?

Il n'est pas acquis que la monnaie unique survivrait à une crise de même ampleur, si elle concernait une économie d'une taille supérieure à celle de la Grèce. Dans ces conditions, la crise grecque doit être l'acte fondateur d'une zone euro réellement à la hauteur de ses responsabilités. Ceci suppose de s'accorder sur quelques principes :

- mettre en oeuvre un plan d'aide à la Grèce d'une ampleur suffisante pour éviter une contagion qui porterait la crise à une toute autre échelle. Les déclarations des Etats de l'Eurogroupe et du FMI tendant à inscrire le dispositif dans un horizon pluriannuel vont dans ce sens ;

- être exigeant quant aux contreparties exigées de la Grèce , dont la situation menace la stabilité de la zone euro et porte atteinte à la réputation de notre monnaie, afin d'écarter tout risque que le plan de soutien ne puisse d'une façon ou d'une autre être interprété comme favorisant l'aléa moral et les comportements non coopératifs ;

- améliorer la gouvernance de l'Eurogroupe , car si la Grèce est responsable de ce qui lui arrive, la zone euro a été irresponsable en s'accommodant d'une monnaie unique sans gouvernance stricte. Le renforcement doit intervenir au niveau de l'Eurogroupe, qui est désormais une institution européenne en application du traité de Lisbonne, et non à celui de la Commission, qui est une administration au service des vingt-sept membres de l'Union européenne et ne doit pas interférer dans la gestion de la monnaie. Ce parti pris est rendu d'autant plus nécessaire que la crise actuelle a fini de discréditer l'idée selon laquelle les vingt-sept membres de l'Union avaient tous vocation à adopter l'euro à brève ou moyenne échéance.

Les mécanismes à mettre en oeuvre doivent être fondés sur la surveillance mutuelle , notamment en matière de respect des critères de convergence, et sur la définition des sanctions applicables à ceux qui s'affranchissent de la discipline collective ;

- instituer une Autorité européenne des comptes publics indépendante pour rétablir la confiance entre les Etats . Les mensonges de la Grèce en matière de présentation de ses comptes publics, mais aussi l'incapacité d'Eurostat à les déceler rapidement, portent atteinte à la crédibilité de l'euro et encouragent la méfiance des marchés et la suspicion entre Etats. La confiance ne pourra être restaurée que si Eurostat cesse d'être un service de la Commission européenne et acquiert à la fois une indépendance statutaire et des pouvoirs d'investigation renforcés. La faiblesse des ressources consacrées au contrôle des comptes publics 2 ( * ) devrait par ailleurs inciter les Etats à demander une réallocation interne de ses moyens ;

- engager au niveau des Etats des ajustements budgétaires compatibles avec la soutenabilité de leurs finances publiques . A cet égard, la démarche qui consisterait à associer la mise en oeuvre du plan d'aide à la Grèce à l'annonce de mesures d'ajustement supplémentaires serait évidemment appréciée par les marchés ;

- résoudre le paradoxe des agences de notation , qui veut que leurs analyses fondées sur l'appréciation de tendances de long terme (capacité à rembourser la dette, évolution des facteurs de compétitivité des économies) soient délivrées selon des modalités qui peuvent alimenter des crises conjoncturelles. Il importe également de s'interroger sur l'importance accordée par les différents acteurs du système, et en particulier la BCE, aux notations délivrées par les agences ;

- doter la zone euro d'une politique économique car, lorsque l'ajustement par le change n'est plus possible, surtout dans une zone monétaire peu homogène, il importe d'en tirer les conséquences. Si l'on souhaite faire converger les prix des actifs et des facteurs de production au sein de la zone euro, la question des objectifs assignés à la BCE doit être posée et les propositions du FMI en matière de cible d'inflation méritent d'être discutées. L'harmonisation fiscale en Europe ne doit plus être un thème de colloque mais un objectif politique. La coordination des politiques budgétaires est une nécessité. Il ne s'agit pas de consentir de nouveaux abandons de souveraineté, mais de se donner les moyens de protéger la souveraineté des Etats dont l'euro est la monnaie.

4. L'exemplarité de la France, condition de sa crédibilité

Il ne sert à rien d'avoir raison sur les principes si l'on n'est pas convaincant dans les faits. Les prises de position de la France en faveur d'un « gouvernement économique de la zone euro » auraient peut-être mieux prospéré politiquement si notre politique budgétaire avait été plus vertueuse. Pour être crédible, il faut être exemplaire. Aujourd'hui, dans le domaine des finances publiques, l'exemplarité implique de respecter la trajectoire de retour à l'équilibre telle qu'elle a été définie par le programme de stabilité 2010-2013 transmis à la Commission européenne au mois de janvier.

Cette crise a le mérite de contraindre les gouvernements à la cohérence. Tout écart entre le discours tenu à Bruxelles et celui proposé aux opinions publiques internes est désormais susceptible d'être sanctionné par les marchés. Le double langage n'est plus possible, et cela constitue un progrès démocratique. La dissimulation devient un acte dangereux, les faux semblants ne sont plus permis. Il n'est d'autre choix que de présenter les enjeux de manière transparente.

Compte tenu de leurs implications, les décisions du Gouvernement ne peuvent être acceptées par l'opinion que si elles sont lestées d'un poids politique fort, qui doit être manifesté par un vote des assemblées - notamment sur le programme de stabilité -, avant d'être soumises au le corps électoral au printemps 2012.

Notre feuille de route vers la crédibilité doit donc comporter :

- l'explicitation des mesures qui seront prises dans le projet de loi de finances pour 2011 pour permettre le respect de la trajectoire du programme de stabilité , lors de la conférence sur le déficit du mois de mai, de la notification le 2 juin des compléments demandés par la Commission européenne puis du débat d'orientation des finances publiques du mois de juillet, en dépenses comme en recettes. Il est illusoire de penser que le retour de la croissance et la maîtrise des dépenses permettront seuls d'atteindre les objectifs. Il importe d'agir aussi sur les recettes. Dans un premier temps, l'effort doit porter sur la réduction de la dépense fiscale ;

- l'annonce d'une réforme des retraites susceptible de produire de véritables effets structurels , d'une ampleur plus proche de celle de 1993 que de celle de 2003 ;

- la définition de règles permettant de tendre vers l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques , inscrites pour certaines d'entre elles au sommet de la hiérarchie des normes ;

- la préparation d'une stratégie de prélèvements obligatoires compatible à la fois avec les exigences de redressement des comptes publics, l'attractivité de la France et le modèle de société dans lequel nous souhaitons vivre.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE CONTEXTE

A. LA CRISE GRECQUE

1. Des statistiques de finances publiques délibérément faussées par les autorités grecques

Les importantes révisions des statistiques de finances publiques grecques au cours de la dernière décennie ont suscité une véritable crise de confiance.

Tout d'abord, en 2004, Eurostat a considérablement revu à la hausse le déficit et la dette publics de la Grèce pour les années précédentes. En conséquence, la Commission a ouvert une procédure d'infraction (close en 2007).

Principales composantes de la révision des données grecques entre mars et septembre 2004

Source : Commission européenne, « Rapport sur les statistiques du déficit et de la dette publics de la Grèce », COM(2010) 1 final, 8 janvier 2010

La Grèce a considérablement réévalué son déficit public de 2008 tout au long de l'année 2009 : initialement évalué à 4,8 points de PIB dans la première notification, celui-ci a été revu à 5 points de PIB (chiffre validé et publié par Eurostat en avril 2009), puis 7,7 points de PIB (notification du 21 octobre 2009).

Le 21 octobre 2009, les autorités grecques ont également revu leur prévision pour 2009 , passée de 3,7 points de PIB (chiffre prévu par le programme de stabilité transmis par la Grèce en janvier 2009) à 12,5 points de PIB, ce qui s'explique certes en partie par la crise économique, mais aussi par des dérapages budgétaires et diverses décisions comptables. Le 22 avril 2010, Eurostat a réévalué ce chiffre à 13,6 points de PIB , estimant qu'il pourrait être encore accru de 0,3 à 0,5 point de PIB 3 ( * ) .

Ainsi, le 10 novembre 2009, le Conseil ECOFIN a invité la Commission européenne à élaborer un rapport sur « les problèmes qui se posent à nouveau dans les statistiques budgétaires grecques ». Dans ce rapport 4 ( * ) , remis le 8 janvier 2010, la Commission européenne souligne notamment qu'en 2004 et en 2009, « des révisions substantielles ont eu lieu à la suite d'élections politiques », et utilise le terme d'« ingérence » 5 ( * ) . La récente proposition de règlement 6 ( * ) relative à la qualité des données transmises par les Etats membres dans le cadre de la procédure de déficit excessif suggère quant à elle, dans ses considérants, que c'est « délibérément » que des données erronées ont été notifiées à la Commission 7 ( * ) .

Le 3 février 2010, la Commission européenne a non seulement adopté divers documents « classiques » dans le cadre d'une procédure de déficit excessif 8 ( * ) , mais aussi entamé une procédure d'infraction en invitant les autorités grecques à respecter leur obligation de communiquer des statistiques budgétaires fiables 9 ( * ) .

La suspicion relative aux finances publiques de la Grèce s'accompagne de la « révélation » par la presse de diverses opérations de « créativité comptable », dont certaines étaient connues depuis longtemps :

- en 2001, une opération de « swap de devises », réalisée avec l'assistance de la banque Goldman Sachs, qui a permis de diminuer comptablement d'un milliard d'euros le montant de la dette publique, le taux de change retenu, artificiel, permettant à Goldman Sachs de prêter de l'argent à la Grèce sans que cela n'apparaisse dans les statistiques ;

- un recours fréquent à la titrisation, c'est-à-dire à la cession de créances à une entité déconsolidée qui émet des titres en contrepartie.

A la suite de la révision des statistiques grecques en 2004, diverses mesures ont été prises :

- adoption d'un Code de bonnes pratiques des statistiques européennes 10 ( * ) , reposant sur le principe de l'autoréglementation, c'est-à-dire de la liberté pour les instituts nationaux de décider, sur la base du volontariat, des modalités de mise en oeuvre des principes du code ;

- création en 2008 (par une décision du Parlement européen et du Conseil) du Conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique (CCEGS).

En revanche, la proposition de la Commission européenne de modifier le règlement du Conseil concernant la qualité des données devant être transmises dans le cadre de la procédure relative aux déficits excessifs (règlement n° 3605/93), qui aurait quasiment donné à Eurostat des pouvoirs d'audit 11 ( * ) , n'a été que partiellement mise en oeuvre, le règlement n° 2103/2005 du Conseil accordant à Eurostat des pouvoirs de contrôle plus limités 12 ( * ) . La Commission européenne reconnaît cependant que « bien que le règlement n° 2103/2005 du Conseil ne soit pas allé aussi loin que l'avait proposé la Commission, des pouvoirs élargis auraient uniquement permis de réduire le risque qu'un pays notifie des données incorrectes, sans le supprimer pour autant ».

La Commission européenne a récemment publié une proposition de règlement 13 ( * ) relative à la qualité des données devant être transmises par les Etats membres dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs, tendant à lui reconnaître de tels pouvoirs d'audit.

2. Une dégradation des conditions de financement de l'Etat grec

a) Une montée en flèche des taux d'intérêt

Parallèlement à ces développements, la Grèce connaît actuellement des taux d'intérêt particulièrement élevés, comme le montre le graphique ci-après.

Ainsi, les taux d'intérêt à 10 ans sont désormais de l'ordre de 10 % pour la Grèce et un peu plus de 5 % pour l'Irlande et le Portugal, comme le montre le graphique ci-après.

Le tableau ci-après indique les taux de la dette publique grecque correspondant à différentes maturités.

Taux d'intérêt de la dette souveraine grecque correspondant à différentes maturités

(en %)

Maturités

Taux

Maturités

Taux

19/05/2010

17,74

20/07/2016

9,06

20/03/2011

10,2

20/04/2017

9,13

18/05/2011

9,92

20/07/2017

9,07

20/08/2011

10,25

20/07/2018

8,87

20/03/2012

10,1

19/07/2019

9,05

18/05/2012

10,23

22/10/2019

8,97

20/08/2012

10,25

19/06/2020

8,8

20/05/2013

9,93

22/10/2022

7,63

20/08/2013

9,95

20/03/2024

7,81

11/01/2014

9,42

20/03/2026

7,96

20/05/2014

9,55

20/09/2037

7,37

20/08/2014

9,59

20/09/2040

7,41

20/07/2015

9,14

20/08/2015

9,37

Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Le graphique ci-après permet de comparer les écarts de taux (les spreads ) de la Grèce et d'autres Etats par rapport à la moyenne de la zone euro. Après une première « poussée » au début de l'année 2009, le spread de la Grèce par rapport à la moyenne de la zone euro atteint désormais 500 points de base.

b) L'augmentation de la prime des contrat-default swaps (CDS)

En conséquence des incertitudes sur le risque de la dette publique grecque, la prime des credit default swaps (CDS) 14 ( * ) grecs a considérablement augmenté parallèlement aux taux d'intérêt, comme le montre le graphique ci-après.

(en points de base)

Le graphique ci-dessous permet de mettre en perspective le niveau de la prime demandée sur les CDS grecs par rapport à celle d'autres pays.

c) Une dégradation de la notation par les principales agences

Cette évolution des taux d'intérêt reflète les écarts de notation de la dette souveraine. Ainsi, la Grèce est désormais notée BBB- par Fitch, A3 par Moody's et BB+ par Standard & Poor's. Les autres Etats de la zone euro les moins bien notés sont l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la Belgique.

La notation des dettes souveraines par les principales agences de notation

Fitch

Moody's

Standard & Poor's

Note

Perspective

Dernière action

Note

Perspective

Dernière action

Note

Perspective

Dernière action

Allemagne

AAA

Stable

-

Aaa

Stable

-

AAA

Stable

-

Autriche

AAA

Stable

-

AAA

Stable

AAA

Stable

-

Belgique

AA+

Stable

-

Aa1

Stable

-

AA+

Stable

-

Espagne

AAA

Stable

Aaa

Stable

AA

Négative

28/04/2010

Finlande

AAA

Stable

-

Aaa

Stable

AAA

Stable

-

France

AAA

Stable

30/03/2010

Aaa

Stable

-

AAA

Stable

-

Grèce

BBB-

Négative

08/12/2009

A3

Négative

21/12/2009

BB+

Négative

27/04/2010

Irlande

AA-

Stable

04/11/2009

Aa1

Négative

02/07/2009

AA

Négative

08/06/2009

Italie

AA-

Stable

-

Aa2

Stable

-

A+

Stable

-

Luxembourg

AAA

Stable

-

Aaa

Stable

AAA

Stable

-

Pays Bas

AAA

Stable

-

Aaa

Stable

-

AAA

Stable

-

Portugal

AA-

Négative

24/03/2010

Aa2

Négative

29/10/2009

A-

Négative

27/04/2009

Royaume Uni

AAA

Stable

-

Aaa

Stable

-

AAA

Négative

21/04/2009

Etats-Unis

AAA

Stable

Aaa

Stable

AAA

Stable

Japon

AAA

Stable

Aa2

Stable

AA

Négative

26/01/2010

Slovaquie

A+

A1

A+

Slovenie

AA

aa2

AA

Chypre

A+

Aa3

A+

Source : direction générale du trésor

Comme on le verra ci-après, la Grèce n'est pas dans une situation économique et financière beaucoup plus dégradée que celle de l'Irlande. La crise actuelle de ses finances publiques s'explique largement par le manque de confiance dans la volonté et la capacité du Gouvernement grec à rétablir la soutenabilité des finances publiques, aggravé par le long trucage des statistiques.

d) 13 milliards d'euros restent à refinancer en 2010

Dans le cas de la dette déjà émise, le besoin de refinancement de l'Etat grec est de 13 milliards d'euros d'ici la fin de 2010, comme le montre le tableau ci-après.

Tombées de dette pour l'Etat grec restant à venir en 2010

(en millions d'euros)

Titres à plus d'un an

19/05/2010

8086

31/05/2010

355

29/06/2010

179

8 620

Titres à moins d'un an

16/07/2010

910

16/07/2010

1040

15/10/2010

1280

15/10/2010

960

4 190

Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Le programme d'aide à la Grèce a été « calibré » sur l'hypothèse d'un besoin de financement de plus de 30 milliards d'euros en 2010. Cela vient du fait qu'à ces 13 milliards d'euros s'ajouterait le montant du déficit de 2010, évalué à 8,7 points de PIB par le programme de stabilité, soit environ 20 milliards d'euros.

B. LES CAUSES DE LA CRISE GRECQUE

Un risque de défaut de la Grèce est fréquemment évoqué, en particulier depuis l'annonce en octobre 2008 par la BCE de son intention de mettre fin début 2011 à l'assouplissement des conditions d'éligibilité des titres d'Etat pris en collatéral dans le cadre de ses opérations de refinancement 15 ( * ) . Cependant le 25 mars 2010, M. Jean-Claude Trichet, président du conseil des gouverneurs de la BCE, a déclaré que les règles actuelles continueraient de s'appliquer en 2011.

Le véritable danger auquel la Grèce est confrontée est celui d'un effet « boule de neige », c'est-à-dire d'une augmentation exponentielle de sa dette qui résulterait de son incapacité à compenser l'augmentation de sa charge de la dette par une diminution de son déficit primaire.

Schématiquement, la situation est la suivante.

1. Avec la chute de sa croissance, le déficit de la Grèce ne permet plus la stabilisation de sa dette

Pour des niveaux de dette et de croissance du PIB donnés, il existe un niveau de déficit total (charge d'intérêts comprise) qui permet de stabiliser la dette exprimée en points de PIB. Ce déficit est dit « déficit stabilisant ». Ce phénomène a priori peu intuitif résulte de deux mécanismes jouant en sens inverse : d'une part, la croissance du PIB tend à faire diminuer la dette en points de PIB ; d'autre part, un déficit public donné augmente la dette d'un montant équivalent 16 ( * ) . A titre illustratif, le tableau des pages suivantes indique les soldes stabilisants pour différents niveaux de dette et de croissance du PIB 17 ( * ) .

On observe ainsi que pour un Etat dont la dette publique est de 100 points de PIB, le déficit stabilisant est égal à la croissance du PIB en valeur.

Ainsi, un Etat dont la dette publique est de 100 points de PIB et la croissance du PIB de 7 % en valeur peut avoir un déficit de 7 points de PIB sans que sa dette publique, exprimée en points de PIB, n'augmente. Ce cas de figure correspondait à peu près à la situation de la Grèce depuis le début des années 2000 (qui avait un déficit de plus de 5 points de PIB et dont la croissance du PIB était de l'ordre de 4 % en volume et 7 % en valeur).

La situation s'est brutalement dégradée en 2009, avec un déficit actuellement estimé à 13,6 points de PIB. Comme le montre le tableau ci-après, avec une croissance en valeur de 7 % par an un déficit aussi élevé le ratio dette/PIB se stabilise au montant très élevé de 195 points de PIB. Si par ailleurs on considère que la croissance du PIB grec ne sera plus à moyen terme de l'ordre de 7 % en valeur chaque année, mais plutôt d'environ 3 % (cf. ci-après), ce déficit stabilise la dette à 450 points de PIB, niveau qui ne serait évidemment pas soutenable.

Ces éléments suffisent à expliquer l'inquiétude des marchés : la situation des finances publiques grecques était soutenable avec un déficit d'un peu plus de 5 points de PIB et une croissance en valeur de 7 % par an, mais elle ne l'est plus avec un déficit de 13,6 points de PIB et une croissance nominale qui sera nettement plus faible que par le passé.

Le solde stabilisant correspondant à différents niveaux d'endettement et de croissance du PIB

(en points de PIB)

Dette

Croissance du PIB en valeur de 2 %

Croissance du PIB en valeur de 3 %

Croissance du PIB en valeur de 4 %

Croissance du PIB en valeur de 5 %

Croissance du PIB en valeur de 6 %

Croissance du PIB en valeur de 7 %

60

-1,2

-1,8

-2,4

-3,0

-3,6

-4,2

65

-1,3

-2,0

-2,6

-3,3

-3,9

-4,6

70

-1,4

-2,1

-2,8

-3,5

-4,2

-4,9

75

-1,5

-2,3

-3,0

-3,8

-4,5

-5,3

80

-1,6

-2,4

-3,2

-4,0

-4,8

-5,6

85

-1,7

-2,6

-3,4

-4,3

-5,1

-6,0

90

-1,8

-2,7

-3,6

-4,5

-5,4

-6,3

95

-1,9

-2,9

-3,8

-4,8

-5,7

-6,7

100

-2,0

-3,0

-4,0

-5,0

-6,0

-7,0

105

-2,1

-3,2

-4,2

-5,3

-6,3

-7,4

110

-2,2

-3,3

-4,4

-5,5

-6,6

-7,7

115

-2,3

-3,5

-4,6

-5,8

-6,9

-8,1

120

-2,4

-3,6

-4,8

-6,0

-7,2

-8,4

125

-2,5

-3,8

-5,0

-6,3

-7,5

-8,8

130

-2,6

-3,9

-5,2

-6,5

-7,8

-9,1

135

-2,7

-4,1

-5,4

-6,8

-8,1

-9,5

140

-2,8

-4,2

-5,6

-7,0

-8,4

-9,8

145

-2,9

-4,4

-5,8

-7,3

-8,7

-10,2

150

-3,0

-4,5

-6,0

-7,5

-9,0

-10,5

155

-3,1

-4,7

-6,2

-7,8

-9,3

-10,9

160

-3,2

-4,8

-6,4

-8,0

-9,6

-11,2

165

-3,3

-5,0

-6,6

-8,3

-9,9

-11,6

170

-3,4

-5,1

-6,8

-8,5

-10,2

-11,9

175

-3,5

-5,3

-7,0

-8,8

-10,5

-12,3

180

-3,6

-5,4

-7,2

-9,0

-10,8

-12,6

185

-3,7

-5,6

-7,4

-9,3

-11,1

-13,0

190

-3,8

-5,7

-7,6

-9,5

-11,4

-13,3

195

-3,9

-5,9

-7,8

-9,8

-11,7

-13,7

200

-4,0

-6,0

-8,0

-10,0

-12,0

-14,0

205

-4,1

-6,2

-8,2

-10,3

-12,3

-14,4

210

-4,2

-6,3

-8,4

-10,5

-12,6

-14,7

215

-4,3

-6,5

-8,6

-10,8

-12,9

-15,1

220

-4,4

-6,6

-8,8

-11,0

-13,2

-15,4

225

-4,5

-6,8

-9,0

-11,3

-13,5

-15,8

230

-4,6

-6,9

-9,2

-11,5

-13,8

-16,1

235

-4,7

-7,1

-9,4

-11,8

-14,1

-16,5

240

-4,8

-7,2

-9,6

-12,0

-14,4

-16,8

245

-4,9

-7,4

-9,8

-12,3

-14,7

-17,2

250

-5,0

-7,5

-10,0

-12,5

-15,0

-17,5

255

-5,1

-7,7

-10,2

-12,8

-15,3

-17,9

260

-5,2

-7,8

-10,4

-13,0

-15,6

-18,2

265

-5,3

-8,0

-10,6

-13,3

-15,9

-18,6

270

-5,4

-8,1

-10,8

-13,5

-16,2

-18,9

275

-5,5

-8,3

-11,0

-13,8

-16,5

-19,3

280

-5,6

-8,4

-11,2

-14,0

-16,8

-19,6

285

-5,7

-8,6

-11,4

-14,3

-17,1

-20,0

290

-5,8

-8,7

-11,6

-14,5

-17,4

-20,3

295

-5,9

-8,9

-11,8

-14,8

-17,7

-20,7

300

-6,0

-9,0

-12,0

-15,0

-18,0

-21,0

305

-6,1

-9,2

-12,2

-15,3

-18,3

-21,4

310

-6,2

-9,3

-12,4

-15,5

-18,6

-21,7

315

-6,3

-9,5

-12,6

-15,8

-18,9

-22,1

320

-6,4

-9,6

-12,8

-16,0

-19,2

-22,4

325

-6,5

-9,8

-13,0

-16,3

-19,5

-22,8

330

-6,6

-9,9

-13,2

-16,5

-19,8

-23,1

335

-6,7

-10,1

-13,4

-16,8

-20,1

-23,5

340

-6,8

-10,2

-13,6

-17,0

-20,4

-23,8

345

-6,9

-10,4

-13,8

-17,3

-20,7

-24,2

350

-7,0

-10,5

-14,0

-17,5

-21,0

-24,5

355

-7,1

-10,7

-14,2

-17,8

-21,3

-24,9

Source : calculs de la commission des finances

2. Un risque d' « effet boule de neige » résultant de l'inéluctable ralentissement de la croissance de l'économie grecque au cours des prochaines décennies

Le déficit et la dette d'un Etat peuvent augmenter de manière incontrôlable si, à cause de la coexistence d'une croissance nominale inférieure au taux d'intérêt et d'un solde primaire négatif ou trop faiblement positif, la charge d'intérêts et la dette s'accroissent mutuellement. C'est ce qu'on appelle l'« effet boule de neige », qui suscite une augmentation exponentielle du ratio dette/PIB.

Actuellement, le déficit public de la Grèce se décompose entre une charge d'intérêts et un déficit primaire de l'ordre de respectivement 5 et 8 points de PIB. Dès lors, la capacité de la Grèce à honorer sur le long terme sa dette publique dépend de trois facteurs :

- le taux d'intérêt de sa dette publique ;

- sa capacité de réduction annuelle de son déficit primaire ;

- la croissance de son PIB en valeur.

a) Une croissance qui pourrait être de l'ordre de seulement 1 % par an en volume au cours des prochaines décennies

La crise actuelle des finances publiques grecques trouve en grande partie son origine dans les perspectives de croissance à long terme de l'économie grecque.

Celles-ci sont en effet préoccupantes. Avant la crise la croissance du PIB était de l'ordre de 4 % en volume (et 7 % en valeur). Cependant, cela n'a probablement été qu'un « feu de paille ». Elle a été de - 2 % en 2009 et, selon le consensus des conjoncturistes, serait de - 2,6 % en 2010 et - 0,5 % en 2011 18 ( * ) . Surtout, la croissance devrait demeurer durablement faible. Selon les estimations du FMI, elle devrait fortement décliner, pour être de l'ordre de 1 % en volume (et 3 % en valeur) au cours des prochaines décennies, comme le montre le tableau ci-après. Cela proviendrait du fait que la croissance récente aurait été légèrement supérieure à la croissance potentielle, et que la population active, qui jusqu'à présent augmentait de 1 % par an, diminuerait désormais d'environ 0,5 %, le PIB nominal étant en outre réduit par une inflation inférieure d'1 point.

Les perspectives de long terme de l'économie grecque, selon le FMI

(croissance annuelle en %)

1990-99

2000-09

2010-19

2020-29

2030-39

2040-49

2050-60

PIB réel

2,1

3,4

1,4

1,3

0,8

0,6

1,1

PIB nominal

12,6

6,7

3,4

3,4

2,8

2,6

3,1

Population active

1,2

0,8

0,2

-0,2

-0,7

-0,9

-0,4

Source : « Greece: Selected Issues », Fonds monétaire international, IMF Country Report No. 09/245, août 2009

Il existe des estimations moins pessimistes de la croissance potentielle de la Grèce. Ainsi, selon la Commission européenne 19 ( * ) , celle-ci serait en volume de 1,8 % de 2009 à 2060. Le ralentissement par rapport à la croissance observée de 2000 à 2008 demeurerait cependant important.

b) Une situation préoccupante

A titre d'illustration, le tableau de la page suivante indique le ratio dette publique/PIB de la Grèce en 2013, 2020 et 2050 selon différentes hypothèses, en supposant, de manière conventionnelle, une croissance du PIB en valeur de 1 % jusqu'en 2013 et 3 % ensuite.

Si le taux d'intérêt moyen de la dette publique grecque demeurait de l'ordre de 5 %, la situation demeurerait contrôlable, à condition que la Grèce réalise des efforts budgétaires importants.

Certes, en l'absence de réduction du déficit primaire (scénario 1) la dette publique atteindrait plus de 700 points de PIB en 2050, le déficit public dépassant alors les 45 points de PIB. Cependant ce résultat spectaculaire n'a guère de sens en lui-même. En effet, aucun Etat ne peut laisser son déficit déraper vers des niveaux aussi élevés. Les marchés ne lui en laisseraient d'ailleurs pas l'occasion. L'évolution serait donc vraisemblablement intermédiaire entre celle du scénario 1 et celle du scénario 2, qui, par une réduction du déficit primaire d'1 point de PIB par an (qui s'interrompt dès lors que l'excédent budgétaire total atteint 5 points de PIB), conduirait à une quasi-extinction de la dette en 2050.

On calcule qu'avec une réduction du déficit primaire de 0,75 point de PIB par an jusqu'en 2037 (conduisant alors à un excédent primaire de l'ordre de 12 points de PIB), toujours avec des taux d'intérêt de 5 %, en 2050 la dette serait ramenée à environ 60 points de PIB, pour une charge d'intérêts de seulement 3 points de PIB. Un tel effort devrait cependant être soutenu pendant trop longtemps pour que cela soit crédible dans le cas de la Grèce (comme dans celui de nombreux autres Etats).

La situation des finances publiques grecques en 2013, 2020 et 2050, selon différentes hypothèses de taux d'intérêt et de réduction du déficit primaire

(on suppose que la croissance du PIB en valeur est de 1 % jusqu'en 2013 et 3 % ensuite)

(en points de PIB)

Scénario

Hypothèses

2013

2020

2050

Taux d'intérêt (%)

Réduction annuelle du déficit primaire

Déficit public

dont charge d'intérêts

Dette publique

Déficit public

dont charge d'intérêts

Dette publique

Déficit public

dont charge d'intérêts

Dette publique

1

5

0

16,2

7,6

152,9

20,4

11,8

236,9

46,5

37,9

757,6

1b

5

0,5

14,1

7,5

149,9

13,5

10,4

208,5

0,0

11,9

237,3

1c

5

0,75

13,0

7,4

148,4

10,1

9,7

194,3

-5,0

3,1

61,1

2

5

1

11,9

7,3

146,8

6,6

9,0

180,1

-5,0

0,3

6,9

3

5

2

7,6

7,0

140,7

-5,0

6,2

123,2

-5,0

-2,4

-47,2

4

5

3

3,3

6,7

134,6

-5,0

4,6

91,4

-5,0

-3,0

-60,4

5

5

4

-1,0

6,4

128,5

-5,0

3,8

76,6

-5,0

-3,3

-66,4

6

10

0

22,1

13,5

158,8

40,3

31,7

317,2

312,7

304,1

3 040,6

7

10

1

17,6

13,0

152,6

22,7

25,1

251,5

39,9

72,3

723,2

8

10

2

13,0

12,4

146,5

5,2

18,6

185,7

-5,0

-0,9

-9,3

9

10

3

8,5

11,9

140,3

-5,0

12,3

123,1

-5,0

-4,7

-47,3

10

10

4

4,0

11,4

134,1

-5,0

9,2

92,2

-5,0

-6,0

-60,0

Un nombre négatif indique un excédent ou une créance.

Pour ne pas conduire à des excédents budgétaires irréalistes, on suppose que l'excédent total éventuel est plafonné à 5 points de PIB. On suppose que le délai de diffusion d'une augmentation pérenne des taux d'intérêt est de 10 ans.

Source : calculs de la commission des finances

c) Le choix d'une stratégie de réduction rapide du déficit

Aussi la Commission européenne et le FMI privilégient-ils une réduction rapide du déficit. On calcule qu'avec une réduction du déficit primaire de 3 points de PIB par an, le déficit total serait ramené à environ 3 points de PIB en 2013, ce qui serait un niveau de déficit parfaitement soutenable. En fait, l'important est de ramener rapidement le déficit au niveau stabilisant le ratio dette/PIB, ce qui, si l'on suppose que la croissance du PIB en valeur sera de l'ordre de 3 % au cours des prochaines décennies, correspond à 3 points de PIB pour une dette publique de 100 points de PIB (et 4 points de PIB pour une dette publique de 130 points de PIB).

3. L'absence de confiance des marchés en la capacité du Gouvernement grec à réaliser spontanément les efforts requis

Le problème est que les marchés ont considéré, probablement à juste titre, que la Grèce ne réaliserait pas spontanément de tels efforts.

Les mensonges délibérés des autorités grecques au sujet de la situation de leurs finances publiques ont vraisemblablement joué un rôle important dans leur analyse.

Les agences de notation et les « spéculateurs » ne doivent pas servir de boucs émissaires commodes. Avec une croissance du PIB en volume de 3 % par an au cours des prochaines décennies, la situation actuelle des finances publiques grecques n'est tout simplement pas soutenable.

L'augmentation des taux d'intérêt demandés à la Grèce aggrave à son tour considérablement la situation. Dans le cas de figure (purement théorique, tant il est certain que les marchés ne le laisseraient pas se réaliser) où le Gouvernement grec ne réduirait pas son déficit primaire, et où les taux d'intérêt seraient de 10 %, en 2050 la dette publique atteindrait 3 000 points de PIB, et le déficit 300 points de PIB. Ce « scénario catastrophe » extrême est la démonstration par l'absurde de l'impossibilité de continuer ainsi.

C. LE RISQUE DE DIFFUSION DE LA CRISE GRECQUE

1. Le risque de diffusion par le système bancaire

Selon certains analystes, empêcher un défaut de la Grèce, dont la situation actuelle résulte non d'un choc asymétrique, mais d'une politique budgétaire laxiste depuis de nombreuses années, constituerait un précédent fâcheux, suscitant un risque d'« aléa moral » 20 ( * ) .

On peut cependant s'interroger sur la pertinence d'un tel point de vue, en particulier en raison des conséquences qu'un défaut de la Grèce aurait sur le système bancaire européen, qui détient des obligations de l'Etat grec et, plus généralement, des créances vis-à-vis de l'économie grecque.

Selon la Banque des règlements internationaux, sur les 200 milliards de dollars (environ) de créances bancaires vis-à-vis de l'économie grecque, les banques françaises en détiennent près de 80 milliards, et sont de loin les plus exposées, comme le montre le tableau ci-après.

Les créances des banques vis-à-vis de l'économie grecque (fin 2009)

(en milliards de dollars)

Banques des 24 principaux Etats

Banques européennes

France

Allemagne

Royaume-Uni

Sur la base du débiteur immédiat

236

189

75

45

15

Sur la base du risque ultime

217

193

79

45

15

Source : d'après Banque des règlements internationaux, « Detailed tables on provisional locational and consolidated banking statistics at end-December 2009 », avril 2010

S'agissant des créanciers de l'Etat grec, le site Internet de l'agence grecque de gestion de la dette fournit les données suivantes :

2. Le risque d' « effet domino »

D'autres Etats de la zone euro sont parfois présentés comme susceptibles de connaître des difficultés de financement analogues à celles de la Grèce. On évoque ainsi un risque d'« effet domino », la défiance pouvant s'étendre de proche en proche à d'autres Etats de la zone euro.

a) D'autres Etats de la zone euro connaissent une dette ou un déficit publics analogues à ceux de la Grèce

Si la Grèce est le seul Etat à avoir à la fois un déficit et une dette très élevés, sa dette est analogue à celle de l'Italie, et son déficit à celui de l'Irlande, comme le montre le graphique ci-après.

b) Une tentative de classification des Etats de la zone euro en fonction de la soutenabilité de leurs finances publiques : la France entre l'Italie et la Belgique ?

Pour déterminer la soutenabilité des finances publiques des différents Etats de la zone euro, il convient cependant de prendre en compte non seulement leur dette et leur déficit, mais également leurs perspectives de croissance à long terme.

La commission des finances s'est efforcée de calculer ce que pourrait être la situation de leurs finances publiques à l'horizon 2030, en supposant qu'ils ne font aucun effort pour réduire leur déficit primaire. Les résultats sont indiqués par le tableau ci-après.

La situation des finances publiques en 2030 dans les Etats membres de la zone euro en cas d'absence de réduction du déficit primaire : quelques ordres de grandeur indicatifs calculés par la commission des finances

(en % et en points de PIB)

2009

Croissance potentielle en volume 2009-2060 (Commission européenne, 2008)

Croissance potentielle nominale 2009-2060 (hypothèse d'inflation de 2 %)

Situation en 2030 sans réduction du déficit primaire (taux d'intérêt de 5 %)

Dette

Solde

Dette

Solde

(1)

(2)

(3)

Grèce

115,1

-13,6

1,8

3,8

343,8

-25,8

Irlande

64

-14,3

2,4

4,4

266,3

-22,6

Espagne

53,2

-11,2

1,9

3,9

204,0

-16,4

Portugal

76,8

-9,4

1,8

3,8

200,5

-14,4

Italie

115,8

-5,3

1,4

3,4

179,7

-9,3

France

77,6

-7,5

1,8

3,8

160,7

-10,5

Belgique

96,7

-6

1,8

3,8

154,7

-8,7

Pays-Bas

60,9

-5,3

1,5

3,5

95,8

-5,1

Slovaquie

35,7

-6,8

2

4

85,2

-6,1

Chypre

56,2

-6,1

2,8

4,8

84,7

-5,3

Allemagne

73,2

-3,3

1,2

3,2

74,8

-2,0

Malte

69,1

-3,8

1,7

3,7

71,0

-2,3

Slovénie

35,9

-5,5

1,6

3,6

62,5

-3,6

Autriche

66,5

-3,4

1,7

3,7

58,6

-1,3

Finlande

44

-2,2

1,7

3,7

0,9

2,8

Luxembourg

14,5

-0,7

2,6

4,6

-55,3

5,0

Remarque méthodologique : ce tableau repose sur des hypothèses largement conventionnelles (évolution annuelle des prix du PIB et taux d'intérêt de respectivement 2 % et 5 % pour tous les Etats, solde de 2009 égal au solde structurel). Il convient donc de retenir les ordres de grandeur plutôt que les chiffres exacts.

On suppose un excédent budgétaire maximal de 5 points de PIB.

Sources : (1) Eurostat, 22 avril 2010 ; (2) Commission européenne, « The 2009 Ageing Report », European Economy n°7, 2008 ; (3) Calculs de la commission des finances

Ce tableau ne prétend pas indiquer ce que seront la dette et le déficit publics des différents Etats en 2030, mais seulement des ordres de grandeur si les Etats ne réduisaient pas leur déficit primaire, c'est-à-dire s'ils laissaient un éventuel « effet boule de neige » s'enclencher. Il repose en outre sur un certain nombre d'hypothèses simplificatrices 21 ( * ) . Il convient donc de retenir les ordres de grandeur plutôt que les résultats exacts.

Selon ces critères, l'Etat dont la situation est la plus préoccupante est la Grèce (dont la dette atteindrait 340 points de PIB en 2030), suivie de près par l'Irlande (270 points de PIB). Jusqu'au milieu du mois d'avril 2010, ces deux Etats étaient ceux dont les spreads étaient les plus importants (cf. graphique en page Erreur ! Signet non défini. du présent rapport), ce qui confirme que ceux-ci reposent bien, d'une manière générale, sur une base objective. Le fort différentiel de taux entre ces deux Etats résulte semble-t-il largement de l'absence de confiance dans les pouvoirs publics grecs, consécutive au trucage des statistiques.

Viendraient ensuite l'Espagne et le Portugal (200 points de PIB). Le fait que le Portugal soit actuellement l'Etat de la zone euro dont les spreads sont les plus importants après la Grèce peut susciter certaines interrogations.

L'Italie, la France et la Belgique se situeraient immédiatement après (avec une dette de 150 à 180 points de PIB).

Malgré la croissance potentielle la plus faible de la zone euro (1,2 % selon la Commission européenne), l'Allemagne parviendrait à stabiliser sa dette publique à son niveau actuel, de l'ordre de 75 points de PIB. En effet, avec une croissance du PIB en valeur d'environ 3 %, son déficit stabilisant est de l'ordre de 3 points de PIB, ce qui correspond au déficit attendu sur la période. Inversement, le fait d'avoir la croissance potentielle (2,4 %) la plus élevée après Chypre (2,8 %) et le Luxembourg (2,6 %) n'empêcherait pas l'Irlande d'avoir la situation la plus dégradée après celle de la Grèce.

II. LA RÉACTION DE L'UNION EUROPÉENNE ET LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI

A. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D'UN MÉCANISME DE PRÊTS BILATÉRAUX SOUMIS À FORTE CONDITIONNALITÉ

La réaction de l'Union européenne est longtemps demeurée trop vague pour rassurer les marchés.

1. La décision de recourir à des instruments multilatéraux : la déclaration du Conseil européen du 11 février 2010

Bien que le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne semble pas interdire un soutien de l'Union européenne à un Etat membre de la zone euro connaissant des problèmes de liquidité ou de solvabilité 22 ( * ) , ce point n'est pas consensuel et le recours à des instruments multilatéraux a donc été privilégié.

Ainsi, le 11 février 2010, le Conseil européen a adopté une courte déclaration qui, essentiellement consacrée à la nécessité que la Grèce réduise son déficit public de 4 points de PIB en 2010 - une « première évaluation » à ce sujet devant être « faite en mars » 2010 -, se conclut sur l'affirmation que « les Etats membres de la zone euro prendront des mesures déterminées et coordonnées, si nécessaire, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble. Le Gouvernement grec n'a demandé aucun soutien financier ».

2. La décision de recourir au FMI : la déclaration des chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro du 25 mars 2010

Le choix d'une solution intergouvernementale, s'il se comprend d'un point de vue politique, suscitait cependant certaines interrogations par rapport aux avantages économiques qu'aurait présentés une intervention du FMI.

Trois Etats membres de l'Union européenne (mais pas de la zone euro) - la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie - ont déjà bénéficié de l'aide du FMI.

Les modalités d'intervention du FMI dans des Etats membres de l'Union européenne

- Montant de l'aide octroyée à la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie, et durée du programme

La Hongrie bénéficie depuis novembre 2008 d'un programme d'assistance financière conjoint UE/FMI à hauteur de 20 Mds €, dont 12,5 Mds € du FMI, 6,5 Mds € de l'Union européenne, et 1 Md € de la Banque Mondiale. Le programme est prévu pour prendre fin au troisième trimestre 2010.

La Lettonie bénéficie depuis décembre 2008 d'un programme d'assistance financière conjoint UE/FMI à hauteur de 7,5 Mds €, dont 1,7 Md € du FMI, 3,1 Mds € de l'UE, 1,8 Md € des pays Nordiques (Suède, Norvège, Finlande, Danemark), 0,4 Md € de la part d'autres Nouveaux États membres de l'UE (République tchèque, Pologne, Estonie), 0,4 Md € de la Banque Mondiale et 0,1 Md € de la BERD. Le programme est prévu pour prendre fin au dernier trimestre 2011.

La Roumanie bénéficie depuis mars 2009 d'un programme d'assistance financière conjoint UE/FMI à hauteur de 20 Mds € également, dont 12,95 Mds € du FMI, 5 Mds € de l'UE, 1 Md € de la Banque Mondiale et 1 Md € de la BERD. Le programme est prévu pour prendre fin au premier trimestre 2011 pour l'UE, et au deuxième trimestre 2011 pour le FMI.

- Engagements pris par les Etats débiteurs

Dans le cadre de ces programmes d'assistance financière, les Etats débiteurs se sont engagés à mettre en oeuvre des réformes structurelles dans plusieurs domaines (budgétaire, financier, retraites) et à mettre en oeuvre des mesures de consolidation budgétaire suffisamment importantes pour respecter à la fois les objectifs budgétaires annuels fixés par les programmes et ceux recommandés par le Conseil ECOFIN dans le cadre de sa procédure pour déficit excessif (les trois pays faisant l'objet d'une telle procédure).

- Modalités de contrôle de leur mise en oeuvre

La bonne mise en oeuvre de ces conditionnalités, qui régit le versement des tranches prévues au cours de la durée du programme, est contrôlée au moment de chaque revue par une mission conjointe de l'UE et du FMI qui se rend dans le pays concerné.

Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Aussi, le 25 mars 2010, les chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro ont adopté une déclaration évoquant « un accord comprenant une implication financière substantielle du Fonds monétaire international et une majorité de financement européen ». Les modalités pratiques de l'aide bilatérale ont en outre été précisées : les Etats de la zone euro sont « prêts à contribuer à des prêts bilatéraux coordonnés ». Cette déclaration indique par ailleurs que « les déboursements des prêts bilatéraux seraient décidés par les États membres de la zone euro à l'unanimité et soumis à de fortes conditionnalités, sur la base d'une évaluation menée par la Commission européenne et la BCE », qu'il est prévu que « les Etats membres de la zone euro participent au prorata de leur part au capital de la BCE » et que « les taux d'intérêt seront non concessionnels, c'est-à-dire qu'ils ne contiendront aucun élément de subvention ».

3. Les éléments chiffrés et les conditions : la déclaration des chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro du 11 avril 2010

Le 11 avril 2010, le dispositif a été précisé par une nouvelle déclaration des chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro. Il a alors été annoncé que la Commission, en liaison avec la Banque centrale européenne, commencerait à travailler à partir du 12 avril avec le FMI et les autorités grecques, et que parallèlement, les Etats membres de la zone euro prendraient au niveau national les mesures nécessaires pour aider rapidement la Grèce.

a) Un montant de  110 milliards d'euros en trois ans, dont 80 pour les Etats de la zone euro

La déclaration précitée du 11 avril 2010 indique seulement que le programme couvre une période de 3 ans, jusqu'à 30 milliards d'euros étant prévus la première année, auxquels doit s'ajouter la contribution du FMI.

Le dispositif a été précisé par la déclaration des ministres de l'Eurogroupe du 2 mai 2010. En synthétisant les informations disponibles, on obtient le tableau ci-après.

Les principaux montants du plan d'aide à la Grèce

(en milliards d'euros)

Première année

Totalité des trois années

Zone euro

30

80

FMI

~15*

30

Total

~45*

110

* Montants évoqués par la presse.

Sources : déclaration de l'Eurogroupe du 2 mai 2010 ; communiqué de presse du FMI du 2 mai 2010 (n° 10/176)

b) Une rémunération des prêts de l'ordre de 5 %

La déclaration précitée du 11 avril 2010 a en outre précisé la rémunération des prêts, indiquant qu'il est possible de s'inspirer de la formule retenue par le FMI.

Ainsi, selon la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro du 10 avril 2010, « la formule de rémunération utilisée par le FMI est un modèle approprié pour déterminer les conditions de prêt des Etats membres de la zone euro, bien qu'avec quelques ajustements. Les prêts à taux variable reposeront sur le taux Euribor à 3 mois. Les prêts à taux fixe reposeront sur le taux Euribor swappé sur la maturité souhaitée. Une commission de 300 points de base est appliquée. Une commission supplémentaire de 100 points de base est appliquée sur le capital restant dû au-delà de trois ans. Comme dans le cas du FMI, une commission temporaire d'au maximum 50 points de base est appliquée pour couvrir les coûts opérationnels du soutien. Par exemple, dans les conditions de marché du 9 avril, pour un prêt à taux fixe à trois ans, le taux serait d'environ 5 % » 23 ( * ) .

4. Un programme d'ajustement de grande ampleur

La Grèce réalise des efforts très importants pour réduire son déficit public, comme l'y enjoignent la Commission européenne et le FMI.

Selon le communiqué de presse du FMI du 2 mai 2010, « la combinaison de mesures de réduction des dépenses et d'augmentation des recettes représentant quelque 11 % du PIB -- s'ajoutant à celles qui ont été prises plus tôt cette année -- visent à inverser le ratio de la dette publique au PIB à partir de 2013 et à ramener le déficit des comptes publics à moins de 3 % du PIB d'ici 2014 ».

Pour la seule année 2010, les mesures de réduction du déficit devraient représenter un total de 6,4 points de PIB, ce qui est très élevé.

Le tableau ci-après indique les différentes mesures prévues, avant même l'adoption du programme conjoint Commission-Européenne-BCE-FMI-Grèce :

Impact sur le déficit public de 2010 des mesures prévues dans le programme de stabilité grec (complétées de deux paquets de mesures supplémentaires : les 2 février et 3 mars 2010)

(en points de PIB)

Mesures

Impact estimé en points de PIB

Fin de l'effet des mesures non pérennes de soutien à l'activité mises en place en 2009

-1,0

Mesures non pérennes en 2010 (création de taxes exceptionnelles sur les entreprises à bénéfices élevés, les profits des banques...)

-0,4

Sous total des mesures non pérennes

-1,4

10% de réduction des dépenses du Gouvernement au titre de rémunérations

-0,3

Gel des embauches en 2010 et réduction des CDD

-0,15

Réduction des couts opérationnels

-0,15

Réduction dépenses militaires

-0,2

Réduction dépenses médicales

-0,3

dépenses d'éducation

+0,2

dépenses d'investissement

+0,3

charges d'intérêt

+0,2

Sous total dépenses

-0,4

Impôt progressif unifié sur le travail et le capital

-0,4

Taxes sur la propriété

-0,2

Hausse des droits d'accises (alcool et cigarettes)

-0,4

Hausse des droits d'accises (carburant, téléphonie)

-0,2

Lutte contre l'évasion fiscale et sociale et Fonds en provenance de l'UE

-1,0

Sous total recettes

-2,2

Mesures additionnelles annoncées le 2 février 2010

-0,4

Gel des salaires nominaux des fonctionnaires

-0,1

Hausse supplémentaires des droits d'accises sur les carburants

-0,3

Mesures additionnelles annoncées le 3 mars 2010

-2,0

Hausse des principaux taux de TVA

-0,55

Hausse supplémentaire des droits d'accises

-0,45

Réduction des dépenses courantes et en capital

-0,7

Mesures additionnelles de réduction de la masse salariale

-0,3

Montant prévisionnel des économies

-6,4

Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

5. Une procédure activée le 2 mai 2010

Le 23 avril 2010, la Grèce a demandé l'activation du mécanisme.

Celle-ci a été décidée par l'Eurogroupe le 2 mai 2010, qui a ainsi validé le programme d'ajustement négocié par la Commission, la BCE et le FMI avec le Gouvernement grec.

Les chefs d'Etat et de Gouvernement doivent se réunir le 7 mai 2010 pour clôturer l'ensemble du processus.

Les engagements pris par la Grèce doivent être prochainement formalisés dans une décision du Conseil sur la base des articles 126 et 136 du TFUE, et davantage détaillés dans un Memorandum of Understanding devant être conclu entre les autorités grecques et la Commission.

Les modalités institutionnelles de mise en oeuvre du dispositif sont indiquées par l'encadré ci-après.

La procédure de mise en oeuvre du mécanisme

« Le mécanisme prévu par la déclaration du 11 avril a vocation à être mis en oeuvre, le cas échéant, selon la procédure suivante.

« Si la Grèce ne peut plus faire face à ses besoins de trésorerie, elle demande à l'Eurogroupe l'activation du plan de soutien. Le FMI est également sollicité.

« Suite à cette demande, la Commission et la BCE, qui évaluent la situation financière grecque, notamment au regard de l'impossibilité de recourir au financement sur les marchés, estiment le montant maximum du prêt à accorder à la Grèce et proposent de premiers éléments sur les conditionnalités à attacher au prêt. Au vu de ces éléments, les États membres de la zone euro décident à l'unanimité de l'activation du plan de soutien. Un État membre peut néanmoins choisir de ne pas participer au versement d'une tranche du programme sans que cela empêche le soutien par les autres États membres.

« Le niveau de participation de chaque État membre est calculé au prorata de la souscription de sa banque centrale nationale au capital de la BCE, évalué sur le seul champ des États membres de la zone euro (hors Grèce). Avec ce mode de calcul, elle s'établit aujourd'hui pour la France à 20,97 %. Cette clé de répartition sera recalculée, le cas échéant, en cas de non participation d'un État membre au versement d'une tranche.

« L'ensemble des États membres de l'Union Européenne, réunis en Conseil, mandatent la Commission européenne pour coordonner l'action des États membres de la zone euro. La Commission, en lien avec la BCE et en étroite collaboration avec le FMI, négocie alors avec les autorités grecques l'accord de prêt et les conditionnalités qui lui sont attachées. Ces documents doivent ensuite être approuvés par l'Eurogroupe. Sur la base de cette approbation, les États membres participants décaissent le montant du prêt qui leur incombe en application de la clé de répartition précitée.

« Le suivi du dispositif, notamment la mise en oeuvre par les autorités grecques des conditionnalités, est assuré régulièrement au sein de l'Eurogroupe. Selon l'évolution de la situation économique et financière de la Grèce, les conditionnalités attachées au prêt pourront être révisées. »

Source : exposé des motifs du présent projet de loi

B. L'IMPORTANCE DE LA CONDITIONNALITÉ DE L'AIDE

1. L'objet immédiat du présent projet de loi : permettre à la Grèce de conserver sa capacité de refinancement

Il s'agit de permettre à la Grèce de conserver sa capacité de refinancement tant que l'accès au marché lui est fermé.

Ainsi, selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, « la hausse des rendements des titres grecs a alimenté (...) les interrogations quant au caractère soutenable à moyen terme de telles conditions de financement pour les finances publiques grecques. Elle a également jeté le doute à court terme quant à la capacité de la Grèce à refinancer les titres arrivant à maturité en avril 2010 (12 milliards d'euros) et en mai 2010 (8,1 milliards d'euros). La baisse de la valeur de marché des titres grecs a été si abrupte que de nombreux acteurs de marché estimaient ainsi le vendredi 9 avril que très peu d'investisseurs restaient en situation d'augmenter leur exposition à la Grèce ce qui rendait problématique son accès au marché ».

2. Le facteur déterminant de la soutenabilité des finances publiques grecques : la politique menée par le Gouvernement grec

Le soutien consenti à la Grèce doit être considéré comme une mesure temporaire destinée à éviter son insolvabilité et à préserver la stabilité de la zone euro . Il ne peut en aucun cas être considéré comme une aide susceptible non seulement d'encourager les politiques budgétaires insoutenables, mais il ne doit même pas permettre à la Grèce de différer ou d'atténuer les ajustements qui s'imposent à elle . Pour cette raison, les prêts sont consentis à des taux de marché et leur attribution est conditionnée à la mise en oeuvre du plan d'ajustement structurel de grande ampleur conçu par la Commission, la BCE, le FMI et le Gouvernement grec.

En tout état de cause, le facteur déterminant pour la soutenabilité des finances publiques grecques ne sera pas le taux des futurs prêts bilatéraux, mais la politique qui sera menée par le Gouvernement grec.

En effet, si la Grèce réalise un effort important de réduction de son déficit structurel (de l'ordre de 3 ou 4 points de PIB par an), le fait de bénéficier d'un taux de 5 % au lieu de 10 % n'a qu'une importance peu significative.

Le tableau figurant en page 29 du présent rapport montre que pour limiter en 2013 la dette publique à 130 points de PIB, il faut réduire le déficit primaire d'un montant analogue avec des taux d'intérêts de 5 % ou de 10 % : dans les deux cas, cet effort doit être de l'ordre de 3 ou 4 points de PIB par an.

La soutenabilité des finances publiques grecques paraît donc essentiellement dépendre des efforts du Gouvernement grec. Compte tenu des perspectives de croissance à court terme (on l'a vu de - 2,6 % en 2010 et - 0,5 % en 2011 selon le consensus des conjoncturistes 24 ( * ) ), les efforts demandés semblent particulièrement ambitieux.

Or, si la Grèce s'affranchissait de ces ambitieuses contraintes d'ajustement, le bénéfice de prêts à 5 % plutôt qu'à 10 % deviendrait une mesure d'aide significative.

Par exemple, si la réduction annuelle du déficit primaire était de « seulement » 1 point de PIB par an, en 2020 le déficit public serait de 6,6 % avec des taux d'intérêt de 5 %, mais 22,7 points de PIB avec des taux d'intérêt de 10 %, ce qui ne serait évidemment pas soutenable, d'autant plus que la charge d'intérêts serait de 25 points de PIB, soit la moitié des dépenses publiques actuelles.

C'est pour cette raison que l'Allemagne a exigé des assurances sur l'ampleur de l'ajustement budgétaire avant de donner son accord au dispositif de prêts bilatéraux.

C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI

1. 16,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement

Le présent projet de loi prévoit d'ouvrir 16,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement.

Ces crédits seraient regroupés sur un nouveau programme correspondant à une quatrième section du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », intitulé « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro ». Ce programme serait doté de crédits évaluatifs, conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

a) 16,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, correspondant aux versements susceptibles d'être réalisés en 3 ans

Le montant de 16,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement correspond à la part de la France dans les 80 milliards d'euros susceptibles d'être versés par les Etats de la zone euro sur une période de trois années. Cette part a été calculée en fonction de celle de la souscription de la Banque de France dans le capital de la BCE, évaluée sur le seul champ des États membres de la zone euro (hors Grèce), soit 20,97 %.

Le montant de 16,8 milliards d'euros résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale. Le texte initial prévoyait un montant de seulement 6,3 milliards d'euros, mais cela vient du fait que la période couverte était de seulement une année.

Le tableau ci-après synthétise les principaux chiffres.

La contribution des différents Etats de la zone euro

(en euros)

Texte initial (1)

Texte adopté par l'Assemblée nationale (2)

Période prise en compte

1 an

3 ans

Etat (part dans le capital de la BCE)

Belgique (3,58%)

1 074 000 000

2 864 000 000

Allemagne (27,92%)

8 379 000 000

22 344 000 000

Irlande (1,64%)

492 000 000

1 312 000 000

Espagne (12,24%)

3 672 000 000

9 792 000 000

France (20,97%)

6 291 000 000

16 776 000 000

Italie (18,42%)

5 526 000 000

14 736 000 000

Chypre (0,20%)

60 000 000

160 000 000

Luxembourg (0,26%)

78 000 000

208 000 000

Malte (0,09%)

27 000 000

72 000 000

Pays-Bas (5,88%)

1 764 000 000

4 704 000 000

Autriche (2,86%)

858 000 000

2 288 000 000

Portugal (2,58%)

774 000 000

2 064 000 000

Slovénie (0,48%)

144 000 000

384 000 000

Slovaquie (1,02%)

306 000 000

816 000 000

Finlande (1,85%)

555 000 000

1 480 000 000

Total

30 000 000 000

80 000 000 000

Sources : (1) Gouvernement ; (2) Commission des finances

b) 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement, correspondant aux seuls versements prévus pour 2010

Le montant de 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement a en revanche été maintenu inchangé par l'Assemblée nationale.

L'exposé des motifs du présent projet de loi le justifie en indiquant : « A titre conventionnel, l'estimation du montant retenu correspond à environ deux tiers du besoin de financement global de l'État grec estimé jusqu'à la fin de l'année [les 6,3 milliards d'euros initialement prévus] , soit le besoin de financement évalué pour les prochains mois ».

2. Un impact nul sur le déficit public (sauf dans le cas des intérêts) et sur la norme de dépenses de l'Etat

Considérés du point de vue comptable comme des opérations financières, les éventuels prêts à la Grèce ou à d'autres Etats n'augmenteraient pas le déficit public, défini selon les concepts de la comptabilité nationale.

Par ailleurs, « ces prêts seront accordés à des taux inférieurs à ceux auxquels emprunte actuellement la Grèce, mais sensiblement supérieurs aux taux auxquels les autres États membres (dont la France) parviennent à se financer ». Selon les indications transmises par le Gouvernement à la commission des finances, « les intérêts reçus de la Grèce comme les intérêts versés pour financer le prêt auraient bien un caractère maastrichtien. Le solde serait favorable pour la France, le taux d'intérêt du prêt étant supérieur au taux de financement de l'Etat ».

En ce qui concerne la comptabilité budgétaire, selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, « les ouvertures de crédits sur ce compte spécial ne pèsent pas sur la norme de dépense, telle que définie dans le projet de loi de finances initiale pour 2010 ». En effet, les comptes spéciaux n'entrent pas dans la norme de dépenses de l'Etat.

3. Un besoin de financement accru de 3 milliards d'euros

Si les dispositions du présent projet de loi de finances rectificative sont sans effet sur le déficit public au sens de la comptabilité nationale, elle conduisent cependant à dégrader le déficit budgétaire de 3 milliards d'euros , sous l'effet conjugué de la dégradation de 3,9 milliards d'euros du solde des comptes spéciaux du trésor en raison de l'ouverture de 3,9 milliards d'euros en faveur de la Grèce, et d'une réévaluation de 900 millions d'euros des recettes de TVA.

Le déficit budgétaire pour 2010 s'établit désormais à 152 milliards d'euros, contre 138 milliards constatés au titre de 2009 et 117 milliards inscrits dans la loi de finances initiale.

En conséquence le besoin de financement se dégrade également de 3 milliards d'euros, pour s'établir à 239,1 milliards d'euros. Cette augmentation est uniquement financée par des ressources de trésorerie 25 ( * ) , sans recours supplémentaire à l'emprunt et donc sans modifier le programme de financement pour 2010 communiqué aux marchés par l'Agence France Trésor.

Evolution du tableau de financement de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

III. LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS LOIN

A. LES SOLUTIONS INSTITUTIONNELLES QUI ONT PU ÊTRE AVANCÉES CORRESPONDENT À DES SUJETS DE LONG TERME ET NE RÈGLENT PAS LE FOND DU PROBLÈME

1. Le projet de « fonds monétaire européen »

Certains hommes politiques et économistes 26 ( * ) ont pu envisager la mise en place d'un « fonds monétaire européen ».

Dans un article publié dans The Economist le 18 février 2010, les économistes Daniel Gros 27 ( * ) et Thomas Mayer 28 ( * ) préconisent la mise en place d'un tel fonds, indépendant du pouvoir politique - comme le FMI - et dont l'une des fonctions serait de permettre, le cas échéant, « une faillite souveraine ordonnée » (ce que ne permet pas le FMI). Avec une contribution des Etats de 1 % de leur excédent de dette et de déficit publics par rapport au seuil fixé par le traité de Maastricht, un tel fonds aurait accumulé au cours des dix dernières années environ 120 milliards d'euros, soit 1 % du PIB de l'UE.

La mise en place d'un tel fonds a été soutenue notamment par MM. Olli Rehn, commissaire aux affaires économiques et monétaires, Giorgio Napolitano, président de la République italienne, Giulio Tremonti, ministre des finances italien, Wolfgang Schäuble, ministre des finances allemand, et Guy Verhofstadt, président du groupe de l'Alliance des démocrates et des libéraux au Parlement européen et ancien premier ministre belge 29 ( * ) .

2. Le projet d' « agence européenne de la dette »

La mise en place d'une « agence européenne de la dette » (AED) suscite davantage d'interrogations.

Cette proposition a été faite M. Yves Leterme, Premier ministre belge démissionnaire. Selon une tribune 30 ( * ) publiée dans le journal Le Monde , « l'AED serait une institution de l'UE chargée d'émettre et de gérer la dette gouvernementale de la zone euro, sous l'autorité des ministres des finances de l'Eurogroupe et de la Banque centrale européenne (BCE). (...) Les nouvelles émissions bénéficieraient d'un taux d'intérêt uniforme. A mesure que l'ancienne dette évoluera et sera remplacée par de nouveaux titres, la dette du Gouvernement de la zone euro prendrait la forme d'une dette unifiée, ce qui sous-entend que chaque Etat membre garantirait de manière implicite la dette de tous les autres ». Comme l'AED ne prêterait et n'emprunterait qu'à hauteur du déficit approuvé par le Conseil, les Etats seraient réellement incités à se conformer à leurs programmes de stabilité 31 ( * ) .

Par ailleurs, selon M. Leterme, les taux d'intérêt de la zone euro s'en trouveraient réduits, y compris pour les « grands » Etats membres. On peut cependant douter de ce dernier point, en particulier si l'AED était compétente pour l'émission de l'ensemble de la dette publique 32 ( * ) .

3. Le projet d'agence de notation européenne

Enfin, M. Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg et président de l'Eurogroupe, s'est prononcé en faveur de la création d'une agence de notation européenne, placée sous l'égide de la Banque centrale européenne, afin de faire contrepoids aux agences privées anglo-saxonnes 33 ( * ) .

Si les agences de notation ont montré leurs insuffisances dans le cas de la notation de certains produits financiers complexes, leur notation du risque souverain semble moins sujette à caution.

B. LA NÉCESSITÉ POUR LES ETATS EUROPÉENS DE SE DOTER RAPIDEMENT D'INSTRUMENTS ET DE RÈGLES CRÉDIBLES DE PILOTAGE DE LEURS FINANCES PUBLIQUES

1. Les insuffisances du pacte de stabilité et de croissance

a) Des insuffisances connues depuis longtemps

Les insuffisances du pacte de stabilité et de croissance sont bien connues depuis longtemps. Votre rapporteur général les a présentées en 2005 dans un rapport d'information 34 ( * ) .

On rappelle que le pacte de stabilité et de croissance, prévu par le traité de Maastricht et mis en oeuvre par le Conseil européen d'Amsterdam le 17 juin 1997, comporte deux volets :

- un volet « préventif », reposant sur l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) 35 ( * ) , prévoyant que les Etats membres présentent annuellement à la Commission européenne des « programmes de stabilité » (pour les Etats appartenant à la zone euro) ou des « programmes de convergence » (pour les Etats n'appartenant pas à la zone euro), qui constituent la programmation à moyen terme de leurs finances publiques ;

- un volet « répressif », reposant sur l'article 126 du TFUE 36 ( * ) , interdisant aux Etats membres d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB, et prévoyant une procédure, dite « procédure relative aux déficits excessifs », donnant au Conseil la possibilité d'imposer des sanctions à un Etat membre en situation de déficit excessif, s'il appartient à la zone euro.

Le problème fondamental du pacte de stabilité est qu'il n'existe aucun mécanisme contraignant dans le cas du volet « préventif », ce qui permet aux Etats membres d'accroître leur déficit structurel en haut de cycle. L'Union européenne ne peut donc intervenir que quand il est trop tard, c'est-à-dire en bas de cycle.

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, les engagements européens de la France n'ont été modifiés qu'à la marge par la réforme du pacte de stabilité décidée par le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005. En particulier, l'interdiction d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB n'a pas été remise en cause, ce dont il convient de se féliciter.

b) Sur les 27 Etats membres de l'Union européenne, 20 font actuellement l'objet d'une procédure pour déficit excessif

Sur les 27 Etats membres de l'Union européenne, 20 font actuellement l'objet d'une procédure pour déficit excessif (dont 13 des 16 Etats ayant adopté l'euro).

Dans le cas de la France, le déficit excessif de 2008 (3,3 points de PIB) a été constaté en mars 2009 par la Commission européenne, et le 27 avril 2009 le Conseil a adopté une décision en constatant l'existence, ainsi qu' une recommandation d'y mettre fin en 2012 37 ( * ) .

Le pacte de stabilité prévoyant que le Conseil demande à un Etat en déficit excessif de prendre des « mesures suivies d'effet » destinées à réduire le déficit dans un délai maximal de 6 mois, le Conseil a en outre fixé au 27 octobre 2009 la fin du délai dans lequel la France devait mettre en oeuvre les mesures devant lui permettre d'atteindre son objectif de déficit de 5,6 points de PIB en 2009 et indiquer quelles mesures elle prévoyait de mettre en oeuvre les années ultérieures.

Le 11 novembre 2009 , la Commission européenne, estimant que la France avait pris des « mesures suivies d'effet », a recommandé au Conseil de repousser cette échéance d'une année, et donc de la porter à 2013. En effet, le Conseil a la possibilité d'allonger le délai fixé, en cas d'« événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences très défavorables sur les finances publiques ». Le Conseil a suivi cette recommandation le 2 décembre 2009.

Ce décalage d'une année a été appliqué « forfaitairement » par la Commission à tous les Etats pour lesquels une telle échéance devait être reportée (Irlande, Espagne, Royaume-Uni).

Les procédures pour déficit excessif actuellement en cours

Date du rapport de la Commission (art.104.3/126.3)

Décision du Conseil sur l'existence d'un déficit excessif (art.104.6/126.6)

Date fixée par le Conseil pour la fin du déficit excessif

Antérieurement
au 2 décembre 2009

Le 2 décembre 2009

Etats ayant adopté l'euro

France

18-févr-09

27-avr-09

2012

2013

Irlande

18-févr-09

27-avr-09

2013

2014

Grèce

18-févr-09

27-avr-09

2010

2010

Espagne

18-févr-09

27-avr-09

2012

2013

Malte

13-mai-09

07-juil-09

2010

2010

Belgique

07-oct-09

02-déc-09

2012

Allemagne

07-oct-09

02-déc-09

2013

Italie

07-oct-09

02-déc-09

2012

Pays-Bas

07-oct-09

02-déc-09

2013

Autriche

07-oct-09

02-déc-09

2013

Portugal

07-oct-09

02-déc-09

2013

Slovénie

07-oct-09

02-déc-09

2013

Slovaquie

07-oct-09

02-déc-09

2013

Etats n'ayant pas adopté l'euro

Hongrie

12-mai-04

05-juil-04

2011

2011

Royaume-Uni

11-juin-08

08-juil-08

année fiscale 2013/14

année fiscale 2014/15

Lettonie

18-févr-09

07-juil-09

2012

2012

Pologne

13-mai-09

07-juil-09

2012

2012

Roumanie

13-mai-09

07-juil-09

2011

2011

Lituanie

13-mai-09

07-juil-09

2011

2011

République tchèque

07-oct-09

02-déc-09

2013

Source : d'après la Commission européenne

c) L'adoption d'une mise en demeure dans le cas de la Grèce

La situation de la Grèce appelle des commentaires particuliers.

Le 15 janvier 2010, le Gouvernement grec a présenté à la Commission son programme de stabilité pour la période 2010-2013, qui prévoit de ramener le déficit public de 12,7 points de PIB en 2009 (niveau ensuite réévalué à 13,6 points de PIB) à 2 points de PIB en 2013. On rappelle que le niveau très élevé du déficit public de la Grèce ne provient qu'en partie de la crise économique. En effet, en 2008 il était déjà de 7,7 points de PIB.

La Grèce se trouve actuellement dans la phase de la procédure pour déficit excessif immédiatement antérieure à l'imposition de sanctions : celle de la mise en demeure par le Conseil (article 126-9 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne). En effet, le 2 décembre 2009, conformément à la recommandation de la Commission, le Conseil a décidé que ce pays n'avait pas pris d'« action suivie d'effet ». Or, l'article 5 du règlement (EC) 1467/97 prévoit que la décision de mise en demeure doit être adoptée par le Conseil dans les deux mois suivant sa décision selon laquelle aucune action suivie d'effet n'a été prise. Le 3 février 2010, la Commission a adopté, en particulier, une recommandation invitant le Conseil à adopter une telle mise en demeure 38 ( * ) , ce qu'il a fait le 16 février 2010, enjoignant la Grèce de ramener son déficit sous 3 points de PIB en 2012.

Le programme d'aide à la Grèce adopté le 2 mai 2010 a toutefois repoussé ce délai à 2014.

2. La faiblesse de la gouvernance économique de la zone euro

Les éléments essentiels du pacte de stabilité étant inscrits dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui ne peut être modifié qu'à l'unanimité, on peut se demander s'il est réformable.

Le 25 mars 2010, les chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro ont toutefois adopté une déclaration dans laquelle ils s'engagent « à promouvoir une forte coordination des politiques économiques en Europe », considérant « que le Conseil européen doit renforcer le gouvernement économique de l'Union européenne » et proposant « de renforcer son rôle dans la coordination macroéconomique et la définition d'une stratégie de croissance européenne ».

Estimant que « la surveillance des risques économiques et budgétaires et les instruments de leur prévention, y compris la procédure pour déficit excessif, doivent être renforcés », ils ont demandé « au Président du Conseil européen d'établir, en coopération avec la Commission, un groupe de travail avec les États membres, la présidence tournante et la BCE pour présenter au Conseil, avant la fin de l'année, les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif, en explorant toutes les options pour renforcer le cadre juridique ».

Cette prise de conscience est salutaire. Elle doit cependant s'accompagner d'une clarification institutionnelle. C'est au sein de l'Eurogroupe que doivent se mettre en place les mécanismes de contrôle et de prévention des risques économiques et des déséquilibres budgétaires , avec deux volets : la surveillance mutuelle et la définition des sanctions applicables aux Etats qui s'affranchissent de la discipline collective.

Cette clarification est d'autant plus indispensable que la crise que nous vivons aura pour effet de dissocier pour une période encore plus longue le périmètre de la zone euro et celui de l'Union à vingt-sept.

3. La nécessité pour les Etats de mener dès à présent une politique résolue et crédible de réduction de leur déficit primaire

Comme on l'a indiqué ci-avant, la Grèce n'est pas le seul Etat de la zone euro dont la politique budgétaire actuelle n'est pas soutenable à long terme.

Les Etats dont le déficit actuel est le moins soutenable (cf. tableau page 34 du présent rapport) doivent mener dès à présent une politique résolue de réduction de leur déficit primaire. Dans le cas contraire, ils ne seraient pas capables de faire face à une éventuelle augmentation des taux d'intérêt.

Dans le cas de la France, la charge d'intérêts représente déjà 3 points de PIB. Avec un taux d'intérêt moyen de 5 % une dette de 160 points de PIB en 2030 porterait ce montant à 8 points de PIB, ce qui est déjà très élevé, et si les taux d'intérêt augmentaient alors brusquement pour atteindre 10 %, cette charge serait de 16 points de PIB. On conçoit qu'avec une charge d'intérêts aussi élevée, la France serait contrainte de renoncer à des pans entiers de ses politiques publiques, et serait condamnée à un déclin économique, scientifique et militaire qu'il lui serait très difficile de compenser ensuite.

Les Etats concernés doivent non seulement réduire résolument leur déficit primaire, mais aussi convaincre dès à présent les marchés que c'est ce qu'ils vont faire. Dans le cas contraire, une augmentation à moyen terme de leurs taux d'intérêt ne serait pas à exclure. De telles anticipations auto-réalisatrices doivent absolument être évitées. Si cela se produisait, la situation des finances publiques serait bien plus dégradée en 2030 que ce que suggère le tableau précité. Dans le cas de la France, si le taux d'intérêt apparent de sa dette publique passait dès à présent à 10 %, à solde primaire inchangé son déficit total et sa dette publique deviendraient supérieurs à respectivement 35 points de PIB et 350 points de PIB, ce qui serait bien entendu insupportable (et ce que les marchés empêcheraient en tout état de cause).

La France bénéficie de la confiance des marchés, qui lui prêtent à très long terme à des taux historiquement bas. Les appréciations des agences de notation rejoignent ce constat 39 ( * ) . Mais il importe que la France se dote dès à présent d'une règle crédible qui permette de confirmer le caractère soutenable de ses finances publiques, car les marchés ne se paieront pas éternellement de mots.

4. La nécessité d'instituer une autorité des comptes publics européenne indépendante

Comme le soulignait votre commission des finances dans son rapport précité de 2005 sur le pacte de stabilité 40 ( * ) , « la pleine transparence de ces statistiques est importante non seulement pour le bon fonctionnement du pacte de stabilité, mais aussi pour celui des marchés financiers, qui doivent pouvoir convenablement évaluer la solvabilité des différents Etats membres, afin de signaler les erreurs de stratégie ».

A cette fin, comme on l'a évoqué plus haut, le cadre institutionnel de la statistique européenne a progressé ces dernières années. On peut notamment observer que le « comité des sages », préconisé par votre commission des finances en 2005, a finalement été créé en 2008 - dans une version il est vrai a minima - par décision du Conseil et du Parlement, sous la dénomination de Conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique (CCEGS).

La proposition formulée en 2005 par votre commission des finances

« Votre rapporteur général estime en revanche qu'il serait souhaitable de renforcer la légitimité d'Eurostat par la mise en place d'un « comité des sages ».

« Actuellement, la coopération en matière de statistiques, en particulier en ce qui concerne la définition des concepts, est assurée par un comité représentant, notamment, les organismes statistiques nationaux : le « comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements », qui réunit, outre Eurostat et la Banque centrale européenne, les banques centrales des Etats membres, les instituts nationaux de statistique et la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne.

« Votre rapporteur général propose de mettre en place un véritable « comité des sages », moins suspect de dépendance vis-à-vis des intérêts nationaux et des habitudes administratives. Cette instance de régulation devrait être constituée de personnes incontestables de par leur expérience professionnelle et leur réputation dans des milieux académiques, désignées par le président du Conseil, celui de la Cour de Justice et celui de la Commission européenne.

« Ce comité pourrait en outre vérifier l'homogénéité des nomenclatures et règles budgétaires.

« Lors de son déplacement à Bruxelles des 24 et 25 janvier 2005, il a pu constater que cette proposition suscitait des réactions plutôt favorables, notamment de la part des services de la présidence de la Commission européenne. »

Source : Philippe Marini, « Sans vertu des Etats, il n'est point de pacte de stabilité », rapport n° 277 (2004-2005), 31 mars 2005

Des progrès sont encore attendus avec la publication par la Commission européenne d'une proposition de règlement 41 ( * ) relative à la qualité des données devant être transmises par les Etats membres dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs, tendant à reconnaître à Eurostat des pouvoirs d'audit.

La crise de confiance en la monnaie unique provoquée par les dissimulations de la Grèce et l'incapacité d'Eurostat à les déceler montre qu'il serait nécessaire d'aller plus loin et, cette fois, d'ériger Eurostat en autorité indépendante des services de la Commission, et dirigée par un collège désigné conjointement par le Président du Conseil européen, le Président de la Commission et le Président du Parlement européen.

C. LES ENSEIGNEMENTS POUR LA FRANCE

1. Des programmes de stabilité à ce jour sans aucun impact sur l'évolution des finances publiques

Même avant la récession de 2009, les programmes de stabilité n'étaient jamais respectés, comme le montre le graphique ci-après.

Le solde public : prévision et exécution

(en points de PIB)

Cela s'explique en particulier par le fait que la norme de dépenses n'a quasiment jamais été respectée.

2. Le respect du programme de stabilité 2010-2013, condition de la crédibilité de la France

Le Gouvernement a adressé le 1 er février 2010 à la Commission européenne le programme de stabilité 2010-2013. Cette transmission est tardive, les programmes de stabilité étant normalement transmis à la fin du mois de décembre.

Contrairement à ce qui est habituellement le cas, ce programme est incompatible avec la programmation pluriannuelle, plus sommaire, annexée au projet de loi de finances en application de l'article 50 de la LOLF 42 ( * ) .

Cet écart vient du fait que le 2 décembre 2009, le Conseil européen a repoussé à 2013 l'année fixée pour la fin du déficit excessif (alors que la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010 prévoyait une un déficit de 5 points de PIB en 2013).

A l'automne 2009, le Gouvernement estimait que l'échéance de 2013 souhaitée par la Commission était trop rapprochée. Ainsi, dans un entretien publié le 5 novembre 2009 par le quotidien Le Monde , le Premier ministre a déclaré : « Je présenterai début 2010 au Parlement une stratégie de finances publiques qui nous donnera les moyens de descendre en dessous des 3 % de déficit à l'horizon de 2014 , au prix d'ajustements très importants, puisqu'il faudrait faire un effort de réduction de plus de 1% par an. L'objectif est de progresser parallèlement à l'Allemagne, qui s'est fixé comme objectif un équilibre en 2016 ». Cela n'a pas empêché le Gouvernement d'adopter finalement un programme de stabilité prévoyant une fin du déficit excessif en 2013, comme le demandait l'Union européenne.

Le graphique ci-après permet de visualiser les différents scénarios, et l'ajustement supplémentaire, de 2 points de PIB, à réaliser par rapport à la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010.

Les principaux chiffres du programme de stabilité 2010-2013

(en points de PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

Hypothèse de croissance du PIB (%)

-2,25

1,4

2,5

2,5

2,5

Solde public

Administrations publiques

-7,9

-8,2

-6

-4,6

-3

Etat+ODAC

-6,2

-5,9

-3,9

-3

-2

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-1,9

-1,7

-1,3

-1

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,4

-0,2

-0,1

Dette publique (en % du PIB)

77,4

83,2

86,1

87,1

86,6

Taux de prélèvements obligatoires

41

41

41,9

42,4

43

NB : L'Insee a notifié le 1er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

La trajectoire du programme de stabilité, telle que résumée dans le tableau ci-dessus, doit désormais être considérée comme notre feuille de route en matière de consolidation budgétaire. Aucun aléa, notamment des écarts entre la croissance constatée et les hypothèses de croissance retenues pour son élaboration, ne peut plus servir de prétexte au non respect des objectifs de solde et d'endettement.

3. L'appréciation portée par la Commission européenne

Le 17 mars 2010, la Commission européenne a formulé au Conseil des observations très critiques sur le programme de stabilité de la France, qui correspondent largement à celles que la commission des finances avait pu faire dans son rapport sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Les principales sont :

- le taux de croissance retenu pour 2010 (1,4 %) est « légèrement » optimiste tandis que celui pour les années suivantes (2,5 %) l'est « nettement ». Une croissance du PIB inférieure de 0,25 point à la prévision ne permettrait d'atteindre en 2013 qu'un déficit public de 4 % du PIB  ;

- les hypothèses retenues en termes d'élasticité des recettes au PIB sont optimistes ;

- les objectifs en termes de niveau de déficit pourraient ne pas être atteints en raison de dérapages en matière de dépenses car, pour tous les niveaux d'administration publique, les prévisions de redressement des tendances passées ne sont pas étayées par suffisamment de mesures précises ;

- la part de la dépense publique dans le PIB de la France est la plus élevée de la zone euro, avec 52,7 % en 2008. Les économies issues de la révision générale des politiques publiques engendreraient des économies d'environ 0,3 point de PIB. La norme de dépense « zéro volume » a été formellement respectée dans les années récentes, mais parfois grâce à des changements de périmètre ;

- la réduction des dépenses fiscales engendrerait des économies de 0,1 point de PIB à compter de 2011, selon des modalités qui ne sont pas détaillées ;

- la consolidation repose essentiellement sur la maîtrise des dépenses. La France doit préciser les mesures permettant d'y parvenir avant le 2 juin 2010 ;

- des réformes structurelles sont annoncées, notamment en matière de financement des retraites, mais aucune mesure précise n'est encore connue. Toutefois, l'impact à long terme du vieillissement est « clairement » moins fort en France que dans la moyenne de l'Union européenne ;

- au total, le programme permet de réduire en moyenne le déficit structurel de 0,9 point par an (5,5 % en 2010, 5 % en 2011, 4 % en 2012 et 2,75 % en 2013), soit moins que l'objectif de 1 point fixé par le Conseil ;

- la stratégie budgétaire retenue par le programme, quand bien même elle serait respectée, ne serait pas suffisante pour stabiliser le ratio dette sur PIB en 2020.

4. La nécessité de maîtriser la dépense mais aussi d'accroître les recettes

a) Une prévision de croissance en volume des dépenses publiques de 0,6 % en moyenne de 2011 à 2013

Comme les précédents, le programme de stabilité 2010-2013 affiche une volonté de réduction du déficit par la maîtrise de la dépense.

Cette logique est même renforcée par rapport aux programmations antérieures, si l'on considère que « le rythme de croissance moyen de la dépense » des administrations publiques doit être ramené « à 0,6 % en volume entre 2011 et 2013 ».

L'objectif de croissance en volume des dépenses publiques : 0,9 % en moyenne de 2010 à 2013 mais 0,6 % en moyenne de 2011 à 2013

Le programme de stabilité indique (page 17) que l'objectif d'évolution des dépenses publiques est, en « moyenne par an », de 0,9 % de 2010 à 2013. Ce chiffre peut donner l'impression que l'objectif de croissance des dépenses n'a quasiment pas changé par rapport à la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010 (« un rythme de croissance moyen de l'ordre de 1 % par an en volume à partir de 2011 » 43 ( * ) ). C'est ce chiffre qui a été repris par la presse.

Cependant, si l'on prend comme point de départ l'année 2011, l'objectif d'évolution des dépenses n'est plus que de 0,6 %, ce qui traduit une forte inflexion. Ainsi, selon le programme de stabilité (page 37) : « Cet ajustement structurel sera notamment permis par un effort supplémentaire de maîtrise de la dépense publique, auquel chaque secteur des administrations publiques sera associé, et qui ramènera le rythme de croissance moyen de la dépense à 0,6 % en volume entre 2011 et 2013 ».

Il est possible de calculer à partir des tables statistiques annexées au programme de stabilité que la croissance des dépenses publiques serait de l'ordre de 1,6 % en 2010, 0,2 % en 2011, 0,8 % en 2012 et 0,8 % en 2013, ce qui correspond bien à une moyenne d'environ 0,9 % à partir de 2010 mais 0,6 % à partir de 2011.

On rappelle que sur longue période la croissance des dépenses publiques est de l'ordre de 2 % par an en volume, et qu'on ne distingue à ce jour pas d'inflexion.

Avec une hypothèse de croissance du PIB maintenue à 2,5 %, une croissance de la dépense ramenée à 0,6 % tend à réduire le déficit public de près de 1 point de PIB par an. La réduction annuelle du déficit public serait cependant de 1,5 point de PIB (auquel il faut ajouter en 2011 0,5 point de PIB provenant, comme précédemment, des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires).

b) Une réduction de la dépense fiscale de seulement 0,1 point de PIB par an

L'écart, de l'ordre de 0,5 point, s'explique très largement par les hypothèses retenues en matière d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB.

De manière marginale, elle provient également du fait que l'on prévoit désormais, à partir de 2011, « une politique de réduction du coût des niches fiscales et sociales, à hauteur de 2 milliards d'euros par an », ce qui correspond à une réduction du déficit de 0,3 point de PIB en 2013.

On rappelle que 2 milliards d'euros correspondent à seulement 0,1 point de PIB : l'alourdissement prévu des prélèvements obligatoires est donc essentiellement symbolique.

Le projet de loi de finances pour 2011 devra prévoir un effort plus conséquent de réduction de la dépense fiscale, qui sera d'autant plus acceptable politiquement qu'il sera conçu à l'aune des principes d'équité fiscale et de progressivité.

5. L'utilité de se doter rapidement d'une règle efficace de pilotage des finances publiques

Lors de la conférence sur le déficit du 28 janvier 2010, le Président de la République a souhaité que la France se dote d'une règle d'équilibre pour l'ensemble de ses administrations publiques 44 ( * ) . Un groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI, doit prochainement rendre ses conclusions.

a) Une règle qui n'est justifiée que si elle entend l'équilibre au sens d'un solde que l'on détermine

Une telle règle n'est justifiée que si elle entend l'équilibre au sens d'un solde que l'on détermine 45 ( * ) , et non d'une absence de besoin de financement.

En effet, on considère habituellement que le déficit public doit être fixé en fonction de l'objectif de ratio dette/PIB que l'on se fixe pour une échéance donnée. Par exemple, pour ramener ce ratio de 90 % à 50 % en 20 ans, avec une croissance du PIB en valeur de l'ordre de 4 %, il « suffit » que le déficit public ne soit pas supérieur à 1 point de PIB.

Un objectif d'équilibre absolu du solde public n'aurait de sens que si l'on souhaitait entraîner la disparition de la dette publique, ce qui ne paraît pas économiquement utile, et bouleverserait les marchés financiers.

b) Une règle qui doit être non manipulable

La règle doit être non manipulable.

En effet, l'expérience montre que les gouvernements successifs cherchent à s'émanciper à court terme des règles qu'ils édictent pour le long terme, et à manipuler les indicateurs. L'exemple des programmes de stabilité, dont aucun n'a été respecté depuis dix ans, montre bien cet état de fait. Au milieu des années 2000 46 ( * ) , alors que le dynamisme des recettes publiques était faible, et que par conséquent le déficit structurel évoluait défavorablement, le Gouvernement a estimé qu'il convenait de remplacer cette notion par celle d' « effort structurel », qui prenait en compte le seul impact des mesures discrétionnaires. Puis la notion de déficit structurel est revenue en grâce quand les recettes se sont remises à augmenter spontanément plus rapidement que le PIB. Avant la réforme du pacte de stabilité en 2005, la France avait l'habitude de minorer son déficit public en recourant à des mesures exceptionnelles, comme des « soultes ». Plus récemment, le Gouvernement a choisi d'interpréter les règles de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 relatives aux niches fiscales et sociales et aux mesures nouvelles sur les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale d'une manière qui les vide d'une grande part de leur contenu.

Dans les années qui viennent, la distinction entre les parts conjoncturelle et structurelle du déficit sera de fait impossible, faute de consensus sur le niveau structurel du PIB . Si la crise a réduit le PIB structurel, cela signifie que le déficit structurel a augmenté. Il est vraisemblable que si l'on adoptait une approche en termes d'équilibre structurel, les gouvernements successifs seraient enclins à exagérer la part conjoncturelle de leur déficit.

c) Trouver une notion plus opérationnelle que celles de solde structurel ou d'effort structurel

Dans son rapport relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2010, votre rapporteur général envisageait, à titre illustratif, que la France se dote d'une règle exprimée en termes d'effort structurel, c'est-à-dire d'impact cumulé sur le déficit public (exprimé en points de PIB) des mesures nouvelles sur les recettes et du différentiel entre la croissance des dépenses et la croissance du PIB.

En effet, la notion de solde structurel, plus couramment utilisée, est calculée en fonction d'hypothèses largement discrétionnaires de PIB structurel, qui peuvent conduire à des écarts de plusieurs points de PIB (surtout dans le contexte économique actuel, alors qu'il n'y a pas de consensus sur le caractère durable de la perte de PIB). L'effort structurel « neutralise » la question du PIB structurel (en ne raisonnant qu'en évolution par rapport à l'année précédente) et est conceptuellement beaucoup plus simple (en particulier, il ne fait pas appel à l'économétrie).

Cependant, il ne paraît pas possible de retenir une règle en termes d'effort structurel exprimée en tant que telle :

- elle serait incompréhensible pour l'opinion, en particulier parce qu'elle indique simplement une évolution, et ne fait jamais apparaître de « vrai niveau de déficit », comme celle de solde structurel ;

- elle susciterait d'inévitables polémiques sur le montant des mesures nouvelles sur les recettes. De telles polémiques ne se sont jusqu'à présent pas produites parce que ces estimations, cantonnées au fascicule « Voies et Moyens » et au rapport sur les prélèvements obligatoires, ne sont pas au coeur du débat budgétaire, mais la situation changerait alors.

La réflexion doit donc être poursuivie.

d) Assurer une mise en oeuvre effective de la règle

Pour qu'une telle règle soit appliquée, il faut tout d'abord que la dépense publique soit effectivement pilotée. On ne peut continuer, comme on le fait depuis dix ans, à faire de simples projections de solde public, reposant sur des hypothèses de dépenses dont le respect n'est pas considéré comme impératif. La norme de croissance des dépenses (qui, pour être applicable, semble devoir être exprimée en valeur, sur la base d'hypothèses d'inflation non manipulables 47 ( * ) , et éventuellement corrigée des fluctuations liées aux mécanismes d'indexation de certaines prestations 48 ( * ) ) doit avoir vocation à être respectée chaque année, non seulement pour l'Etat (comme c'est actuellement le cas), mais aussi pour la sécurité sociale. Il pourrait être envisagé de prévoir l'obligation, en cas de dérapage des dépenses, de prendre en cours d'année des mesures correctrices. Ces mesures pourraient être prévues ex ante par la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale, et n'être mises en oeuvre qu'en cas de dérapage 49 ( * ) . Si un dérapage sur l'année était malgré tout constaté a posteriori , des mesures correctrices devraient en tout état de cause être prises.

Pour être effectivement appliquée, une règle d'équilibre doit également avoir une valeur constitutionnelle ou organique. En effet, dans le cas contraire les gouvernements successifs auront toujours d'excellentes raisons pour s'en émanciper au moment présent. La Constitution ou la loi organique ne devrait pas fixer elle-même l'objectif de solde public à moyen terme, car un tel objectif est nécessairement politique. En revanche, elle devrait prévoir des règles, afin que le Conseil constitutionnel puisse vérifier que les grands équilibres prévus par les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale sont bien compatibles avec l'objectif fixé.

L'adoption d'un tel dispositif enverrait indéniablement un signal positif aux observateurs et aux marchés.

IV. LES DIFFICULTÉS ACTUELLES REMETTENT-ELLES EN CAUSE LA PERTINENCE DE LA MONNAIE UNIQUE ?

A. D'IMPORTANTES DIVERGENCES ÉCONOMIQUES DEPUIS LA MISE EN PLACE DE L'EURO

Malgré les politiques de convergence, caractérisée par le respect des critères de Maastricht, et de cohésion, dont les fonds structurels sont le principal instrument, d'importantes divergences économiques ont été constatées au sein de la zone monétaire.

Ainsi, depuis la mise en place de l'euro, certains Etats ont connu une inflation importante, qui s'est traduite par une perte de compétitivité, et donc par une dégradation de leur solde courant, comme l'indique le graphique ci-après.

Index des prix à la consommation harmonisé
(évolution en % par rapport à l'année précédente)

Solde du compte courant (en points de PIB)

Slovaquie

4,6

-6,9

Slovénie

4,4

-2,5

Grèce

3,5

-12,5

Espagne

3,3

-7,1

Irlande

3,1

-2,5

Luxembourg

3,0

9,6

Chypre

2,8

-7,7

Portugal

2,8

-9,3

Malte

2,6

-5,3

Italie

2,5

-1,4

Belgique

2,3

3,8

France

2,2

-1,2

Pays-Bas

2,0

7,2

Autriche

2,0

2,7

Allemagne

1,9

5,1

Finlande

1,6

5,2

Zone euro

2,3

0,3

* Le graphique ne prend pas en compte la Slovaquie et la Slovénie.

Source : d'après Eurostat

Les Etats les plus concernés par cette évolution défavorable sont la Grèce, l'Espagne, l'Irlande, Chypre et le Portugal.

A l'inverse, la politique conduite par l'Allemagne, caractérisée par la compression de ses coûts et des excédents commerciaux importants a ainsi pu être qualifiée par certains observateurs de non-coopérative, puisque construisant sa prospérité sur la demande intérieure et les déséquilibres de ses partenaires.

B. UN RISQUE DE DÉFLATION POUR LES ETATS « PÉRIPHÉRIQUES » ?

1. La zone euro prive les Etats de la possibilité de dévaluer, ce qui suscite un risque déflationniste

Les difficultés actuelles des Etats concernés sont parfois interprétés comme une remise en cause du bien-fondé de l'euro.

Tel est notamment le point de vue exprimé par M. Paul Krugman, prix Nobel d'économie, dans un article du New Yort Times 50 ( * ) , qui estime que l'euro « paraît maintenant avoir été une mauvaise idée précisément pour les raisons avancées par les sceptiques ». Selon cette analyse, l'euro, en empêchant les Etats de dévaluer, risquerait de les plonger dans la déflation. En effet, dès lors que la dévaluation n'est pas possible, leur compétitivité - qui s'est dégradée alors que l'afflux de capitaux entretenait l'inflation - ne peut être restaurée que par une modération des prix et des salaires, forcément douloureuse et potentiellement déflationniste.

Ce point de vue a également été récemment soutenu par M. Ambrose Evans-Pritchard dans le journal britannique Telegraph 51 ( * ) . Celui-ci rapporte des déclarations de Mme Carmen Reinhart, spécialiste reconnue des défauts des Etats, selon laquelle, faute de pouvoir réaliser une dévaluation de 20 % ou 25 %, les Etats d'Europe du sud seraient condamnés à sombrer dans la déflation. Si l'Irlande pourrait éviter le défaut grâce au dynamisme de son économie, tel ne serait pas le cas de la Grèce.

Si ces pays sombraient dans la déflation, leurs problèmes budgétaires s'en trouveraient considérablement accrus, alors que les taux d'intérêts réels seraient plus élevés, et l'effet « boule de neige » plus important.

2. La déflation est pour l'instant écartée par le consensus des conjoncturistes

L'avenir dira qui a raison. Une déflation serait probablement durable, et pourrait conduire à une « décennie perdue », comme le montre l'exemple du Japon dans les années 1990.

Le scénario de la déflation ne constitue cependant à ce stade qu'un aléa. Certes, en 2009 le PIB et les prix ont reculé en Irlande, en Espagne et au Portugal. Cependant, selon le consensus des conjoncturistes 52 ( * ) , cette situation ne devrait plus concerner que l'Irlande en 2010, et ne concernerait plus aucun pays en 2011 (même si la croissance de la Grèce demeurerait négative).

Les prévisions de croissance et d'inflation pour l'Irlande, l'Espagne, le Portugal et la Grèce

(en %)

Croissance

Inflation

Croissance et inflation négatives

2009

2010

2011

2009

2010

2011

2009

2010

2011

Irlande

-7,1

-1,1

2,4

-4,5

-0,7

1,3

X

X

Espagne

-3,6

-0,4

1

-0,3

1,3

1,6

X

Portugal

-2,7

0,5

1

-0,8

0,9

1,3

X

Grèce

-2

-2,6

-0,5

1,2

1,8

1,6

Source : d'après Consensus Forecasts, avril 2010

C. FAUT-IL REGRETTER L'IMPOSSIBILITÉ DE DÉVALUER ?

1. Les Etats concernés ont-ils réellement besoin d'une dévaluation ?

Par ailleurs, l'idée selon laquelle les Etats concernés auraient besoin d'une dévaluation ne fait pas consensus.

De fait, il n'est pas évident que l'on ait jamais vu d'Etat dont la croissance soit inférieure sur le long terme à sa croissance potentielle à cause d'un taux de change surévalué. Sur le long terme, la croissance d'une économie ne dépend pas de son taux de change, mais de la croissance de sa population active et de sa productivité par travailleur, qui ne découle du taux de change que de manière indirecte et non quantifiable.

Ainsi, l'économiste Jean-Marc Daniel écrit : « L'économie grecque n'a pas besoin de dévaluation ; sa croissance à long terme - comme dans tous les pays - repose moins sur ses exportations que sur le travail des Grecs. D'après l'OCDE, vu la situation de la productivité des entreprises grecques, la croissance potentielle y est de 4 % en volume par an d'ici à 2017 » 53 ( * ) .

De même, M. Patrick Artus estime, dans une récente note 54 ( * ) , que les problèmes de compétitivité des Etats d'Europe du sud proviennent non d'une compétitivité-coût insuffisante, mais de facteurs plus structurels (insuffisance de l'innovation, excès d'endettement). En particulier, Italie exceptée, le niveau des coûts unitaires de production est toujours plus bas dans les pays du Sud de la zone euro qu'en Allemagne ou en France.

Certes, ces points de vue ne sont valables qu'à long terme. A moyen terme, la nécessité de réaliser un ajustement budgétaire considérable, sans pouvoir déprécier la monnaie, place incontestablement les Etats concernés dans une situation difficile. Cependant, celle-ci ne provient pas de la monnaie unique en tant que telle, mais de ce qu'ils n'ont pas pris en compte le fait que celle-ci implique de garder une certaine « marge de manoeuvre » en matière budgétaire afin de ne pas se retrouver sans instrument de régulation conjoncturelle.

L'euro a favorisé pour certains Etats une croissance nettement supérieure à son potentiel pendant quelques années. Il ne faut pourtant pas perdre de vue que la forte croissance récente puis la crise actuelle ne trouvent pas leur cause dans l'euro, mais dans un cycle financier mondial. L'euro n'est pas responsable, en tant que tel, des difficultés de ces Etats, même s'il a probablement accentué les fluctuations de la croissance, à la hausse comme à la baisse.

2. Les avantages de l'absence de crise de changes

Par ailleurs, en l'absence de monnaie unique, la monnaie des Etats concernés se serait déjà fortement dépréciée, de manière non contrôlée, et ils supporteraient des taux d'intérêt nettement plus élevés.

Les problèmes actuellement posés par l'euro ne doivent pas faire oublier ceux qu'il permet d'éviter. Il n'est pas évident que l'Irlande et les Etats d'Europe du sud seraient actuellement dans une situation économique plus favorable en cas de crise de changes analogue à celle de 1991-1992.

En tout état de cause, il faut garder à l'esprit que la zone euro bénéficie depuis la fin de l'année 2009 de l'équivalent d'une dévaluation, puisque le taux de change contre le dollar ne cesse de se déprécier. Selon le Gouvernement 55 ( * ) , une variation de 10 % du taux de change de l'euro contre toutes les devises a un impact sur l'activité en France de l'ordre de 0,7 point la première année.

EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE - CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

ARTICLE 1ER - Création, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », d'une section nouvelle : « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro »

Commentaire : le présent article tend à créer, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », une nouvelle section intitulée « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro ». Ce nouvel instrument budgétaire est destiné à permettre à la France d'honorer ses engagements européens de soutien envers les États de la zone euro qui éprouveraient des difficultés d'accès aux marchés financiers et en pratique, dans l'immédiat, en faveur de la Grèce.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN COMPTE SPÉCIAL DÉDIÉ AUX PRÊTS DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Le compte de concours financiers intitulé « Prêts à des États étrangers » a été ouvert dans les écritures du Trésor, à compter du 1 er janvier 2006, par le IV de l'article 46 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2006, dans le cadre de la rénovation des outils budgétaires commandée par l'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

En effet, l'article 24 de la LOLF a unifié le régime des comptes de concours financiers de l'État (comptes spéciaux situés en dehors du budget général ) qui, sous l'empire de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, relevaient de deux catégories, les comptes d'avances et les comptes de prêts 56 ( * ) . Cet article dispose ainsi que « les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. »

Le compte « Prêts à des États étrangers » s'est substitué à deux comptes de prêts, clos au 31 décembre 2005 par le I de l'article 46 précité de la LFI pour 2006 : le compte n° 903-07, intitulé « Prêts du Trésor à des États étrangers et à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social », et le compte n° 903-17, intitulé « Prêts du Trésor à des États étrangers pour la consolidation de dettes envers la France ». Comme tel, il constitue actuellement un instrument d'aide publique au développement , retraçant les opérations de versement et de remboursement relatives aux prêts consentis, par la France, à d'autres États.

Ce compte comporte trois sections , correspondant aux trois types de prêts concernés jusqu'à présent :

- la première section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis à des États émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure . En pratique, ces prêts sont mis en place dans le cadre d'accords bilatéraux, au titre de la « Réserve pays émergents » (RPE), et la réalisation des infrastructures en cause doit faire appel à des biens et services d'origine française ;

- la deuxième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts accordés à des États étrangers pour la consolidation de leur dette envers la France . Ces opérations, qui résultent de l'exécution d'accords bilatéraux, participent notamment des traitements de dette consentis par notre pays dans le cadre du « Club de Paris 57 ( * ) ». Cependant, dans certains cas principalement pour des pays de la « zone de solidarité prioritaire » (ZSP) et des pays éligibles à l'initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE) , la France met en oeuvre des traitements de dette plus favorables que ceux qui ont été décidés en Club de Paris ;

- la troisième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts octroyés à l'Agence française de développement ( AFD ), en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers. Ces prêts sont consentis à l'AFD, par le Trésor, à des conditions très préférentielles. L'Agence utilise cette ressource pour adosser les prêts, très concessionnels, qu'elle accorde aux pays bénéficiaires de l'initiative « PPTE » précitée et, à titre subsidiaire, afin de constituer des provisions pour le risque commercial lié aux prêts concessionnels qu'elle consent au secteur extra-étatique.

Eu égard à la spécificité de son objet, le compte « Prêts à des États étrangers » est doté en LFI de crédits évaluatifs , conformément à l'article 24, précité, de la LOLF, et par exception à la règle de principe visant les comptes de concours financiers. Chaque année, des montants très variables transitent sur ce compte, en recettes comme en dépense, de l'ordre de 0,5 à 2 milliards d'euros environ, en fonction des prêts accordés.

Ainsi, en 2008, le compte a enregistré des recettes à hauteur de 1,1 milliard d'euros, pour des dépenses de près de 480 millions d'euros (en crédits de paiement), soit un solde positif de 660 millions d'euros. Actuellement, en raison du montant de prêts accordés pour les consolidations de dettes que retrace la deuxième section du compte, celui-ci présente une prévision de solde négatif pour 2010 , comme en 2009 . Le déficit a été évalué à près de 108 millions d'euros par la LFI pour 2010, contre près de 1,1 milliard d'euros en LFI pour 2009.

Équilibre du compte « Prêts à des États étrangers »

(en millions d'euros)

Sections

Exécution 2008

LFI 2009

LFI 2010

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Section 1

Prêts de la RPE

452,8

164,8

+ 289,0

450,0

180,0

+ 270,0

430,0

300,0

+ 130,0

Section 2

Prêts pour la consolidation de dettes

611,4

203,4

+ 407,9

488,9

1.808,9

1.320,0

54,3

229,0

174,6

Section 3

Prêts à l'AFD

76,5

111,6

35,1

111,0

159,0

+ 48,0

144,7

208,0

63,2

Total

1.140,7

479,8

+ 660,9

1.049,9

2.147,9

1.098,0

629,0

737,0

107,9

Sources : rapport annuel de performances pour 2008 et projet annuel de performances pour 2010 de la mission « Prêts à des États étrangers »

B. UNE MISSION STRUCTURÉE EN TROIS PROGRAMMES

Dans la nomenclature budgétaire, les dépenses du compte « Prêts à des États étrangers », par nature, relèvent exclusivement du titre 7 : il s'agit de dépenses d'opérations financières . La mission qui les retrace se compose de trois programmes , chacun constitué d'une action unique, dont les crédits sont destinés à couvrir, respectivement, les dépenses des trois sections précitées du compte 58 ( * ) :

- le programme 851, intitulé « Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents , en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure », correspond aux dépenses de la première section du compte. Un objectif de performance lui est associé, qui traduit directement la vocation des financements en cause : « permettre la réalisation de projets de développement durable dans les pays émergents, faisant appel au savoir-faire français ». L'indicateur prévu à cet égard rend compte de la mobilisation effective des fonds, en mesurant la part des protocoles de prêts signés au cours d'une année ayant donné lieu à l'imputation d'un contrat dans les deux ans après la signature 59 ( * ) ;

- le programme 852, intitulé « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France », correspond aux dépenses de la deuxième section du compte. L'objectif de performance qui lui est assigné consiste à « participer au rétablissement de la stabilité macro-économique et à la création de la croissance des pays en développement », ce qui constitue l'une des finalités poursuivies au travers de l'initiative « PPTE ». L'indicateur aménagé en la matière mesure la part des pays éligibles, pour lesquels la France faisait partie des cinq plus importants créanciers, qui ont bénéficié avec succès de cette initiative, c'est-à-dire ceux qui ont franchi le point d'achèvement de l'initiative tout en respectant le critère de « soutenabilité » de leur dette à la date impartie 60 ( * ) ;

- enfin, le programme 853, intitulé « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers », correspond aux dépenses de la troisième section du compte. On notera l'absence d'objectif de performance spécifique pour ce programme ; ce choix du Gouvernement a été fait en considérant que les performances de l'AFD se trouvent évaluées au travers des dispositifs ad hoc de la mission « Aide publique au développement », dans le budget général, en particulier au sein du programme 110, « Aide économique et financière au développement », que pilote le ministère chargé de l'économie.

Ces trois programmes sont mis en oeuvre par la direction générale du Trésor du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, avec le concours de la Banque de France en ce qui concerne le programme 852, visant les prêts pour la consolidation de dettes. Ils se trouvent sous la responsabilité du directeur général, actuellement M. Ramon Fernandez.

Globalement, la mission a représenté pour l'exercice 2008 une consommation de crédits à hauteur de 1,062 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 480 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Elle a été dotée par la LFI pour 2010 de 1,004 milliard d'euros en AE et de 737 millions d'euros en CP . Par rapport à la prévision inscrite en LFI pour 2009 (soit 2,879 milliards d'euros en AE et 2,148 milliards d'euros en CP), cette dotation correspond à une baisse des crédits de l'ordre des deux tiers.

Crédits de la mission « Prêts à des États étrangers »

(en millions d'euros)

Programmes

AE

CP

Exécution

2008

LFI

2009

LFI

2010

Exécution

2008

LFI

2009

LFI

2010

851 « Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure »

526

700

400

165

180

300

852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France »

218

1.809*

229

203

1.809*

229

853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers »

318

370

375

112

159

208

Total

1.062

2.879

1 .004

480

2.148

737

* : En LFI pour 2009, l'importance du montant inscrit sur le programme 852 était en partie liée au décalage, de 2008 à 2009, du processus d'annulation de dettes de la Côte d'ivoire et de la République démocratique du Congo (ce processus dépendant des relations de ces pays avec le Fonds monétaire international).

Sources : rapport annuel de performances pour 2008 de la mission « Prêts à des États étrangers », LFI pour 2009 et LFI pour 2010

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE SECTION DU COMPTE « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS », EN VUE DE CONTRIBUER À LA STABILITÉ FINANCIÈRE DE LA ZONE EURO

Le présent article tend à modifier le IV précité de l'article 46 de la LFI pour 2006, afin de créer, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » dont l'organisation a été présentée ci-dessus, une nouvelle et donc quatrième section, intitulée « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » .

Il est expressément prévu que cette quatrième section « retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro en vue de favoriser la stabilité financière au sein de la zone euro ».

Cette création, en effet, résulte des engagements pris par la France, au niveau européen, en termes de solidarité financière avec l'État grec . Il s'agit de doter notre pays de l'instrument budgétaire qui lui permettra d'honorer ces engagements avec la célérité requise, et partant de contribuer à la stabilité de la zone euro.

Les modalités du soutien financier prévu en faveur de la Grèce ont été retracées dans l'exposé général du présent rapport. Il convient ici de rappeler que, suivant les principes arrêtés par les États membres de la zone euro le 11 avril 2010, cette assistance, pouvant atteindre un maximum de 30 milliards d'euros dès 2010, consisterait en des prêts à un taux non concessionnel . Ce taux, suivant les conditions de marché du 9 avril 2010, atteindrait environ 5 % pour un prêt à taux fixe.

Plus généralement, et sur un plan encore théorique pour le moment, la nouvelle section créée dans le compte « Prêts à des États étrangers » mettra la France en position de satisfaire, le cas échéant, aux engagements du même type qu'elle serait amenée à prendre en faveur d ' États de la zone euro qui, comme la Grèce aujourd'hui, éprouveraient des difficultés d'accès aux marchés financiers. Cet outil constituerait le canal de l'assistance offerte, sous la forme de prêts, par notre pays.

B. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU PROGRAMME, CORRESPONDANT AUX DÉPENSES DE CETTE NOUVELLE SECTION

Le présent projet de loi de finances rectificative (PLFR) comporte, dans son annexe « Analyse par mission de la modification de crédit proposée par le projet de loi », la présentation du projet annuel de performances (PAP) du programme correspondant aux dépenses de la quatrième section du compte « Prêts à des États étrangers » que tend à créer le présent article 61 ( * ) .

À l'instar des trois programmes existants, ci-dessus présentés, de la mission « Prêts à des États étrangers », ce nouveau programme sera placé sous la responsabilité du directeur général du Trésor . Un objectif lui est assigné, conforme à l'objet du présent article : « mettre en oeuvre par une action coordonnée le mécanisme contribuant à la stabilité financière de la zone euro ». L'indicateur prévu tient au « taux de participation de la France dans le cadre d'une action coordonnée au versement des tranches acceptées par les États membres de la zone euro » ; la cible, en la matière, est de 100 %. Selon le commentaire fourni, « cet indicateur vise à mesurer que les opérations d'activation du mécanisme de stabilité financière revêtent bien un caractère collectif et que la France y participe effectivement ».

Le présent PLFR propose, sur ce programme, une ouverture de crédits , pour 2010 , à hauteur de 16,8 milliards d'euros en AE 62 ( * ) et de 3,9 milliards d'euros en CP . Cette mesure fait l'objet de l' article 3 .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale . Votre rapporteur général a détaillé son analyse au sein de l'exposé général du présent rapport ; il souligne à nouveau, ici, la légitimité et l'opportunité du dispositif ainsi proposé , qui vise à permettre à la France de mettre en oeuvre rapidement ses engagements dans le cadre du soutien financier décidé par les États membres de la zone euro en faveur de l'État grec, pour assurer la stabilité de la zone.

Du reste, il convient de noter que la nouvelle section proposée et le programme correspondant aux dépenses de cette dernière, du fait de leur objet inédit, évidemment distinct des enjeux habituels de la politique de coopération des prêts consentis aux États membres de la zone euro, dans l'immédiat la Grèce, afin de favoriser la stabilité financière de cette zone entraîneront de facto un changement partiel dans la vocation du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et de la mission afférente, jusqu'à présent dédiés de façon exclusive à des opérations ressortant au domaine de l'aide publique au développement. Toutefois, du point de vue formel, ce compte et la mission constituent bien les supports budgétaires adéquats pour retracer les opérations prévues.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES A L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

ARTICLE 2 - Equilibre général du budget, trésorerie et plafond d'autorisation des emplois

Commentaire : le présent article traduit l'incidence sur l'équilibre prévisionnel du budget 2010 des dispositions proposées par le présent projet de loi de finances rectificative.

Le présent projet de loi de finances rectificative n'apporte pas de modification au volet « dépenses » de la loi de finances pour 2010. En revanche, il propose des modifications :

- au volet « recettes », qui sont revalorisées de 900 millions d'euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de façon à tenir compte des conclusions de l'analyse de l'exécution 2009 ;

- au solde des comptes spéciaux du Trésor , qui est dégradé de 3,9 milliards d'euros en raison de l'ouverture de crédits sur le compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers ».

Le déficit budgétaire s'en trouve majoré de 3 milliards d'euros et atteint 152 milliards d'euros , un montant supérieur de près de 30 % à celui fixé en loi de finances initiale et de 10 % à celui constaté en 2009.

Le tableau de financement, qui figure au II du présent article, tire les conséquences de cette dégradation sur le besoin de financement de l'Etat en 2010, qui passe de 236,1 milliards d'euros dans le tableau issu de la première loi de finances rectificative pour 2010 à 239,1 milliards d'euros, soit un montant supérieur de 12 % à celui figurant dans la loi de finances initiale pour 2010.

Evolution du tableau de financement de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

L'accroissement de 3 milliards d'euros du besoin de financement n'est pas financé par une augmentation de l'emprunt, mais par des ressources de trésorerie :

- la prévision de variation du compte au Trésor est majorée de 600 millions d'euros, pour tenir compte de rachats de dette intervenus depuis le début de l'année ;

- les « autres ressources de Trésorerie » sont majorées de 2,4 milliards d'euros pour tirer les conséquences de l'écart intervenu depuis le début de l'année entre les primes et les décotes enregistrées lors d'émissions nouvelles sur des souches existantes 63 ( * ) .

Par conséquent, le plafond de la variation nette de la dette à moyen et long termes , qui correspond à la différence entre le montant du déficit et celui des amortissements, reste au niveau résultant de la première loi de finances rectificative pour 2010, soit 105 milliards d'euros .

Evolution du plafond de variation de la dette à moyen et long termes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

SECONDE PARTIE - MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPECIALES
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2010
CRÉDITS DES MISSIONS

ARTICLE 3 A (NOUVEAU) - Ouvertures et annulations de crédits

Commentaire : le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, reprend les mouvements de crédits proposés par le projet de décret d'avance relatif au financement des opérations d'urgence en Haïti et à l'indemnisation des collectivités touchées par la tempête Xynthia.

I. LA TRADUCTION ANTICIPÉE DU PROJET DE DÉCRET D'AVANCE TRANSMIS POUR AVIS AUX COMMISSIONS DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET DU SÉNAT LE 19 AVRIL DERNIER

Le I du présent article propose d' ouvrir , au titre des missions du budget général pour 2010, des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) supplémentaires s'élevant respectivement à 105 millions d'euros et à 75 millions d'euros . Comme le précise l'Etat B annexé au présent projet de loi de finances rectificative, modifié par coordination par l'Assemblée nationale, trois missions sont concernées par ces ouvertures de crédits :

- « Aide publique au développement », au titre du financement des opérations d'urgence en faveur de la reconstruction d'Haïti (45.millions d'euros en AE et 35 millions d'euros en CP) ;

- « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », au titre du financement des conséquences de la tempête Xynthia pour l'agriculture, la pêche et l'aquaculture (35 millions d'euros en AE et CP) ;

- « Relations avec les collectivités territoriales », au titre de l'indemnisation des collectivités territoriales touchées par la tempête Xynthia (25 millions d'euros en AE et 5 millions d'euros en CP).

A titre de gage, le II du présent article propose d' annuler les mêmes montants d'AE et de CP sur vingt-quatre missions du budget général ( cf . tableau ci-après).

Le présent article reprend ainsi, dans une large mesure, les mouvements de crédits proposés par le projet de décret d'avance transmis, pour avis, aux deux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, le 19 avril 2010. L'opportunité qu'offre l'examen du présent projet de loi de finances rectificative et sa perspective d'une adoption rapide ont conduit le Gouvernement, conformément au souhait de M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, à préférer un « passage » par voie législative plutôt que par voie de décret d'avance pour retracer ces mouvements de crédits.

L'impact du présent article sur les missions du budget général

Source : commission des finances

II. UNE PRISE EN COMPTE DE L'AVIS ÉMIS PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES SUR LE PROJET DE DÉCRET D'AVANCES

Votre commission des finances note, avec satisfaction, que le présent article tient compte de l'avis émis par celle-ci le 26 avril dernier sur le projet de décret d'avance transmis par le Gouvernement .

Dans son avis 64 ( * ) , votre commission des finances n'avait pas contesté l'urgence à ouvrir, au titre du financement d'opérations en faveur de la reconstruction d'Haïti et des dépenses relatives aux conséquences de la tempête Xynthia, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement correspondants. En effet, ces deux événements, dont le caractère imprévisible ne fait aucun doute et qui ont eu des conséquences dramatiques, sont survenus respectivement aux mois de janvier et de février 2010. Ils ne pouvaient donc être pris en compte au moment de l'élaboration et de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.

En revanche, votre commission des finances avait émis de fortes réserves sur la demande d'ouvertures de crédits, à hauteur de 600.000 euros, destinées au remboursement des frais d'hospitalisation de Français à l'étranger . Les frais dont il était demandé une prise en charge à titre exceptionnel par l'Etat avaient en effet été engagés aux mois d'octobre 2007 et de janvier 2009. Ces dépenses étaient donc connues au moment de l'élaboration et de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2010, puisque le ministère chargé de la santé avait accordé une autorisation préalable de prise en charge. Ces dépenses ne pouvaient donc être considérées comme imprévisibles. Quant à leur caractère urgent, il ne résultait que de la non-inscription de dotations correspondantes dans la loi de finances pour 2010. Votre commission des finances regrettait, enfin, que seule la moitié des dépenses concernées ait pu être justifiée de façon précise.

Le Gouvernement tient ainsi compte des observations de votre commission puisque si le présent article traduit les ouvertures de crédits demandées au titre du financement d'opérations en faveur de la reconstruction d'Haïti et des dépenses relatives aux conséquences de la tempête Xynthia, il ne retrace pas, en revanche, la demande d'ouvertures de crédits destinées au remboursement des frais d'hospitalisation de Français à l'étranger.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 - Compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » : ouverture de crédits

Commentaire : le présent article vise à ouvrir, sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,9 milliards d'euros en crédits de paiement, en vue de permettre à la France d'honorer ses engagements dans le cadre du soutien financier décidé par les États membres de la zone euro en faveur de l'État grec.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'organisation du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et de la mission correspondant aux dépenses de ce compte a été présentée, ci-dessus, au sein du commentaire de l'article 1 er du présent PLFR. Il est rappelé que cet article tend à créer, au sein du compte précité, une nouvelle section, intitulée « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » . Cet instrument budgétaire donnera à la France la capacité de mettre en oeuvre, avec la rapidité nécessaire, les engagements pris dans le cadre du plan de soutien financier de la Grèce par les États membres de la zone euro , pour favoriser la stabilité de celle-ci, et au-delà, éventuellement, au bénéfice d'autres États de la zone qui éprouveraient des difficultés d'accès aux marchés financiers.

Le présent article constitue le « second temps » logique de cette mesure. En effet, il vise à ouvrir sur le compte « Prêts à des États étrangers », au titre de la nouvelle section « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » ainsi créée et du programme retraçant ses dépenses, 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Conformément à l'article 24 de la LOLF, il s'agit de crédits évaluatifs .

Suivant les éléments de justification figurant dans l'exposé général des motifs du présent PLFR, ce montant de crédits, en ce qui concerne les AE , correspond à l' application pour la France de la clé de répartition définie par l'accord conclu entre les États membres de zone euro 65 ( * ) au montant maximal de la contribution de ces derniers afin de soutenir la Grèce, soit 80 milliards d'euros sur trois ans. Les modalités de calcul de ce montant d'AE et de celui des CP ont été explicitées dans l'exposé général (cf. page 43 du présent rapport).

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le montant des autorisations d'engagement ouvertes par le présent article à hauteur de 16,8 milliards d'euros résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale. Le texte initial prévoyait en effet un montant limité à 6,3 milliards d'euros, mais pour l'année 2010 seulement, alors que le nouveau montant vise une période de trois années (2010-2012). Les CP correspondant seront décaissés de façon progressive, en commençant par un paiement de 3,9 milliards d'euros en 2010.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général a détaillé l'analyse du présent article au sein de l'exposé général du présent rapport. Il se bornera ici à souligner la nécessité de l'ouverture de crédits proposée , afin de permettre à la France d'honorer rapidement ses engagements dans le cadre du soutien financier décidé par les États membres de la zone euro en faveur de l'État grec, à hauteur des besoins de financement de celui-ci, en vue d'assurer la stabilité de la zone.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ANNEXE I

I. LES FINANCES PUBLIQUES DES ETATS DE L'UNION EUROPÉENNE

Solde public

(en points de PIB)

Moyennes sur 5 ans

2005

2006

2007

2008

2009

1992-96

1997-01

2002-06

Belgique

-5,4

-0,7

-0,6

-2,7

0,3

-0,2

-1,2

-6

Allemagne

-3

-1,6

-3,3

-3,3

-1,6

0,2

0

-3,3

Irlande

-1,7

2,4

1,2

1,7

3

0,1

-7,3

-14,3

Grèce

-9,6

-4,2

-5,2

-5,2

-3,6

-5,1

-7,7

-13,6

Espagne

-5,6

-1,9

0,4

1

2

1,9

-4,1

-11,2

France

-4,9

-2,1

-3,2

-2,9

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

Italie

-8,3

-2,2

-3,5

-4,3

-3,3

-1,5

-2,7

-5,3

Chypre

:

-3,6

-3,7

-2,4

-1,2

3,4

0,9

-6,1

Luxembourg

1,6

4,5

0,6

0

1,4

3,6

2,9

-0,7

Malte

:

-7,6

-5,1

-2,9

-2,6

-2,2

-4,5

-3,8

Pays-Bas

-3,3

0

-1,3

-0,3

0,5

0,2

0,7

-5,3

Autriche

-4,1

-1,6

-1,9

-1,6

-1,5

-0,4

-0,4

-3,4

Portugal

-4,7

-3,4

-3,8

-6,1

-3,9

-2,6

-2,8

-9,4

Slovénie

:

-2,9

-2

-1,4

-1,3

0

-1,7

-5,5

Slovaquie

:

-7,6

-3,9

-2,8

-3,5

-1,9

-2,3

-6,8

Finlande

-5,8

2,8

3,2

2,8

4

5,2

4,2

-2,2

Zone euro

-5

-1,6

-2,5

-2,5

-1,3

-0,6

-2

-6,3

Bulgarie

:

1,4

1,1

1,9

3

0,1

1,8

-3,9

République tchèque

:

-4,4

-4,5

-3,6

-2,6

-0,7

-2,7

-5,9

Danemark

-2,5

1

2,6

5,2

5,2

4,8

3,4

-2,7

Estonie

:

-0,5

1,5

1,6

2,5

2,6

-2,7

-1,7

Lettonie

:

-1,5

-1,2

-0,4

-0,5

-0,3

-4,1

-9

Lituanie

:

-4,9

-1,1

-0,5

-0,4

-1

-3,3

-8,9

Hongrie

:

-5,3

-8

-7,9

-9,3

-5

-3,8

-4

Pologne

:

-3,9

-4,9

-4,1

-3,6

-1,9

-3,7

-7,1

Roumanie

:

-4

-1,6

-1,2

-2,2

-2,5

-5,4

-8,3

Suède

-7,7

1,2

0,7

2,3

2,5

3,8

2,5

-0,5

Royaume-Uni

-6,1

0,6

-2,9

-3,4

-2,7

-2,8

-4,9

-11,5

Union européenne

:

-1,4

-2,5

-2,4

-1,4

-0,8

-2,3

-6,8

Sources : prévisions économiques de la Commission européenne de l'automne 2009 (1992-2005) ; chiffres publiés par Eurostat le 22 avril 2010 (2006-2009)

Dette publique brute

(en points de PIB)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Belgique

103,2

98,3

93,9

92,1

88,1

84,2

89,8

96,7

Allemagne

60,3

63,8

65,6

68

67,6

65

66

73,2

Irlande

32,2

31

29,4

27,6

24,9

25

43,9

64

Grèce

101,5

97,3

98,6

100

97,8

95,7

99,2

115,1

Espagne

52,5

48,7

46,2

43

39,6

36,2

39,7

53,2

France

58,8

62,9

64,9

66,4

63,7

63,8

67,5

77,6

Italie

105,7

104,4

103,8

105,8

106,5

103,5

106,1

115,8

Chypre

64,6

68,9

70,2

69,1

64,6

58,3

48,4

56,2

Luxembourg

6,5

6,2

6,3

6,1

6,5

6,7

13,7

14,5

Malte

60,1

69,3

72,5

70,2

63,7

61,9

63,7

69,1

Pays-Bas

50,5

52

52,4

51,8

47,4

45,5

58,2

60,9

Autriche

66,4

65,4

64,8

63,9

62,2

59,5

62,6

66,5

Portugal

55,5

56,9

58,3

63,6

64,7

63,6

66,3

76,8

Slovénie

28,1

27,5

27,2

27

26,7

23,4

22,6

35,9

Slovaquie

43,4

42,4

41,4

34,2

30,5

29,3

27,7

35,7

Finlande

41,3

44,4

44,2

41,8

39,7

35,2

34,2

44

Zone euro

68

69,1

69,5

70,1

68,3

66

69,4

78,7

Bulgarie

53,6

45,9

37,9

29,2

22,7

18,2

14,1

14,8

République tchèque

28,5

30,1

30,4

29,7

29,4

29

30

35,4

Danemark

46,8

45,8

44,5

37,1

32,1

27,4

34,2

41,6

Estonie

5,6

5,5

5

4,6

4,5

3,8

4,6

7,2

Lettonie

13,5

14,6

14,9

12,4

10,7

9

19,5

36,1

Lituanie

22,3

21,1

19,4

18,4

18

16,9

15,6

29,3

Hongrie

55,6

58,4

59,1

61,8

65,6

65,9

72,9

78,3

Pologne

42,2

47,1

45,7

47,1

47,7

45

47,2

51

Roumanie

24,9

21,5

18,7

15,8

12,4

12,6

13,3

23,7

Suède

52,6

52,3

51,2

51

45,7

40,8

38,3

42,3

Royaume-Uni

37,5

38,7

40,6

42,2

43,5

44,7

52

68,1

Union européenne

60,3

61,7

62,1

62,7

61,4

58,8

61,6

73,6

Sources : prévisions économiques de la Commission européenne de l'automne 2009 (1992-2005) ; chiffres publiés par Eurostat le 22 avril 2010 (2006-2009)

II. LES PRINCIPALES DÉCLARATIONS RELATIVES À L'AIDE À LA GRÈCE

A. DÉCLARATION PAR LES CHEFS D'ETAT OU DE GOUVERNEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE (11 FÉVRIER 2010)

DÉCLARATION PAR LES CHEFS D'ETAT OU DE GOUVERNEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

Tous les membres de la zone euro doivent mener des politiques nationales saines conformes aux règles agréées. Ils ont une responsabilité partagée pour la stabilité économique et financière dans la zone.

Dans ce contexte, nous soutenons pleinement les efforts du Gouvernement grec et son engagement pris aujourd'hui de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l'adoption de mesures additionnelles, pour garantir que les objectifs ambitieux définis dans le programme de stabilité pour 2010 et les années suivantes soient atteints. Nous appelons le Gouvernement à mettre en oeuvre l'ensemble de ces mesures de façon rigoureuse et déterminée afin de réduire effectivement le déficit budgétaire de 4 % en 2010.

Nous invitons le Conseil Ecofin à adopter lors de sa réunion du 16 février les recommandations à la Grèce, sur la base de la proposition de la Commission et des mesures additionnelles annoncées par la Grèce.

La Commission surveillera étroitement la mise en oeuvre de ces recommandations en liaison avec la BCE et proposera les mesures additionnelles nécessaires en s'appuyant sur l'expertise technique du FMI. Une première évaluation sera faite en mars.

Les Etats membres de la zone euro prendront des mesures déterminées et coordonnées, si nécessaire, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble. Le Gouvernement grec n'a demandé aucun soutien financier.

B. DÉCLARATION DES CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DE LA ZONE EURO (25 MARS 2010)

DÉCLARATION DES CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DE LA ZONE EURO

Nous réaffirmons que tous les membres de la zone euro doivent mener des politiques nationales saines conformes aux règles agréées. Ils ont une responsabilité partagée pour la stabilité économique et financière dans la zone.

Nous soutenons pleinement les efforts du Gouvernement grec et saluons les mesures additionnelles annoncées le 3 mars qui permettront d'atteindre les objectifs budgétaires pour 2010.

Nous reconnaissons que les autorités grecques ont pris des actions ambitieuses et résolues qui devraient permettre à la Grèce de retrouver la pleine confiance des marchés.

Les mesures de redressement prises par la Grèce constituent une contribution importante au renforcement de la soutenabilité budgétaire et de la confiance des marchés. Le Gouvernement grec n'a demandé aucune aide financière. Par conséquent, aujourd'hui, aucune décision n'a été prise pour activer le mécanisme décrit ci-dessous.

Dans ce contexte, nous réaffirmons notre volonté de prendre, si nécessaire, des mesures déterminées et coordonnées, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble, tel que décidé le 11 février.

Dans le cadre d'un accord comprenant une implication financière substantielle du Fonds monétaire international et une majorité de financement européen, nous sommes prêts à contribuer à des prêts bilatéraux coordonnés.

Ce mécanisme, complétant un financement du Fonds monétaire international, doit être considéré comme un dernier recours, ce qui signifie en particulier que le financement de marché est insuffisant. Les déboursements des prêts bilatéraux seraient décidés par les États membres de la zone euro à l'unanimité et soumis à de fortes conditionnalités, sur la base d'une évaluation menée par la Commission européenne et la BCE. Nous nous attendons à ce que les États membres de la zone euro participent au prorata de leur part au capital de la BCE.

L'objectif de ce mécanisme ne sera pas de fournir un financement au taux moyen des emprunts des pays de la zone euro, mais comportera des incitations pour retourner vers des financements de marché le plus vite possible par une tarification adéquate du risque. Les taux d'intérêt seront non concessionnels, c'est-à-dire qu'ils ne contiendront aucun élément de subvention. Les décisions prises dans ce cadre seront pleinement compatibles avec le traité et les législations nationales.

Nous réaffirmons notre engagement à mettre en oeuvre des politiques économiques destinées à restaurer une croissance forte, stable et durable afin de favoriser les créations d'emplois et la cohésion sociale.

En outre, nous nous engageons à promouvoir une forte coordination des politiques économiques en Europe. Nous considérons que le Conseil européen doit renforcer le gouvernement économique de l'Union européenne et nous proposons de renforcer son rôle dans la coordination macroéconomique et la définition d'une stratégie de croissance européenne.

La situation actuelle démontre le besoin de renforcer et de compléter le cadre existant pour assurer la soutenabilité budgétaire dans la zone euro et de renforcer sa capacité à agir en temps de crise.

Pour le futur, la surveillance des risques économiques et budgétaires et les instruments de leur prévention, y compris la procédure pour déficit excessif, doivent être renforcés. En outre, nous devons disposer d'un cadre robuste pour la résolution des crises, respectant le principe de la responsabilité budgétaire de chaque État membre.

Nous demandons au Président du Conseil européen d'établir, en coopération avec la Commission, un groupe de travail avec les États membres, la présidence tournante et la BCE pour présenter au Conseil, avant la fin de l'année, les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif, en explorant toutes les options pour renforcer le cadre juridique.

C. DÉCLARATION DES CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DE LA ZONE EURO (11 AVRIL 2010)

Texte original (en anglais) 66 ( * )

STATEMENT ON THE SUPPORT TO GREECE BY EURO AREA MEMBERS STATES

Following the statement by the Heads of State and Government of the Euro area on 25 March, Euro area Members States have agreed upon the terms of the financial support that will be given to Greece, when needed, to safeguard financial stability in the Euro area as a whole.

Euro area Members States are ready to provide financing via bilateral loans centrally pooled by the European Commission as part of a package including International Monetary Fund financing.

The Commission, in liaison with the ECB, will start working on Monday April 12th, with the International Monetary Fund and the Greek authorities on a joint programme (including amounts and conditionality, building on the recommendations adopted by the Ecofin Council in February). In parallel, Euro area Members States will engage the necessary steps, at national level, in order to be able to deliver a swift assistance to Greece.

Euro area Member States will decide the activation of the support when needed and disbursements will be decided by participating Member States. The programme will cover a three-year period. The euro area Member States are ready to contribute for their part up to € 30 billion in the first year to cover financing needs in a joint programme to be designed with and cofinanced by the IMF. Financial support for the following years will be decided upon the agreement of the joint programme

In order to set incentives for Greece to return to market financing, Euro area Members States loans will be granted on non-concessional interest rates. The pricing formula used by the IMF is an appropriate benchmark for setting Euro area Members States bilateral loan conditions, albeit with some adjustments. Variable rate loans will be based on 3-month Euribor. Fixed-rate loans will be based upon the rates corresponding to Euribor swap rates for the relevant maturities. A charge of 300 basis points will be applied. A further 100 basis points are charged for amounts outstanding for more than 3 years. In conformity with IMF charges, a one-off service fee of maximum 50 basis points will be charged to cover operational costs.

For instance, as of April 9th, for a three year fixed-rate loan granted to Greece, the rate would be around 5 %.

The Eurogroup is confident that the determined efforts of the Greek authorities and of its European Partners will allow to overcome the fiscal and structural challenges of the Greek economy. In this context, the Eurogroup welcomes the budget execution in the first months of the year, which shows that the measures taken so far are bearing fruit.

Traduction par la commission des finances

DÉCLARATION SUR LE SOUTIEN DE LA GRÈCE PAR LES ETATS MEMBRES DE LA ZONE EURO

A la suite de la déclaration des chefs d'Etat et de Gouvernement du 25 mars, les Etats membres de la zone euro sont convenus des termes du soutien financier qui sera accordé à la Grèce, en tant que de besoin, pour garantir la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble.

Les Etats membres de la zone euro sont prêts à fournir un financement par des prêts bilatéraux coordonnés par la Commission européenne et faisant partie d'un ensemble comprenant un financement du Fonds monétaire international.

La Commission, en liaison avec la BCE, commencera à travailler le lundi 12 avril avec le Fonds monétaire international et les autorités grecques sur un programme conjoint (comprenant les montants et la conditionnalité prévus par les recommandations adoptées par le Conseil Ecofin en février). Parallèlement, les Etats membres de la zone euro prendront les mesures nécessaires, au niveau national, pour être en mesure de délivrer une assistance rapide à la Grèce.

Les Etats membres de la zone euro décideront de l'activation du mécanisme de soutien en tant que de besoin et les déboursements seront décidés par les Etats membres participants. Le programme couvrira une période de trois ans. Les Etats membres de la zone euro sont prêts à contribuer pour leur part jusqu'à 30 milliards d'euros la première année pour couvrir les besoins de financement dans un programme conjoint devant être élaboré avec le FMI et cofinancé par celui-ci. Le soutien financier pour les années suivantes sera décidé en fonction de l'accord sur le programme conjoint.

Pour inciter la Grèce à retourner au financement de marché, les prêts des Etats membres de la zone euro seront accordés à des taux d'intérêt non concessionnels. La formule de rémunération utilisée par le FMI est un modèle approprié pour déterminer les conditions de prêt des Etats membres de la zone euro, bien qu'avec quelques ajustements. Les prêts à taux variable reposeront sur le taux Euribor à 3 mois. Les prêts à taux fixe reposeront sur le taux Euribor swappé sur la maturité souhaitée. Une commission de 300 points de base est appliquée. Une commission supplémentaire de 100 points de base est appliquée sur le capital restant dû au-delà de trois ans. Comme dans le cas du FMI, une commission temporaire d'au maximum 50 points de base est appliquée pour couvrir les coûts opérationnels du soutien.

Par exemple, dans les conditions de marché du 9 avril, pour un prêt à taux fixe à trois ans, le taux serait d'environ 5 %.

L'Eurogroupe est confiant dans le fait que les efforts déterminés des autorités grecques et de leurs partenaires européens permettront de relever les défis budgétaires et structurels de l'économie grecque. Dans ce contexte, l'Eurogroupe se félicite de l'exécution budgétaire des premiers mois de l'année, qui montre que les mesures prises à ce stade portent leurs fruits.

D. DÉCLARATION DES MINISTRES DE L'EUROGROUPE (2 MAI 2010)

Texte original (en anglais) 67 ( * )

STATEMENT BY THE EUROGROUP

Eurogroup Ministers concur with the Commission and the ECB that market access for Greece is not sufficient and that providing a loan is warranted to safeguard financial stability in the euro area as a whole. Following a request by the Greek authorities, euro area Ministers unanimously agreed today to activate stability support to Greece via bilateral loans centrally pooled by the European Commission under the conditions set out in their statement of 11 April. Parliamentary approval, needed in some Member States prior to the release of the first tranche, is expected to follow swiftly.

The Eurogroup is confident that the ambitious fiscal adjustment and comprehensive structural reforms under the Greek authorities' programme are appropriate to stabilise the fiscal and economic situation and address the fiscal and structural challenges of the Greek economy in a decisive manner. The programme is supported by strong conditionality. It will thereby also help restore confidence and safeguard financial stability in the euro area.

In the context of a three year joint programme with the IMF, the financial package makes available € 110 billion to help Greece meet its financing needs, with euro area Member States ready to contribute for their part € 80 billion, of which up to € 30 billion in the first year. The first disbursements will be made available before the payment obligations of the Greek government fall due on 19 May.

Euro area financial support will be provided under strong policy conditionality, on the basis of a programme which has been negotiated with the Greek authorities by the Commission and the IMF, in liaison with the ECB. The programme has been approved by the Greek Council of Ministers on 2 May and endorsed by the Eurogroup on the basis of a Commission and ECB assessment.

In this context, the Eurogroup welcomes the efforts to date by the Greek Government to resolutely address the fiscal imbalances as well as the new measures announced today in the framework of a three-year programme agreed with the European Commission, the ECB and the IMF, which is also announcing its staff-level agreement with Greece on a standby arrangement.

The main elements of policy conditionality, as endorsed today, will be enshrined in a Council Decision under Articles 126 and 136 TFEU to be formally adopted in the coming days and further detailed in a Memorandum of Understanding, to be concluded between the Greek authorities and the Commission on behalf of euro area Member States.

Traduction par la commission des finances

DÉCLARATION DE L'EUROGROUPE

Les ministres de l'Eurogroupe considèrent, comme la Commission et la BCE, que l'accès au marché de la Grèce n'est pas suffisant et qu'il est nécessaire de lui fournir un prêt pour sauvegarder la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble. A la suite d'une demande des autorités grecques, les ministres de la zone euro sont unanimement convenus aujourd'hui d'activer le mécanisme de soutien financier à la Grèce par des prêts bilatéraux coordonnés par la Commission européenne dans les conditions prévues par leur déclaration du 11 avril. L'approbation par le Parlement, nécessaire dans certains Etats membres préalablement au versement de la première tranche, doit suivre rapidement.

L'Eurogroupe est confiant dans le fait que l'ajustement budgétaire ambitieux et les réformes structurelles couvrant un champ très large prévus par le programme des autorités grecques permettront de stabiliser la situation budgétaire et économique et d'affronter les défis budgétaires et structurels de l'économie grecque d'une façon décisive. Le programme est renforcé par une forte conditionnalité. Il permettra par conséquent aussi de restaurer la confiance et de sauvegarder la stabilité financière de la zone euro.

Dans le cadre d'un effort conjoint de trois ans avec le FMI, le dispositif financier rend disponibles 110 milliards d'euros pour aider la Grèce à satisfaire ses besoins financiers, les Etats membres de la zone euro étant prêts à contribuer en ce qui les concerne pour 80 milliards d'euros, dont 30 milliards d'euros la première année. Les premiers versements seront effectués avant les tombées de dette de l'Etat grec le 19 mai.

Le soutien financier de la zone euro sera accordé sous une forte conditionnalité politique, sur la base d'un programme qui a été négocié avec les autorités grecques par la Commission et le FMI, en liaison avec la BCE. Le programme a été approuvé par le conseil des ministres grec du 2 mai et adopté par l'Eurogroupe sur la base d'une évaluation de la Commission et de la BCE.

Dans ce contexte, l'Eurogroupe se félicite des efforts accomplis à ce jour par le Gouvernement grec pour s'attaquer résolument aux déséquilibres budgétaires ainsi qu'aux nouvelles mesures annoncées aujourd'hui dans le cadre d'un programme de trois ans convenu avec la Commission européenne, la BCE et le FMI, qui annonce également que ses services sont convenus avec la Grèce des termes d'un accord de confirmation.

Les principaux éléments de conditionnalité politique, tels qu'adoptés aujourd'hui, seront inclus dans une Décision du Conseil sur la base des articles 126 et 136 du TFUE devant être adoptée formellement dans les prochains jours, et davantage détaillés dans un Memorandum of Understanding devant être conclu entre les autorités grecques et la Commission au nom des Etats membres de la zone euro.

ANNEXE II : TRAVAUX PRÉPARATOIRES DE LA COMMISSION

I. COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES DE M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR GÉNÉRAL, SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU PORTUGAL (24 MARS 2010)

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini a tout d'abord insisté sur la nécessité de multiplier les contacts bilatéraux entre les Etats de la zone euro dont la caractéristique est de partager une monnaie unique sans gouvernement économique. Il est essentiel d'évaluer dans quelle mesure la crise remet en cause la nécessaire convergence économique et sociale entre les pays membres de la zone euro. Le Portugal est actuellement mis à l'épreuve par les marchés et par les agences de notation, dans un contexte d'instabilité politique interne, le Gouvernement ne disposant pas de majorité absolue au Parlement et l'opposition étant en phase de sélection de son chef de file.

Il s'est déclaré convaincu que la situation actuelle du Portugal n'expose pas la zone euro à un risque systémique. Une éventuelle -et improbable- crise des finances publiques aurait des conséquences limitées sur le secteur bancaire, qui ne détient aujourd'hui que 8 milliards d'euros de titres de dette portugaise. A titre de comparaison, les banques grecques ont dans leur portefeuille 40 milliards d'euros de dette grecque. Pour les créanciers extérieurs du Portugal, qui détiennent 83 % de sa dette publique, le risque est limité par la faible part que représentent les titres portugais dans leurs actifs. En tout état de cause, les déséquilibres des finances publiques portugaises sont connus et les données statistiques transmises à Eurostat peuvent raisonnablement être considérées comme fiables. En s'inspirant du dispositif institué au Portugal en 2008, il serait souhaitable d'étudier un accroissement du rôle des banques centrales nationales, qui sont indépendantes, dans l'élaboration des données transmises à Eurostat par les Etats de la zone euro.

M. Philippe Marini , rapporteur général, a constaté que le Portugal est avant tout victime d'une crise de l'économie réelle, due principalement à la chute de ses exportations. Son système bancaire a résisté à la crise et a peu eu recours aux facilités de refinancement proposées par la Banque centrale européenne. Les crédits bancaires ont continué de progresser pendant la crise, contrairement à la tendance moyenne constatée dans la zone euro. Aucune bulle financière, immobilière notamment, n'a été constatée.

Le rapporteur général a relevé que, en 2009, l'ampleur de la récession a été moins importante que celle constatée chez nombre de ses partenaires, avec un taux de croissance négatif qui s'établit à - 2,7 % contre - 4,1 % en moyenne dans la zone euro. Cependant, le taux de croissance constaté depuis 2005 est inférieur à la moyenne de la zone, et les perspectives retenues par le programme de stabilité pour les années 2010 à 2013 sont moins élevées.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que le Portugal a déjà, de 2005 à 2008, conduit avec succès un ajustement budgétaire important, son déficit public passant de 6,1 % du produit intérieur brut (PIB) à 2,7 %. Les autorités portugaises sont aujourd'hui contraintes de demander à leurs citoyens, et d'assumer politiquement, un deuxième effort important. En 2009, le déficit portugais s'établissait à 9,3 % du PIB, contre 7,9 % en France, 12,7 % en Grèce et, pour l'année fiscale 2009-2010, 12,7 % au Royaume-Uni. Le niveau d'endettement public rapporté au PIB, qui s'établissait en 2009 à 77 %, soit un taux comparable à celui constaté en France et au Royaume-Uni, reste au Portugal à un niveau très inférieur à celui constaté en Grèce. A ce jour, le Portugal n'a éprouvé aucune difficulté pour conduire son programme de financement. Toutefois, la contagion, injuste, de la crise grecque a abouti à une remontée des écarts de taux avec l'Allemagne.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que la soutenabilité des finances publiques portugaises a été améliorée par les réformes structurelles conduites au cours des cinq dernières années. Les effectifs de la fonction publique ont été réduits de près de 10 % par le non remplacement d'un départ en retraite sur deux, voire sur trois dans certains ministères. L'âge de départ en retraite est progressivement porté, dans les secteurs public et privé, à 65 ans. La date de convergence a été ramenée, par le programme de stabilité, de 2015 à 2013. Le mode de calcul des pensions tient désormais compte de l'évolution de l'espérance de vie.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le Portugal doit, en réaction à la crise, accélérer ses réformes structurelles. La compétitivité de son modèle économique, fondé sur un faible coût du travail, s'érode et certains secteurs d'activité sont en difficulté, notamment le textile. Parallèlement, le volume des fonds structurels européens se réduit et la dépendance énergétique est forte. Les principales pistes identifiées par ses interlocuteurs pour sortir de la crise consistent en une stabilisation de la demande interne pour réduire les importations, un développement des exportations dans les secteurs à plus forte valeur ajoutée et vers de nouveaux marchés, en particulier les pays lusophones, le développement du tourisme, le production d'énergie, notamment hydroélectrique et solaire, et l'engagement de grands travaux. Ce dernier point oppose fortement majorité et opposition.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur l'importance du programme de stabilité 2010-2013, transmis à la Commission européenne avec deux mois de retard. Sur le plan politique, il a constaté que les responsables perçoivent la surveillance forte dont leur pays fait l'objet de la part de ses partenaires et des marchés et savent qu'ils n'ont pas droit à l'erreur, ce qui les pousse à adopter des positions responsables. L'opposition s'est ainsi abstenue lors du vote du budget de 2010. Le gouvernement portugais est contraint de rompre avec la pratique, constatée dans tous les pays européens, du « double langage », qui conduit à tenir un discours différent devant les électeurs et devant les instances européennes. La surveillance des marchés et des agences de notation ne le permet plus. Dans ces conditions, de nouvelles méthodes ont été mises au point et le programme de stabilité a été soumis, pour consultation, aux partis politiques et aux partenaires sociaux. Il est discuté au Parlement, ce qui pourrait constituer une source d'inspiration pour le Parlement et le gouvernement français.

Sur le fond, selon le gouvernement portugais, la consolidation budgétaire passe essentiellement par des mesures en matière de dépenses, même si ce pays ne s'est pas doté d'une norme de progression des dépenses. Les principales mesures envisagées sont la réduction du poids de la fonction publique, la réduction des dépenses sociales et militaires et le report de projets d'investissement. Comme pour beaucoup d'Etats-membres, l'objectif du programme de stabilité est de retrouver en 2013 le niveau de dépenses, rapporté au produit intérieur brut, d'avant la crise.

En matière de recettes, le Portugal va adopter des augmentations d'impôts temporaires et notamment une taxe de 20 % sur les plus values et une tranche à 45 % de l'impôt sur le revenu pour les revenus supérieurs à 150 000 euros. Il va introduire des péages sur les autoroutes gratuites et engager une politique de réduction de la dépense fiscale en combinant l'introduction d'un plafond global de bénéfices fiscaux et la révision de certains régimes.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que les autorités portugaises, comme celles des autres Etats membres de l'Union européenne, doivent concilier rigueur budgétaire et accompagnement du retour de la croissance. Il a souligné que les hypothèses sur lesquelles sont fondées les prévisions de retour au respect des critères fixés par le traité de Maastricht sont plus prudentes dans le programme de stabilité portugais que dans celui d'autres Etats et que les autorités portugaises ne cherchent pas à dissimuler le potentiel de croissance encore peu élevé de leur économie. Il s'est interrogé à propos des effets sur la croissance de la politique de « go and stop » à laquelle s'apparente la soudaine interruption des mesures de relance provoquée par la mise en oeuvre du programme de stabilité.

En conclusion, M. Philippe Marini , rapporteur général, a considéré que la crise révèle les insuffisances et les lacunes de la construction de la zone euro. La notion de « PIGS », acronyme en anglais de « Portugal, Irlande, Grèce, Espagne », est injurieuse et simpliste, à l'origine de tensions incompatibles avec le partage d'une monnaie commune. Elle illustre la légèreté avec laquelle les modèles nationaux et les économies sont analysés. Il s'est demandé combien de temps la zone euro pourra encore fonctionner sans que soient traitées les questions, essentielles dans une zone monétaire, de la convergence des systèmes fiscaux et sociaux, de l'harmonisation du coût des facteurs de production et de la définition des objectifs de la banque centrale européenne.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que le gouvernement, fragile, du Portugal bénéficie peut-être d'une prise de conscience collective de nature à permettre un relatif consensus sur les réformes structurelles à engager.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur le fait que, au-delà de la rigueur budgétaire qu'il va falloir mettre en oeuvre, le rebond du Portugal dépend d'une évolution du modèle économique qui ne se décrète pas. La situation de ce pays est un exemple des insuffisances et des incohérences de nos systèmes.

M. Jean-Jacques Jégou a noté que le Portugal a choisi de faire reposer l'essentiel de son ajustement sur la maîtrise des dépenses, alors même que la part de ses dépenses publiques dans le PIB est déjà inférieure à celle constatée dans d'autres Etats.

La commission a donné acte au rapporteur de sa communication .

II. COMPTE-RENDU DES AUDITIONS CONSACRÉES À LA DETTE PUBLIQUE ET AUX COMPTABILITÉS NATIONALES (31 MARS 2010)

A. AUDITION DE MM. PAUL CHAMPSAUR, PRÉSIDENT DE L'AUTORITÉ DE LA STATISTIQUE PUBLIQUE, ET JEAN-PHILIPPE COTIS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INSEE

M. Jean Arthuis , président, a exprimé ses interrogations sur la fiabilité des statistiques européennes en matière de finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE , a indiqué qu'Eurostat, « clef de voûte » du système statistique européen, joue un double rôle d'impulsion et de régulation. Il est juge de l'exactitude des comptes des Etats membres. Il est actuellement très impliqué dans l'audit des finances publiques grecques.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur l'existence de règles communautaires harmonisées dans le domaine des finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis a indiqué que le règlement (CE) n° 2223/96 du conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, dit « SEC 95 », permet aux Etats membres de disposer d'un référentiel commun. Les problèmes de la Grèce, dont les statistiques de finances publiques ont connu des révisions importantes en 2004 et en 2009, proviennent des insuffisances de sa comptabilité publique.

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur la capacité d'Eurostat à porter un jugement pleinement informé sur la situation des finances publiques des Etats membres.

M. Jean-Philippe Cotis et M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, ont souligné que, si les experts d'Eurostat ont des conversations approfondies avec les comptables nationaux des Etats membres, ceux-ci s'appuient sur les données de la comptabilité publique, qu'Eurostat n'a pas de raison de remettre en cause si eux-mêmes n'expriment pas de doutes à leur sujet. Or, il est souvent difficile au comptable national de porter un jugement sur les données de la comptabilité publique sur lesquelles il se fonde.

M. Jean Arthuis , président, a jugé « stupéfiant » que les comptabilités publiques diffèrent d'un Etat membre à l'autre.

M. Paul Champsaur a indiqué que la qualité de la comptabilité publique dépend en particulier des pouvoirs du Parlement en matière de contrôle des comptes publics. Par ailleurs, si les comptes de l'Etat sont en général bien tenus, cela est souvent plus problématique dans le cas des autres administrations publiques, comme les administrations publiques locales : collectivités territoriales en France, Länder en Allemagne, régions en Espagne.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné que les difficultés spécifiques de la Grèce proviennent du fait que, avant les réformes en cours, les services statistiques étaient de fait sous le contrôle du Trésor, lui-même subordonné au pouvoir politique, et n'étaient donc pas indépendants.

M. Jean Arthuis , président, a considéré que les critères d'admission dans la zone euro doivent comprendre l'existence d'un organe statistique fiable dans le pays candidat.

M. Yann Gaillard s'est demandé s'il est arrivé à Eurostat de valider des statistiques de finances publiques erronées émanant de la Grèce.

M. Jean-Philippe Cotis a indiqué que cela s'est effectivement produit en 2009.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur la capacité d'un Etat membre à dissimuler réellement à ses partenaires l'état de ses finances publiques.

M. Paul Champsaur a indiqué que, lorsqu'il était directeur général de l'INSEE, les relations avec les services statistiques grecs étaient plus compliquées qu'avec ceux des autres Etats membres. Cependant, il n'était alors pas possible d'affirmer avec certitude que les statistiques grecques étaient faussées. Par ailleurs, on ne considérait pas alors la fiabilité des données transmises par cet Etat comme un sujet important.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné que la situation a changé, le manque de confiance dans les statistiques grecques pouvant avoir des conséquences pour l'ensemble de la zone euro.

M. François Rebsamen a estimé qu'Eurostat accorde une grande confiance aux Etats.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné qu'il ne s'est posé de réel problème que dans le cas de la Grèce, et que celui-ci provient des dysfonctionnements du système grec de comptabilité publique.

M. Jean Arthuis , président, a rappelé la soulte de France Télécom, qui a permis de réduire optiquement le déficit de 0,45 point de produit intérieur brut (PIB) en 1997, alors que la France voulait se « qualifier » pour l'euro, mettant ainsi en péril les relations franco-allemandes.

M. Paul Champsaur a estimé que, à cette époque, Eurostat s'est efforcé de faire en sorte que les différentes opérations soient traitées de façon identique dans les grands Etats et que, de ce point de vue, le système a bien fonctionné.

M. Jean Arthuis , président, a évoqué le recours de certains Etats, comme l'Italie, à la titrisation, pour alléger optiquement le poids de leur déficit.

M. Paul Champsaur a indiqué que les Etats utilisent deux grands procédés pour améliorer la présentation de leurs comptes : changer le périmètre considéré, et modifier la répartition temporelle des recettes ou des dépenses.

M. Jean Arthuis , président, a envisagé d'accroître le rôle des banques centrales indépendantes dans le domaine des statistiques relatives aux finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis a exprimé un certain scepticisme à cet égard, soulignant que, en revanche, les banques centrales jouent un rôle important dans le domaine des statistiques monétaires et financières.

M. Paul Champsaur a souligné que le rôle des banques centrales des Etats membres dans le domaine statistique est variable, celui de la banque centrale belge étant nettement plus important que celui de la Banque de France.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur les mesures à prendre afin que les problèmes de la Grèce ne se reproduisent pas.

MM. Jean-Philippe Cotis et Paul Champsaur ont, une nouvelle fois, souligné la nécessité de disposer d'une comptabilité publique fiable. Cela implique en particulier que les organismes chargés d'élaborer les statistiques soient indépendants du pouvoir politique. M. Paul Champsaur a rappelé que, lorsqu'il était directeur général de l'INSEE, il a consacré d'importants efforts à l'amélioration des comptes de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur la qualité des organismes statistiques de certains Etats susceptibles de rejoindre la zone euro.

M. Paul Champsaur a estimé que le Parlement doit être le garant de la transparence de tous les comptes publics, et du bon fonctionnement des instituts statistiques. Lors de la récession de 1993, alors que la publication de certains chiffres pouvait être politiquement délicate, l'INSEE a fait l'objet de pressions, auxquelles il n'a pas cédé.

M. François Rebsamen s'est demandé dans quelle mesure il est possible de faire pression sur un institut statistique, par exemple en réduisant ses effectifs.

M. Paul Champsaur a jugé que cela est théoriquement possible bien que, à sa connaissance, cela ne se soit pas produit. Par ailleurs, des gains de productivité considérables ont été réalisés dans le domaine statistique, grâce à l'informatique.

M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur la possibilité pour les instituts statistiques de calculer des provisions, en particulier en ce qui concerne les futures retraites des fonctionnaires.

M. Paul Champsaur a rappelé qu'il n'existe pas d'obligation de constituer ce type de dotation et considéré que le calcul de provisions, qui exige d'émettre certaines hypothèses, relève plus du domaine des études que de celui de la statistique.

M. Jean-Philippe Cotis a souligné que, si le rapport de la commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, remis en 2008 au Président de la République par MM. Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, recommande d'améliorer les mesures chiffrées relatives aux conditions environnementales, il juge excessivement difficile d'attribuer à l'environnement naturel une valeur monétaire.

M. Jean Arthuis , président, a fait part de l'intention de la commission de réfléchir à la manière d'améliorer les statistiques du commerce international. Elle appréciera le concours de l'INSEE en ce domaine.

B. AUDITION DE M. BENOÎT COEURÉ, ÉCONOMISTE EN CHEF, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR

La commission a ensuite procédé à l' audition de M. Benoît Coeuré, économiste en chef, directeur général adjoint de la direction générale du Trésor.

M. Jean Arthuis , président, a demandé des précisions sur les conséquences de la crise grecque sur l'évolution du rôle d'Eurostat et la mise en oeuvre du principe d'indépendance des autorités statistiques nationales.

M. Benoît Coeuré, économiste en chef, directeur général adjoint de la direction générale du Trésor , a souligné le caractère encore récent de l'Union économique et monétaire (UEM). Parmi les leçons à tirer de la situation des finances publiques grecques, il convient de retenir la mise en pratique imparfaite des règles communautaires. Dès 2004, Eurostat avait déjà demandé à la Grèce une révision de ses comptes et une réforme de l'autorité statistique. Le renforcement du pouvoir d'inspection et la demande de rapports annuels par Eurostat depuis 2009 sont la conséquence d'un durcissement de la jurisprudence européenne, notamment en matière de titrisation et de partenariat public-privé. En effet, la titrisation de créances de sécurité sociale n'est plus possible aujourd'hui. Pour autant, le procédé qui consiste pour un Etat à céder à une banque des droits sur des recettes futures peut présenter un intérêt économique, dans la mesure où il permet de disposer de ressources immédiates. Certains pays ont procédé de la sorte pour rendre liquides des recettes futures de loterie et d'impôts sur le revenu. Dans ce dernier cas, il s'agissait aussi pour l'administration fiscale belge d'améliorer le taux de collecte de l'impôt.

M. Jean Arthuis , président , a mis en lumière le danger que de telles pratiques conduisent à réduire artificiellement le montant de la dette publique, estimant que le recours à la titrisation devrait suggérer que l'on entre dans une « période suspecte », annonciatrice d'une crise de la dette souveraine.

M. Benoît Coeuré a considéré que les nouvelles règles statistiques, mises en place par Eurostat, limitent ce risque, citant l'INSEE qui a réintégré dans le montant de la dette publique les partenariats public-privé conclus en France pour la construction d'établissements pénitentiaires. La direction générale du Trésor estime que, dans certains cas, ces opérations financières peuvent présenter un intérêt économique, à condition qu'elles soient neutres sur le plan comptable et ne contribuent pas à diminuer optiquement la dette.

Il a souligné que la crise grecque révèle davantage un problème de gouvernance que de réglementation car, dès avant la crise, Eurostat avait procédé à plusieurs reprises à des « visites méthodologiques » auprès de l'institut de statistiques et du Trésor grecs. Estimant qu'il n'est pas du ressort de l'Europe de procéder à la certification de l'ensemble des comptes des pays ressortissants de l'Eurogroupe, il a appelé de ses voeux l'adoption rapide de la proposition de révision du règlement européen du 1 er avril 2009 relatif à la statistique afin d'élargir le champ de compétences d'Eurostat aux comptes des administrations locales.

En réponse à M. Jean Arthuis , président , qui s'est interrogé sur l'utilité d'élargir le contrôle de l'institut européen de statistiques aux prévisions de croissance présentées par les Etats membres, M. Benoît Coeuré a fait valoir que le travail de prévision relève du domaine des études économiques et non de la certification de comptes constatés. C'est ainsi que la notification des comptes certifiés de l'année précédente est de la responsabilité de l'INSEE alors que la présentation des comptes de l'année en cours est produite par la direction générale du Trésor.

Mme Nicole Bricq a fait remarquer que l'INSEE émet également des prévisions sur des hypothèses de croissance.

M. Benoît Coeuré a reconnu qu'un dialogue s'instaure entre ses services et ceux de l'INSEE mais que leurs prévisions respectives sont établies de manière indépendante. Il convient de distinguer les comptes certifiés par l'INSEE, qui sont audités par Eurostat, des prévisions présentées par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui sont examinées par la Commission européenne.

Revenant sur la situation de la France, jugée très favorable par les marchés financiers en raison de la qualité de sa signature, il a précisé que la direction générale du Trésor déconseille toute mise en oeuvre d'outils de titrisation. Il a admis que la soulte de France Telecom a pu être considérée, à l'époque, à juste titre, comme un « artifice comptable » et précisé qu'une telle opération ne pourrait plus se reproduire aujourd'hui.

M. Jean Arthuis , président , a estimé nécessaire de garantir l'indépendance de la statistique vis-à-vis du pouvoir politique et a souhaité savoir si un travail de normalisation des comptes publics de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales est actuellement en cours.

M. Benoît Coeuré a souligné que l'article 144 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, portant création de l'Autorité de la statistique publique, a constitué de ce point de vue un progrès notable. Le rattachement organique de l'INSEE au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi n'est pas un obstacle à la sincérité, à l'indépendance et à la souveraineté de ses décisions.

En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'est interrogée sur les conséquences des mesures prises par l'INSEE pour réintroduire certaines dépenses dans la dette publique, il a indiqué que la direction générale du Trésor prend acte des décisions souveraines de l'institut et les applique.

MM. Jean Arthuis , président , et Edmond Hervé ont fait observer que les partenariats publics-privés conclus pour la construction de gendarmeries ou d'hôpitaux devraient être comptabilisés dans la dette publique dès lors que l'INSEE a décidé d'y introduire les opérations sur les établissements pénitentiaires.

Revenant sur l'harmonisation des méthodes de travail des instituts statistiques nationaux, M. Benoît Coeuré a indiqué que l'INSEE respecte le système européen de comptes qui, lui-même, est la déclinaison du manuel de comptabilité nationale de l'Organisation des Nations-Unies. En revanche, il a mis en lumière l'absence de comptabilité patrimoniale au niveau européen, la France étant le seul pays à disposer d'un instrument de mesure de la dette financière de l'Etat ainsi que des éléments d'actif et de passif.

Mme Nicole Bricq a souhaité savoir si le mauvais exemple grec a incité Eurostat à approfondir ses investigations sur d'autres pays à risque.

M. Benoît Coeuré a insisté sur la distinction qui doit être opérée entre l'optimisation comptable, qui n'est pas forcément litigieuse, et les pratiques qui remettent en cause la sincérité des comptes, telles les modifications apportées aux comptes, l'absence d'indépendance des statisticiens et les problèmes de gouvernance constatés en Grèce. Il a jugé positive l'entrée d'un représentant d'Eurostat au conseil de surveillance de l'Institut grec de la statistique.

M. Jean Arthuis , président , a jugé nécessaire de s'assurer de la qualité et de l'indépendance des statistiques produites par les pays candidats avant d'accueillir de nouveaux membres dans l'Eurogroupe.

M. Benoît Coeuré a fait état d'un durcissement de la jurisprudence d'Eurostat, notamment dans l'utilisation des produits dérivés par les Etats tels que les échanges de devises. Il s'agit de parer à certaines pratiques « originales » mais répréhensibles, comme celle qui a consisté pour la Grèce à procéder à une conversion en euros de ses contrats militaires libellés en dollars à un taux différent du cours du marché, ce qui a eu pour effet de produire une recette immédiate de trésorerie, sous forme de soulte, aggravant économiquement la dette publique.

En réponse à M. Philippe Adnot qui s'est interrogé sur la nature des crédits non consomptibles du « grand emprunt », M. Benoît Coeuré a indiqué qu'il s'agit de fonds attribués aux opérateurs, mais conservés dans le compte unique du Trésor. Ces sommes ne seront décaissées que dans le cadre des décisions mises en oeuvre par le commissaire général à l'investissement. Il s'agit d'opérations financières qui n'impactent pas le déficit « maastrichtien ».

En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'est interrogée sur la répartition et le fléchage des fonds destinés à la construction des grandes infrastructures, M. Benoît Coeuré a précisé que l'affectation budgétaire des crédits est différente de l'affectation financière. En ce qui concerne cette dernière, le financement du grand emprunt est assuré, pour 13 milliards d'euros, par le remboursement par les banques des fonds qui leur ont été prêtés, et pour les 22 milliards d'euros restants, par 9 milliards d'euros d'excédents du compte du Trésor au 31 décembre 2009 et 13 milliards d'euros émis sur les marchés financiers au moyen d'obligations assimilables du Trésor.

En réponse à M. Jean Arthuis , président , il a indiqué que l'indépendance d'Eurostat par rapport à la Commission européenne n'est pas mise en cause par la tutelle administrative exercée par celle-ci, mais dépend avant tout des garanties apportées à la souveraineté de ses décisions. A cet égard, il a estimé transposable au niveau européen le dispositif français qui repose sur la présence conjointe d'une autorité de la statistique, qui a la qualité d'autorité administrative indépendante, et de l'INSEE, qui est une direction relevant du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

S'agissant de l'intervention de la banque centrale dans l'examen de la sincérité des comptes publics des Etats membres, M. Benoît Coeuré n'a pas jugé pertinente l'implication d'une institution monétaire dans le processus budgétaire qui relève des autorités politiques.

C. AUDITION DE M. GALLO GUEYE, CHEF DE L'UNITÉ C1 À LA DIRECTION DES COMPTES NATIONAUX ET EUROPÉENS D'EUROSTAT

Puis la commission a entendu M. Gallo Gueye , chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat .

M. Jean Arthuis , président , a souhaité connaître l'analyse d'Eurostat sur la crise grecque, notamment sur le constat selon lequel cet Etat membre a délibérément transmis à la Commission des données erronées sur sa situation budgétaire.

M. Gallo Gueye, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat , a rappelé qu'Eurostat intervient, dans le cadre de la procédure de déficit excessif, en application du règlement 479 du Conseil. La Commission européenne utilise des données transmises par les Etats membres, qu'elle assortit, le cas échéant, de réserves ou de corrections. En pratique, les Etats membres doivent transmettre deux fois par an à Eurostat leurs prévisions de déficit et de dette pour l'année en cours, ainsi que les chiffres du déficit et de la dette constatés l'année précédente et pour les trois années antérieures. Eurostat se consacre à ces données ex post , et procède à des vérifications sur pièces. L'office produit ensuite des communiqués de presse qui peuvent comporter des réserves, et peut redresser certains chiffres transmis par les Etats. Les Etats membres ont également l'obligation de transmettre un inventaire de leurs sources et méthodes statistiques. Eurostat mène des missions de dialogue pour mieux comprendre ces données et, si des difficultés surgissent, l'office procède à des visites méthodologiques. Ces visites ne consistent pas à contrôler l'exactitude des documents de comptabilité publique, ce dont Eurostat n'a pas le pouvoir, mais uniquement à vérifier la qualité du traitement statistique qui est fait de ces documents pour produire les données de comptabilité nationale.

A la demande de M. Jean Arthuis , président , M. Gallo Gueye a précisé qu'il existe une Cour des comptes en Grèce, mais que son organisation ne repose pas sur un maillage territorial aussi étoffé que celui des chambres régionales des comptes en France. Par ailleurs, l'application du principe de subsidiarité emporte pour conséquence que chaque Etat membre est responsable de la certification de ses propres comptes.

M. Jean Arthuis , président , s'est interrogé sur la connaissance qu'avait Eurostat des pratiques grecques.

M. Gallo Gueye a rappelé que le rapport de la Commission a identifié un problème d'intégrité et d'indépendance des instituts statistiques grecques. Cela recouvre des problèmes méthodologiques, un manque de coopération entre les institutions chargées de produire ces statistiques et une identification insuffisante des responsabilités respectives desdites institutions. Ces éléments favorisent la manipulation des données. Eurostat connaissait ces manquements depuis 2004 et une procédure d'infraction avait été lancée contre la Grèce, en raison de certaines pratiques de sous-estimation des dettes. Ces pratiques, intéressant notamment les hôpitaux, consistaient à transférer de la dette vers des opérateurs non compris dans le champ des administrations publiques au sens du traité de Maastricht. Elles ont porté sur environ 710 millions d'euros. Un suivi a donc été opéré et, en 2007, la Commission a considéré que la Grèce avait apporté des garanties suffisantes pour que la procédure d'infraction soit close.

Cela ne signifie pas que les comptes grecs étaient exempts de toute défaillance. En 2010, une nouvelle procédure a été lancée contre cet Etat, portant à la fois sur la méthodologie, l'intégrité et l'indépendance des statistiques. Dans le prolongement de cette procédure, la Grèce a adopté le 4 mars 2010 une loi créant un nouvel institut statistique désormais indépendant du ministère des finances et rendant compte au Parlement.

Les révisions des statistiques grecques intervenues en 2004 et 2009 résultent, par exemple, du fait que les subventions européennes ont été enregistrées comme des recettes de l'Etat grec, mais que leurs versements aux bénéficiaires finals ont été comptabilisés en prêts et non en dépenses.

M. Gallo Gueye a souligné que le travail d'Eurostat repose sur une collaboration avec les opérateurs statistiques européens. Il est inévitable que des pratiques de contournement ou d'amélioration de la présentation des comptes se développent. Il existe néanmoins un comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements (CMFB) qui regroupe les statisticiens des instituts nationaux et des banques centrales. Il est consulté sur les cas les plus complexes.

M. Jean Arthuis , président , a dénoncé le caractère manifestement frauduleux de ces pratiques.

M. Pierre Bernard-Reymond s'est interrogé sur le rôle de la Cour des comptes européenne en la matière.

M. Gallo Gueye a rappelé que la Cour n'a pas vocation à intervenir directement dans le cadre de la procédure de déficit excessif et M. Jean Arthuis , président , a précisé que son rôle consiste à contrôler le bon emploi des fonds communautaires.

Mme Nicole Bricq s'est demandé de quels pouvoirs supplémentaires Eurostat devrait disposer pour mieux remplir ses missions et si d'autres Etats membres sont susceptibles de connaître les mêmes difficultés que la Grèce.

M. Gallo Gueye a estimé que le cas grec est très spécifique, en raison de l'ampleur et de la fréquence des révisions opérées sur les statistiques de ce pays. Eurostat n'a pas connaissance de cas similaires ailleurs en Europe. Il est impossible d'empêcher un pays de réviser ses comptes de façon substantielle, mais on peut prévenir ces révisions et minimiser leur impact en édictant des principes généraux et en demandant aux Etats membres de communiquer très précocément au Conseil Ecofin les révisions envisagées.

M. Jean Arthuis , président , a souhaité obtenir quelques exemples de la « créativité comptable » telle qu'elle est pratiquée par certains Etats membres et s'est interrogé sur l'état de mise en oeuvre des comptabilités patrimoniales au sein de l'Union européenne.

M. Gallo Gueye a cité des exemples de titrisations de recettes fiscales futures, toutefois circonscrites depuis qu'Eurostat a décidé de les comptabiliser en opérations financières. De même, les échanges de devises (swaps) permettent de diminuer la dette. On peut également comptabiliser les recettes fiscales en droits constatés plutôt qu'en comptabilité de caisse, ce qui permet de jouer sur les montants. L'ensemble de ces questions ont été traitées dans le cadre du CMFB (Comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements), mais il existera toujours des montages.

Eurostat aimerait pouvoir mieux contrôler les comptabilités publiques dans le cadre de ses visites méthodologiques. Il serait opportun de contraindre les Etats membres à mettre à disposition d'Eurostat des comptables nationaux dans le cadre de ces visites. De même, les Etats membres ne devraient pas pouvoir s'opposer à ce que leurs comptes soient vérifiés par Eurostat avec le concours de comptables d'autres Etats membres.

M. Pierre Bernard-Reymond s'est interrogé sur la façon dont sont traitées les différences de doctrines comptables entre Etats membres.

M. Gallo Gueye a indiqué que les Etats membres peuvent saisir Eurostat en amont d'une opération qu'ils souhaitent réaliser, afin de savoir quel sera son traitement statistique. Sur les questions les plus complexes, telles que le recours aux swaps ou le classement de certaines activités en activités marchandes ou non marchandes, une procédure de consultation du CMFB est prévue par la réglementation européenne. Sur la base des conseils prodigués par le comité, Eurostat prend ensuite une décision qui a valeur de règle. Le système européen de comptes (SEC 95) est en cours de révision et l'intégralité des règles et jurisprudences existantes y seront consolidées.

En réponse aux remarques de M. Jean Arthuis , président , qui s'étonnait du caractère policé et en définitive peu opérant des remontrances adressées à la Grèce par la Commission, M. Edmond Hervé a fait observer qu'il s'agit là d'une constante du langage diplomatique.

M. Gallo Gueye a toutefois fait valoir que la Grèce a reçu des instructions fortes et que le Conseil européen des 25 et 26 mars 2010 a affirmé la nécessité d'accroître les pouvoirs de la Commission dans le suivi des comptes des Etats membres.

Mme Nicole Bricq a objecté que tous les Etats membres ne souscriront pas nécessairement à l'élargissement des prérogatives de la Commission.

M. Jean Arthuis , président , a cité l'exemple de la sous-estimation des dépenses d'équipement militaire grecques, prétendument motivée par des impératifs de confidentialité, avant de s'interroger sur l'existence de telles pratiques en France.

M. Gallo Gueye a salué l'excellence des relations d'Eurostat avec l'INSEE, dont l'expertise est reconnue au niveau international. La coopération et l'amélioration des statistiques est d'intérêt général pour l'Union. Un plan d'action est prévu pour aider la Grèce à fiabiliser ses données.

En réponse à M. Jean Arthuis , président , qui a souhaité savoir si Eurostat est consulté dans le processus d'adhésion de la Croatie, M. Gallo Gueye a confirmé que les chapitres de négociation incluent une adaptation des procédures et données statistiques sur laquelle Eurostat donne son avis.

A la demande de M. Jean Arthuis , président , M. Gallo Gueye a ensuite précisé que le statut de la Société de financement de l'économie française (SFEF) a été examiné par Eurostat et une consultation du CMFB a été menée. Eurostat a ensuite décidé que la SFEF devait être exclue du champ des administrations publiques, compte tenu des caractéristiques de son activité et des modalités de son contrôle. S'agissant plus généralement des pratiques en matière d'engagements hors-bilan, un durcissement des règles européennes est aujourd'hui envisagé.

Il a ensuite décrit l'organisation administrative d'Eurostat, qui emploie entre 800 et 1 000 agents, dont 15 sont affectés à l'unité de contrôle de la procédure de déficit excessif et 10 supervisent la qualité des statistiques gouvernementales. L'agence ne dispose plus de correspondants nationaux et collabore directement avec ses homologues dans chaque Etat membre.

M. Jean Arthuis , président , a estimé que le nombre d'agents chargés de suivre les comptes nationaux est très faible et que les moyens d'Eurostat ne sont pas à la hauteur des ambitions du pacte de stabilité et de croissance.

M. Gallo Gueye a souscrit à la nécessité de disposer d'effectifs supplémentaires en faveur de ces missions et a précisé qu'une équipe de cinquante personnes serait mieux dimensionnée. Les redéploiements sont toutefois malaisés à opérer, car le suivi des comptes nationaux requiert des compétences techniques de très haut niveau.

A la demande de M. Pierre Bernard-Reymond , M. Gallo Gueye a précisé que les dettes des systèmes de pension sans constitution de réserve sont exclues des comptes nationaux et aussi de la dette « maastrichtienne ». Une information complémentaire est toutefois délivrée sur ces engagements hors bilan.

III. AUDITION DE MME CHRISTINE LAGARDE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI ET DE M. FRANÇOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L'ETAT (4 MAI 2010)

Le compte-rendu de cette audition peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/commission/fin/travaux.html

ANNEXE III : AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES SUR LE PROJET DE DÉCRET D'AVANCE RELATIF AU FINANCEMENT DES OPÉRATIONS D'URGENCE EN HAÏTI ET À L'INDEMNISATION DES COLLECTIVITÉS TOUCHÉES PAR LA TEMPÊTE XYNTHIA

AVIS

DE LA COMMISSION DES FINANCES

SUR LE PROJET DE DÉCRET D'AVANCE
PORTANT OUVERTURE DE 105 600 000 EUROS EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT
ET DE 75 600 000 EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT

26 AVRIL 2010

Avis de la commission des finances du sénat sur le projet de décret d'avance portant ouverture de 105,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 75,6 millions d'euros en crédits de paiement

Sur la base d'un rapport de motivation du Gouvernement dont elle souhaite qu'il soit publié au Journal officiel , la commission des finances du Sénat a examiné, au regard des conditions posées par la loi organique relative aux lois de finances, un projet de décret d'avance portant ouverture de 105,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 75,6 millions d'euros en crédits de paiement.

Sur la base des analyses contenues dans la note explicative ci-jointe, elle a constaté que :

1. le plafond de 1 % pour les crédits ouverts n'est pas dépassé ;

2. l'équilibre budgétaire défini par la loi de finances initiale pour 2010, voté par le Parlement, n'est pas affecté, et que l'ouverture des crédits susmentionnés, dès lors qu'elle est gagée par des annulations d'un même montant, n'appelle pas le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative ;

3. l'urgence à ouvrir, au titre du financement d'opérations en faveur de la reconstruction d'Haïti et des dépenses relatives aux conséquences de la tempête Xynthia, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement correspondants, est indiscutable. En effet, ces deux événements, dont le caractère imprévisible ne fait aucun doute et qui ont eu des conséquences dramatiques, sont survenus respectivement aux mois de janvier et de février 2010. Ils ne pouvaient donc être pris en compte au moment de l'élaboration et de l'examen du projet de loi de finances pour 2010. De même, l'évaluation des besoins n'était pas disponible au stade de l'élaboration et de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative de l'année ;

4. en revanche, il n'en est pas de même des ouvertures de crédits destinées au remboursement des frais d'hospitalisation de Français à l'étranger. Les frais dont il est demandé une prise en charge à titre exceptionnel par l'Etat ont en effet été engagés aux mois d'octobre 2007 et de janvier 2009. Ces dépenses étaient connues au moment de l'élaboration et de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2010, puisque le ministère chargé de la santé a accordé une autorisation préalable de prise en charge. Ces dépenses ne peuvent donc aujourd'hui être considérées comme imprévisibles. Quant à leur caractère urgent, il ne résulte que de la non-inscription de dotations correspondantes dans la loi de finances pour 2010, contrairement à ce qui, pour les raisons exposées précédemment, aurait dû être le cas. La commission des finances regrette, enfin, que seule la moitié des dépenses concernées ait pu être justifiée de façon précise.

Le gage des ouvertures de crédits, de façon générale, n'appelle pas d'observations, dans la mesure où les annulations de crédits portent quasiment exclusivement sur des crédits mis en réserve. La commission des finances s'interroge, cependant, sur le financement in fine par le ministère chargé de la santé, par le biais d'annulations de crédits disponibles, des dépenses relatives aux frais d'hospitalisation des Français de l'étranger. Aussi, elle invite à une clarification du partage des compétences, dans ce domaine, entre le ministère chargé des affaires étrangères et le ministère chargé de la santé.

Sous le bénéfice de ces observations , la commission des finances du Sénat a émis un avis favorable au présent projet de décret d'avance.

ANNEXE

NOTE EXPLICATIVE DE L'AVIS DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT SUR LE PROJET DE DÉCRET D'AVANCE PORTANT OUVERTURE DE 105 600 000 EUROS EN AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT (AE)
ET DE 75 600 000 EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT (CP)

26 avril 2010

Le présent projet de décret d'avance prévoit d'ouvrir 105.600.000 euros d'autorisations d'engagement (AE) et 75.600.000 euros de crédits de paiement (CP) sur quatre missions du budget général, et d'annuler, à titre de gage, les mêmes montants d'AE et de CP sur vingt-quatre missions du budget général.

Les quatre missions concernées par les ouvertures de crédits sont :

-  « Aide publique au développement », au titre du financement des opérations d'urgence en faveur de la reconstruction d'Haïti ;

- « Relations avec les collectivités territoriales », au titre de l'indemnisation des collectivités territoriales touchées par la tempête Xynthia ;

-  « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », au titre du financement des conséquences de la tempête Xynthia pour l'agriculture, la pêche et l'aquaculture ;

-  « Action extérieure de l'Etat », au titre du remboursement des frais d'hospitalisation de ressortissants français à l'étranger .

Trois missions sont concernées à la fois par des annulations et des ouvertures de crédits : « Action extérieure de l'Etat », « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Aide publique au développement ».

Les ouvertures « brutes » les plus importantes concernent la mission « Aide publique au développement » (45.000.000 euros en AE et 35.000.000 euros en CP) et la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (35.000.000 euros en AE et en CP). Déduction faite des annulations supportées, par ailleurs, par ces deux missions, celles-ci demeurent les deux missions qui enregistrent les plus fortes augmentations « nettes » de crédits : respectivement 44.947.102 euros en AE et 34.935.586 euros en CP, d'une part, et 28.232.234 euros en AE et 28.560.171 euros en CP, d'autre part. En revanche, compte tenu des annulations de crédits que la mission « Action extérieure de l'Etat » connaît par ailleurs, celle-ci subit au final, malgré les ouvertures de crédits proposées par le présent projet de décret d'avance, une diminution nette de ses crédits à hauteur de 953.885 euros en AE et 579.510 euros en CP.

En évolution nette, les missions connaissant les plus fortes réductions de CP sont les missions « Écologie, développement et aménagement durables » et « Recherche et enseignement supérieur » , avec des diminutions, respectivement, de 12.780.087 et 12.304.902 euros.

En proportion des CP inscrits en loi de finances initiale, les plus fortes augmentations concernent les missions « Aide publique au développement » (+ 0,99 %) et « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales» (+ 0,79 %). Les plus fortes diminutions concernent les missions « Sécurité civile » (- 2,42 %), « Médias » (- 0,16 %) et « Politique des territoires » (- 0,16 %).

Source : commission des finances

I. LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS D'URGENCE EN FAVEUR DE LA RECONSTRUCTION D'HAÏTI

Le présent projet de décret d'avance prévoit l'ouverture de 45 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 35 millions d'euros en crédits de paiement (CP), au sein de la mission « Aide publique au développement » , au titre du financement des opérations d'urgence en faveur de la reconstruction d'Haïti , après le séisme qu'a subi le pays , le 12 janvier 2010. Il convient de rappeler que cette catastrophe naturelle a causé la mort de plus de 200.000 personnes et la destruction d'une part très importante de la capitale haïtienne, Port-au-Prince.

Cette ouverture de crédits fait suite aux annonces du Président de la République, lors de son déplacement sur l'île, le 17 février 2010, confirmées par la voix du ministre des affaires étrangères lors de la conférence internationale des donateurs pour Haïti, le 31 mars dernier, de participation de la France au plan d'aide d'urgence et de reconstruction d'Haïti.

Une aide française importante en faveur d'Haïti

D'après les indications reçues du ministère chargé des affaires étrangères et du ministère chargé de l'économie, la France s'est engagée à aider Haïti, au total, à hauteur de 236 millions d'euros sur la période 2010-2011 . Cette aide se décompose de la façon suivante :

- 40 millions d'euros d'aides budgétaires , dont l'affectation est globale et qui doivent aider le gouvernement haïtien à faire face à ses obligations budgétaires. Ces aides seront mises en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD), à partir de crédits délégués du programme 110 de la mission « Aide publique au développement », intitulé « Aide économique et financière au développement », que pilote le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi (MINEIE) ;

- 100 millions d'euros d'aides-projets , qui seront mises en oeuvre soit directement par le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), soit par l'AFD, à partir de crédits délégués du programme 209 de la mission « Aide publique au développement », intitulé « Solidarité à l'égard des pays en développement », que pilote le MAEE ;

- 40 millions d'euros correspondant à une valorisation de l'aide en nature , essentiellement l'apport de matériels de sécurité civile (dont des abris temporaires, tentes et bâches) déployés par la France ;

- enfin, 56 millions d'euros au titre de l' annulation de la dette bilatérale haïtienne . Cette mesure ne se traduira pas, au plan budgétaire, en ce qui concerne les prêts directement accordés par la France à l'Etat haïtien, mais seulement pour les prêts accordés par l'intermédiaire de l'AFD. En effet, cette dernière sera indemnisée par l'Etat à hauteur de 22,1 millions d'euros imputés sur le programme 110, précité, que gère le MINEIE.

Il convient de souligner que, par ailleurs, les crédits d'aides-projets ouverts en loi de finances pour 2010 au profit d'Haïti, soit environ 20 millions d'euros, ont été maintenus . Ils concernent pour l'essentiel (à près de 70 %) des projets mis en oeuvre par l'AFD.

Pour mémoire, la conférence internationale des donateurs pour Haïti , qui s'est tenue à New York le 31 mars 2010, a permis de collecter des financements à hauteur de 5 milliards de dollars US à court terme (soit jusqu'à la fin 2011) et de 9,9 milliards de dollars US à moyen terme. Les principaux contributeurs sont l'Union européenne, les États-Unis, le Venezuela et la Banque interaméricaine de développement.

On notera enfin que la société civile française s'est significativement associée à cet élan mondial de solidarité . En effet, selon les déclarations du ministre des affaires étrangères lors de la conférence internationale des donateurs précitée, les collectivités locales, les ONG et les entreprises françaises ont mobilisé près de 80 millions d'euros .

Sources : MAEE, MINEIE

Les dépenses que le présent projet de décret d'avance prévoit ainsi de couvrir revêtent un caractère urgent qui n'est pas douteux, eu égard à la situation d'Haïti. Il en va de même de leur caractère imprévisible , au stade de la loi de finances initiale, puisque le séisme s'est produit en janvier. Par ailleurs, il était trop tôt pour évaluer les besoins au stade de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 68 ( * ) , la conférence internationale des donateurs pour Haïti ne s'étant tenue que le 31 mars. Le recours au décret d'avance, en la matière, est donc pleinement justifié .

A. DES AIDES-PROJETS À HAUTEUR DE 30 MILLIONS D'EUROS EN AE ET 20 MILLIONS D'EUROS EN CP

En premier lieu, 30 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP sont ouverts sur le programme 209, « Solidarité à l'égard des pays en développement », que pilote le MAEE . Cette ouverture est destinée à financer plusieurs dépenses d'urgence en matière d' aides-projets , afin de contribuer à la reconstruction du pays dans quatre secteurs identifiés comme les plus prioritaires, soit respectivement :

- une aide à la « re-scolarisation » d'urgence , notamment dans les camps de réfugiés, à hauteur de 2,5 millions d'euros en AE et en CP . D'après les donnés fournies, 80 % des écoles ont été détruites à Port-au-Prince, situation entraînant un risque d'instabilité sociale et politique. Les crédits devraient permettre de financer des mesures telles que l' envoi d'équipes pédagogiques sur place, mais aussi le financement de bourses , au bénéfice de tous les niveaux d'éducation (primaire, secondaire, universitaire) ;

- une aide au renforcement des capacités administratives et de sécurité de l'État haïtien, à hauteur de 4,5 millions d'euros en AE et en CP . Suivant les précisions obtenues, le gouvernement haïtien a un besoin d'urgent d'appui en matière de sécurité civile pour les lieux de distribution alimentaire , mais aussi de l' envoi d'assistants techniques sectoriels pour des périodes plus longues (tous ministères confondus, et en particulier au ministère des finances, les services fiscaux haïtiens ayant été fortement affectés par le séisme) ;

- une aide à l' aménagement de l'ensemble du territoire du pays, en maîtrisant les risques sismiques, à hauteur de 10 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP . Selon les informations recueillies, ces crédits permettront d'engager le projet de déploiement d'un cadastre . La mise en oeuvre de ce projet s'avère en effet comme un préalable au règlement de nombreux enjeux liés à la reconstruction : assurer la sécurité juridique des ayant-droits, fonder les nouveaux principes de la politique foncière du pays, sécuriser les investissements privés et promouvoir une stratégie d'aménagement durable du territoire ;

- enfin, une aide à la reconstruction de l'hôpital universitaire d'État , à Port-au-Prince, indispensable pour faire face aux besoins médicaux et sanitaires de la population, à hauteur de 13 millions d'euros en AE et 9 millions d'euros en CP . D'après les renseignements donnés, ce projet s'inscrit dans une perspective longue mais, compte tenu de l'urgence sanitaire des populations (vraisemblablement aggravée avec la venue de la saison des pluies, suivie de la saison cyclonique à l'été), et du besoin de pouvoir engager le plus vite possible les travaux, l'ouverture des crédits est nécessaire pour susciter un effet d'entraînement envers les autres bailleurs de fonds internationaux .

Il convient d'observer que le calendrier de mise en oeuvre des quatre projets susmentionnés dépend, en effet, de facteurs indépendants de la France, notamment le financement d'autres États ou le retour à la normalité du pays. Pour autant, selon les précisions recueillies, l'objectif est de pouvoir engager les crédits ouverts par le présent décret d'avance dès les prochaines semaines .

L'AFD devrait mettre en oeuvre, en tout ou en partie, les deux derniers projets cités (cadastre et hôpital universitaire). Les autres projets seront mis en oeuvre par les services du MAEE.

Une attention particulière devra être portée au contrôle de l'usage des fonds ainsi délégués.

B. UNE AIDE BUDGÉTAIRE À HAUTEUR DE 15 MILLIONS D'EUROS EN AE ET CP

En second lieu, 15 millions d'euros en AE et en CP sont ouverts au titre du programme 110, « Aide économique et financière au développement », que pilote le MINEIE . Ces crédits sont complétés par 5 millions d'euros, en AE et CP, déjà ouverts en loi de finances initiale (au titre de crédits délégués à l'AFD à partir de la ligne « aide budgétaire globale ») et mobilisés, sur le même programme, en faveur d'Haïti, soit au total 20 millions d'euros en AE et en CP. Ils sont destinés à financer le programme de l' aide budgétaire française au pays, et doivent permettre :

- d'une part, l' acquisition rapide d'engrais et de semences pour faire face à la prochaine campagne agricole, afin de subvenir aux besoins de la population. Selon les indications reçues, à ce titre, une première tranche de l'aide, à hauteur de 5 millions d'euros , décidée le 7 avril 2010 par le comité des États étrangers de l'AFD, va être versée au gouvernement haïtien. La campagne agricole a débuté en avril et se prolongera jusqu'en mai ; d'ordinaire, cette campagne couvre 60 % de la production annuelle du pays ;

- d'autre part, la continuité des services publics , notamment en permettant à l'État haïtien de payer les salaires de ses fonctionnaires . On notera à cet égard que, lors de la conférence internationale des donateurs précitée, le gouvernement haïtien a fait état d'un besoin global d'aide budgétaire de 350 millions de dollars US, soit environ 260 millions d'euros.

II. LE FINANCEMENT DES CONSÉQUENCES DE LA TEMPÊTE XYNTHIA

A. L'INDEMNISATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES TOUCHÉES PAR LA TEMPÊTE XYNTHIA

Au titre de l'indemnisation des collectivités touchées par des calamités naturelles, le présent décret d'avance prévoit l'ouverture de crédits supplémentaires à hauteur de 25 millions d'euros en AE et 5 millions d'euros en crédits de paiement CP .

Les dommages concernés par ces crédits d'indemnisation d'urgence concernent les biens non assurables des collectivités territoriales touchées par la tempête Xynthia , qui a traversé le territoire métropolitain dans la nuit du 27 au 28 février 2010 et causé le décès de 53 personnes ainsi que des dégâts matériels importants, surtout sur le littoral atlantique, en particulier dans les départements de Charente-Maritime, de Vendée, de Gironde et de Loire-Atlantique.

Ces crédits, inscrits dans le cadre de l'action 1 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » du programme 122, seront versés sous forme d' avance aux collectivités affectées dans l'attente d'une évaluation définitive du montant des dommages. Il s'agit en effet de ne financer à ce stade que les interventions les plus urgentes, dans l'attente des conclusions de la mission d'inspection 69 ( * ) .

Le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » regroupe, d'une part, les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales et, d'autre part, les moyens servant à l'administration des programmes de la mission (moyens de la direction générale des collectivités locales), ainsi que des crédits de la dotation générale de décentralisation (DGD) au titre de compétences transférées concomitamment à plusieurs niveaux de collectivités.

D'après le rapport de motivation du présent projet de décret, les dégâts concernés portent notamment sur la voirie communale et départementale , les biens annexes à la voirie nécessaires à la sécurité de la circulation, les ponts et ouvrages d'art 70 ( * ) , les réseaux d'assainissement et d'eau potable , les stations d'épuration et de relevage des eaux , ainsi que les travaux urgents de restauration des capacités d'écoulement des cours d'eau réalisés à l'issue de ces inondations. La nature pluriannuelle des dépenses envisagées justifie qu'il soit proposé d'ouvrir cinq fois plus d'AE que de CP.

A la lumière des informations transmises par le Gouvernement, votre rapporteur général reconnaît donc le caractère urgent et imprévisible de l'ouverture de crédits au profit du programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « relations avec les collectivités territoriales » prévue par le présent projet de décret d'avance. Ces deux caractéristiques apparaissent particulièrement indiscutables eu égard aux effets dévastateurs de la tempête Xynthia sur les collectivités territoriales concernées.

B. LA PRISE EN CHARGE PAR LA MISSION « AGRICULTURE, PÊCHE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES » DU PLAN D'URGENCE FACE AUX CONSÉQUENCES DE LA TEMPÊTE XYNTHIA

Le présent projet de décret d'avance prévoit l'ouverture de 35 millions d'euros en AE et CP, sur le programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Ces crédits doivent permettre le financement du plan d'urgence mis en place par le Gouvernement pour aider les professionnels de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture à faire face aux conséquences de la tempête Xynthia . Celle-ci a en effet provoqué des dégâts matériels très importants dans le monde agricole et aquacole, en particulier sur le littoral atlantique.

Le rapport de motivation du présent projet de décret précise que ces ouvertures de crédits seront destinées au financement de trois types de mesures :

- une aide de 20 millions d'euros en AE = CP pour le remplacement du matériel des conchyliculteurs et pisciculteurs des départements touchés par la tempête. Il s'agit de permettre le redémarrage des exploitations sinistrées en complément des indemnités versées par les assurances. L'Etat apporte la part non prise en charge par les assurances dans la limite de 75 % de la valeur du réinvestissement et d'un plafond d'aide de 60 000 euros ;

- l'allègement de charges financières des emprunts en cours ou nouveaux, au travers du Fonds d'allègement des charges, pour un montant de 4 millions d'euros en AE = CP 71 ( * ) ;

- la mise en oeuvre du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), à hauteur de 11 millions d'euros en AE = CP , pour compenser, d'une part, les pertes de coquillages ou de poissons et, d'autre part, les pertes de récolte non assurables 72 ( * ) .

Le caractère urgent et imprévisible de l'ouverture de ces crédits est totalement avéré . Selon le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, l'apport de 35 millions d'euros sur le programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » ne représente qu'une estimation approximative des crédits nécessaires à ce jour. Il n'est donc pas exclu que des crédits soient à nouveau ouverts ou transférés pour financer le plan d'urgence mis en place pour faire face aux conséquences de la tempête Xynthia.

Par conséquent, votre rapporteur général souligne le bien-fondé des ouvertures de crédits proposées et s'y déclare favorable .

III. LE REMBOURSEMENT DES FRAIS D'HOSPITALISATION DES FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

Le présent projet de décret d'avance prévoit enfin, s'agissant de la mission « Action extérieure de l'Etat », une ouverture de crédits de 0,6 million d'euros , en AE et en CP.

Le projet de décret d'avance propose d'inscrire cette dotation sur l'action n° 1 « Offre d'un service public de qualité aux français de l'étranger » du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » , placé sous la responsabilité du ministre des affaires étrangères et européennes.

Ces crédits sont destinés à assurer le remboursement de frais d'hospitalisation contractés par des ressortissants français à l'étranger en situation d'urgence sanitaire grave .

A. UNE PRISE EN CHARGE EXCEPTIONNELLE PAR L'ETAT DONT SEULE LA MOITIÉ DU MONTANT EST JUSTIFIÉE DE FAÇON CONVAINCANTE

Selon le ministère des affaires étrangères et européennes et le rapport de motivation annexé au présent projet de décret d'avance, la prise en charge de ces frais d'hospitalisation d'urgence par l'Etat est ici accordée à titre exceptionnel.

1. La procédure ordinaire de prise en charge : un financement par l'assurance maladie et, éventuellement, par une assurance santé complémentaire et le ressortissant lui-même

En règle générale, les ressortissants français « de passage » à l'étranger sont couverts par le régime de sécurité sociale français et, le cas échéant, par une assurance complémentaire volontaire et/ou liée à un contrat d'assurance multirisque ou encore à un moyen de paiement, une carte bancaire, par exemple.

Comme l'indique l'encadré suivant, la règle générale veut que les ressortissants français « de passage » à l'étranger avancent le règlement des factures liées à leur problème de santé et présentent ensuite ces documents à leur caisse primaire d'assurance maladie et, éventuellement, à leur assurance complémentaire pour un remboursement total ou partiel. Il revient alors au médecin conseil de la caisse d'assurance maladie d'apprécier la situation d'urgence sanitaire dans laquelle se trouvait le ressortissant français. Deux éléments sont notamment pris en compte : le pronostic vital de ce dernier et la possibilité ou non d'effectuer une évacuation ou un rapatriement sanitaire vers la France.

Le cas échéant, les remboursements accordés se font dans la limite des tarifs forfaitaires français en vigueur . Ils ne peuvent, en tout état de cause, excéder le montant du remboursement qui aurait été alloué si les intéressés avaient reçu les soins en France.

La prise en charge des soins reçus par des ressortissants français à l'étranger

Il convient de distinguer la situation des Français résidents à l'étranger de celle des ressortissants français qui effectuent un séjour temporaire.

Les Français résidents , en fonction de leur situation professionnelle et familiale, peuvent être couverts : soit par le régime de sécurité sociale français par le biais de la Caisse des Français de l'Etranger, soit par le régime social du pays de résidence, soit encore par une assurance privée personnelle ou à la charge de leur employeur. Ils peuvent également ne pas avoir de couverture sociale.

Les Français « de passage » sont, quant à eux, en général couverts par le régime de sécurité sociale français et, le cas échéant, par une assurance complémentaire volontaire et/ou liée à un contrat d'assurance multirisque ou encore à un moyen de paiement. Pour les Français « de passage », les modalités de prise en charge varient cependant en fonction de l'Etat dans lequel les soins ont été apportés :


La prise en charge des soins reçus hors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen (article R. 332-2 du code de la sécurité sociale)

En ce qui concerne les soins dispensés hors d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, seuls les soins inopinés peuvent en principe être pris en charge par les caisses françaises d'assurance maladie . Dans ce cas, les frais médicaux sont réglés sur place par l'assuré qui peut, à son retour, en demander le remboursement à sa caisse primaire d'assurance maladie. Il revient alors au médecin conseil d'apprécier si l'assuré se trouvait ou non en situation d'urgence sanitaire.

Une prise en charge est également possible lorsque les malades assurés sociaux ou ayants droits ne peuvent recevoir en France les soins appropriés à leur état . Deux cas se présentent alors :

1) une convention lie les organismes de sécurité sociale français et l'établissement de soins à l'étranger. Celle-ci prévoit alors les conditions de séjour et les modalités de remboursement des soins dispensés ;

2) aucune convention ne lie les organismes de sécurité sociale français et l'établissement de soins à l'étranger. Dans ce cas, l'assuré doit établir lui-même qu'il ne pouvait recevoir sur le territoire français les soins appropriés à son état. Un avis favorable du contrôle médical est requis.

Le cas échéant, les remboursements accordés se feront dans la limite des tarifs forfaitaires français en vigueur . Ils ne peuvent excéder le montant du remboursement qui aurait été alloué si les intéressés avaient reçu les soins en France .


La prise en charge des soins reçus dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen (articles R. 332-3 et suivants du code de la sécurité sociale)

En ce qui concerne les soins dispensés dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, le principe général est celui d'une prise en charge dans les mêmes conditions que si les soins avaient été reçus en France, ce qui signifie que : 1) les soins reçus doivent être remboursables en France ; 2) le remboursement des soins n'est pas soumis à une autorisation préalable de l'organisme d'assurance maladie ; 3) la prise en charge s'effectue sur la base des tarifs applicables en France ; 3) les soins reçus sont remboursés dans la limite des dépenses engagées.

Il existe une exception à ce principe : le remboursement des soins hospitaliers est subordonné, sauf soins reçus inopinément, à la délivrance d'une autorisation préalable . L'autorisation préalable ne peut être refusée si les soins envisagés sont prévus au remboursement en France et si ces soins ne sont pas disponibles en temps opportun, c'est-à-dire dans un délai compatible avec l'état du patient et l'évolution probable de son affection. Cette autorisation n'est cependant plus requise si une convention lie les établissements de soins concernés et les organismes français de sécurité sociale.

Source : d'après les données recueillies auprès du ministère des affaires étrangères et européennes et le code de la sécurité sociale

2. Les cas d'urgence sanitaire grave : une prise en charge exceptionnelle par l'Etat

Cependant, dans certains cas, en raison de l'importance des frais engagés, la prise en charge par l'assurance maladie à hauteur du montant remboursable en France et la participation financière d'une éventuelle complémentaire santé ne suffisent pas à couvrir la totalité des dépenses . Un important « reliquat » est alors à la charge du ressortissant et de sa famille.

Des frais médicaux qui dépassent rapidement les plafonds de remboursement

Les frais médicaux contractés à l'étranger peuvent très vite dépasser les plafonds de remboursement :

- de la sécurité sociale (notamment aux Etats-Unis ou au Japon) ;

- des assurances complémentaires. A titre d'exemple, les plafonds de garantie proposés par les assurances liées à une carte bancaire s'élèvent à 11.000 euros pour une carte bancaire simple et 80.000 euros pour les cartes de paiement qui offrent les plus grandes garanties.

Par ailleurs, pour obtenir un remboursement, l'événement ayant conduit à l'urgence sanitaire ne doit pas constituer un cas d'exclusion de garantie (tentative de suicide, accident lié à la pratique d'un sport aérien...).

Source : d'après les données du ministère des affaires étrangères et européennes

Dans certains pays, en particulier aux Etats-Unis, il arrive ainsi que les ressortissants français en situation d'urgence sanitaire grave ne puissent bénéficier d'une hospitalisation sans une garantie préalable de prise en charge des frais afférents de la part des autorités françaises .

Selon les données recueillies auprès du ministère des affaires étrangères et européennes, les cas de remboursement visés par le présent projet de décret d'avance ont ainsi fait l'objet d'une autorisation préalable de prise en charge par le cabinet du ministère de la santé, compte tenu :

- de l'impossibilité par les familles de prendre en charge les frais entraînés par l'accident de santé de leur proche ;

- de la gravité des situations médicales ;

- de l'impossibilité de pratiquer un rapatriement sanitaire vers la France, ces personnes n'étant pas transportables ;

- de l'absence ou de l'insuffisance de couverture par la sécurité sociale ou une assurance privée.

3. Une justification convaincante de seulement la moitié de l'ouverture de crédits demandée

Sans contester les principes ayant conduit le Gouvernement à accorder une autorisation de prise en charge de ces frais médicaux, votre rapporteur général estime nécessaire que ce type de prise en charge par l'Etat demeure exceptionnel et limité aux seuls cas de détresse financière et d'urgence sanitaire . Il convient notamment à l'avenir de veiller au maintien du principe de l'autorisation préalable de prise en charge par le ministère de la santé.

Votre rapporteur général insiste d'autant plus sur ce point que le montant total demandé par le présent projet de décret d'avance (600.000 euros) n'a pu être justifié de façon convaincante et donne lieu à des interprétations différentes entre le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé du budget :

- le ministère des affaires étrangères a ainsi précisé à votre rapporteur général qu'une avance de 0,319 million d'euros a d'ores et déjà été consentie par le ministère aux autorités consulaires concernées et qu'à ce stade, sur ces 0,319 million d'euros, le montant des dépenses réglées s'élève à 0,294 million d'euros. Le ministère des affaires étrangères apporte d'ailleurs une justification précise et détaillée de cette dépense 73 ( * ) , soit environ 50 % du montant total de l'ouverture de crédits proposée par le présent projet de décret d'avance ;

- de son côté, le ministère chargé du budget indique à votre rapporteur général la réponse suivante : « Le montant de 600.000 euros correspond à la dette totale évaluée à la suite de l'hospitalisation des ressortissants français concernés. Par prudence, l'ouverture de crédits proposée correspond à ce montant. Toutefois, à la suite des démarches effectuées par les postes consulaires auprès des établissements hospitaliers concernés, la dette à honorer pourrait être réduite à environ 300.000 euros » 74 ( * ) .

Outre la contradiction entre ces deux réponses, les arguments avancés par le ministère chargé du budget sont contestables. En effet, de deux choses l'une : soit ces dépenses doivent donner lieu à un paiement immédiat et sont donc connues de façon précise, soit des négociations sont encore nécessaires et leur caractère urgent apparaît alors discutable ( cf . infra).

B. UN CARACTÈRE URGENT ET IMPRÉVISIBLE CONTESTABLE

Indépendamment des éléments précédents, votre rapporteur général estime discutable le caractère urgent et surtout imprévisible de ces dépenses .

En effet, selon les données recueillies auprès du ministère des affaires étrangères et européennes, les frais pour lesquels est demandée une prise en charge par l'Etat remontent aux mois d'octobre 2007 et janvier 2009 . Ces éléments étaient donc connus au moment de l'élaboration et de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 puisque le ministère de la santé a donné son accord préalable à leur prise en charge. Même si leur montant exact pouvait varier - ces dépenses ont donné lieu à des expertises et des négociations avec les établissements de santé -, elles ne peuvent être considérées aujourd'hui comme totalement imprévisibles.

Quant à l'urgence à les financer , deux types d'arguments de nature très différente sont avancés par le ministère des affaires étrangères et européennes :

- d'une part, les menaces d'actions judiciaires et de refus d'accès aux soins d'urgence d'autres ressortissants français de la part des établissements de santé étrangers. Il a été indiqué à votre rapporteur général que les hôpitaux, auprès desquels certains ressortissants français ont contracté des dettes, prennent régulièrement l'attache des autorités consulaires françaises en les menaçant de ne plus accueillir à l'avenir ceux d'entre eux qui n'auront pas pré-financé ces dépenses ;

- d'autre part, les « tensions » que pourrait engendrer sur l'exécution budgétaire du programme 151 de la mission « Action extérieure de l'Etat » le non-remboursement immédiat des avances déjà consenties par le ministère des affaires étrangères. En effet, comme cela a été précisé précédemment, sur les 0,6 million d'euros que constitue le montant total des dettes hospitalières pour lesquelles le projet de décret d'avance propose une prise en charge par l'Etat, 0,319 million d'euros ont déjà été avancés par le ministère des affaires étrangères et européennes par prélèvement sur les crédits destinés aux sociétés françaises de bienfaisance du programme 151. Or, selon les données du ministère, le versement de ces subventions doit intervenir au mois de juin. Les crédits restants pour ce poste de dépenses seraient désormais insuffisants.

Pour votre rapporteur général, ces deux arguments sont également contestables :

- s'agissant du premier argument, les menaces d'actions judiciaires et de refus de soins - en elles-mêmes critiquables au moins pour les secondes - ne revêtent aujourd'hui un caractère urgent que parce que des dotations spécifiques n'ont pas été prévues en loi de finances pour 2010, ce qui aurait dû être le cas (cf. supra ) ;

- en ce qui concerne le second argument, votre rapporteur général s'interroge sur l'absence de marges de manoeuvre budgétaire au sein du programme 151 compte tenu du faible montant des dépenses concernées (0,6 million d'euros, soit 0,18 % des crédits du programme et la moitié moins dans l'hypothèse où seuls 0,3 million d'euros se révèleraient nécessaires). Il rappelle en outre que, lors de l'examen de la loi de règlement pour 2008, notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », avait fait apparaître une sous-consommation de l'ordre de 2,4 millions d'euros en CP sur ce programme 75 ( * ) .

C. UN PARTAGE DE COMPÉTENCES À CLARIFIER ENTRE LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

Le rapport de motivation du présent projet de décret d'avance précise que les avances qui ont été et seront consenties par le ministère des affaires étrangères et européennes dans ce cadre seront in fine financées par le ministère de la santé . En effet, le rapport de motivation précise : « Pour le remboursement des frais d'hospitalisation des Français à l'étranger, les annulations de crédits [devant permettre de gager les ouvertures de crédits correspondantes] portent sur le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » de la mission « Santé » ». Ce n'est donc que parce que le ministère des affaires étrangères et européennes dispose d'un circuit budgétaire adapté au paiement de ce type de dépenses à l'étranger que ce dernier a procédé à ces remboursements.

Or le financement in fine de ce type de dépenses par le ministère de la santé ne va pas de soi et mériterait, à l'avenir, une clarification du partage des compétences en ce domaine entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la santé .

En effet, votre rapporteur général note que dans le cadre de la gestion de la grippe A(H1N1), le ministère des affaires étrangères a été amené à financer les masques de protection destinés aux Français de l'étranger.

Par ailleurs, la justification au premier euro du projet annuel de performances pour 2010 de la mission « Action extérieure de l'Etat » fait apparaître un poste de dépenses au sein du programme 151 relatif à l'aide sociale pouvant être octroyée à certains de nos compatriotes à l'étranger en difficulté. Il est fait mention, à ce titre, de « secours occasionnels et [d'] aides exceptionnelles », ainsi que d'« une aide financière ponctuelle à nos compatriotes qui n'entrent pas dans le champ des allocations lorsqu'ils ont à faire face à des difficultés matérielles majeures (prise en charge des enfants en situation de détresse, soins en l'absence de couverture sociale, etc..) » 76 ( * ) . Le ministère des affaires étrangères et européennes indique que ces lignes budgétaires sont destinées à ne financer que des aides de faible montant.

Le partage de compétences entre le ministère de la santé et le ministère des affaires étrangères mériterait néanmoins une clarification plus nette s'agissant de la prise en charge des soins des ressortissants français à l'étranger.

IV. DES ANNULATIONS DE CRÉDITS PORTANT QUASIMENT EXCLUSIVEMENT SUR DES CRÉDITS MIS EN RÉSERVE

En ce qui concerne le gage des ouvertures de crédits, il n'appelle pas, de façon générale, d'observations de votre rapporteur général, dans la mesure où les annulations de crédits portent quasiment exclusivement sur des crédits mis en réserve : à hauteur de 99,4 % en ce qui concerne les autorisations d'engagement et 99,2 % s'agissant des crédits de paiement.

Seule la mission « Santé » supporte des annulations, à hauteur de 600.000 euros, sur des crédits disponibles. Il s'agit du mécanisme budgétaire choisi pour faire financer in fine le remboursement des frais d'hospitalisation d'urgence de Français à l'étranger par le ministère de la santé et pour lequel votre rapporteur général a émis certaines interrogations (cf. supra ).

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mardi 4 mai 2010 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l' examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2010 .

A l'issue d'un large débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification ce projet de loi.

Le compte-rendu de cette réunion peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/commission/fin/travaux.html

* 1 Le montant de 16,8 milliards d'euros résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale. Le texte initial prévoyait un montant de seulement 6,3 milliards d'euros, mais cela vient du fait que la période couverte était de seulement une année.

* 2 Sur ce point, se référer à l'audition de M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat, dont le compte-rendu est reproduit en annexe au présent rapport.

* 3 Dans un communiqué du 22 avril 2010, Eurostat indique : « Eurostat exprime une réserve sur la qualité des données déclarées par la Grèce, en raison des incertitudes sur l'excédent des caisses de sécurité sociale pour 2009, sur le classement de certains organismes publics et sur l'enregistrement des swaps hors taux de marché. Après l'achèvement de l'enquête qu'Eurostat a entreprise sur ces questions en collaboration avec les autorités statistiques grecques, cela pourrait conduire à une révision pour l'année 2009 de l'ordre de 0,3 à 0,5 point de PIB pour le déficit et de 5 à 7 points de PIB pour la dette ».

* 4 Commission européenne, « Rapport sur les statistiques du déficit et de la dette publics de la Grèce », COM(2010) 1 final, 8 janvier 2010.

* 5 L'important « déploiement d'activité » de la Commission européenne « n'a pas permis de déceler pleinement le degré d'ingérence dans les données PDE grecques ».

* 6 Proposition de règlement (UE) du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 479/2009 en ce qui concerne la qualité des données statistiques dans le contexte de la procédure concernant les déficits excessifs, 15 février 2010 (COM(2010)53 final).

* 7 « Des évolutions récentes ont néanmoins clairement fait apparaître que le cadre de gouvernance actuel pour les statistiques budgétaires n'était pas encore parvenu à réduire, dans la mesure nécessaire, le risque que des données incorrectes ou inexactes soient délibérément notifiées à la Commission ».

* 8 Un avis sur le programme de stabilité de la Grèce pour 2010-2013, une recommandation au titre de l'article 126, paragraphe 9, du traité, sur la correction du déficit excessif, une recommandation au titre de l'article 121, paragraphe 4, du traité, sur les réformes structurelles.

* 9 « Considérant que la Grèce a manqué à son devoir de communiquer des statistiques budgétaires fiables, comme on a encore pu le constater en octobre avec une révision significative des données pour 2008, la Commission engage également une procédure d'infraction, invitant le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte de corriger toutes les lacunes et toutes les faiblesses systémiques identifiées dans le rapport récent de la Commission. La Grèce est invitée à coopérer avec la Commission afin de convenir rapidement d'un plan d'action visant à corriger les faiblesses en matière de statistiques, d'institutions et de gouvernance, notamment par l'adoption, pour le 15 mai au plus tard, d'une législation imposant de publier des rapports mensuels sur l'exécution budgétaire, imposant aux fonds de la sécurité sociale et aux hôpitaux de publier des comptes et renforçant les mécanismes de contrôle et la responsabilité des personnes dans les services responsables des statistiques et de la comptabilité, et afin de recevoir une assistance technique pour l'élaboration de statistiques fiables » (IP/10/116).

* 10 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant l'indépendance, l'intégrité et la responsabilité des autorités statistiques nationales et communautaire (COM 2005(217) du 25.5.2005).

* 11 Selon la Commission européenne, « les modifications proposées dans le document COM(2005)71 visaient à accroître la transparence des statistiques liées à la PDE et à renforcer les pouvoirs d'Eurostat en matière de qualité des données. En particulier, la Commission souhaitait des «visites de contrôle approfondi». Avec l'obligation générale, pour les États membres, d'accorder promptement à la Commission (Eurostat) l'accès aux informations nécessaires à l'évaluation de la qualité des données, cela aurait quasiment conféré à Eurostat des pouvoirs d'audit ».

* 12 Selon la Commission européenne, « le point crucial (...) est que les travaux d'Eurostat se bornent aux questions statistiques, le cadre institutionnel ne relevant pas de son champ d'action : « Les visites méthodologiques ne devraient pas aller au-delà du domaine purement statistique » et les interlocuteurs d'Eurostat devraient être «les services responsables de la notification dans le contexte de la procédure concernant les déficits excessifs », ce qui fournit aux États membres des arguments possibles pour restreindre l'accès aux informations » (« Rapport sur les statistiques du déficit et de la dette publics de la Grèce », COM(2010) 1 final, 8 janvier 2010).

* 13 Proposition de règlement (UE) du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 479/2009 en ce qui concerne la qualité des données statistiques dans le contexte de la procédure concernant les déficits excessifs, 15 février 2010 (COM(2010) 53 final).

* 14 Les dérivés de crédit que sont les contrats d'échange de défaut, en anglais credit default swaps (CDS), sont assimilables à des contrats d'assurance de gré à gré contre le risque de défaut d'un émetteur tiers (Etat, banque, entreprise notée ou non par une agence) ou l'évolution d'un indice synthétique de CDS. Lors de la conclusion du contrat (dont les termes sont généralement standardisés), l'acheteur de protection s'engage à verser une prime périodique au vendeur de protection, et celui-ci s'engage à verser in fine une certaine somme au cas où se produirait, pendant la durée du swap, un certain type d'événement prévu par le contrat et affectant le crédit de l'émetteur de référence (« contingency payment », paiement contingent au défaut).

* 15 Si la BCE accepte actuellement des actifs dont la notation se situe à BBB-, à compter de janvier 2011 ce seuil devait être remonté au niveau A-.

* 16 Le déficit stabilisant se définit donc par la formule : déficit stabilisant en points de PIB =  dette publique de l'année antérieure (en points de PIB) * croissance du PIB en valeur (en %)/100.

* 17 Ce tableau montre notamment qu'avec une dette de 60 points de PIB et une croissance en valeur de 5 points de PIB, le déficit stabilisant est de 3 points de PIB. C'est notamment pour cette raison que la dette et le déficit maximaux fixés par le pacte de stabilité sont de respectivement 60 et 3 points de PIB.

* 18 Consensus Forecasts, avril 2010.

* 19 Commission européenne, « The 2009 Ageing Report », European Economy n°7, 2008.

* 20 CF. en particulier Otmar Issing, « Europe cannot afford to rescue Greece », Financial Times, 15 février 2010. M. Issing, président du Centre for Financial Studies , a été « chief economist » de la Banque centrale européenne de 1998 à 2006 et est depuis 2006 conseiller international de Goldman Sachs .

* 21 Evolution annuelle des prix du PIB et taux d'intérêt de respectivement 2 % et 5 % pour tous les Etats, solde de 2009 égal au solde structurel.

* 22 Son article 123 prévoit une disposition selon laquelle « il est interdit à la Banque centrale européenne (BCE) et aux banques centrales des Etats membres, ci-après dénommées "banques centrales nationales", d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des Etats membres ; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite ». Surtout, selon son article 125, parfois qualifié de « clause de no-bail out », « l'Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique ». Cependant, le même traité dispose dans son article 122 : « Lorsqu'un Etat membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d'événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l'Union à l'Etat membre concerné. Le président du Conseil informe le Parlement européen de la décision prise ». Par ailleurs, la BCE peut intervenir sur le marché secondaire, et soutenir ainsi indirectement un Etat ayant adopté l'euro.

* 23 Traduction par la commission des finances.

* 24 Consensus Forecasts, avril 2010.

* 25 Ces opérations sont décrites dans le commentaire de l'article d'équilibre du présent projet de loi de finances rectificative.

* 26 Stéphane Cossé (ancien senior economist au Fonds monétaire international et maître de conférences à l'IEP de Paris), « Créons un Fonds monétaire européen ! », Le Monde, 11 février 2010.

* 27 Centre for European Policy Studies.

* 28 Deutsche Bank.

* 29 Cf. notamment Le Monde, 8 février 2010.

* 30 Yves Leterme, « Pour une agence européenne de la dette », « Le Monde », mars 2010.

* 31 « Si le pays en question devait ne pas respecter son engagement envers le pacte, il devrait assumer la lourde tâche de se tourner lui-même vers le marché financier, où l'attendraient des taux d'intérêt plus élevés du fait de son profil à risque plus élevé découlant de son non-respect du pacte. Cela donnerait lieu à une réelle pénalité pour non-respect du pacte ».

* 32 Les investisseurs institutionnels sont généralement soumis à des règles de diversification en matière d'obligation. Ainsi, selon l'Agence France Trésor, la suppression de la scission de la dette publique française entre dette de l'Etat et dette des organismes de sécurité sociale pourrait conduire à des taux d'intérêt plus élevés.

* 33 Déclaration à la chaîne de radio allemande Deuschlandfunk, 5 mars 2010 (AFP).

* 34 Philippe Marini, « Sans vertu des Etats, il n'est point de pacte de stabilité », rapport n° 277 (2004-2005), 31 mars 2005.

* 35 Ex-article 99 du traité instituant la Communauté européenne.

* 36 Ex-article 104 du traité instituant la Communauté européenne.

* 37 Certes, dans des circonstances normales, le déficit excessif doit être corrigé l'année suivant celle où il est constaté, ce qui conduirait à fixer comme échéance l'année 2010. Cependant, le pacte de stabilité autorise le Conseil à fixer un délai plus long en cas de circonstances exceptionnelles. A l'époque, le Gouvernement prévoyait un déficit de 2,9 % en 2012.

* 38 A cette occasion, la Commission européenne a également adopté : un avis sur le programme de stabilité dans lequel elle demande à la Grèce de quantifier les mesures annoncées et d'envoyer un calendrier de mise en oeuvre dans un délai d'un mois ; une recommandation au titre de l'article 121, paragraphe 4, du traité, sur les réformes structurelles, dans laquelle elle recommande au Conseil d'inviter la Grèce à adopter un ensemble global de réformes structurelles de ses finances publiques. Elle a en outre ouvert une procédure d'infraction au sujet des statistiques budgétaires erronées transmises par la Grèce (alors que le déficit public de 2008 était évalué à 3,7 points de PIB en janvier 2009, il l'est désormais à 7,7 points de PIB).

* 39 Sur ce point, se reporter au compte-rendu de l'audition par la commission des finances, le 3 février 2010, de Mme Carol Sirou, présidente de Standard & Poor's pour la France, MM. Pierre Cailleteau, managing director, Arnaud Mares, senior vice-president du groupe d'analyse risque souverain de Moody's France, et M. Eric Paget-Blanc, head of supranational ratings de FitchRatings France.

* 40 Philippe Marini, « Sans vertu des Etats, il n'est point de pacte de stabilité », rapport n° 277 (2004-2005), 31 mars 2005.

* 41 Proposition de règlement (UE) du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 479/2009 en ce qui concerne la qualité des données statistiques dans le contexte de la procédure concernant les déficits excessifs, 15 février 2010 (COM(2010) 53 final).

* 42 La seule autre exception est celle du programme de stabilité 2007-2009, transmis le 13 janvier 2006, postérieurement à la première conférence nationale des finances publiques (11 janvier 2006) et au rapport sur la dette publique remis en décembre 2005 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie par M. Michel Pébereau. On rappelle que cette programmation prévoyait un retour des finances publiques à l'équilibre en 2010...

* 43 La programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010 précise que l'objectif de croissance des dépenses publiques en valeur est de 1,3 % en 2010, 0,8 % en 2011, 1,1 % en 2012 et 1,1 % en 2013.

* 44 « Je souhaite que nous allions encore plus loin et que la France se dote d'une règle d'équilibre pour l'ensemble de ses administrations publiques. C'est ce sur quoi nous allons travailler. Les Allemands sont parvenus à un accord transpartisan sur ce sujet. C'est ce que nous allons essayer de faire. Nous avons demandé à Michel Camdessus de présider un groupe de travail sur cette question. Il devra se poser des questions comme : l'objectif de retour à l'équilibre doit-il être 2020, comme les Allemands l'ont fixé ? Quelles sont les modalités du rétablissement ? ».

* 45 Selon l'article 1er de la LOLF, « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte ».

* 46 Du projet de loi de finances pour 2004 au projet de loi de finances pour 2006.

* 47 Correspondant par exemple aux prévisions des conjoncturistes, ou à l'inflation observée au cours d'une période suffisamment longue.

* 48 Certaines prestations (comme les pensions de retraite et les prestations familiales) sont indexées l'année n sur la prévision d'inflation associée au projet de loi de finances pour l'année n, corrigée de l'erreur de prévision d'inflation pour l'année n-1 associée au projet de loi de finances pour l'année n-1, tel qu'évaluée par le projet de loi de finances pour l'année n.

* 49 Comme le préconise M. Michel Pébereau dans son rapport précité, dans le cas de l'assurance maladie.

* 50 Paul Krugman, « The Euro Trap », 29 avril 2010 ( http://www.nytimes.com ).

* 51 Ambrose Evans-Pritchard, « The IMF should impose default on Greece to end the charade », Telegraph, 2 avril 2010.

* 52 Consensus Forecasts, avril 2010.

* 53 Jean-Marc Daniel, « Ménandre et méandres », article publié sur le site http://www.debateco.fr ,

22 mars 2010.

* 54 Patrick Artus, « Y a-t-il vraiment un problème de compétitivité-coût dans les pays d'Europe du Sud ? », Flash Economie n° 198, Natixis, 28 avril 2010.

* 55 Programme de stabilité 2010-2013.

* 56 Contrairement aux comptes de prêts, les comptes d'avance ne pouvaient connaître une durée d'existence supérieure à deux ans, en principe, ou quatre ans en cas de renouvellement explicite.

* 57 Le Club de Paris, créé progressivement à partir de 1956, constitue un groupe informel de créanciers publics (dix-neuf pays développés en sont membres permanents) ; son rôle consiste à trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement de nations endettées. La présidence et le secrétariat en sont assurés par la France.

* 58 La justification des crédits ouverts en LFI pour 2010 au titre du compte « Prêts à des États étrangers » et le projet annuel de performances de la mission correspondante ont été analysés en détail par notre collègue Edmond Hervé, rapporteur spécial, dans le rapport n° 101 (2009-2010) tome III, annexe 4.

* 59 La réalisation en 2008 a été de 100 % (ce qui signifie que la totalité des protocoles de prêts signés en 2006 avait donné lieu à l'imputation d'un contrat en 2008). La prévision pour 2010, comme pour 2009, est de 80 %.

* 60 La réalisation en 2008 a été de 82,3 % : la France était alors l'un des cinq plus importants créanciers de dix-sept des vingt-trois pays ayant franchi le point d'achèvement de l'initiative « PPTE » ; quatorze de ces pays ont réussi à ramener leur dette à un niveau soutenable. La prévision pour 2010 est de 90 %, contre une prévision à hauteur de 85 % pour 2009.

* 61 À ce stade, le programme n'a été pourvu ni d'un numéro ni d'un intitulé, étant simplement désigné par le présent PLFR comme le « programme porteur de l'ouverture de crédit proposée à l'état B » de ce projet.

* 62 Le montant de 16,8 milliards d'euros résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale. Le texte initial ne prévoyait qu'un montant de 6,3 milliards d'euros, mais pour la période d'une année seulement.

* 63 Lorsque l'Agence France Trésor émet sur une souche existante, si le taux à l'émission est inférieur au taux facial de la souche, l'investisseur acquitte la différence entre le taux auquel il achète et le taux servi au titre de la souche. A l'inverse, si le taux d'acquisition est supérieur au taux servi, l'Etat verse la différence aux investisseurs.

* 64 L'avis et la note explicative sont disponibles à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/commission/fin/decret_avance/DAavril2010_Xinthia_Haiti.html ainsi qu'en annexe du présent rapport.

* 65 Pour mémoire, le niveau de participation de chaque État a été calculé au prorata de la souscription de sa banque centrale au capital de la Banque centrale européenne (BCE), évalué sur le champ des seuls États membres de la zone euro, hors la Grèce. Ainsi déterminée, la contribution de la France s'élèvera à 20,97 % du total.

* 66 La version française de ce document n'est pas disponible.

* 67 La version française de ce document n'est pas disponible.

* 68 Projet de loi déposé à l'Assemblée nationale le 20 janvier, voté par l'Assemblée nationale le 9 février et par le Sénat le 16 février.

* 69 Le Gouvernement a mis en place une mission d'inspection interministérielle par lettre du 2 mars 2010. Celle-ci devrait rendre un pré-rapport à la fin du mois d'avril et un rapport définitif à la fin du mois de mai 2010. Il convient d'observer que le montant des travaux à engager dans ces collectivités territoriales, tel qu'il est estimé par les préfectures concernées, s'élève approximativement à 117 millions d'euros.

* 70 Hors digues, qui feront l'objet d'un plan de financement particulier.

* 71 Sur cette somme, 2,5 millions d'euros sont destinés aux agriculteurs tandis que 1,5 million d'euros vise le secteur aquacole.

* 72 Cette ouverture par le présent projet de décret d'avance devrait être complétée par des redéploiements de crédits sur le budget du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, et par la mobilisation de disponibilités au sein de ses opérateurs, afin de porter à un minimum de 34,1 millions d'euros l'abondement du FNGCA.

* 73 Deux cas sont visés : la prise en charge d'un mineur ayant effectué une tentative de suicide (86.948 euros) et la prise en charge d'un ressortissant ayant fait un malaise cardiaque et nécessitant une greffe de coeur (207.030,93 euros).

* 74 Réponse du ministère chargé du budget au questionnaire de votre rapporteur général.

* 75 Rapport n° 542 (2008-2009).

* 76 Projet annuel de performances pour 2010 de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

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