Rapport n° 690 (2009-2010) de M. Alain VASSELLE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 1er septembre 2010

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N° 690

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er septembre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (procédure accélérée),

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur,

Rapporteur général

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

672 et 691 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Avec la crise, les déficits sociaux se sont envolés pour atteindre des records : les déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse se sont élevés à 23,5 milliards d'euros en 2009, ils devraient avoisiner 30 milliards en 2010. Pour 2011, les prévisions ne sont guère meilleures et l'on table actuellement sur un déficit à nouveau proche de 30 milliards. Au total, ce sont donc plus de 80 milliards d'euros de déficits que l'on pourra comptabiliser à la fin 2011.

Pour l'instant, l'Acoss porte ces déficits dans ses comptes, ce qui ne correspond pas à sa mission et comporte de nombreux risques, comme votre commission l'a souvent rappelé, de même que la Cour des comptes dans chacun de ses rapports consacrés à la sécurité sociale.

La dernière loi de financement, pour 2010, a ainsi autorisé l'Acoss à recourir à des ressources financières de court terme dans la limite totalement inédite de 65 milliards d'euros. Considérant ce montant aussi excessif que dangereux, votre commission avait estimé, dans un premier temps, préférable d'organiser dès 2010 une reprise partielle des déficits accumulés par la Cades, à hauteur de 20 milliards d'euros, avec une légère augmentation de la CRDS, de 0,15 point, pour faire face à ces nouvelles charges de remboursement.

Le Gouvernement s'était alors opposé à cette proposition mais il s'était engagé à lancer une réflexion destinée à permettre la prise de décisions, avant le projet de loi de financement pour 2011, sur le traitement des déficits sociaux. C'est à travers la commission de la dette sociale que la promesse du Gouvernement a été respectée. Quatorze parlementaires, sept députés et sept sénateurs (Yvon Collin, Sylvie Desmarescaux, Guy Fischer, Jean-Jacques Jégou, André Lardeux, Jacky Le Menn et votre rapporteur) ont été réunis dans ce cadre, sous la présidence du ministre des comptes publics et du budget, François Baroin, à trois reprises entre la fin mai et la fin juin. C'est au cours de la dernière réunion, le 30 juin, que le Gouvernement a présenté sa solution. Un des volets de celle-ci figure dans le présent projet de loi organique.

En effet, pas moins de quatre textes différents comprennent ou vont contenir des éléments relatifs au traitement de la dette sociale : le présent projet de loi organique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le projet de loi de finances pour 2011 et, pour une part aussi, le projet de loi de réforme des retraites. Deux de ces quatre textes seulement sont à ce jour disponibles, les derniers arbitrages sur les deux grandes lois financières de l'automne n'étant pas encore achevés. Il est donc difficile d'avoir une vision claire et globale de la réforme proposée, ce qui est particulièrement regrettable.

Anticipant cette situation, votre rapporteur avait interrogé par courrier le ministre dès le jour de l'adoption du présent projet de loi organique en conseil des ministres, le 13 juillet dernier, car il estimait nécessaire de disposer d'un certain nombre d'informations pour pouvoir examiner dans de bonnes conditions ce texte. Une réponse lui est parvenue le 30 août et le présent rapport fait état des informations qu'elle contient.

L'heure de vérité que votre commission annonçait dans son rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques est arrivée ; il importe à la fois plus que jamais de préserver la crédibilité du processus de remboursement de la dette sociale tout en s'interdisant d'en reporter trop massivement le poids sur les générations suivantes.

C'est à la lumière de ce principe, auquel votre commission s'est toujours tenue, qu'elle a procédé à l'examen du présent projet de loi organique.

I. UNE DETTE SOCIALE QUI DEVAIT S'ÉTEINDRE EN 2021

Depuis la création de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, les déficits sociaux ont été gérés de manière spécifique, la mission de cet établissement public étant en effet de financer et d'éteindre les dettes sociales qui lui sont transférées par la loi.

A l'origine, la Cades devait apurer la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale à fin 1996, prendre en charge les déficits 1995 et 1996 de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, la Canam, enfin verser une soulte à l'Etat au titre du remboursement de la dette contractée par l'Acoss et reprise par l'Etat dans la loi de finances pour 1994. L'ordonnance de création de la caisse prévoyait l'extinction de celle-ci en 2009.

Par la suite, plusieurs textes sont venus élargir les missions de la Cades et accroître le montant de la dette qui lui était confiée.

La date d'extinction de la Cades a ainsi, en 1998, été repoussée à 2014 . Puis la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a fait disparaître le principe d'une date pour l'achèvement de la mission de la caisse, remplaçant cette mention par une formule prévoyant que la caisse restera en place « jusqu'à l'extinction » de ses missions d'apurement de la dette sociale .

L'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale est alors venu mettre un terme au risque de voir se perpétuer, année après année, de nouveaux allongements de la durée d'amortissement de la dette sociale par simple transfert des déficits accumulés à la Cades. Il a fixé une règle, dont le Conseil constitutionnel a consacré la valeur organique, selon laquelle tout nouveau transfert de dette à la Cades devra être assorti des recettes permettant à celle-ci de ne pas accroître sa durée d'amortissement .

La « sanctuarisation » de la date d'extinction de la Cades

L'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 a inséré un article 4 bis dans l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au financement de la dette sociale ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions législatives en vigueur à la date de la publication de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, tout nouveau transfert de dette à la caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale.

« Pour l'application de l'alinéa précédent, la durée d'amortissement est appréciée au vu des éléments présentés par la caisse dans ses estimations publiques. »

Par sa décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, la Conseil constitutionnel a précisé que le nouvel article 4 bis de l'ordonnance de 1996 revêtait bien un caractère organique :

« Considérant que l'article 20 de la loi organique insère dans l'ordonnance du 24 janvier 1996 susvisée un article 4 bis en vertu duquel "tout nouveau transfert de dette de la caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale" ;

« Considérant que cette disposition doit être combinée avec le b) du 2° du C du I du nouvel article L. O. 111-3 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que, dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir, la loi de financement de la sécurité sociale "détermine l'objectif d'amortissement au titre de l'année à venir des organismes chargés de l'amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et elle prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit" ; qu'elle trouve son fondement dans l'habilitation conférée à la loi organique par le vingtième alinéa de l'article 34 de la Constitution en vertu duquel "les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier... dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ; qu'ainsi, l'article 20 est de caractère organique et non contraire à la Constitution ».

L'article 4 bis de l'ordonnance ne peut dont être modifié que par une loi organique.

A. DES RESSOURCES ADAPTÉES

Un élément essentiel du bon fonctionnement de la Cades réside dans la solidité des recettes qui lui sont affectées et, au premier chef, de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), créée spécifiquement pour éteindre la dette sociale et qui constitue, depuis l'origine, sa ressource essentielle.

La contribution pour le remboursement de la dette sociale

La CRDS regroupe en réalité cinq contributions couvrant une pluralité d'assiettes et correspondant à presque toutes les catégories de revenus : activité et remplacement, patrimoine, placement, jeux, ventes de métaux et objets précieux.

Son taux est de 0,5 % sur chacune de ces assiettes.

Son assiette est plus large que celle de la contribution sociale généralisée (CSG) : elle s'applique en effet, à la différence de la CSG, sur les prestations familiales (hors allocation d'éducation de l'enfant handicapé, qui n'est assujettie à aucune des deux contributions), sur le RSA « chapeau », sur les aides personnalisées au logement et l'allocation de logement social, sur certains revenus d'activité et de remplacement d'origine étrangère perçus par des personnes fiscalement domiciliées en France mais ne relevant pas de la sécurité sociale française, et enfin sur les ventes de métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection et d'antiquité.

Au total, la valeur d'un point de CRDS représente environ 1,06 fois celle d'un point de CSG.

Assiette de la CRDS en 2009

(en milliards d'euros)

Revenus d'activité

788

Revenus de remplacement

252

dont secteur privé

168

dont retraites (base et complémentaire), préretraite

109

dont allocations chômage

7

dont prestations familiales et allocations logement

40

dont IJ et invalidité

13

dont secteur public

53

dont autres régimes (non-salariés, RS...)

31

Produits de placement

61

Revenus du patrimoine

50

Gains de jeux

4

Ventes d'objets précieux

1

Majorations et pénalités

2

Source : direction de la sécurité sociale

En 2010, le rendement attendu de la CRDS (net des frais d'assiette et de recouvrement) est de 5,9 milliards d'euros .

Lors de la dernière reprise de dette intervenue fin 2008 et début 2009, la loi de financement de la sécurité sociale a complété la ressource traditionnelle de la Cades en lui affectant 0,2 point de CSG prélevé sur les recettes du FSV.

B. UN RYTHME D'AMORTISSEMENT SOUTENU

Fin 2009, la Cades avait amorti 42,8 milliards d'euros de dette sur les 134,6 milliards repris depuis sa création. Pour la seule année 2009, l'amortissement a atteint 5,3 milliards, en forte progression par rapport aux années précédentes.

Au 31 décembre 2010, la dette amortie par la Cades depuis sa création pourrait atteindre 47,8 milliards, la dette restant à amortir à cette date s'élèvant alors à 86,8 milliards. Les intérêts d'emprunt servis par la caisse depuis l'origine représenteraient 29,9 milliards.

Amortissement de la dette reprise par la Cades

(en millions d'euros)

Année de reprise de la dette

Dette reprise cumulée

Estimation amortissement de l'année

Estimation amortissement cumulé

Situation nette (dette restant à rembourser
au 31 décembre
de l'année)

1996

23 249

2 184

2 184

21 065

1997

25 154

2 907

5 091

20 063

1998

40 323

2 444

7 535

32 788

1999

42 228

2 980

10 515

31 713

2000

44 134

3 226

13 741

30 393

2001

45 986

3 021

16 762

29 224

2002

48 986

3 227

19 989

28 997

2003

53 269

3 296

23 285

29 984

2004

92 366

3 345

26 630

65 736

2005

101 976

2 633

29 263

72 713

2006

107 676

2 815

32 078

75 598

2007

107 611

2 578

34 656

72 955

2008

117 611

2 885

37 541

80 070

2009

134 611

5 260

42 801

91 810

2010 (p)

134 611

4 997

47 798

86 813

Selon les informations fournies par Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Cades, lors de son audition devant votre commission, aujourd'hui et à ce stade, avant tout nouveau transfert de dette, les estimations faites par la caisse conduisent à prévoir qu'elle pourrait achever de rembourser l'ensemble des dettes reprises depuis sa création en 2021, avec 5 % de chances d'avoir achevé sa mission en 2020, et 5 % de risques de ne pas l'avoir terminée en 2022.

Dette votée, reprise et amortie et situation nette de la Cades

Remarque : la « situation nette » correspond la dette restant à amortir.

Source : Cades

II. VERS UNE NOUVELLE REPRISE DE DETTE ET UN ALLONGEMENT DE SA DURÉE

La commission de la dette sociale , réunie en mai et juin derniers, a été l'occasion d'examiner les différentes modalités susceptibles d'être envisagées pour le traitement des déficits sociaux accumulés : 55 milliards d'euros au titre de 2009 et 2010, plus de 80 milliards d'euros en y ajoutant 2011 et des perspectives de déficit encore élevé pour les années suivantes, que ce soit pour la branche maladie ou la branche retraite, pour laquelle la réforme des retraites ne prévoit un retour à l'équilibre qu'en 2018.

A. LA NÉCESSITÉ DE METTRE UN TERME AU RECOURS À L'ACOSS

La commission de la dette sociale a confirmé l'impossibilité d'une gestion durable de la dette par l'Acoss qui a pour seule mission de financer des découverts de trésorerie et non une dette accumulée ; celle-ci a d'ailleurs sans doute atteint ses limites opérationnelles :

- le recours à des ressources non permanentes ne permet pas d'amortir la dette , qui est en permanence refinancée, ce qui la rend particulièrement vulnérable à une remontée des taux d'intérêt. D'ores et déjà, alors que les taux d'intérêt à court terme sont historiquement bas, les charges financières de l'Acoss devraient atteindre 300 millions d'euros en 2010 sans qu'un seul euro de dette ne soit pour autant remboursé ;

- par ailleurs, les capacités des marchés de court terme ne sont pas illimitées . Les titres émis par l'Acoss représentent en effet déjà 25 % du marché des billets de trésorerie ;

- enfin, un accroissement continu du niveau du découvert de l'Acoss enverrait un signal négatif aux marchés , qui pourrait provoquer une dégradation des conditions de financement de l'agence.

Sur le plan des principes, la situation actuelle est contestable, dès lors que le plafond des ressources non permanentes de l'Acoss est destiné à couvrir un besoin de trésorerie courant et non un déficit provenant du décalage entre les dépenses et les recettes de sécurité sociale

La Cour des comptes a régulièrement dénoncé le caractère anormal de cette utilisation du plafond de découvert de l'Acoss. Dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, de juin 2010, elle est encore plus explicite et propose même de limiter le montant du plafond des ressources non permanentes de l'Acoss : « (...) pour éviter l'accumulation de déficits considérables à l'Acoss, dont la mission est seulement de couvrir les besoins de trésorerie du régime général, le plafond d'emprunt fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale ne devrait pas pouvoir dépasser 30 milliards d'euros. Une limite serait fixée par la loi de financement, qui ne pourrait pas être relevée en cours d'année, et à l'approche de laquelle il devrait être impérativement procédé soit à un transfert de dette à la Cades, soit à des mesures supplémentaires de réduction du déficit du régime général » .

Les responsables de l'Acoss craignent qu'une telle limite ne soit trop contraignante dans la gestion quotidienne des pics de trésorerie. Cette proposition n'en a pas moins un réel intérêt et pourrait devenir utile s'il apparaissait à nouveau difficile de maîtriser la gestion des déficits sociaux.

B. UNE REPRISE PAR LA CADES D'UNE AMPLEUR SANS PRÉCÉDENT

Dans les documents fournis à votre rapporteur, ainsi que dans l'exposé des motifs et l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi organique, il est indiqué que la reprise de dette pourrait atteindre environ 130 milliards d'euros, soit presque autant que la dette transférée, depuis sa création, à la Cades, et largement plus que la dette que celle-ci a encore la charge d'amortir, soit environ 90 milliards .

Ces 130 milliards comprennent l'intégralité des déficits du régime général et du FSV pour 2009 et 2010, le déficit prévisionnel de l'assurance maladie pour 2011 et les déficits prévisionnels de la branche vieillesse (Cnav et FSV) de 2011 à 2018. La réforme des retraites prévoit en effet un retour à l'équilibre de la branche vieillesse en 2018 et tous les déficits qu'il est prévu d'enregistrer d'ici là sont pris en compte par le traitement de la dette annoncé.

Le Gouvernement répartit cette dette en trois ensembles :

- la dette de crise , estimée à 34 milliards d'euros pour 2009 et 2010 ;

- la dette structurelle , d'un montant également évalué à 34 milliards pour 2009, 2010 et 2011 au titre de la seule maladie ;

- les déficits de l'assurance vieillesse (Cnav et FSV) de 2011 à 2018, soit 62 milliards.

Un tel scénario impliquerait un transfert de dette à l'Acoss de l'ordre de 68 milliards d'euros en 2011, puis d'une dizaine de milliards chaque année jusqu'en 2018 .

C. UN PLAN DE FINANCEMENT DIVERSIFIÉ

C'est sur la base de l'analyse qu'il fait des différentes composantes de la dette que le Gouvernement présente son plan de financement qui comporte en conséquence trois aspects :

- la dette de crise sera refinancée grâce à l'allongement de la durée de vie de la Cades , dont le terme devrait passer de 2021 à 2025 ; cet allongement de quatre années de la durée d'amortissement de la dette sociale constitue l'objet principal du présent projet de loi organique ;

- la dette structurelle sera financée grâce à l'affectation à la Cades de 3,2 milliards de recettes nouvelles ; ces recettes, au nombre de trois, devraient concerner le secteur des assurances ;

- les déficits de l'assurance vieillesse seront, pour leur part, financés grâce à la mobilisation au profit de la Cades des actifs - soit une trentaine de milliards d'euros, hors soulte des industries électriques et gazières - et de la recette - environ 1,5 milliard d'euros par an - du fonds de réserve pour les retraites.

1. Un allongement de quatre ans de la durée de vie de la Cades

La possibilité d'allonger la durée de vie de la Cades était l'une des options présentées à la commission de la dette sociale.

Elle nécessite au préalable de lever le verrou posé par le législateur dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, à savoir l'impossibilité de transférer de nouvelles dettes à la Cades sans lui affecter parallèlement les ressources nécessaires pour y faire face. C'est l'objet de l'article premier du présent projet de loi organique.

Fort heureusement, celui-ci ne remet pas en cause le principe fixé en 2005. La position très affirmée de la commission de la dette sociale sur ce point a sans doute permis qu'il en soit ainsi. Votre commission estime elle aussi indispensable que la règle édictée en 2005 continue à s'appliquer car, même en période de crise, il n'est pas admissible de reporter sur les générations futures des dépenses que l'on peut qualifier de « courantes ».

Au motif que la dette de crise est avant tout liée à un « choc de recettes », l'article premier du projet de loi prévoit donc une dérogation au principe de non-allongement de la durée d'amortissement de la Cades. Mais celle-ci est d'abord limitée à la seule loi de financement pour 2011 ; en outre, elle ne devra pas entraîner un allongement de plus de quatre ans de la durée de vie de la Cades soit, compte tenu des prévisions actuelles, une fin de vie de la caisse en 2025.

Il s'agit, pour le Gouvernement, d'atténuer par ce biais le coût de la reprise de la dette accumulée, soit 80 milliards à la fin 2011. Celui-ci aurait en effet nécessité, sans allongement de la durée de vie de la caisse, un doublement au moins des recettes qu'il est aujourd'hui prévu d'affecter à la Cades.

Ces quatre années supplémentaires permettent donc de transférer à la caisse environ 34 milliards d'euros de dette sans accroissement des ressources qui lui sont affectées. Pour le Gouvernement, il s'agit de « partager le contrecoup de la crise sur un horizon de quinze ans, durée qui reste cohérente avec l'horizon de vie des générations qui ont bénéficié collectivement des prestations servies pendant les années concernées par la dette » 1 ( * ) .

En dépit de ce contexte exceptionnel, votre commission tient à réaffirmer son attachement au principe adopté en 2005 tendant à empêcher tout nouveau report des déficits sociaux sur les générations futures. C'est la raison pour laquelle elle a décidé de compléter l'article premier du présent projet de loi afin de prévoir que si la conjoncture économique s'améliore, le Gouvernement devra revenir à une durée d'amortissement de la dette sociale proche de la situation actuelle .

2. Des recettes inédites

Le Gouvernement a décidé d'affecter à la Cades le produit de la réduction de certaines niches sociales et fiscales plutôt que de procéder à des hausses d'impôts, afin « pour des questions d'équité intergénérationnelle et de justice sociale, de faire supporter par les générations actuelles d'actifs et de retraités le poids des déficits structurels des années 2009 et 2010, sans pour autant mettre en péril une reprise économique encore fragile » 2 ( * ) .


Nouvelles recettes concernant le secteur des assurances

- l'assujettissement à la taxe sur les conventions d'assurance (TCA) des « contrats santé responsables », aujourd'hui exonérés, à un taux réduit de 3,5 % au lieu de 7 %, de manière à sauvegarder leur spécificité. Le rendement serait de 1,1 milliard pour 2011 ;

- la taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance - qui ne sont pas aujourd'hui fiscalisées - apportant, sur la seule année 2011, 1,4 milliard ;

- une taxation aux prélèvements sociaux des compartiments euros des contrats d'assurance-vie multi-supports au fur et à mesure des encaissements plutôt qu'au moment du dénouement du contrat, à l'instar des règles en vigueur pour les contrats d'assurance-vie en euros. Le surcroît de recettes attendues serait de 1,6 milliard en 2011, pour décroître ensuite dans le temps.

Ces mesures de recettes ne figurent pas dans le présent projet de loi mais devraient être éclatées entre les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances pour 2011. Elles sont censées rapporter 3,2 milliards d'euros en 2011 et assurément moins les années suivantes.

En effet, la taxation des réserves de capitalisation des sociétés d'assurance est une « mesure à un coup », même si le Gouvernement envisage de répartir son produit entre les exercices 2011 et 2012 ; l'anticipation des prélèvements sociaux sur les compartiments euros des contrats d'assurance-vie rapportera certes en 2011 environ 1,6 milliard d'euros, mais bien moins ensuite car la recette s'effritera naturellement, sans compter les éventuels arbitrages auxquels procéderont les épargnants. Seule la taxation des contrats d'assurance santé responsables aura une certaine pérennité, mais cette mesure pose d'autres questions qui feront l'objet de débats dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Au total, ces recettes soulèvent donc une interrogation majeure dans la mesure où elles n'offrent pas les garanties de stabilité et de dynamisme nécessaires à la garantie d'un processus de remboursement sécurisé et pérenne de la dette sociale . Le ministre l'a d'ailleurs lui-même reconnu lors de son audition devant votre commission, comme dans le courrier qu'il a fait parvenir à votre rapporteur où il indique : « il conviendra de prévoir dans la loi de financement un mécanisme permettant de garantir les ressources de la Cades sur le long terme. Dans cette perspective, le schéma de reprise de dette retient l'apport de recettes nouvelles à partir de 2013, que ce soit par la suppression de nouvelles niches fiscales et sociales ou, à défaut, par une hausse progressive de la CRDS ».

Ce constat état posé, votre commission, encouragée par les propos tenus devant elle par Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Cades, et Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, a conclu à la nécessité d'inscrire, dans la loi organique, une clause de garantie de recettes pour la Cades . Cela signifie que chaque année, la loi de financement devra assurer le respect de la règle d'affectation des recettes nécessaires au remboursement des dettes sociales reprises. Si les recettes affectées par le Gouvernement ne permettent pas le respect de cette règle, il faudra que la loi de financement prévoie une augmentation, par exemple de la CRDS pour, le cas échéant, combler la différence.

3. La mobilisation du fonds de réserve pour les retraites

Dès la présentation du projet de loi de réforme des retraites, la possibilité de l'utilisation du fonds de réserve pour les retraites, soit par le biais de sa recette - une partie du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, soit environ 1,5 milliard d'euros par an -, soit par le biais de ses actifs, a été évoquée.


Le fonds de réserve des retraites et le remboursement de la dette sociale
(Extrait du dossier de presse sur la réforme des retraites)

« Dans tous les pays où existent des fonds de réserve dédiés au financement des retraites, le principe est de constituer des réserves quand les régimes de retraite sont en excédent et de les utiliser en période de déficit. Le cas français constitue donc une anomalie : le FRR accumule des réserves alors que les régimes de retraite sont confrontés à des déficits importants depuis 2005 : 21,2 milliards d'euros de déficit cumulé pour la Cnav entre 2005 et 2009 et 9,3 milliards d'euros de déficit prévisionnel pour 2010.

« La crise a encore accentué le caractère peu logique de cette situation en augmentant fortement le niveau des déficits. La réforme des retraites permettra de ramener progressivement le système à l'équilibre d'ici 2018. Dans cet intervalle, se pose la question du financement des déficits que vont continuer à accumuler les régimes de retraite.

« Le Gouvernement propose donc d'utiliser les ressources du fonds de réserve pour les retraites (FRR) pour financer l'intégralité des déficits du régime général et du FSV pendant la période de montée en charge de la réforme. Les régimes de retraite ont connu une accélération de vingt ans de leurs déficits : il est donc logique de mobiliser plus tôt que prévu le FRR dont le calendrier de décaissement devait débuter en 2020.

« Le FRR continuera à exister et à assurer sa mission de gérer ses actifs de la même façon qu'aujourd'hui. La propriété des actifs du FRR qui s'élevaient fin 2009 à 33,3 milliards d'euros et sa recette constituée d'une partie du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital (1,4 milliard d'euros en 2009) seront transférées à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Le FRR gérera ses actifs pour le compte de la Cades. Grâce à ces ressources, la Cades pourra reprendre les déficits des régimes de retraite entre 2011, année de démarrage de la réforme, et 2018, année du retour à l'équilibre. Au total, sur la période 2011-2018, la mobilisation du FRR permettra d'apporter une solution à la dette accumulée des régimes de retraite.

« Cette solution présente deux avantages essentiels. D'une part, elle allège la contrainte financière du régime général pendant la phase de montée en charge de la réforme. D'autre part, elle évite de faire peser sur le FRR une obligation de liquidation rapide de ses actifs. En effet, la Cades émettra des obligations pour lui permettre de reprendre chaque année les déficits vieillesse comme elle le fait pour chaque reprise de dette depuis sa création en 1996. Elle remboursera ces emprunts grâce à la recette pérenne du FRR qui lui sera affectée et aux transferts de ressources en provenance du FRR, transferts qui auront lieu au fur et à mesure de la cession des actifs du fonds.

« Le FRR est donc utilisé conformément à sa vocation initiale de financement des retraites. Il accompagne les autres mesures décidées dans le cadre de la réforme, en attendant qu'elle produise tous ses effets. En l'absence de cette mobilisation du FRR, il aurait été nécessaire d'augmenter les impôts pour pouvoir financer les déficits accumulés par la Cnav, ce qui aurait nui à l'emploi et au pouvoir d'achat. »

Depuis, la proposition du Gouvernement s'est affinée ; ses modalités concrètes devraient, pour l'essentiel, figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Outre l'affectation à la Cades de la recette qu'il percevait jusqu'alors liée au prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, le FRR versera chaque année à la caisse 2,1 milliards d'euros prélevés sur ses actifs. Selon les estimations du Gouvernement, le FRR pourra, avec un tel objectif, continuer à exercer ses activités de placement jusqu'en 2024, date à laquelle ses actifs résiduels seront transférés à la Cades.

Ces deux catégories de recettes devraient permettre, comme le ministre l'a confirmé devant votre commission, de transférer 62 milliards de dettes à la Cades et de financer ainsi l'amortissement des déficits de la branche vieillesse sur la période 2011-2018.

L'examen du présent projet de loi organique n'étant qu'un élément de l'édifice mis en place par le Gouvernement pour la reprise - sans précédent - de 130 milliards d'euros de dette sociale, votre commission restera très vigilante sur les mesures annoncées et nécessaires qui seront proposées et votées au cours des prochaines semaines.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. 4 bis de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale) - Dérogation au principe de non-allongement de la durée d'amortissement de la dette sociale

Objet : Cet article a un double objet : prévoir une dérogation au principe organique de non-allongement de la durée d'amortissement de la dette sociale et permettre le transfert d'actifs à la Cades.

I - Les dispositions initiales du projet de loi organique

Le présent article modifie l'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale qui a été inséré dans cette ordonnance par l'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Cet article 4 bis prévoit qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi organique, tout nouveau transfert de dette à la Cades devra être accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse de façon à lui permettre de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette social e. La durée d'amortissement est appréciée à partir des estimations rendues publiques par la caisse.

Le Conseil constitutionnel a confirmé le niveau organique de cette disposition dans sa décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005.

Le présent article propose une dérogation à ce principe en indiquant que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 pourra prévoir des transferts de dette conduisant à un accroissement de la durée d'amortissement de la dette sociale, dans la limite de quatre années.

Le Gouvernement enfreint donc le principe érigé par le législateur organique mais il institue un double verrou en limitant à la seule loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 le droit de déroger au principe et en fixant un allongement de la durée d'amortissement maximal de quatre ans.

Comme cela a été précisé dans l'exposé général du rapport, cette dérogation devrait permettre de transférer un peu plus de 30 milliards d'euros à la Cades, soit la dette dite de crise, et fixer son horizon final à 2025 au lieu de 2021.

Le texte de l'article prévoit que l'annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui comporte les comptes d'un certain nombre d'organismes, dont ceux de la Cades, devra justifier du respect de la double condition ainsi définie.

Par ailleurs, le 1° du ce même article propose que la Cades puisse non seulement se voir affecter des recettes mais également des actifs dans le cadre de nouvelles reprises de dettes. Cette possibilité s'inscrit dans le cadre du projet du Gouvernement de mobiliser les actifs du FRR pour permettre le remboursement des déficits de la branche vieillesse.

A priori , comme l'a confirmé le ministre du budget devant votre commission, la Cades devrait recevoir chaque année non pas les actifs mais le produit de la réalisation des actifs du FRR que celui-ci continuera à gérer. La précision pourrait toutefois s'avérer utile et figure donc dans le présent article.

II - Le texte adopté par la commission

Du fait de ses réticences à déroger au principe organique, votre commission, sur la proposition de son rapporteur, a souhaité encadrer la mesure d'exception proposée par le Gouvernement de deux façons :

en instituant une clause de garantie afin que les recettes affectées à la Cades permettent réellement de ne pas accroitre la durée d'amortissement

Devant la commission des affaires sociales, le ministre du budget et des comptes publics s'est engagé à inscrire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 une clause destinée à garantir l'affectation à la Cades de 3,2 milliards d'euros, soit 0,26 point de CRDS, non seulement en 2011 mais également au cours des années suivantes .

En effet, comme cela a été observé par toutes les personnes auditionnées, les recettes actuellement envisagées pour constituer ces 3,2 milliards n'offrent pas les garanties suffisantes en termes de stabilité et de pérennité. C'est même la raison pour laquelle, dans un courrier adressé à votre rapporteur, le ministre des comptes publics et du budget n'exclut pas une éventuelle hausse de CRDS à compter de 2013.

Votre commission sera vigilante sur l'inscription d'une telle mesure dans la loi de financement pour 2011. Elle a néanmoins estimé souhaitable que le principe même de cette garantie soit inscrit dans l'article 4 bis de l'ordonnance de 1996 qui énonce la règle organique de non-allongement de la durée d'amortissement de la Cades.

C'est pourquoi, elle a décidé d'ajouter à cet article un alinéa spécifiant que, chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale assure le respect de cette règle . Pour votre commission, cela signifie que, chaque année, la loi de financement doit comprendre les mesures nécessaires pour garantir une date de fin d'amortissement de la Cades conforme à celle qui a été fixée lors de la dernière reprise de dette.

en prévoyant une clause de retour à meilleure fortune

Comme votre rapporteur l'a répété lors de chacune des réunions de la commission de la dette sociale, il est important que l'allongement exceptionnel de la durée d'amortissement de la Cades prévu par le Gouvernement ne soit pas intangible. En effet, si cet allongement peut se justifier par le contexte de crise sans précédent auquel notre pays a dû faire face depuis la fin de 2008, il ne doit plus rester l'horizon si la conjoncture économique devenait plus favorable.

C'est pourquoi, votre commission propose que si, au cours de deux exercices consécutifs, les conditions économiques permettent un accroissement des recettes de la Cades supérieur à 10 % des prévisions initiales, la loi de financement devra faire en sorte de ramener l'échéance de fin de vie de la Cades à celle qui était la sienne avant 2011, c'est-à-dire 2021.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (art. L. O. 111-3, L. O. 111-4, L. O. 111-6 et L. O. 111-7 du code de la sécurité sociale) - Information du Parlement sur la situation patrimoniale de la sécurité sociale

Objet : Cet article a un double objet : améliorer l'information du Parlement en prévoyant qu'il disposera chaque année d'un tableau sur la situation patrimoniale des organismes de la sécurité sociale ; toiletter plusieurs dispositions de nature organique du code de la sécurité sociale.

I - Les dispositions initiales du projet de loi organique

Deux objectifs sont poursuivis par les dispositions contenues dans le présent article.

Une meilleure information du Parlement

Au 2° du présent article, il est prévu que le rapport annexé au projet de loi de financement sur l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation des tableaux d'équilibre pour l'exercice clos (annexe A) sera complété par un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit .

Comme pour les tableaux d'équilibre, la Cour des comptes devra transmettre au Parlement un avis sur la cohérence de ce tableau patrimonial, conformément au b) du 1° de l'article.

Selon le Gouvernement, deux raisons principales justifient cette mesure :

- l'importance des transferts d'actifs et de passifs qui devraient intervenir , dans le cadre des reprises de dette actuellement envisagées par le Gouvernement, entre les régimes obligatoires de base, les fonds concourant à leur financement, la Cades et le FRR ;

- les remarques de la Cour des comptes qui, à l'occasion de la certification des comptes de l'Etat, a souligné l'ambigüité du positionnement de la Cades, faisant valoir que les passifs portés par celle-ci n'étaient présentés ni dans le cadre du projet de loi de finances, ni dans celui du projet de loi de financement. Afin de lever la réserve ainsi émise par la Cour, le présent projet de loi instaure ce nouveau tableau patrimonial qui figurera en annexe à la loi de financement, ce qui confirme l'ancrage de la Cades dans la sphère de la sécurité sociale.

Un toilettage de quelques dispositions organiques du code de la sécurité sociale

Trois articles sont concernés :

- l'article L. O. 111-3 dans son V qui détermine le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale . En effet, certains alinéas de cet article prévoient que les dispositions pouvant figurer en loi de financement intéressent les régimes obligatoires de base et les organismes concourant à leur financement sans mentionner les organismes chargés de l'amortissement de leur dette ou de la mise en réserve de recettes à leur profit, alors que cela est prévu dans d'autres dispositions de l'article. Ces restrictions n'ayant pas de justification, il est proposé de corriger, à quatre reprises, ces omissions ;

- l'article L. O. 111-6 qui prévoit la date de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale . Actuellement, cette date est fixée au plus tard le 15 octobre ou, si cette date est un jour férié, le premier jour ouvrable qui suit. Or, le 15 octobre ne peut être un jour férié mais peut en revanche être un dimanche, c'est pourquoi il est proposé de remplacer les termes « jour férié » par « dimanche » ;

- l'article L. O. 111-7 relatif aux délais d'examen par l'Assemblée nationale et le Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale . Pour tenir compte de la dernière révision constitutionnelle, il est simplement proposé d'actualiser les termes de l'article, en remplaçant « procédure d'urgence » par « procédure accélérée ».

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission partage pleinement le souci d'améliorer l'information du Parlement. L'élaboration d'un tableau sur la situation patrimoniale des organismes de sécurité sociale, y compris la Cades ou le FRR, qui sera soumis au vote du Parlement dans le cadre de l'annexe A au projet de loi de financement, constituera un vrai progrès pour permettre au Parlement d'avoir une vision plus globale et consolidée de la sécurité sociale, en particulier à un moment où d'importants transferts d'actifs et de passifs entre ces divers organismes devraient se produire.

Comme le présent projet de loi procède à un certain nombre d'autres modifications dans la partie organique du code de la sécurité sociale, il est apparu à votre rapporteur comme le meilleur véhicule pour inscrire deux propositions du rapport du groupe de travail sur le pilotage des dépenses d'assurance-maladie . Ce groupe de travail, présidé par Raoul Briet et dont votre rapporteur était membre, a présenté ses conclusions à la conférence des finances publiques du mois de mai dernier qui les a entièrement approuvées.

Elles reprennent d'ailleurs deux séries d'observations faites chaque année par votre rapporteur à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale et concernent deux des annexes au projet de loi de financement dont le contenu est déterminé par l'article L. O. 111-4 du code de la sécurité sociale.

La première vise l'annexe B , mentionnée au I de l'article L. O. 111-4, c'est-à-dire l'annexe relative aux prévisions quadriennales en matière de recettes et de dépenses de chacune des branches. Cette annexe doit notamment fournir une prévision de l'Ondam pour les quatre années à venir.

Or, jusqu'à présent, aucune explication n'a jamais été donnée sur les hypothèses retenues ou la façon dont était construit l'objectif présenté dans l'annexe, ce qui rend toute appréciation de l'objectif proposé impossible pour les parlementaires. Il est également certain que la simple présentation d'une évolution des trajectoires constatées est insuffisante pour respecter la volonté du législateur organique de 2005.

A l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc complété le I de l'article L. O. 111-4 afin de spécifier que la prévision de l'Ondam pour les quatre années à venir doit reposer sur des hypothèses de construction explicitées, prenant en compte les perspectives d'évolution des dépenses et les mesures nouvelles identifiées , par exemple dans le cadre du vote d'une loi de santé publique.

Le second ajout concerne l'annexe 7 au projet de loi de financement, spécifiquement consacrée à l'Ondam. Le contenu de celle-ci est actuellement très insuffisant, voire indigent, comme l'a d'ailleurs également observé, à plusieurs reprises, la Cour des comptes dans ses rapports sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission a en particulier chaque année critiqué l'absence d'éléments précis sur l'exécution de l'Ondam tant de l'exercice clos que de l'exercice en cours, informations pourtant nécessaires pour pouvoir étayer les hypothèses retenues pour la construction de l'Ondam de l'année suivante, ces dernières étant également plus que succinctes.

Le rapport Briet ayant fait le même constat et proposé de modifier la loi organique en ce sens, votre commission a donc, à l'initiative de son rapporteur, complété le 7° du III de l'article L. O. 111-4 pour préciser que l'annexe relative à l'Ondam doit fournir des éléments détaillés sur l'exécution de l'objectif au cours de l'exercice clos et de l'exercice en cours, ainsi que sur les modalités de construction de l'objectif pour l'année à venir .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 bis (nouveau) (art. 3 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale) - Conseil d'administration de la caisse d'amortissement de la dette sociale

Objet : Cet article additionnel, inséré à l'initiative du Gouvernement, modifie la composition du conseil d'administration de la Cades, en l'élargissant à des représentants des organismes de sécurité sociale et du fonds de réserve des retraites.

L'article 3 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale a doté la Cades d'un conseil d'administration composé de six membres nommés par décret, comprenant :

- une personnalité choisie en raison de sa compétence, président ;

- trois représentants du ministre chargé de l'économie et des finances ;

- deux représentants du ministre chargé de la sécurité sociale.

Le présent article additionnel propose, sur amendement du Gouvernement, de modifier cette composition. Le conseil serait désormais composé de quatorze membres au lieu de six, dont une majorité serait des représentants des organismes de sécurité sociale. En effet, outre le président qui demeure une personnalité choisie en raison de sa compétence et cinq représentants des ministres (deux du ministre chargé de l'économie et des finances, deux du ministre chargé de la sécurité sociale et un du ministre chargé du budget), feraient partie de ce conseil huit nouveaux membres :

- le président et le vice-président du conseil d'administration de l'Acoss ;

- le président du conseil de la Cnam ;

- le président du conseil d'administration de la Cnav ;

- le président du conseil d'administration de la Cnaf ;

- le président du conseil d'administration de la caisse nationale du RSI ;

- le président du conseil d'administration de la CCMSA ;

- un représentant du conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites choisi par le président dudit conseil parmi les représentants des assurés sociaux ou des employeurs et travailleurs indépendants.

Le conseil d'administration de la Cades comprendra ainsi une majorité de représentants des partenaires sociaux. Ceux-ci étaient auparavant exclusivement représentés au sein du comité de surveillance de la Cades, également composé de parlementaires, qui a pour mission d'assister le conseil d'administration de la caisse.

Selon le Gouvernement, le renforcement de la place des partenaires sociaux dans la gouvernance de la Cades a deux justifications principales :

- d'une part, il permet de répondre aux engagements pris vis-à-vis de la Cour des comptes dans le cadre de la procédure de certification des comptes de l'Etat, en faisant apparaître clairement que la Cades relève de la sphère de la sécurité sociale et non du périmètre des entités contrôlées par l'Etat ;

- d'autre part, il tire les conséquences du schéma de reprise de dette sous-jacent à la réforme organique, à la fois en termes de montants transférés à la Cades et de la dérogation à la règle organique de non-allongement de sa durée de vie : il vise, dans ce contexte, à affirmer le rôle des partenaires sociaux dans la gestion de la dette sociale et le suivi de son horizon d'amortissement.

Enfin, la présence d'un représentant du fonds de réserve des retraites se justifie par la mobilisation des ressources de ce fonds pour le financement des déficits de l'assurance vieillesse jusqu'en 2018.

Bien qu'elle considère que le fait d'avoir toujours fait figurer les mesures relatives à la Cades dans les lois de financement de la sécurité sociale atteste de la place de la caisse dans la sphère des finances sociales, votre commission ne voit pas d'inconvénient à cet élargissement du conseil d'administration de la Cades, surtout s'il permet de lever une réserve récurrente de la Cour des comptes lors de la certification des comptes de l'Etat .

Sur un plan pratique, les représentants des organismes de sécurité sociale étant déjà présents au sein du comité de surveillance de la caisse, leur présence au sein du conseil d'administration ne devrait pas modifier considérablement la gouvernance de la caisse mais simplement renforcer la place des partenaires sociaux dans les décisions stratégiques liées aux reprises et à la gestion de la dette sociale .

Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 3 (art. L. O. 132-3 du code des juridictions financières) - Assistance de la Cour des comptes au Parlement

Objet : Cet article a pour objet de tirer les conséquences, dans le code des juridictions financières, de la mesure introduite à l'article 2 sur la présentation chaque année, en annexe à la loi de financement de la sécurité sociale, de la situation patrimoniale des organismes de sécurité sociale.

I - Les dispositions initiales du projet de loi organique

L'article L. O. 132-3 du code des juridictions financières prévoit que, chaque année, la Cour des comptes établit un rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale qui comprend, notamment, un avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre relatifs au dernier exercice clos.

Cet article est le pendant de l'article L. O. 111-3 du code de la sécurité sociale qui précise que la mission d'assistance du Parlement et du Gouvernement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution comporte :

- la production du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ;

- la production d'un avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre par branche du dernier exercice clos ;

- la production du rapport de certification des comptes de la sécurité sociale.

L'article 2 du présent texte ayant ajouté, dans le code de la sécurité sociale, que la Cour des comptes devra désormais chaque année fournir un avis sur le tableau patrimonial des différents organismes de la sécurité sociale , il était nécessaire de prévoir le même ajout, par coordination, dans le code des juridictions financières. C'est ce à quoi tend le présent article 3, en faisant explicitement référence à l'article L. O. 111-3 du code de la sécurité sociale, ce qui permet une parfaite harmonisation entre les deux codes.

II - Le texte adopté par la commission

Après avoir constaté la nécessité de cette coordination, votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 - Entrée en vigueur

Objet : Cet article précise les dates d'entrée en vigueur de la loi.

I - Les dispositions initiales du projet de loi organique

Conformément aux annonces du Gouvernement et en cohérence avec les dispositions de l'article premier, le présent article prévoit une application du projet de loi dès la loi de financement de sécurité sociale pour 2011 .

La dérogation prévue à l'article premier a en effet pour objet d'autoriser la seule loi de financement pour 2011 a prévoir une reprise de dette conduisant à un allongement de la durée d'amortissement de la Cades, celui-ci devant être par ailleurs au maximum de quatre ans.

Une exception est toutefois prévue pour la présentation de la situation patrimoniale des différents organismes de sécurité sociale. Celle-ci n'interviendra pour la première fois que dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Des raisons pratiques évidentes liées à la confection des tableaux correspondants justifient ce délai supplémentaire d'un an.

II - Le texte adopté par la commission

La commission a simplement effectué une coordination avec les amendements adoptés à l'article 2, sans modifier les dates prévues par le texte initial.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

*

Réunie le mercredi 1 er septembre 2010, la commission a adopté le texte du projet de loi organique tel qu'il résulte de ses travaux.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS

Audition de Patrice RACT-MADOUX, président du conseil d'administration de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)

Réunie le mercredi 1 er septembre 2010 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission entend Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Cades . - Aujourd'hui, la Cades a une chance sur deux de terminer toutes ses opérations en 2021. C'est une probabilité : elle a aussi 5 % de chances de ne pas avoir achevé sa mission en 2022.

Si le projet de loi organique est voté tel que le présente le Gouvernement, la nouvelle échéance sera 2025. Il s'agit de financer une partie des dettes, actuelles et futures, de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse. Si la loi organique est adoptée et si le projet de loi de financement de la sécurité sociale le prévoit, la Cades reprendra les dettes du régime général et assurera l'équilibre d'une partie de la réforme des retraites. La Cades, pour 2009, 2010 et 2011, reprendra 68 milliards d'euros de dettes du régime général. Au titre de la réforme des retraites, il faudra financer 62 milliards à partir de 2012 et jusqu'en 2018 ; soit 130 milliards au total.

Le Gouvernement apporte donc des recettes nouvelles, conformément à la loi organique. Il faut augmenter la CRDS ou affecter une autre ressource, que j'évalue en « équivalent CRDS ». Nous pourrions recevoir 3,2 milliards d'euros de « copeaux » issus du rabotage des niches fiscales - les déclarations des ministres laissent penser que le secteur des assurances sera le premier visé. Ces 3,2 milliards de recettes fourniraient l'équivalent de 26 points de CRDS. A quoi s'ajoutent quatre années supplémentaires de vie pour la Cades, qui prolongent la durée de la contribution.

Pour la réforme des retraites, les ressources ont été annoncées par Woerth. Il y a d'abord le transfert de ressources pérennes du fonds de réserve des retraites (FRR) : 1,5 milliard d'euros issus du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, entre 2011 et 2025. Il y a ensuite l'anticipation du versement des actifs du FRR qui devait intervenir entre 2020 et 2040 au profit de la Cnav et qui le sera au profit de la Cades, de manière anticipée entre 2012 et 2024.

(Patrice Ract-Madoux fait distribuer un tableau de la situation au 1 er janvier 2011).

Sur le graphique, on constate des reprises de dettes nouvelles en 1998, 2004 et 2008, respectivement pour 13, 50 et 27 milliards d'euros. En 2010, la reprise serait de 130 milliards, répartis entre 68 milliards en 2011 au titre du régime général, 10 milliards les années suivantes pour les retraites -  les reprises seraient achevées en 2018 et l'amortissement, en 2025. Cette date est une hypothèse moyenne. La date de fin pourrait être, à une probabilité de 5 %, 2028. Mais nous tenons aujourd'hui l'objectif de 2021 grâce aux taux d'intérêt qui sont très bas. Une remontée des taux changerait la donne...

Alain Vasselle , rapporteur général . - Vous comptez sur 26 points de CRDS pour que la Cades termine sa vie en 2025. Avez-vous procédé à une analyse fine des recettes ? Car il me semble, et les ministres concernés en sont conscients, que les recettes choisies ne seront pas aussi dynamiques que la CRDS. Elles risquent dans l'avenir de ne plus représenter 26 points. Nous envisageons un amendement tendant à contraindre le Gouvernement à assurer des recettes équivalentes à ces 26 points, pour maintenir la position de la Cades sur les marchés financiers. Qu'en pensez-vous ?

Si l'on prélève 2,1 milliards d'euros par an sur le FRR, que restera-t-il de lui dans la période 2020-2040 ? Enfin, que pensez-vous de l'ouverture envisagée du conseil d'administration de la Cades aux partenaires sociaux ?

Jean-Jacques Jégou , rapporteur pour avis de la commission des finances . - La commission de la dette sociale réunie par le ministre s'est prononcée pour une autre solution que celle présentée finalement par le Gouvernement. La question qui nous hante est bien sûr celle de la pérennité de la recette. La Cades, actuellement notée AAA sur les marchés financiers, considérée comme de même qualité que l'Etat français, doit présenter une image sans tache. Mais quelle sera sa situation si les taux remontent d'ici à la fin de l'année ? L'usine à gaz résulte du refus, au niveau que l'on sait, de faire participer les Français au remboursement de la dette qu'ils ont contractée.

Je ne vois pas comment la recette pourrait se maintenir les années suivantes à 3,2 milliards d'euros : dès lors que des niches seront rabotées, les arbitrages se feront en faveur d'autres produits ! Comment calculez-vous les paliers, ou les « tarifs Cades » ? Comment évolueront-ils en cas de progression des taux d'intérêt ?

Je félicite Alain Vasselle d'avoir pu établir un rapport si vite et en disposant d'aussi peu d'informations. J'espère ne pas entendre d'orateurs en séance publique féliciter le Gouvernement pour ces décisions, qui sont peu glorieuses, et prises le dos au mur. En 2025, on paiera pour les feuilles maladie de la fin des années quatre-vingt-dix...

Les taux sont aujourd'hui exceptionnellement bas : une remontée entraînera-t-elle un important report dans le temps ?

Guy Fischer . - Le Gouvernement a beaucoup communiqué ces derniers jours sur les solutions qu'il comptait apporter. Seuls les initiés comprennent l'usine à gaz qui a été montée. Quant aux Français, ils se demandent tout simplement si les cotisations sociales vont augmenter. Le Président de la République a dit : « Pas de prélèvement !» et il faut dès lors trouver des habillages, ce dont sont chargés le ministre ainsi que Alain Vasselle et Jean-Jacques Jégou. Les salariés, les assurés vont payer, certainement pas les assureurs. Je note que la solution souvent défendue par notre rapporteur général, augmenter la CRDS, a été chaque fois repoussée par le Gouvernement et rengainée par Alain Vasselle...

Nous présenterons nos propositions dans des amendements. Votre souci est de ne pas affoler les marchés pour maintenir un financement à taux réduit. Mais la crise aux Etats-Unis et en Europe n'est pas terminée, au contraire : la situation américaine est dramatique et partout, en particulier en Europe, on élabore des plans de super-austérité.

Yves Daudigny . - La dette portée par la Cades est aujourd'hui de 90 milliards d'euros, elle va donc plus que doubler. N'y a-t-il pas un risque de modifier l'image de la caisse sur les marchés financiers ? Elle devait initialement disparaître en 2009, il est maintenant question de 2025... Y a-t-il un intérêt à maintenir une Cades à l'identique, quand il existe par ailleurs une agence de gestion de l'ensemble de la dette publique ?

Jacky Le Menn . - Je ne suis pas convaincu de la pérennité du dispositif mis en place. Plus qu'une usine à gaz, il m'évoque un précipité chimique de nature explosive, dans ses deux volets. La mise à contribution des contrats d'assurance-vie multi-supports provoquera un repositionnement et un report vers d'autres produits : le support des recettes est fragile. Les contrats complémentaires de santé solidaires et responsables seront touchés également, or, contrairement à ce que dit Mme Lagarde, ils avaient un but : fortifier l'assurance santé. Le coût supplémentaire sera supporté par les usagers. Prolongement de la durée de vie de la Cades, utilisation des fonds du FRR, vos propositions ne répondent pas au souci de ne pas faire payer les générations futures ! La stabilité des ressources n'est pas non plus assurée.

Marie-Thérèse Hermange . - Glorieuses ou pas, ces décisions me paraissent surtout artificielles. La Cades conserve-t-elle un intérêt ? Ces mesures visent à faire vivre la Cades, mais de façon artificielle.

Bernard Cazeau . - Ne soyons pas naïfs : nous savons bien pourquoi le Gouvernement a choisi ce système et ces dates... Le président de la Cades analyse, se pose des questions, mais une échéance en 2025 reste très aléatoire. Avez-vous calculé l'impact financier que représente le supplément de durée de vie de la Cades ?

Nicolas About . - Le problème de la Cades découle de la volonté de traiter la dette sociale séparément du reste. Mais personne ne s'interroge sur la façon de régler la dette de l'Etat ! 2018 ou 2025, c'est sans doute un terme éloigné, mais qu'en est-il de l'ensemble de la dette ? Je suis curieux de connaître la position des parlementaires lorsqu'il s'agira de redéfinir les règles constitutionnelles sur les déficits, notamment sur les dépenses de fonctionnement. J'accorderai du crédit à ceux qui déplorent le prolongement de la Cades lorsque je les verrai voter les nouvelles règles qui pourraient nous être présentées. S'ils ne le font pas, ce sera une grave incohérence.

Patrice Ract-Madoux . - Le seul intérêt d'une séparation entre la caisse et l'Etat est de montrer que l'on isole une dette considérée comme n'étant pas bonne et devant disparaître. La fin de l'amortissement est repoussée à 2025 : comparé à la dette éternelle de l'Etat, cela reste court !

Dés l'origine, l'Etat a voulu que la Cades ait une bonne image sur les marchés : y contribuent d'une part le statut d'établissement public administratif, donc de simple démembrement de l'Etat français, d'autre part les ressources affectées et protégées par l'article 7 de l'ordonnance de 1996 ainsi que par un article de la loi organique. En cas de déséquilibre, le Gouvernement doit proposer des recettes nouvelles. Un gouvernement ne peut faire quoi que ce soit sans avoir pris en compte la date d'échéance de la caisse et présenté un compte à l'équilibre. Le nouveau « tarif » dépendra de la reprise de l'an prochain, je ne le connais pas encore. Sur les recettes de 3,2 milliards d'euros, le Gouvernement ne peut échapper à la nécessité de dire que la ressource est pérenne, même si son contenu n'est pas complètement fixé. Mais il est certain qu'un effritement des recettes modifierait les hypothèses... Je postule donc que ces 3,2 milliards sont garantis.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Cette assurance de disposer de 26 points de base se fonde-t-elle sur un alinéa du texte de loi ? Lequel ? Pour ma part je n'ai rien trouvé.

Patrice Ract-Madoux. - Ce sont une hypothèse et une demande que j'ai transmises au Gouvernement. Je peux présenter un équilibre et une fin en 2025 si le Gouvernement garantit ces 26 points de CRDS ; le projet de loi devrait donc préciser les choses.

Jean-Jacques Jégou , rapporteur pour avis . - Le Gouvernement annonce 3,2 milliards d'euros, M. Ract-Madoux parle en points de CRDS : ce n'est pas la même chose et il faudra y revenir lors de l'examen du texte.

Patrice Ract-Madoux. - J'ai demandé 26 points de base. Il y a certes un doublement de la dette transférée mais ce transfert est étalé sur six années. En 2004, la dette a doublé en un an. Nous sommes habitués à ce genre d'à-coups. Nous émettrons beaucoup dans les deux ans à venir mais si nous avons réussi à convaincre les investisseurs et les agences de notation que notre papier est fiable, que nos ressources sont pérennes, pourquoi aurions-nous des difficultés à lever des fonds ?

Le FRR sera, vous avez raison, assez vide en 2024. Il aura transféré une grande partie de ses actifs à la Cades. Mais le retour à l'équilibre se sera fait en 2018 et l'on peut espérer qu'il perdurera.

Usine à gaz, solutions compliquées dites-vous : le vieux serviteur de l'Etat que je suis garde en mémoire les années passées au Trésor, notamment durant la période du « ni-ni », où il fallait imaginer bien des acrobaties pour financer les entreprises publiques sans les privatiser ni les nationaliser... Mais MM. Vasselle et Jégou nous aident beaucoup à simplifier les mécanismes.

Aux agences de notation, je dis : n'écoutez pas le bruit ambiant, la France est un pays solide et sérieux et nous présentons toutes les garanties.

La modification de la composition du conseil d'administration vise à montrer l'ancrage de la Cades dans la sphère sociale - qui se manifeste déjà par l'examen des comptes de la Cades dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. C'est également une réponse aux remarques de la Cour des comptes. Actuellement, la Cades n'est pas suffisamment inscrite dans la sphère sociale et sa dette est donc comptabilisée avec celle de l'Etat. La modification n'entraînera pas de délai, les représentants des partenaires sociaux qui seront nommés siègent déjà au conseil de surveillance, nous pourrons lancer notre programme d'émissions comme prévu.

Nous surveillons bien sûr le niveau des taux, qui a un impact lourd sur le terme de la Cades. En janvier 2011, nous aurons une chance sur deux de terminer les opérations en 2025, 5 % de chance de terminer en 2023, mais 5 % aussi en 2028. Mais si les taux remontent sensiblement, ces données seraient modifiées : une hausse de deux points par exemple dans les deux ans à venir nous ferait glisser vers 2027.

Audition de Dominique LIBAULT, directeur de la sécurité sociale

La commission entend ensuite Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale.

Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale. - J'ai participé comme plusieurs d'entre vous aux travaux de la commission de la dette sociale, dont le projet de loi organique reprend les conclusions. Il existait plusieurs moyens de remédier au creusement de la dette : le Gouvernement n'a pas souhaité augmenter la CRDS pesant sur les ménages, mais taxer les compagnies d'assurances afin de dégager 3,2 milliards d'euros. Il importe que ces nouvelles recettes soient aussi dynamiques qu'une hypothétique augmentation de la CRDS : il faudra le vérifier chaque année à l'occasion de l'examen du PLFSS. Rappelons que l'allongement de la durée de vie de la Cades est limité à quatre ans.  Si le rendement est inférieur aux prévisions, et faute de nouvelles ressources tirées par exemple des niches fiscales, il faudra se résoudre à augmenter la CRDS.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Le législateur avait souhaité, par voie d'amendement à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, que tout transfert de dette soit compensé par une nouvelle recette d'un montant permettant de ne pas en faire supporter le poids aux générations futures. Il faut donc affecter à la Cades des recettes pérennes et suffisamment dynamiques pour rassurer les marchés et respecter l'échéancier : car nous devons nous en tenir à l'objectif d'une disparition de la Cades en 2021. Dès que la conjoncture économique sera meilleure, il faudra donc envisager une augmentation des recettes supportable par nos concitoyens.

Je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'il soit de bonne méthode de renvoyer au PLFSS la garantie des recettes de la caisse. Ne faudrait-il pas en inscrire le principe dans cette loi organique ? J'aimerais avoir votre avis sur la question, même si, en tant que fonctionnaire, vous êtes tenu à une certaine réserve : car au-delà de l'aspect comptable, il y a un enjeu politique. Nos concitoyens ne doivent pas croire qu'à la première difficulté, il suffira d'allonger la durée de vie de la Cades et de lui transférer quelques recettes mal garanties et plus coûteuses pour la collectivité qu'une augmentation de la CRDS !

Avez-vous fait des simulations sur les conditions de mobilisation du FRR pour financer la dette « vieillesse » qui ne devrait s'éteindre qu'en 2018, son refinancement devant s'achever en 2025 ? Cette ressource sera-t-elle suffisante pour couvrir une dette de 62 milliards ?

Jean-Jacques Jégou , rapporteur pour avis. - Le projet de loi organique prévoit le transfert de dette le plus important depuis la création de la Cades, sans que le taux de 0,5 % de la CRDS ait jamais été modifié. Nous avons eu plusieurs fois recours à des artifices, comme l'an dernier la mobilisation du fonds de solidarité vieillesse, mais il faudra un jour demander un effort supplémentaire aux Français, qui ont accumulé cette dette.

Le Gouvernement a choisi de taxer les assurances, y compris les complémentaires santé. Or, depuis quelques années, on ne cesse de transférer de nouvelles charges sur les mutuelles à l'occasion des lois de financement : il ne sera bientôt plus possible de continuer ainsi ! Jean-Pierre Davant n'a-t-il pas annoncé, il y a quelques jours, une augmentation de la participation des assurés ?

Guy Fischer . - Nos concitoyens ont consenti des efforts importants pour financer leur couverture sociale : les primes des complémentaires santé ont beaucoup augmenté ces dernières années car chaque loi de financement transfère aux mutuelles de nouvelles charges. Contrairement à ce que prétend la majorité, les ménages sont une nouvelle fois mis à contribution, puisque la part incombant aux salariés s'élève à 1 milliard d'euros !

Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale. - Monsieur le rapporteur, je suis attaché comme vous au dynamisme des recettes de la Cades : il y va de sa crédibilité auprès des investisseurs. Faut-il porter à un niveau juridique supérieur, celui de la loi organique, le principe de la garantie des ressources ? Je ne sais. Il m'importe surtout que cette garantie soit automatique, et son principe entériné rapidement : reporter le débat à la prochaine loi de financement nuirait au crédit de la Cades sur les marchés.

Le mécanisme retenu pour le financement de la dette « vieillesse » devrait être suffisant : la question a été étudiée de près. Car outre les actifs du FRR - hormis la soulte des industries électriques et gazières -, la Cades se verra transférer la recette du FRR, soit une partie du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital.

MM. Jégou et Fischer se sont inquiétés de l'impact sur les complémentaires santé des mesures prévues par le Gouvernement. Mais elles ne sont pas seules concernées : les assureurs du secteur financier le sont aussi, puisque les bénéfices versés dans la réserve de capitalisation et les contrats d'assurance-vie multi-supports seront taxés. Quant à savoir s'il eût été préférable d'augmenter la fiscalité des ménages, c'est une question d'opportunité politique. Faut-il parler d'un transfert de charges continu en direction des mutuelles ? Je ne le crois pas. N'oublions pas qu'elles bénéficient de l'effort de maîtrise des dépenses de santé consenti par l'Etat et le régime général, et de l'augmentation du nombre de bénéficiaires d'une couverture sociale à 100 %. Il est vrai que pour les ménages qui n'en bénéficient pas, la part de la complémentaire santé augmente ; mais le partage global des charges entre le régime de base et les complémentaires évolue peu. Le débat reste ouvert quant aux rôles respectifs de la sécurité sociale et des mutuelles. Je crois pour ma part qu'il est essentiel de favoriser l'accès aux complémentaires pour les ménages qui, sans bénéficier de la CMU, ont des revenus modestes.

Ronan Kerdraon . - Vous avez beaucoup de mérite de défendre une réforme à laquelle j'ai le sentiment que vous ne croyez guère... Comme Guy Fischer et Jacky Le Menn, j'estime qu'elle équivaut à une hausse inavouée des prélèvements sociaux, très inopportune en cette période de crise et de chômage. Je doute d'ailleurs qu'elle garantisse à la Cades des ressources pérennes. L'objectif du Gouvernement n'est pas de consolider les comptes sociaux d'ici à 2025 mais de franchir l'obstacle de 2012, quelles qu'en soient les conséquences pour les Français.

Bernard Cazeau . - Le Gouvernement promet de trouver 3 milliards en s'attaquant à « des niches fiscales diverses », expression fumeuse qui m'inquiète. Avez-vous des précisions à nous apporter, à quelques semaines de l'examen du PLFSS ?

Guy Fischer . - C'est bien simple : on puisera dans l'épargne des Français !

Jacky Le Menn . - Vous vous dites attaché à l'automaticité de la garantie apportée à la Cades. Mais croyez-vous qu'il soit utile d'en inscrire le principe dans la loi organique ?

Contrairement à ce que l'on entend, les ménages supporteront le tiers de l'effort, via la taxation des contrats d'assurance-maladie complémentaire dits « responsables », qui devrait rapporter plus d'un milliard d'euros.

Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale. - Monsieur Kerdraon, tout le monde se porterait mieux s'il n'y avait pas de dette sociale, et aucune solution n'est tout à fait satisfaisante ! Le Gouvernement, tenant compte de la conjoncture, a choisi de combiner les deux solutions envisageables : une augmentation des recettes et un allongement limité de la durée de vie de la Cades.

Les nouvelles charges, je le rappelle, n'incombent pas aux seules complémentaires santé. Il n'y aura pas de nouveaux prélèvements directs sur les ménages, mais il est possible que la taxation des assurances ait une répercussion sur ces derniers, en cas d'augmentation des primes. Au sujet de l'équilibre financier des mutuelles, le Gouvernement remet désormais au Parlement un rapport annuel : si d'un côté elles bénéficient de la maîtrise des dépenses de santé, d'un autre côté elles doivent faire face à de nouvelles charges, liées aux déremboursements ou à diverses taxes. L'important est que les ménages modestes puissent s'assurer.

Monsieur Cazeau, les 3,2 milliards de recettes nouvelles proviendront de la taxe sur les bénéfices versés dans la réserve de capitalisation des assureurs, du prélèvement au fil de l'eau de la CSG et de la CRDS sur les contrats d'assurance-vie multi-supports et de l'application d'un taux réduit de la taxe sur les conventions d'assurance aux « contrats responsables ».

Bernard Cazeau . - N'est-ce pas un fusil à un coup ?

Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale. - La taxe sur les conventions sera pérenne. Le prélèvement au fil de l'eau sur les parties en euros des contrats d'assurance-vie permettra de dégager des liquidités dans l'immédiat, mais son effet s'amoindrira par la suite car la CSG et la CRDS étaient jusqu'à présent prélevées au dénouement du contrat, le dernier PLFSS ayant supprimé l'exonération. Quant à la taxe exceptionnelle visant à compenser le manque à gagner provenant de l'exonération jusqu'à présent des bénéfices versés dans la réserve de capitalisation, il est vrai qu'elle ne produira que des effets momentanés. Il faudra donc, par la suite, soit supprimer d'autres niches fiscales, soit augmenter la CRDS. Il est trop tôt pour dire quelles nouvelles niches pourraient être réduites, mais vous avez le choix entre toutes celles que nous recensons chaque année dans une annexe au PLFSS, et que la Cour des comptes pointe dans ses rapports.

Audition de Alain MÉRA, président, Christophe PARISOT, senior director en charge du secteur public de l'agence de notation Fitch France, et Maria MALAS-MROUEH, directrice associée chez Fitch Ratings

Puis la commission entend Alain Méra, président, Christophe Parisot, senior director en charge du secteur public de l'agence de notation Fitch France, et Maria Malas-Mroueh, directrice associée chez Fitch Ratings.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Je remercie la présidente Dini d'avoir pris l'initiative d'inviter les responsables de l'agence Fitch : les agences de notation sont sous les feux de l'actualité depuis que la crise financière a commencé aux Etats-Unis et nous devons nous soucier que la Cades conserve son excellente note actuelle. Quelle appréciation l'agence Fitch porte-elle sur les modalités de financement de la Cades prévues par le projet de loi organique, et censées résorber une dette de plus de 130 milliards d'euros d'ici à 2025 ?

Avez-vous fait des simulations pour savoir si le transfert des actifs du FRR suffira pour que la Cades puisse reprendre les déficits de l'assurance vieillesse jusqu'en 2018 ?

Que pensez-vous de l'éventualité d'inscrire dans la loi organique, plutôt que dans la loi de financement, le principe selon lequel la Cades se verra garantir des recettes équivalentes au produit d'une augmentation de la CRDS à due concurrence de ses besoins de financement ?

La règle instituée par la loi organique de 2005 a-t-elle eu un impact sur votre notation ?

Et d'abord, quelle est votre analyse sur la situation actuelle de la Cades ?

Alain Méra, président de l'agence de notation Fitch France. - Fitch Ratings est l'une des trois principales agences de notation dans le monde. Ses liens avec la France et l'Europe sont étroits, puisqu'elle fut fondée par Marc Ladreit de Lacharrière, président de la société cotée à Paris Fimalac à la suite de la fusion de cinq agences dont l'une, très importante, était basée à Londres. Nous analysons des entités du secteur public, mais aussi des entreprises et des banques, et cherchons à mettre fin au duopole des deux plus grosses agences. Christophe Parisot est responsable du secteur public, qui nécessite une analyse spécifique, et Maria Malas-Mroueh appartient au groupe chargé d'analyser la dette souveraine des Etats et en particulier de la France ; j'ai souhaité qu'elle soit présente aujourd'hui, car la notation de la Cades dépend de celle de la France.

Christophe Parisot, senior director en charge du secteur public de l'agence de notation Fitch France. - L'agence Fitch évalue le crédit de la Cades depuis 1996 sans avoir changé de méthodologie. La caisse jouit toujours d'une notation AAA à long terme et F1+ à court terme, ce qui correspond au meilleur niveau, et les perspectives sont stables. Cette notation est étroitement liée à celle de la République française, conformément à la méthodologie de notation des entités du secteur public définie par Fitch, également appliquée à l'Acoss, à l'AFD, à la CNA, à la SNCF et même à La Poste : car il est très probable qu'en cas de besoin, ces entités reçoivent de leur mandant, l'Etat, un soutien financier en temps utile, c'est-à-dire à la première demande. Compte tenu des liens financiers, économiques, juridiques et moraux entre l'Etat et la Cades, celle-ci entre dans la catégorie des entités « dépendantes » de l'Etat, hautement intégrées à la machine gouvernementale, strictement contrôlées par l'Etat, exerçant des activités de service public et jouissant du statut d'entité du secteur public.

Toutefois la Cades ne bénéficie pas d'une garantie irrévocable de la part de l'Etat, auquel cas sa note serait alignée sur celle de ce dernier. La garantie fournie par l'Etat est de nature statutaire et implicite, ce qui conduit Fitch à mener une analyse « descendante », fondée d'une part sur l'évaluation de la qualité de crédit de la Cades, d'autre part sur la probabilité qu'elle fasse l'objet d'un soutien systématique de la part de l'Etat. Une entité dépendante peut devenir non dépendante si le contrôle exercé par l'Etat se relâche, s'il est prévisible que l'Etat réduise son soutien financier, en cas de changement de statut juridique ou si cette entité exerce des fonctions plus commerciales ; sa note peut alors être revue.

L'évaluation du niveau de dépendance de la Cades à l'égard de l'Etat repose sur cinq principaux critères. Le premier est le statut juridique de la Cades, qui est un établissement public à caractère administratif, et bénéficie à ce titre d'une garantie implicite de l'Etat quant à sa solvabilité et sa liquidité, aux termes de la loi du 16 janvier 1980. En cas de besoins de trésorerie, elle pourrait bénéficier d'avances spécifiques du Trésor ou émettre des billets de trésorerie achetés par la Caisse de la dette publique.

En deuxième lieu, la Cades est fortement intégrée à l'appareil d'Etat, et sa dette consolidée dans la dette publique française au sens du traité de Maastricht.

En troisième lieu, la Cades revêt une importance stratégique pour l'Etat, puisqu'elle est chargée de l'apurement de la dette de la sécurité sociale.

Quatrièmement, l'Etat exerce un contrôle étroit sur la Cades, en vertu du mode de gouvernance de la caisse, de la composition de ses conseils d'administration et de surveillance, et de la supervision des ministères des finances et du budget.

Le cinquième critère, le plus important, concerne la capacité de l'Etat à garantir la solvabilité et la liquidité de la Cades.

L'évaluation intrinsèque de la qualité de crédit de la Cades, indépendamment du soutien de l'Etat, dépend des recettes qui lui sont affectées de manière durable. Nous considérons la CRDS comme une recette pérenne, dynamique et étroitement liée au Pib ; il en va de même de la CSG. Les nouvelles recettes prévues pour compenser le transfert de dette pourraient s'avérer moins fiables, si elles sont liées au produit du placement des actifs du FRR ou à la réduction des niches fiscales. Mais encore une fois, les recettes propres de la Cades n'entrent pas seules en compte dans notre évaluation car nous savons qu'en cas de déséquilibre momentané, elle pourrait obtenir des liquidités auprès de l'Etat.

Tout dépend donc de la note souveraine de la France. Cæteris paribus, le projet de transférer des ressources entre différents organismes du secteur public n'est pas de nature à affecter la notation de la France car l'analyse de Fitch porte au premier chef sur la dette consolidée des administrations publiques.

Pour ce qui concerne l'adossement du FRR, afin que la Cades puisse faire face aux déficits de l'assurance vieillesse jusqu'en 2018, l'agence n'a pas réalisé de simulations propres : elle s'est servie de celles que l'Etat a publiées dans son rapport de diagnostic sur la situation des finances publiques présenté lors de la conférence sur le déficit de mai 2010. Fitch a publié fin mai un commentaire sur la note de la France. Le Gouvernement prévoit une réduction du taux de chômage à 4,5 % en 2024 et de forts gains de productivité, mais si ces objectifs ne sont pas atteints, c'est l'équilibre financier du secteur public tout entier qui s'en trouverait mis à mal.

Quelles seraient les conditions optimales de reprise de la dette sociale ? La réponse à cette question diffère selon que l'on s'intéresse à la notation de la Cades ou de la France. Dans le premier cas, la reprise de nouvelles dettes par la Cades ne devrait pas influer sur sa notation, restée stable depuis 1996 malgré des transferts successifs, car la caisse continuera à bénéficier de recettes publiques, suffisantes pour lui permettre d'apurer la dette. Quant à la dette publique de la France, l'évaluation qu'en fait notre groupe souverain dépend de l'état des finances publiques, des performances économiques du pays, des caractéristiques structurelles de l'économie et des finances externes.

Fitch prend en compte la règle fixée par la loi organique de 2005 dans son évaluation du contexte institutionnel de la Cades ; un changement majeur du cadre législatif pourrait conduire l'agence à abaisser sa note s'il se traduisait par une détérioration de la qualité de crédit intrinsèque de la Cades ou par un affaiblissement du soutien de l'Etat. Mais ce scénario est très improbable à moyen terme. Avant toute chose, c'est la dégradation de la note souveraine de la France qui affecterait la note de la caisse.

Le risque de refinancement de la Cades est d'ailleurs très limité : non seulement elle peut obtenir facilement des liquidités, mais elle dispose d'un programme global d'emprunts à moyen et long terme d'un montant de 75 milliards d'euros et d'un programme d'émission de billets de trésorerie de 20 milliards. La signature de la Cades est reconnue sur le plan international : sa base d'investissement est large, et c'est le deuxième émetteur public français. Elle n'aurait donc aucun mal à trouver des liquidités sur le marché en cas de besoin.

Alain Vasselle , rapporteur général . - A vous entendre, on croirait que tout va pour le mieux : les Français pourraient continuer à dépenser sans compter pour leur santé, car la dette de la sécurité sociale est encore bien moins élevée que celle de l'Etat et la note de la Cades alignée sur celle de l'Etat... Mais l'état actuel des finances publiques permettra-t-il à la France de conserver sa note actuelle ? J'ai entendu parler d'une note « AAA descendante ». Cela signifie-t-il qu'à l'avenir l'Etat et, partant, la Cades bénéficieront de conditions d'emprunt moins favorables ?

La suppression des niches fiscales peut avoir pour conséquence une dégradation des recettes de l'Etat. Quelle serait alors l'approche de votre agence ? On a en effet bien vu ce qui s'est passé aux Etats-Unis quand il a fallu maintenir l'activité économique.

Jacky Le Menn . - Sans vouloir être désagréable, il n'y a pas de spécificité de la Cades puisque les cinq paramètres intéressent l'Etat. Quelles sont alors les perspectives pour celui-ci ?

Marie-Thérèse Hermange . - Vous nous avez dit n'avoir jamais changé de méthodologie et vous avez évoqué une méthodologie d'alignement pour la dette de l'Etat, et une méthodologie descendante pour la Cades. Or le paramètre le plus important est la capacité de l'Etat à apporter une solution pour la Cades. On aboutit ainsi à des paramètres d'alignement. Quels sont les calculs sous-jacents à la norme ? Cela m'avait frappée lors de la mission d'enquête sur la grippe quand des mathématiciens nous ont montré leurs calculs de probabilité. En l'occurrence, vous distinguez deux stratégies mais il y a alignement sur l'Etat.

Guy Fischer . - A vous écouter, l'intégration de la dette de la Cades dans celle de l'Etat est une garantie. Mais pour la suite ? Le taux de croissance de 2 % est surestimé. On rabote les niches fiscales et, dans l'Union européenne, se mettent en place des plans de super-austérité qui vont peser sur le pouvoir d'achat. On invoque les investissements mais c'est un leurre quand les gains de productivité entraînent des licenciements. L'optimisme n'empêche pas des interrogations sur la situation réelle.

Ronan Kerdraon . - Cette vision d'un monde merveilleux est-elle partagée par d'autres agences de notation et, en fin de compte, est-ce la notation de l'Etat qui importe ? Une dégradation de sa note retentirait sur la Cades.

Christophe Parisot, Fitch France. - S'agissant de la méthodologie, il n'y a pas d'alignement de la Cades sur l'Etat. Nous quantifions le soutien de celui-ci à celle-là. La notation de l'Etat étant AAA, la dégradation de celle de la Cades peut aller jusqu'à trois plots. Notre méthodologie permet des ajustements. Je ne peux vous parler de la note de l'Etat. Toutefois, nous y intégrons tous les déficits publics et la dette de la Cades en représentant 5 %, on mesure son importance pour la crédibilité de l'Etat sur les marchés.

Alain Méra, Fitch France. - Ce n'est pas la note mais la méthodologie qui est descendante ! La note de la France est AAA et F1 pour le court terme ; ce sont les meilleures notes et la perspective est stable. En revanche, dans nos commentaires, c'est une note plutôt tendue car la Grande-Bretagne et la France ne font pas partie des AAA les plus confortables.

J'ai été choqué par un propos sur les normes et les calculs non connus car notre agence s'impose une discipline de transparence : la méthodologie est publique, gratuite et disponible ; nous publions tous les ans un rapport sur la Cades. Rien n'est caché et nous pouvons toujours expliquer nos calculs.

Nous avons publié en mai un commentaire détaillé sur la façon dont nous analysons la note de la France. Son triple A n'est pas des plus confortables. L'une des faiblesses de la France tient à son incapacité à améliorer les choses quand la croissance revient - son historique n'est pas probant. Les prévisions pour atteindre les 3 % de croissance sont optimistes et n'ont jamais été réalisées auparavant ; il faudrait des efforts sans précédent. L'adéquation de ce plan sera déterminante, ainsi que sa mise en oeuvre. Nous attendrons le plan global pour présenter un commentaire. Enfin, la France comme la Grande-Bretagne ont un taux d'endettement parmi les plus élevés des pays classés AAA.

Maria Malas-Mroueh, directrice associée Fitch Ratings. - La France a une plus grande flexibilité budgétaire que des triples A comme la Suède ou la Finlande. En outre, l'étendue de la base de sa fiscalité constitue un avantage. Enfin, son Pib a mieux résisté dans la crise, ne baissant que de 2,2 % contre 4 % ailleurs, et il continue à le faire. Voilà les éléments sur lesquels se fonde notre AAA.

Notre rapport de notation détaille les quelques faiblesses que l'on identifie. Contrairement à l'Allemagne, il n'y a pas d'historique de réduction de déficits ; la réforme des retraites n'est pas aussi poussée et les hypothèses de croissance et de réduction des déficits sont très optimistes. Nous surveillons ces facteurs en permanence.

Alain Méra, Fitch France. - Nous nous interdisons de commenter la méthodologie des autres agences. Leurs résultats, fondés sur d'autres démarches, rejoignent les nôtres.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Vous prenez en compte le soutien de l'Etat en cas de dégradation de la situation. Qu'il diminue et la note de la Cades se dégraderait. Vous ajoutez que la France a moins de capacité à redresser la situation quand la croissance est de retour.

Guy Fischer . - Une mauvaise élève !

Alain Vasselle , rapporteur général . - Les 3,2 milliards de recettes transférées ne suffiront pas au-delà de 2013. La loi organique ne donne aucune garantie sur le niveau de recettes de la Cades, mais cela ne semble pas vous inquiéter puisque vous n'envisagez même pas de revoir sa note. Nous pensons quant à nous qu'une disposition organique apporterait une garantie de nature à conforter vos appréciations. La note serait-elle revue en 2012 si le niveau des recettes était très insuffisant ?

Christophe Parisot, Fitch France. - La Cades nous fournit régulièrement des prévisions, qui servent d'appui pour la note que nous lui attribuons. Si on ne considérait que ses mérites propres, l'on appliquerait la méthodologie stand alone. C'est le soutien de l'Etat qui la soustrait au risque de faillite ; il est le premier moteur de sa dette ; il tient les rênes de la Cades.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Mais qu'est-ce qui garantit son intervention ?

Christophe Parisot, Fitch France. - La loi organique n'obère pas le statut d'établissement public administratif. L'Etat reste le dernier recours - on se rappelle Charbonnages de France...

Alain Vasselle , rapporteur général . - Uniquement pour les nouveaux transferts de dette, mais pas pour celle-ci, et 130 milliards, ce n'est pas rien ! J'attendais que vous exprimiez le souhait d'une garantie... M. Ract-Madoux nous a laissé entendre tout à l'heure que nous en manquions pour 2012-2013. Faudra-t-il baisser la note ou ne sera-t-elle jamais revue ?

Christophe Parisot, Fitch France. - C'est un comité de notation interne qui juge de l'opportunité de revoir la note, en s'appuyant sur des comparaisons. Tout changement institutionnel ou législatif peut nous conduire à revoir la note : La Poste par exemple était passée de AAA à AA quand l'Union européenne a limité les possibilités de l'aider. Il n'est pas exclu que cela s'applique à la Cades pour laquelle la loi du 16 juillet 1980 reste essentielle.

Jacky Le Menn . - Quel est le cadencement de vos notations ?

Alain Méra, Fitch France. - Nous avons un rythme annuel systématique mais l'on revoit le dossier en cas d'événement.

Jacky Le Menn . - En continu, donc.

Alain Méra, Fitch France . - Nous n'arrêtons pas de regarder.

Jacky Le Menn . - Les notes des autres agences ne vous influencent-elles pas ?

Alain Méra, Fitch France. - Pas du tout !

Jacky Le Menn . - Les experts ne se parlent-ils jamais ?

Alain Méra, Fitch France. - Très rarement : les auditions par les commissions parlementaires sont l'une des rares occasions de se rencontrer.

Ronan Kerdraon . - Cela rejoint ce que je disais sur les comparaisons.

Audition de François BAROIN, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

La commission entend enfin François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

François Baroin. - Je viens vous exposer la stratégie du Gouvernement concernant la gestion de la dette sociale. La dette sociale a toute sa place dans le débat sur la réduction de la dette et des déficits publics. En 2011, la dette sociale cumulée au sein de l'Acoss représentera 80 milliards d'euros qu'il convient de résorber. Le projet de loi organique adopté en conseil des ministres, le 13 juillet dernier, constitue l'un des éléments clefs de notre démarche globale. La sécurité sociale est en effet au coeur de la cohésion sociale et, si ne pas demander à nos enfants de payer nos dettes et d'assumer un fardeau qui n'est pas le leur est une question de responsabilité, nous devons concilier cette exigence avec la nécessité de ne pas casser la reprise économique.

J'ai tenu, dans ce contexte, à réunir une commission sur la question de la dette sociale, à laquelle a participé la représentation nationale. L'ensemble des forces politiques des deux assemblées y était représenté. Elle a tenu trois réunions. Alain Vasselle, rapporteur général, André Lardeux, Sylvie Desmarescaux, Guy Fischer et Jacky Le Menn, de votre commission, y ont siégé pour le Sénat. J'ai apprécié votre attitude consciente et responsable. Vous avez écarté le maintien de la dette sociale au sein de l'Acoss, ainsi que sa reprise par l'Etat ou la création d'une autre Cades. L'allongement de la durée de vie de la Cades n'étant envisagé que comme une solution d'appoint, vous avez demandé au Gouvernement d'apporter des réponses structurelles à la dette sociale. Le schéma de reprise de la dette sociale que je vous propose répond à cette attente. Il sera mis en oeuvre pour une large part dans le PLFSS pour 2011.

Afin de permettre à la Cades de reprendre les 80 milliards de la dette ainsi que les déficits futurs de la branche vieillesse, nous lui avons d'abord octroyé de nouvelles recettes : 3,2 milliards d'euros par an permettront de reprendre 34 milliards d'euros de dette, ce qui correspond aux déficits structurels des années 2009 et 2010 du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) ainsi qu'au déficit prévisionnel 2011 de l'assurance maladie. Par souci d'équité, nous avons souhaité que seules les générations actuelles d'actifs et de retraités supportent ces déficits structurels. Les recettes affectées à la Cades proviendront de la réduction des niches fiscales et sociales, et non de hausses d'impôts.

La suppression de l'exonération de taxe sur les conventions d'assurance dont bénéficient les contrats d'assurance maladie « solidaires et responsables », d'abord, respectera leur spécificité : le taux sera de 3,5 % contre un taux normal de 7 % ; les complémentaires-santé bénéficieront toujours d'une exonération d'1,1 milliard d'euros et, au total, malgré cette mesure qui rapportera une somme équivalente, ces contrats bénéficieront toujours d'avantages fiscaux et sociaux.

La taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance, ensuite, rapportera 1,4 milliard d'euros en 2011 ; cette taxe ne réduira pas la réserve de capitalisation et sera sans effet sur les capitaux propres des entreprises du secteur : il s'agit d'une mesure de trésorerie puisque la dotation de la réserve a vocation à être taxée à 33 % lors de sa reprise : nous la taxons à 10 % immédiatement et, en échange, les reprises sur cette réserve seront exonérées d'impôt.

Troisièmement, les prélèvements sociaux s'appliqueront aux encaissements dans les compartiments euros des contrats d'assurance-vie multi-supports, plutôt qu'au dénouement des contrats. Avec ces trois mesures, la Cades disposera de 4,1 milliards d'euros en 2011, de 2,5 milliards en 2012, soit 3,3 milliards en moyenne sur les deux prochaines années, puis ces ressources diminueront. Compte tenu de la dynamique décroissante du rendement des deux dernières mesures, je vous propose, dans le respect de la nouvelle contrainte organique, une clause de garantie de ressources sur le long terme. Le Président de la République refusant d'augmenter les impôts, comme il vient de le rappeler à Brégançon, il nous faudra réduire d'autres niches fiscales et sociales. C'est un axe majeur de notre stratégie fiscale. Tels sont notre volonté et le cap que nous voulons tenir. Cela dit, par cette clause, nous garantissons que, en cas d'échec, les ressources manquantes viendront d'un relèvement de la CRDS. La reprise de la dette sera bien financée par des recettes certaines et pérennes.

La prolongation de quatre ans de la durée de vie de la Cades permettra de reprendre 34 milliards, soit la dette de crise des années 2009 et 2010. Le fait est avéré, le déficit du régime général a doublé en 2009 par rapport à 2008 - passant de 10 milliards d'euros en 2008 à 20 milliards en 2009 - du fait d'un « choc de recettes », la masse salariale du secteur privé s'étant contractée pour la première fois depuis 1945. Il nous est apparu injuste de faire supporter aux seules générations actuelles une dette née d'une crise sans précédent, d'où la dérogation, mesurée, au principe de non-allongement, puisqu'elle conduit à étaler sur quinze ans au lieu de onze le remboursement de cette « dette de crise ».

Nous souhaitons enfin mobiliser les actifs et la recette du FRR en vue de la reprise de la dette vieillesse de 2011 et des années suivantes. On estime la dette annuelle de la Cnav et du FSV à 10 milliards d'euros. Le Gouvernement doit apporter une réponse aux déficits passés et en éviter de nouveaux. Avec la réforme structurelle des retraites que nous engageons, l'équilibre devrait être atteint en 2018. La mobilisation du FRR permettra à la Cades, dans la limite de 62 milliards, d'amortir les déficits cumulés du régime général et du FSV d'ici cette date. Elle disposera à cet effet du transfert de la part aujourd'hui affectée au FRR du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, pour un rendement de 1,5 milliard d'euros en 2011, et de la liquidation des actifs du FRR via des transferts annuels de 2,1 milliards jusqu'en 2024, date à laquelle la propriété des actifs résiduels du FRR sera transférée à la Cades. Loin d'être rapidement liquidé, le FRR continuera à gérer ses actifs jusqu'en 2024.

Au total, 130 milliards d'euros de dettes seront transférés à la Cades : 68 milliards correspondant aux déficits 2009 et 2010 du régime général et du FSV, plus le déficit prévisionnel 2001 de la branche maladie ; 62 milliards de déficits prévisionnels vieillesse sur la période 2011-2018.

L'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996 sera modifié pour permettre l'allongement de la durée de vie de la Cades : cet article prévoit que toute reprise de dette doit s'accompagner d'une augmentation des recettes de façon à ne pas allonger la durée de l'amortissement. Il s'agit une disposition de nature organique comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel par sa décision du 29 juillet 2005. Le principe de non-allongement n'est donc nullement mis en cause par la modification que je propose - la commission de la dette sociale a souligné le caractère structurant de ce principe. Le projet conforte le caractère exceptionnel de la dérogation : seule la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 pourra prévoir des transferts de dette conduisant à allonger la durée d'amortissement ; cet allongement, compte tenu des déficits imputables à la crise, ne pourra dépasser quatre années. L'horizon de la dette sociale reste limité et en lien avec la durée de vie de la génération à l'origine du déficit. Le Parlement pourra contrôler le respect de cette disposition organique grâce à l'enrichissement en ce sens de l'annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale. La charge de la dette sociale ne sera donc pas reportée sur les générations futures.

Le 1° de l'article 1 er ouvre au législateur la possibilité de financer des reprises de dette sociale par un transfert d'actifs à la Cades, en plus de l'affectation de recettes supplémentaires.

La Cour des comptes conteste depuis deux ans le traitement comptable appliqué à la dette sociale portée par la Cades. Elle considère qu'il est anormal que cette dette ne figure nulle part, ni dans les comptes de l'État, ni dans ceux des organismes sociaux. Nous reconnaissons que cette situation est anormale mais nous contestons le rattachement à l'Etat de cette dette, puisqu'elle relève du champ de la sécurité sociale. C'est pourquoi je vous propose de préciser le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale et de soumettre chaque année à votre approbation un tableau qui améliorera l'information du Parlement en retraçant la situation patrimoniale de l'ensemble des organismes entrant dans le champ de ces lois.

Un amendement du Gouvernement, enfin, propose de modifier la composition du conseil d'administration de la Cades afin de renforcer la place des partenaires sociaux : en marquant l'appartenance de la caisse à la sphère sociale, il assurera que l'Etat ne la contrôle pas. Nous espérons ainsi obtenir que la Cour des comptes lève la réserve relative à la Cades dès la certification des comptes 2010.

Nous sommes déterminés à régler le problème de la dette sociale de façon responsable en asséchant les déficits passés et en anticipant les besoins de financement futurs, en l'occurrence ceux de la branche vieillesse.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Je vous remercie de nous avoir éclairés dans le moindre détail sur les mesures prévues pour financer 130 milliards de dettes. Le texte du projet suscite en effet quelques interrogations dont je vous ai déjà fait part. Nous comprenons les raisons des propositions du Gouvernement ; vous comprendrez que le Sénat, pas plus que l'Assemblée nationale, ne veuille transférer le poids de la dette aux générations futures. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, d'où la dérogation au principe de non-transfert de dettes sans recettes correspondantes. J'ai dit à chacune de nos réunions que si notre pays a la chance de revenir à meilleure fortune, il faudrait, sans porter atteinte au pouvoir d'achat de nos concitoyens, reprendre la date de 2021. Cela nécessite que nous amendions le texte car l'on ne peut se contenter d'un rapport : la Cades doit garder sa crédibilité et sa notation. Pour cela, il faut que les recettes transférées soient pérennes et dynamiques. Vous avez admis que l'une d'elles n'était qu'un fusil à un coup, et ce qui est vrai pour la taxation de la réserve de capitalisation l'est aussi pour la taxation des compartiments euros des contrats d'assurance-vie, compte tenu des arbitrages prévisibles. Il est nécessaire de trouver un relais en 2013. Quant aux contrats responsables d'assurance maladie, les effets collatéraux ne sont pas négligeables et M. Davant a déjà annoncé une augmentation des primes. Si l'on porte atteinte au pouvoir d'achat, le relèvement de la CRDS aurait au moins évité de construire une usine à gaz... Qu'advient-il de la CMU-c pour les personnes qui sont à la CMU et allez-vous relever le crédit d'impôt pour celles qui sont au-dessus du plafond ?

Nous avons besoin de garanties : vous les renvoyez au PLFSS alors qu'une mesure à caractère organique serait plus rassurante. M. Ract-Madoux, le président de la Cades, a parlé de recettes équivalentes à 26 points de base de CRDS. L'on ne peut pas prendre le risque d'une révision de la note de la caisse. S'agissant du FRR, M. Ract-Madoux nous a dit que les 2,1 milliards annuels provenant des actifs permettraient d'amortir la moitié des 62 milliards transférés jusqu'en 2024 ; dès lors, le 1,5 milliard annuel provenant du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital suffira-t-il pour refinancer les 31 milliards d'euros restants ? Avez-vous procédé à des simulations sur le dynamisme des recettes ?

Enfin, que se passera-t-il si l'une des futures lois de financement manquait à l'engagement de ne pas reporter la dette sur les générations futures ? Le Conseil constitutionnel pourrait-il la censurer sur ce fondement ? Ne vaudrait-il pas mieux, dès lors, garantir l'engagement par la loi organique ? Nous avons une proposition dans ce sens, je vous la présenterai tout à l'heure en commission.

Jean-Jacques Jégou , rapporteur pour avis de la commission des finances . - Monsieur le ministre, vous comprendrez que, membre de la commission des finances, je regrette que le Gouvernement n'ait pas choisi d'augmenter la CRDS. Cela aurait été plus simple et nos concitoyens l'auraient compris, car il s'agit bien de financer la dette sociale. Ensuite, je dois bien observer que les 3,2 milliards d'euros par an utilisés pour la Cades seront autant de moins pour la réduction du déficit budgétaire. Quant aux 2,1 milliards annuels retirés au FRR jusqu'en 2024, si le choix d'un prélèvement en numéraire correspond effectivement à une préférence de la caisse, il faudra veiller à ce que la mobilisation d'une telle somme n'ait pas d'incidence négative sur la Bourse de Paris.

Yves Daudigny . - Lors du dernier PLFSS, notre rapporteur proposait d'augmenter la CRDS, pour reprendre dès 2010 20 milliards de dette sociale. Voici qu'une telle perspective est encore repoussée, au nom du dogme présidentiel de refus de toute hausse des impôts. Le Gouvernement lui préfère un montage complexe, qui n'est pas pérenne, ni fiable, et il ponctionne le FRR bien avant la date prévue : n'est-ce pas perdre du temps sur la CRDS, et compromettre le financement des retraites, qui auront un besoin pressant de ressources dans les années 2020-2040 ?

Guy Fischer . - Pourquoi le Gouvernement s'en tient-il au refus d'augmenter les impôts ? On nous a expliqué la différence entre la dette de crise et la dette sociale structurelle, mais le fond demeure : ce sont bien les assurés sociaux qui mettront la main à la poche, via l'augmentation de leurs cotisations ! Cela s'ajoute au gel du traitement des fonctionnaires dès cette année, qui annonce pour l'an prochain une véritable glaciation de l'ensemble des revenus du travail pour 2011 et 2012, comme il en va pour les retraites. Monsieur le ministre, notre débat va bien au-delà du financement de la dette sociale : quelle garantie apportez-vous aux salariés pour leur pouvoir d'achat ?

Marc Laménie . - Monsieur le ministre, vous évoquez un tableau patrimonial : comment comptez-vous le dresser ?

Dominique Leclerc . - Comment garantir le financement des retraites agricoles, et d'abord de la compensation généralisée, qui représente 10 milliards de transferts annuels ? Les déficits s'accroîssent, la compensation doit suivre et certains contributeurs sont de plus en plus sollicités, comme la CNRACL ou le régime des professions libérales qui doit subir de plein fouet le succès du régime de l'auto-entrepreneur ; avec 35 % des cotisations et 60 % des prestations, comme l'a montré le rapport de Claude Domeizel et moi-même, il ne s'agit plus de compensation ni même de solidarité, mais d'une quasi-spoliation. Que va devenir la compensation généralisée qui doit, selon la loi de 2003, s'achever dans dix ans ?

Bernard Cazeau . - Vous préférez prolonger la Cades, monsieur le ministre, plutôt qu'augmenter la CRDS, uniquement pour vous conformer à une promesse du Président de la République. Vous mobilisez des ressources qui ne sont pas pérennes et que nos concitoyens devront débourser, ne serait-ce que par le biais des cotisations d'assurance et de mutuelle. Cette décision n'est-elle pas politique, plutôt que technique ? Votre horizon n'est-il pas surtout l'échéance de 2012, puisque vous renvoyez à 2013 l'augmentation éventuelle de la CRDS ?

Jacky Le Menn . - Rude tâche que la vôtre, et que la nôtre, monsieur le ministre ! Nous étions tous d'accord pour que le financement de la dette ne repose pas sur les générations futures : vous le décidez pourtant, même si vous en faites une exception, mais nous savons bien que les exceptions peuvent finir par constituer la règle ! Nous étions tous d'accord pour que les recettes soient pérennes : ce n'est pas le cas, les 26 points de CRDS n'y sont pas et les recettes vont évoluer dans le temps, malgré les verrous que vous pensez mettre en place dans la loi de financement - mieux vaudrait, au moins, que cela figure dans une loi organique. Les ménages devront débourser, via les cotisations d'assurance et de mutuelle, un milliard au bas mot : ayez au moins le courage de le reconnaître !

Nous sommes mécontents, encore, de vous voir prélever les actifs du FRR, alors que nous étions tous d'accord pour les sanctuariser. Chacun sait pourtant que la pression sur le FRR sera très importante dans les années 2020 pour lisser les retraites. Des alternatives existent, en particulier du côté de la CSG sur le patrimoine. Mais elles se heurtent partout à ce réflexe idéologique qui vous fait écarter toute augmentation d'impôt, et nous sommes enfermés dans un véritable carcan qui empêche le financement de la dette sociale et qui vous fait compromettre celui des retraites.

Ronan Kerdraon . - Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C'est ce que nous inspire l'usine à gaz que vous bâtissez, monsieur le ministre, pour honorer une promesse du Président de la République. Il faut rendre hommage au président de la Cades pour son abnégation... Mes collègues ont dit la fragilité des recettes que vous nous proposez, ainsi que leur coût pour les ménages, alors que la crise est loin d'être derrière nous. Comment allez-vous financer les retraites, une fois le FRR mobilisé pour le remboursement de la dette sociale ?

François Baroin, ministre. - Notre décision de ne pas augmenter les impôts ne tient pas à je ne sais quel dogme défini au fort de Brégançon mais à un engagement électoral du Président de la République, car la France a le triste privilège de figurer aux tout premiers rangs des prélèvements obligatoires. Ceux-ci, ne l'oublions pas, englobent les prélèvements sociaux. Et c'est ce poids très important des prélèvements obligatoires qui nous fait maintenir le cap du refus de toute hausse des impôts malgré la crise et en dépit de ce que font bien d'autres pays. Il serait certes plus simple de les augmenter mais nous pensons qu'il est plus responsable et courageux de conduire des réformes structurelles, quand nos prélèvements obligatoires représentent déjà 42 % de la richesse nationale. Le financement de la dette sociale, cependant, occupe une place particulière : il requiert des ressources stables et c'est bien pourquoi nous envisageons de recourir à une augmentation de la CRDS, si cela s'avère nécessaire.

Nos dépenses fiscales et sociales s'établissent à un niveau très élevé, 75 milliards pour les niches fiscales et 45 milliards pour les niches sociales : c'est le sens des efforts que nous faisons porter sur les niches cette année, pour 10 milliards, dont une partie financera les retraites, ce qui est conforme à notre objectif global d'équilibre des comptes publics.

Vous dites que les assurés paieront, via les cotisations d'assurance et de mutuelle, mais, pour en avoir largement débattu avec les assureurs, je sais que rien ne les oblige à augmenter les cotisations. Nous en appelons aussi à eux, parce qu'il s'agit de sauver notre modèle de protection sociale, l'Etat providence à la française, qui consacre 54 % de la richesse nationale à la dépense publique : il est donc cohérent de demander aux assureurs d'y contribuer.

S'agissant des cliquets que nous prévoyons pour garantir la pérennité des financements, je suis ouvert à la discussion. Nous avons encore le temps d'améliorer le texte, dans l'intérêt de la notation de la Cades.

Je vous confirme que le PLFSS revalorisera le plafond de l'aide complémentaire santé.

Sur le traitement des fonctionnaires, M. Fischer aime utiliser le terme de « glaciation », vocable usité jusqu'à la fin des années 1980 pour un système politique et une aire géographique vers lesquels il a pu se tourner, suivant en cela des convictions politiques que je respecte, mais ce terme ne convient certainement pas au traitement des fonctionnaires. Le Gouvernement s'est engagé à un gel pour 2011, avec une clause de revoyure, et cette ligne générale n'empêche pas dans bien des cas de voir le pouvoir d'achat augmenter de 3,5 %, via le GVT et la garantie individuelle de pouvoir d'achat que nous avons mise en place.

Ensuite, chacun comprend qu'on puisse mobiliser le FRR pour combler des déficits qui étaient prévus pour 2020 mais qui se vérifient déjà : nous tenons compte de la situation.

Enfin, avec le tableau patrimonial, le Parlement pourra se prononcer au vu du bilan plutôt que du seul compte de résultats : c'est un progrès dans la transparence.

J'ajoute que le Gouvernement présentera un amendement pour élargir la composition du conseil d'administration de la Cades. Les représentants de l'Etat n'y seront plus majoritaires, puisqu'ils disposeront de cinq sièges, sur quatorze.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission procède à l' examen du rapport de Alain Vasselle sur le projet de loi organique n° 672 (2099-2010) relatif à la gestion de la dette sociale.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Présenter ce rapport dans la foulée des auditions de ce matin n'est pas une situation très confortable, d'autant que j'ai reçu seulement hier les informations, nécessaires à une correcte appréciation de ce texte, que j'avais demandées au ministre François Baroin le 13 juillet dernier. Encore une fois, la presse - entre autres journaux Le Figaro et Les Echos - en sait davantage que nous sur des sujets dont nous devrions être prioritairement tenus informés.

Cela étant, venons-en au contexte de ce projet de loi organique. Avec la crise, les déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ont atteint la somme record de 23,5 milliards en 2009 et devraient avoisiner 30 milliards en 2010 et en 2011. Pour l'heure, l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'Acoss, porte ces déficits. Rappelons que, dans la dernière loi de financement, nous l'avons autorisée à recourir à des ressources financières au niveau totalement inédit de 65 milliards d'euros, malgré nous, si j'ose dire, puisque il nous semblait préférable d'organiser dès 2010 une reprise partielle des déficits accumulés par la caisse d'amortissement de la dette sociale, la Cades, en augmentant légèrement la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Le Gouvernement ne nous avait pas suivis, mais s'était engagé à lancer une réflexion sur le traitement des déficits sociaux. Il a fallu attendre fin mai pour que cela soit chose faite via la réunion de la commission de la dette sociale, regroupant sept députés et sept sénateurs, dont votre serviteur, sous la présidence de M. Baroin. Le Gouvernement nous a présenté, au cours de la troisième et dernière réunion de la commission le 30 juin, la solution retenue, dans les grandes lignes du moins. Celle-ci sera l'objet de dispositions contenues dans pas moins de quatre textes figurant à l'ordre du jour des prochaines semaines : ce projet de loi organique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le projet de loi de finances et le projet de loi de réforme des retraites. Or, les derniers arbitrages n'ayant pas été rendus sur les deux grandes lois financières, nous disposons seulement de deux textes sur quatre. Dans cette situation, difficile d'y voir clair sur ce texte comme sur la réforme des retraites, ai-je rappelé au ministre Baroin ce matin. Peut-être devrions-nous en tirer des conclusions pour l'avenir.

D'après les informations fournies, la reprise de la dette atteindra 130 milliards d'euros, soit un montant équivalent à la dette transférée à la Cades depuis sa création, mais largement supérieur à la dette qu'elle doit amortir, soit 90 milliards d'euros. Ces 130 milliards correspondent aux déficits du régime général et du FSV pour 2009 et 2010, au déficit prévisionnel de l'assurance maladie pour 2011 et à celui de la branche vieillesse de 2011 à 2018, date à laquelle il est prévu son retour à l'équilibre, grâce à la réforme des retraites. Selon le Gouvernement, cette dette se décompose en une dette de crise d'environ 34 milliards pour 2009 et 2010, une dette structurelle également évaluée à 34 milliards pour 2009, 2010 et 2011 au titre de la seule maladie et les déficits de l'assurance vieillesse de 2011 à 2018, soit 62 milliards. Le plan de financement que propose le Gouvernement est fonction de cette analyse : la dette de crise sera financée grâce à l'allongement de la durée de vie de la Cades de 2021 à 2025, la dette structurelle via l'affection de 3,2 milliards d'euros de recettes nouvelles sur les assurances qui ne sont pas entièrement satisfaisantes, j'y reviendrai, et les déficits de l'assurance vieillesse grâce à la mobilisation des actifs et de la recette du fonds de réserve pour les retraites, le FRR, soit respectivement environ 30 milliards et 1,5 milliard par an. Les principaux éléments de cette reprise de dette, notamment le détail des montants de dette transférés à la Cades et les conditions de mobilisation du FRR, figureront dans le projet de loi de financement ; les recettes sur les assurances seront détaillées dans le projet de loi de finances.

Le présent texte, quant à lui, est nécessaire pour une question de principe. Il vise, pour l'essentiel, à lever le verrou posé par le législateur dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005 : l'impossibilité de transférer de nouvelles dettes à la Cades sans affectation parallèle de ressources pour y faire face. Ce principe, dont le but était d'empêcher un nouvel allongement de la durée de vie de la Cades et auquel le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur organique par une décision historique, n'est pas remis en cause par l'article premier de ce projet de loi. Nous n'aurions pas accepté le report de nos déficits sur nos enfants et petits-enfants ! D'ailleurs, j'ai la faiblesse de croire que l'unanimité de la commission de la dette sociale sur ce point a contraint le Gouvernement à restreindre la portée de la dérogation instituée par ce texte à la loi de financement pour 2011, soit un allongement de la durée de vie de la Cades limité à environ quatre ans et une extinction de la caisse, en l'état actuel, programmée pour 2025. Ces quatre années supplémentaires permettront d'atténuer le coût de la reprise de la dette accumulée de 80 milliards fin 2011, en reprenant un peu plus des 30 milliards de dettes liés à la crise sans accroissement des ressources affectées à la Cades. En outre, l'article premier autorise le transfert d'actifs, et non seulement de recettes, à la Cades. Cette disposition s'inscrit dans le cadre de la mobilisation prévue du FRR pour assurer le financement des déficits de l'assurance vieillesse jusqu'en 2018. Cette précision ne paraît pas utile puisque, a indiqué le ministre ce matin, la Cades devrait bénéficier du produit de la réalisation des actifs par le FRR, et non des actifs eux-mêmes. Mais mieux vaut la prévoir si un tel transfert se révèle nécessaire.

L'article 2 vise à améliorer l'information du Parlement en soumettant à son approbation la situation patrimoniale de tous les organismes entrant dans le champ de la loi de financement, y compris la Cades et le FRR. Ce faisant, le Gouvernement lève une réserve récurrente de la Cour des comptes sur le positionnement ambigu de la Cades entre la sphère sociale et celle de l'État. Un amendement du Gouvernement sur la composition du conseil d'administration de la Cades renforce cet ancrage de la Cades dans le périmètre des finances sociales, ce dont je me réjouis en tant que rapporteur général. L'article 3 tire les conséquences de l'article 2 dans le code des juridictions financières et l'article 4 précise les dates d'entrée en vigueur de la loi.

Le texte ne posant pas de difficultés techniques particulières, je proposerai simplement deux amendements à l'article 2 destinés à compléter l'article L. O. 111-4 du code de la sécurité sociale. Ceux-ci reprennent deux propositions du groupe de travail présidé par Raoul Briet sur le pilotage des dépenses de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'Ondam, auquel j'avais l'honneur d'appartenir, qui ont fait l'unanimité lors de la présentation du rapport devant la conférence des finances publiques en juin dernier. La première prévoit que l'annexe B de la loi de financement, qui contient les prévisions quadriennales, devra fournir une information plus précise sur les perspectives d'évolution de l'Ondam et sur les hypothèses retenues pour établir sa progression, information jusqu'alors très sommaire. La seconde renforce le contenu de l'annexe 7 consacrée à l'Ondam, dont nous avons maintes fois souligné l'insuffisance, voire l'indigence.

Cela dit, ce texte soulève une interrogation majeure : les trois recettes portant sur les assurances, censées rapporter 3,2 milliards d'euros en 2011, n'offrent pas les garanties de stabilité et de dynamisme nécessaires, comme l'a reconnu ce matin le ministre. De fait, la taxation de la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance est une « mesure à un coup », même si le Gouvernement envisage de répartir son produit, dont le total serait compris entre 1,4 et 1,6 milliard d'euros, entre les exercices 2011 et 2012. Ensuite, l'anticipation des prélèvements sociaux sur les compartiments euros des contrats d'assurance-vie rapportera environ 1,4 milliard d'euros en 2011, mais moins ensuite car la recette s'effritera naturellement, sans compter les éventuels arbitrages des épargnants. Seule la taxation des contrats d'assurance santé responsables offre une certaine pérennité, mais nous reparlerons de ses éventuels dégâts collatéraux lors des débats sur la loi de financement et la loi de finances. Conforté dans cette analyse par les propos tenus par M. Ract-Madoux, président de la Cades, et M. Libault, directeur de la sécurité sociale, je vous propose d'inscrire dans la loi organique la clause de garantie suivante : la loi de financement devra assurer le respect de la règle d'affectation des recettes nécessaires au remboursement des dettes sociales reprises et, à défaut, prévoir une augmentation automatique - les personnalités auditionnées ont insisté sur ce point ce matin - de la CRDS.

Enfin, comme je l'ai répété devant la commission de la dette sociale et ce matin, une clause de retour à bonne fortune, objet d'un autre amendement, me semble un impératif vis-à-vis de nos concitoyens : si la situation s'améliore, il faut que nous puissions, en nous imposant davantage de rigueur, ramener la date de fin de vie de la Cades à 2021.

Guy Fischer . - Le groupe CRC-SPG s'opposera à ce texte, ce qui n'étonnera guère le rapporteur général car j'avais dit mon opposition, au sein de la commission de la dette sociale, à la solution retenue par le Gouvernement dans ce débat technique et complexe. Pour nous, le Gouvernement n'est pas allé jusqu'au bout dans la recherche de nouvelles recettes financières, je pense à la taxation des revenus du capital et des revenus des entreprises. Nous nous sommes heurtés au dogme édicté par le Président de la République : pas de hausse des prélèvements ! Et pourtant, d'après les organisations syndicales, 85 % des déficits seront in fine supportés par les salariés... Nous sommes contre la taxation des mutuelles quand celles-ci suppléent de plus en plus au régime général à mesure des contractions de la sécurité sociale. En outre, ce texte - ce point a été souligné par le rapporteur général - se fonde sur un postulat selon lequel l'État ne peut pas reprendre une partie de la dette sociale alors que l'effort aurait pu être partagé. Enfin, l'utilisation anticipée du FRR conforte notre opposition à ce texte.

Marc Laménie . - Ce texte est, certes, de caractère technique et complexe mais il concerne tous les Français. Comment et selon quels critères a-t-on déterminé la date d'extinction de la Cades ?

Bernard Cazeau . - Les informations obtenues ce matin ont confirmé nos très grandes réserves à l'égard de ce texte dont les perspectives financières semblent aléatoires, non pérennes. Le recours à la Cades, une fois de plus, est un moyen détourné de faire porter à nos concitoyens les déficits sociaux, sans oublier l'utilisation anticipée du FRR, contraire à ce qui était prévu. Bref, ce projet de loi me semble quelque peu bâclé : il tient davantage de l'échappatoire politique dans la perspective de 2012, comme je l'ai dit au ministre ce matin, que de la volonté de régler le problème de la dette sociale. Pour toutes ces raisons, nous ne participerons pas au vote en commission et détaillerons notre position en séance publique.

Jacky Le Menn . - Derrière le technique, il y a du politique. D'autres solutions étaient possibles que l'allongement de la durée de vie de la Cades. Il aurait fallu bâtir une fiscalité plus juste pour atteindre l'objectif, que nous partageons, du remboursement de la dette sociale. Oui, car personne ne veut traîner cette dette qui, le président de la Cades l'a rappelé ce matin, représente pas moins de 5 % de la dette globale publique ! Il s'agirait de faire une dérogation pour ne pas faire porter la dette aux générations futures. Mais, en réalité, nous n'en finissons pas de payer les factures des années précédentes. M. Jégou l'a encore dit ce matin : nous payons aujourd'hui pour les années 1990. Et, de dérogation en dérogation, l'exception devient permanente. L'utilisation anticipée du FRR et la fragilité des nouvelles ressources sur les assurances ne sont pas de nature à régler le problème de manière équitable pour le présent et pour l'avenir.

Yves Daudigny . - Dans ma courte vie de sénateur, je n'ai jamais vu des auditions organisées le matin sur un texte examiné l'après-midi avec un délai-limite pour le dépôt des amendements la veille. De surcroît, ce projet de loi sera examiné en séance publique un lundi, jour malcommode pour les sénateurs. Ce texte, auquel son caractère organique confère de la solennité, méritait meilleur traitement. J'y vois le signe qu'il est effectivement bâclé !

Muguette Dini , présidente . - Cette remarque me permet de rappeler le calendrier : les amendements extérieurs, qui devront être déposés avant le 9 septembre à 11 heures, seront examinés par la commission le lundi 13 septembre à 14 heures, soit une heure avant l'ouverture de la séance à 15 heures. Si le rapporteur le jugeait nécessaire, une réunion supplémentaire de la commission pourrait être convoquée plus tôt.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Je prends acte des déclarations de nos collègues. J'ai moi-même exprimé des doutes et des interrogations. Marc Laménie nous questionne sur la date de 2025 : elle est obtenue par projection des recettes, elle serait plus tardive avec moins de ressources, plus précoce avec des rentrées plus importantes. Les probabilités, rappelées par M. Ract-Madoux, sont les suivantes : après la nouvelle reprise de dette, il y aura 5 % de chances de terminer deux ans avant et 5 % deux ans après ; en l'état actuel, 5 % de chances de terminer un an plus tôt et 5 % de terminer un an avant. La différence est faible.

Puis la commission procède à l' examen des amendements .

Article 1 er

Alain Vasselle , rapporteur général. - Les amendements alternatifs n os 1 et 2 tendent à sécuriser les recettes en inscrivant une clause de garantie. Nous pouvons choisir entre une rédaction simple ou une formulation qui précise les modalités concrètes, en reprenant l'idée de M. Ract-Madoux d'exprimer le montant des recettes en points de CRDS. Dans le premier cas, c'est au Gouvernement de présenter sa solution pour fournir les ressources nécessaires, dans le second, le processus est plus détaillé. Je propose d'adopter le premier, nous réservant de revenir au second si nos contacts avec le Gouvernement ne donnent pas de résultats satisfaisants.

L'amendement n° 1 est adopté. L'amendement n° 2 devient sans objet.

Bernard Cazeau . - Ce second amendement bloquerait tout, alors qu'un gouvernement peut choisir de présenter d'autres modalités de financement de la caisse. Le premier est vague, il pose le principe mais on fait ce que l'on veut. Le second est trop précis.

Alain Vasselle , rapporteur . - L'amendement n° 3 vise à inscrire dans le texte une clause de retour à meilleure fortune. Si les circonstances économiques l'autorisent, nous nous devons de rembourser plus rapidement la dette sociale.

L'amendement n° 3 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Alain Vasselle , rapporteur général . - Les amendements n os 4 et 5 concernent l'Ondam et reprennent des propositions du groupe de travail de M. Raoul Briet. Le n° 4 vise à insérer le vote de l'objectif dans une perspective pluriannuelle : nous avons besoin d'une information plus précise sur les hypothèses de construction de l'objectif et sur son évolution prévisionnelle.

Guy Fischer . - Le Président de la République a déjà fixé la progression de l'Ondam, lors de sa conférence de presse !

Alain Vasselle , rapporteur général . - Oui : 2,9 % cette année et 2,8 % l'an prochain. Mais fixer un objectif est une chose, fournir les éléments qui ont servi à sa construction en est une autre et cette information nourrira nos discussions avec le Gouvernement. L'amendement n° 5 concerne l'annexe du PLFSS relative à l'Ondam : elle devra contenir des éléments précis sur son exécution et sur son élaboration pour l'année suivante.

Les amendements n° 4 et 5 sont adoptés.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel

Alain Vasselle , rapporteur général . - J'en viens à l'amendement du Gouvernement qui porte de six à quatorze le nombre de sièges au conseil d'administration, élargi aux représentants des partenaires sociaux.

Guy Fischer . - Nous ne sommes pas contre cette proposition.

Bernard Cazeau . - Nous y sommes également favorables. Mais c'est une mesure d'ordre qui n'a rien à voir avec le projet de loi organique et relève d'un projet de loi de financement. Bref, c'est un cavalier.

André Lardeux . - Le Gouvernement pousse le bouchon un peu loin : qu'il ait le courage de présenter son amendement lui-même, en séance publique, afin que nous en discutions ouvertement. Je voterai contre cet amendement.

Janine Rozier . - Je partage cette analyse.

Jacky Le Menn . - Quelle sera la durée du débat public ? Les temps de parole des groupes ?

Muguette Dini , présidente . - Ils seront décidés lors de la prochaine conférence des présidents du 8 septembre prochain.

Guy Fischer . - Quelles déplorables conditions de travail...

L'amendement n° 6 du Gouvernement est adopté et devient un article additionnel . L'ensemble du projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.


* 1 Courrier de François Baroin à Alain Vasselle, 30 août 2010.

* 2 Cf. courrier précité.

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