ARTICLE 7 octies

Habilitation à transposer par ordonnance la « directive OPCVM IV »

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, propose d'habiliter ce dernier, pour une durée de douze mois, à prendre par ordonnance les mesures législatives propres à assurer la transposition de la directive « OPCVM IV » du 13 juillet 2009 et à améliorer l'attractivité du cadre juridique français en matière de gestion d'actifs.

I. LES INNOVATIONS ET ENJEUX DE LA QUATRIÈME DIRECTIVE SUR LES OPCVM

A. LES APPORTS DE LA DIRECTIVE DU 13 JUILLET 2009

1. La création des fonds coordonnés par la première directive OPCVM

Le cadre européen de la gestion collective d'actifs a été fixé à l'origine par la directive 85/611/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), dite « directive OPCVM » (en anglais « UCITS 187 ( * ) »), qui a introduit le principe du « passeport » européen de commercialisation de ces fonds. Une fois autorisé par l'autorité de l'Etat d'origine, un OPCVM peut donc être commercialisé auprès d'investisseurs de toute l'Union européenne après notification aux autorités nationales correspondantes des pays d'accueil.

La directive OPCVM a également introduit des règles communes pour l'organisation, la gestion et la surveillance des fonds. Elle prévoit la liste des actifs dans lesquels ils peuvent être investis, et impose des règles relatives à la diversification et à la liquidité des portefeuilles pour une plus grande sécurité des investisseurs.

Cette directive a constitué une des clefs de la réussite du développement du marché européen des fonds d'investissement dits « coordonnés », qui représentait environ 5 500 milliards d'euros d'actifs sous gestion fin 2008. L'appellation « UCITS » est également devenue une sorte de label reconnu au plan mondial .

Rappelons qu'en France les OPCVM sont constitués sous forme de société d'investissement à capital variable ( SICAV ) ou de copropriété sans personnalité morale, les fonds communs de placement ( FCP ). Selon l'Association française de la gestion financière (AFG), l'encours d'OPCVM de droit français était de 1 380 milliards d'euros fin 2009 , sur un total de 2 617 milliards d'euros d'actifs gérés pour compte de tiers en France. La part de marché européenne de la gestion collective française est de 23 %.

2. Les innovations de la directive OPCVM IV

La directive OPCVM a été modifiée et précisée par deux directives du 21 janvier 2002 (OPCVM II et III 188 ( * ) ), puis récemment refondue par la directive « OPCVM IV » 2009/65/CE du 13 juillet 2009, qui fait l'objet d'un règlement et de plusieurs directives d'application et a introduit des innovations majeures :

- une réduction des délais et charges administratives pour la commercialisation des fonds à l'étranger, en particulier par une procédure de notification électronique à l'autorité de l'Etat de commercialisation ;

- les exigences organisationnelles et règles de conduite des sociétés de gestion de portefeuille sont largement alignées - en particulier en matière de prévention et de gestion des conflits d'intérêt - sur celles prévalant pour les entreprises d'investissement depuis l'entrée en vigueur (le 1 er novembre 2007) de la directive sur les marchés d'instruments financiers ;

- une procédure facilitant les fusions transfrontières de fonds , permettant d'accélérer la tendance au rapprochement des petits fonds présentant des caractéristiques analogues, et donc de réaliser des économies d'échelle et d'améliorer la lisibilité de l'offre pour les investisseurs. Les projets de fusion de fonds sont toutefois actuellement freinés par l'absence de clarification du régime fiscal , qui pourrait faire l'objet d'une directive ad hoc prévoyant une neutralité fiscale sur le modèle des fusions transfrontalières de sociétés, mais devrait être adoptée à l'unanimité ;

- la possibilité de recourir à une structure de fonds « maître » et « nourricier(s) », dans laquelle le fonds nourricier, domicilié dans le pays de l'investisseur, investit la plupart de ses actifs dans le fonds maître, en général domicilié dans un autre pays (le Luxembourg en particulier). La gestion de la plupart des portefeuilles des fonds nourriciers peut aussi être déléguée au gestionnaire du fonds maître ;

- la suppression du prospectus simplifié, jugé peu compréhensible des investisseurs, au profit d'un document plus clair dont le contenu et le format sont harmonisés, dénommé « Informations clefs pour l'investisseur » (« Key investor information document » - KIID), obligatoirement remis avant la souscription ;

- l'introduction d'un passeport pour les sociétés de gestion (et non plus pour les seuls fonds), qui était souhaité par la France. Il sera donc possible de gérer des OPCVM dans un Etat membre distinct de l'Etat d'origine de la société de gestion, sans avoir à créer de filiale soumise à un nouvel agrément ou à déléguer la gestion à une autre société.

La directive OPCVM IV doit être transposée dans la législation des Etats membres d'ici le 1 er juillet 2011 , ce qui a conduit l'Autorité des marchés financiers (AMF) à mener une réflexion en amont sur la méthodologie de transposition et les enjeux que pose la directive pour la régulation française de la gestion d'actifs dans son ensemble.

B. DE NOUVELLES EXIGENCES DE RÉGULATION ET DE COMPÉTITIVITÉ POUR LES FONDS FRANÇAIS

L'AMF s'est engagée dans une démarche volontariste et a constitué un comité de place, présidé par Jacques Delmas-Marsalet et Jean-Pierre Hellebuyck, qui a publié le 26 juillet 2010 un rapport intitulé « Etat des lieux et perspectives de la régulation de la gestion d'actifs à l'occasion de la transposition de la directive OPCVM IV ». Ce document identifie trois axes stratégiques que sont la transposition littérale de la directive , le recentrage de la régulation de la gestion d'actifs sur le contrôle de la distribution des fonds , et contribuer au développement de la compétitivité de la place financière française .

Le rapport part du constat que les nouvelles opportunités transfrontières offertes par la directive seront structurantes pour l'industrie française et européenne de la gestion, en termes d'organisation interne comme de conception de l'offre . Les gammes de fonds pourront être rationalisées par des fusions de fonds établis dans des Etats membres différents ou la création de structures maître-nourriciers. Les sociétés de gestion pourront également développer leur clientèle dans un autre Etat membre, sans pour autant être contraintes d'y créer des fonds ou une entité, en recourant au double passeport « produit » et « société ».

Le modèle français de régulation de la gestion d'actifs sera également bouleversé . Ses deux approches complémentaires, reposant sur la connaissance des sociétés de gestion de portefeuille et des OPCVM, deviendront en effet inopérantes à l'égard des fonds agréés dans d'autres Etats membres mais commercialisés en France, et des sociétés de gestion établies à l'étranger mais qui créent un fonds en France.

Les auteurs du rapport estiment donc que l'industrie française de la gestion d'actifs comme les pouvoirs publics doivent se préparer à ces changements à la faveur de la transposition de la directive « OPCVM IV », en conciliant le maintien d'un haut niveau de protection des épargnants en France et le renforcement de l'attractivité du cadre réglementaire.

Les quatorze recommandations du comité de place de l'AMF

I - Sur la transposition de la directive OPCVM IV

1. Transposer littéralement en France la directive OPCVM IV, à charge pour l'ESMA (future autorité européenne des marchés financiers) de scrupuleusement veiller à l'égalité de protection des investisseurs dans tous les Etats membres.

II - Sur le recentrage de la régulation de la gestion d'actifs

2. Permettre à l'investisseur de comparer les différents OPCVM commercialisés sur le territoire français, qu'ils soient ou non coordonnés, en lui remettant obligatoirement un Document d'informations clés (KID).

3. Intensifier le contrôle de l'information promotionnelle établie pour commercialiser les OPCVM auprès d'investisseurs particuliers, sans faire de distinction entre OPCVM français et étrangers.

4. Garantir aux investisseurs, pour tous les OPCVM souscrits sur le territoire français, un accès à une information simple et pertinente sur les modifications apportées à leur investissement afin de leur permettre d'effectuer un choix en toute connaissance de cause.

5. Définir l'activité de distribution d'instruments financiers et harmoniser les obligations attachées à cette activité, quel que soit le statut du distributeur.

III - Sur la contribution au développement de la compétitivité de l'industrie française de la gestion

6. Adopter une réglementation et des modalités de traitement propices à l'installation et au développement de sociétés de gestion en France.

7. Rationaliser et simplifier l'offre des véhicules de placements collectifs en France pour la rendre plus lisible par les investisseurs et les professionnels français ou étrangers.

8. Aligner sur les standards européens, d'une part, les conditions d'agrément des OPCVM, d'autre part, les règles d'affichage des frais à la charge du souscripteur.

9. Inciter à la domiciliation en France des activités de gestion en extériorisant mieux la doctrine et en mettant en place un guichet unique pour le traitement des demandes de passeport.

10. Permettre aux distributeurs, aux investisseurs notamment étrangers et aux centralisateurs d'ordres d'accéder à des informations standardisées et exhaustives concernant les OPCVM français commercialisés à l'étranger.

11. Permettre aux sociétés de gestion, notamment par le marquage systématique des ordres, de mieux connaître le passif des OPCVM qu'elles gèrent.

12. Promouvoir l'ordre direct dans un cadre juridique sécurisé afin de permettre à des investisseurs étrangers ou à des distributeurs d'établir une relation directe avec la société de gestion et, de disposer ainsi d'un système proche de celui du transfer agent .

13. Prendre les dispositions règlementaires et opérationnelles adaptées pour minimiser le risque de perte résultant du défaut de règlement d'une souscription de parts ou d'actions d'OPCVM. Imputer la perte ou allouer le gain éventuel à l'OPCVM, comme cela est la pratique courante à l'étranger.

14. Mieux faire connaître les avantages comparatifs de la gestion française en associant toute la Place financière française à des actions de promotion au-delà des frontières.

Source : rapport du 26 juillet 2010 « Etat des lieux et perspectives de la régulation de la gestion d'actifs à l'occasion de la transposition de la directive OPCVM IV »

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit d'autoriser ce dernier à prendre par voie d'ordonnance les mesures législatives nécessaires à la transposition de la directive 2009/65/CE du Parlement et du Conseil, du 13 juillet 2009 , précitée.

Cette ordonnance comporterait également des mesures destinées à améliorer l'attractivité du cadre juridique français en matière de gestion d'actifs. A l'initiative de notre collègue député Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, un sous-amendement a été adopté précisant que ces mesures ne comporteraient aucune disposition fiscale . Le Gouvernement a également rectifié son amendement pour ajouter qu'il tiendra « régulièrement informées les commissions des finances des deux assemblées des évolutions du cadre juridique susmentionné ».

Le délai d'habilitation a été fixé à douze mois , à compter de la date de publication de la présente loi. Conformément à la procédure, un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de cette ordonnance.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission est favorable à cette habilitation , motivée tant par le délai résiduel de transposition (moins de douze mois) que par la nature souvent très technique des dispositions qui devront être prises. Les questions posées par cette directive dépassent cependant le simple cadre de sa transposition. Le rapport précité de l'AMF apporte à cet égard des informations importantes sur l'impact que devrait exercer cette directive sur le modèle économique et l'organisation des sociétés de gestion, et dont la régulation française ne pourra faire abstraction .

A. L'EXIGENCE DE CONSOLIDATION DE LA COMPÉTITIVITÉ DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE DE LA GESTION

Plusieurs tendances se dessinent d'ores et déjà pour l'industrie française de la gestion :

- les gammes de fonds français et luxembourgeois devraient être rationalisées afin de supprimer certains doublons, mais les économies d'échelle pourraient être davantage recherchées par l'attribution d'un unique OPCVM coordonné à chaque stratégie de gestion ;

- le passeport des sociétés de gestion n'aboutira pas nécessairement , du moins dans un premier temps, à un vaste mouvement de suppressions d'implantations . Des filiales en France ou à l'étranger devraient être transformées en succursales, mais les implantations resteront dans de nombreux cas nécessaires pour assurer la gestion sous mandat d'investisseurs institutionnels ou privés et garantir une relation de proximité. Certains professionnels considèrent donc que ce passeport sera surtout utile aux petites sociétés de gestion qui ne disposent actuellement pas d'une gamme dédiée à la distribution internationale via une implantation au Luxembourg. Une telle société pourrait créer des fonds locaux sur les principaux marchés européens, reliés à un fonds maître de droit français ;

- la régulation et l' « écosystème » français de la gestion d'actifs peuvent tirer parti de leur expérience et de la nouvelle directive pour consolider leurs avantages comparatifs et en développer de nouveaux, en particulier dans le cadre d'une stratégie de différenciation du Luxembourg : l'AMF a mis en place une procédure accélérée d'enregistrement des fonds aujourd'hui reconnue comme la plus rapide en Europe, la France a une grande expérience des OPCVM maîtres et nourriciers 189 ( * ) comme des fonds structurés et garantis, et l'AMF est réputée avoir une bonne compréhension de ces produits complexes.

L'amélioration de l'attractivité du cadre juridique français en matière de gestion d'actifs constitue donc le pendant nécessaire de la transposition de la directive OPCVM IV. La gestion d'actifs est en effet l'un des principaux atouts de la place française, source de compétences et d'emplois, et les effets structurants de la directive doivent être pleinement anticipés pour éviter une fuite des acteurs vers des « hubs » potentiellement plus compétitifs , en particulier le Luxembourg. Le rapport de place de l'AMF est éclairant sur les aménagements qui pourraient être ainsi introduits dans la future ordonnance.

B. L'EXIGENCE D'HARMONISATION ET DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES ÉPARGNANTS

Néanmoins si les axes du rapport de place, et en particulier une importation aussi littérale que possible des termes de la directive, devaient constituer la « ligne de conduite » du Gouvernement pour la transposition, il importera de veiller à ce que cette transposition - qui a priori conduira à abandonner certaines règles nationales - n'aboutisse pas à dégrader le niveau de protection offert aux investisseurs établis en France .

Votre rapporteur estime ainsi que cette directive vient souligner la nécessité de mieux harmoniser les garanties de protection des investisseurs et épargnants en Europe , quels que soient les produits. De fait, la Commission européenne a intégré cette exigence dans une nouvelle démarche ambitieuse, consistant à asseoir les fondements d'une réglementation transversale des conditions d'information et de commercialisation. Elle couvrirait tous les produits d'investissement de détail 190 ( * ) et engloberait donc certains produits bancaires, les produits et formules d'investissement en bourse et l'essentiel des produits d'assurance-vie et d'épargne-retraite.

La protection des investisseurs passe également par une interprétation claire et harmonisée des missions et responsabilités des dépositaires de titres , dont « l'affaire Madoff » a mis en lumière l'importance et les divergences de conception en Europe. Si la directive OPCVM IV n'a pas permis de procéder à cette clarification, le projet de directive sur les gestionnaires de fonds alternatifs, dite « directive AIFM » 191 ( * ) , en cours d'adoption, pourrait marquer un progrès, selon une interprétation plus proche de celle que privilégie le droit français.

Cependant, dans la mesure où ce texte ne couvre qu'une fraction minoritaire des fonds commercialisés en Europe et dont la spécificité est réelle en termes de risques encourus, il serait sans doute préférable de renforcer le régime de responsabilité des dépositaires par un texte communautaire ad hoc qui pourrait être « UCITS V ». De même, il ne s'agit pas d'ériger les dépositaires en assureurs en dernier recours des titres conservés , ce qui pourrait les exposer à des risques non maîtrisables, mais d'aboutir à un partage clair et équitable des responsabilités sur la chaîne de traitement des titres.

Dans cet esprit, votre commission a adopté un amendement qui tend à clarifier et préciser le cadre de cette habilitation, en insistant sur le maintien de la protection des épargnants et des investisseurs .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.


* 187 « Undertakings for Collective Investments in Transferable Securities ».

* 188 Directive 2001/108/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 janvier 2002 modifiant la directive 85/611/CEE du Conseil portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), en ce qui concerne les placements des OPCVM .

Directive 2001/107/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 janvier 2002 modifiant la directive 85/611/CEE (...) en vue d'introduire une réglementation relative aux sociétés de gestion et aux prospectus simplifiés .

* 189 Il existe actuellement environ 680 fonds maîtres de droit français, pour un encours de plus de 400 milliards d'euros.

* 190 La dénomination fréquemment utilisée en anglais est celle de PRIPs Package Retail Investment Products »).

* 191 Cf . le commentaire de l'article 7 septies A du présent projet de loi.

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