D. AUDITION DE M. FRANÇOIS DROUIN, PRÉSIDENT D'OSEO, LE 29 JUIN 2010

Réunie le 29 juin 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. François Drouin, président du conseil d'administration d'OSEO, dans la perspective du renouvellement de son mandat et sur le projet de loi n° 555 (2009-2010) de régulation bancaire et financière.

M. Jean Arthuis , président . - Nous auditionnons ce matin François Drouin, président du conseil d'administration d'Oseo, pour examiner sa candidature à sa propre succession et pour évoquer le projet de loi de régulation bancaire et financière dont nous débattrons bientôt. Le poste de président du conseil d'administration d'Oseo figure dans la liste annexée à la loi relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution : les commissions compétentes des deux assemblées sont invitées à émettre un avis sur les nominations envisagées par le Président de la République. La loi organique définissant les modalités d'application de ces dispositions n'a pas encore été promulguée, le Conseil constitutionnel ne s'étant pas prononcée sur sa conformité à la Constitution, mais le Premier ministre a souhaité que l'éventuel renouvellement de votre mandat se déroule conformément à la nouvelle procédure. L'audition ne sera toutefois suivie d'aucun vote. La commission des finances a déjà entendu dans ces conditions, en octobre 2009, Christophe Blanchard-Dignac et Christian Noyer, pour le renouvellement de leurs mandats de président-directeur général de la Française des jeux et de gouverneur de la Banque de France.

Tout le monde mesure l'importance qu'a acquise Oseo, établissement public issu de la fusion de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR) et de la Banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME). Ses activités se divisent en trois grandes branches : le soutien à l'innovation dans les PME ou les entreprises de taille intermédiaire (ETI) au travers de sa filiale Oseo Innovation, par l'octroi de subventions ou d'avances remboursables aux meilleurs projets et la gestion du Fonds unique interministériel (FUI) d'appui aux pôles de compétitivité ; le financement des PME par des prêts « classiques » ; l'octroi de garanties en faveur des PME afin de faciliter l'obtention de prêts auprès d'autres banques. Nous savons aussi que, dès le début de la crise, l'Etat s'est beaucoup appuyé sur Oseo pour tenter de limiter son impact sur les PME.

Monsieur le Président, vous pourriez nous rappeler d'abord l'action que vous avez conduite à la tête d'Oseo lors de votre premier mandat, et les principes qui vous ont guidés dans un contexte économique très difficile. Le rapporteur général et les autres membres de la commission pourront ensuite vous interroger sur la façon dont vous envisagez votre second mandat dans l'hypothèse où votre nomination serait confirmée, et sur le projet de loi de régulation bancaire et financière qui contient des dispositions relatives à Oseo ; celles-ci figuraient déjà dans le projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, mais ont été censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles constituaient un cavalier législatif.

M. François Drouin, président du conseil d'administration d'Oseo . - Oseo a pour mission l'aide à la croissance des entreprises, qui passe par le soutien à l'innovation, la garantie d'emprunts et le cofinancement. Nous travaillons toujours en partenariat avec d'autres bailleurs - banques, incubateurs, conseils régionaux - et recherchons un effet d'entraînement. De nouvelles tâches nous ont été confiées dans le cadre du plan de relance : nous sommes venus en aide à 22 000 entreprises, et le volume des prêts s'est élevé à 4,8 milliards d'euros. L'Etat nous a également chargé de gérer le fonds unique interministériel (FUI) d'appui aux pôles de compétitivité, où nous aimerions jouer un rôle plus actif. Enfin, des moyens importants nous ont été consentis dans le cadre du programme d'investissements d'avenir. En 2009, nous avons réalisé 107 209 interventions auprès de 80 000 entreprises, qui ont reçu au total 25 milliards d'euros de prêts.

Notre activité s'est accrue d'environ un tiers alors que nos effectifs sont restés constants depuis 2007, si l'on tient compte de la fusion d'Oseo et de l'Agence de l'innovation industrielle. Nos dépenses ont toujours été inférieures au budget voté par le conseil d'administration, comme l'a souligné la Commission interministérielle d'audit salarial du secteur public (CIASSP). C'est encore le cas cette année, malgré l'extension de notre périmètre d'intervention.

Nous sommes appelés à prendre des risques pour le compte de l'Etat, mais ces risques sont maîtrisés. La commission bancaire, devenue l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), a mené dans nos murs une inspection pendant plusieurs mois et, fait très inhabituel, elle n'a demandé de provision complémentaire sur aucun dossier. Elle considère qu'étant donné notre bonne connaissance du marché, nos décisions d'entrée en portefeuille n'appellent aucune réserve particulière. C'est le résultat d'un travail de longue haleine, entamé par mes prédécesseurs. Nous avons le souci du bon emploi des fonds publics, et sur les 25 milliards d'euros investis, seul 1 milliard provient du budget de l'Etat.

Oseo est une entreprise. Ses salariés, qui évoluent dans ce monde, savent que les entrepreneurs ont besoin de réponses rapides. Nous avons cherché à nous moderniser pour obtenir des gains de productivité : d'importants investissements informatiques nous ont permis de mettre en place des sites extranet bancaires et un autre destiné aux pôles de compétitivité, afin de renforcer la sécurité du dispositif du point de vue de l'intelligence économique. Nous avons aussi équipé le médiateur du crédit en systèmes informatiques.

Nous demandons depuis 2007 la fusion des structures existantes au sein d'Oseo, prévue par la loi de sécurité bancaire. Le maintien d'entités distinctes, issues de l'ANVAR, de la BDPME et de Sofaris, nous fait perdre du temps et de l'argent : les divers statuts du personnel obligent à tenir des comptabilités séparées, et l'intrication de nos activités à mener des opérations de refinancement interne, dont certaines sont soumises à la TVA... Je me refacture ainsi 45 millions d'euros par an ! C'est une tâche évidemment improductive. Il faut y ajouter la présence de 135 administrateurs, d'un grand nombre de délégués syndicaux, de trois comités d'entreprise... Tout le monde s'accorde à dire que cette situation est stérile.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Quelles économies annuelles attendez-vous d'une fusion, et combien y aurait-il de salariés protégés et de représentants du personnel en moins ?

M. François Drouin . - A terme, nous en attendons 4 millions d'euros d'économies par an, 2,5 millions si l'on déduit les frais occasionnés par l'ajustement des salaires et des conditions de travail. Si la loi était appliquée strictement, le nombre de salariés protégés passerait de 130 à 60, mais nous prévoyons une phase intermédiaire où il serait de 90.

Je ne doute pas que cette fusion intervienne sous peu : le Conseil constitutionnel n'a censuré cette disposition que pour la forme, non sur le fond. Elle a été réintroduite dans le projet de loi de régulation bancaire et financière que l'Assemblée nationale a déjà voté et que le Sénat examinera en septembre. Je souhaite que la fusion ait lieu avant le mois de novembre, pour qu'elle soit prise en compte dans l'exercice 2010. Le personnel est las d'attendre. Tous les salariés n'ont pas la même rémunération ni les mêmes conditions de travail. Certes, nous pourrions harmoniser les statuts par avance, mais dans le cadre de la fusion les termes de la négociation seront plus favorables. Celle-ci sera facilitée par le fait que les salariés les moins bien payés sont aussi ceux qui ont droit aux plus longs congés.

Aujourd'hui, notre premier objectif est de favoriser la reprise. Nos principes d'intervention peuvent se résumer par les « trois I » : investissement, international, innovation. Nous cherchons en particulier à favoriser le développement international des PME et ETI ; nous faisons d'ailleurs partie de « l'équipe de France de l'export », sous la houlette d'UbiFrance. Nous avons aussi conclu des partenariats avec l'étranger. Oseo est devenu un modèle : nous recevons de nombreuses délégations étrangères qui nous demandent parfois de l'aide pour monter un organisme semblable dans leur pays.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Quels sont les pays concernés ?

M. François Drouin . - Les pays du Maghreb, l'Afrique du Sud, le Liban, Madagascar, le Japon, l'Allemagne, la Jordanie, la Roumanie, le Congo, le Gabon, la Bulgarie et la Corée du Sud. Nous avons également signé des partenariats avec la Russie, le Canada, le Brésil, Israël et le Mexique, et nous le ferons bientôt avec le Japon, la Chine et les Etats-Unis. Le système de garantie des prêts est précieux mais long à mettre en place ; l'aide à l'innovation intéresse de plus près nos partenaires.

De nouveaux outils financiers pourraient être créés. J'ai fait l'expérience du succès des obligations foncières sécurisées créées par le législateur en 1999 ; un produit du même ordre pourrait être créé pour financer les PME et les ETI. Nous pourrions prendre exemple sur l'Allemagne et sur l'Espagne, en veillant toutefois à fixer un cadre légal suffisamment robuste. A la demande de Christine Lagarde, Oseo encourage également les entreprises moyennes à se regrouper pour émettre des obligations et obtenir des prêts aux mêmes conditions que les grands groupes.

M. Jean Arthuis , président. - Quel est exactement le montage juridique de telles obligations groupées ?

M. François Drouin . - Plusieurs ETI se constituent en syndicat pour émettre des obligations et présenter ainsi une offre plus alléchante aux investisseurs, dont l'aversion au risque est bien connue. Les entreprises concernées sont parfois une cinquantaine. Après avoir analysé les risques et défini des tranches - junior , senior , etc. -, Oseo garantit la part la plus sécurisée de ces obligations. Leur prix varie naturellement en fonction des risques qu'elles présentent. Oseo a déjà mené sept opérations de ce type.

En ce qui concerne les obligations sécurisées pour les PME, Oseo pourrait dans un premier temps en acheter, avant de passer la main à d'autres banques. La création des obligations foncières sécurisées en 1999 a permis de sauver le Crédit foncier de France et d'en faire le septième émetteur mondial : il lève aujourd'hui près de 20 milliards d'euros par an, principalement en Asie. De tels produits permettent ainsi de drainer l'épargne mondiale. Certes, des obligations sécurisées destinées au financement des PME ne seraient pas aussi populaires que les obligations foncières sécurisées, adossées à un riche patrimoine immobilier, mais elles pourraient constituer une source de financement non négligeable.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Vous avez été président du directoire d'une caisse d'épargne régionale, puis du Crédit foncier de France, et c'est à ce titre que je m'adresserai d'abord à vous. L'article 20 du projet de loi de régulation bancaire et financière prévoit de créer, en plus des anciennes obligations foncières sécurisées, un nouveau produit destiné aux sociétés de financement de l'habitat. Quel est votre avis d'expert sur cette nouveauté qui ne me paraît pas anodine ? Peut-être pourriez-vous nous faire parvenir par écrit une contribution.

Vous êtes aujourd'hui président du conseil d'administration d'Oseo, dont je ne sais si c'est une entreprise ou un guichet de distribution. Comment créer des obligations sécurisées destinées au financement des PME ? Dans le domaine foncier, les obligations sont adossées à des actifs dont la valeur est estimée par des tiers indépendants. La loi prescrit en outre un surdimensionnement, puisque la valeur des obligations émises ne peut excéder une certaine fraction de la valeur des biens qui les garantissent. Des obligations destinées aux PME pourraient-elles être soumises à de telles sûretés ?

Je suis à la recherche d'idées neuves. Le projet de loi que nous allons bientôt examiner s'intitule bravement « projet de loi de régulation bancaire et financière », mais pour l'heure ce n'est guère qu'un texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF)... Il contient des mesures utiles, comme la fusion des organes internes à Oseo qui permettra d'économiser 2,5 millions d'euros par an, mais il est très insuffisant pour répondre à une crise aussi fondamentale de notre système financier. Quelles sont selon vous ses dispositions les plus importantes ?

Oseo est financé en partie par des crédits de fonctionnement et d'intervention qui compensent les pertes inhérentes à certaines activités. Le groupe a perçu, en 2009, 159 millions d'euros pour Oseo Innovation et 850 millions d'euros pour Oseo Garantie. Mais l'Etat réduit aujourd'hui ses dépenses. Quelles ressources escomptez-vous l'année prochaine, et comment entendez-vous contribuer à l'effort de rééquilibrage des comptes publics ?

M. François Drouin . - Je n'ai pas examiné l'article 20 du projet de loi, mais je vous ferai connaître mon appréciation par écrit. Quoi qu'il en soit, les obligations foncières n'ont rencontré un tel succès depuis 1999 que parce qu'elles sont encadrées par la loi et offrent ainsi une grande sécurité aux investisseurs. Mme Wu Xiaoling, ancienne vice-gouverneur de la banque centrale chinoise, disposait chaque jour d'un milliard de dollars à investir ; quand elle voulut diversifier ses placements en se réorientant vers la zone euro, au lieu de n'acheter que des obligations d'Etat, elle rechercha des emprunteurs privés dotés de la notation AAA. Elle se tourna alors vers le Crédit foncier, où elle promit d'investir 1 milliard d'euros par an, car ce placement lui paraissait très sûr : les souscripteurs d'obligations sécurisées jouissent du statut de créanciers privilégiés et se font payer avant les salariés et les autres créanciers en cas de faillite. Le Crédit foncier émit ainsi en février 2006 des obligations d'une durée de cinquante ans au taux de 3,86 %, pour un montant de 2 milliards d'euros ! En contrepartie, il a dû se soumettre à des contraintes pénibles, puisque des experts indépendants, qui travaillent dans ses murs, sont chargés de vérifier la valeur des garanties. En outre, comme l'a rappelé le rapporteur général, une règle de surdimensionnement lui est imposée.

Des obligations sécurisées pourraient être créées à destination des PME, à condition que des contraintes sévères leur soient imposées. Peu importe si le surdimensionnement est encore plus important !

Pendant quelque temps, on a pu douter de l'efficacité du système. En 2005, la BNP émit depuis Londres des covered bonds à peu près équivalentes aux obligations sécurisées françaises, mais moins encadrées ; les investisseurs ne semblaient y voir aucune différence, et l'écart de prix entre les titres est resté faible jusqu'en 2007, d'environ cinq points de base. Mais sitôt la crise venue, l'écart atteignit 35 points de base ! Les investisseurs cessèrent de souscrire des covered bonds , alors que les obligations foncières continuèrent à être émises jusqu'au 8 septembre 2008, quasiment à la veille de la faillite de Lehman Brothers.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Ce qui nous est proposé à l'article 20 du projet de loi de régulation bancaire et financière, c'est donc un ersatz d'obligation foncière... Comment envisagez-vous de sécuriser des obligations destinées aux PME ?

M. François Drouin . - Sur ce point, je puis vous faire parvenir dès aujourd'hui une note que j'ai rédigée en février 2008 à l'attention du ministère.

Nous avons été généreusement dotés en 2009 pour faire face à la crise, et nous sommes bien conscients qu'il n'en sera plus de même l'an prochain. Nous cessons peu à peu de soutenir la trésorerie des entreprises, et les marchés prennent le relais. Mais nous aimerions avoir le droit de garantir les emprunts des ETI, qui contribuent le plus à l'emploi et à la croissance. Dans le domaine du soutien à l'innovation, nous pâtissons du développement du crédit d'impôt recherche, dont les effets sont appréciables, mais qui coûte si cher que l'Etat ne peut augmenter les moyens d'Oseo. Note budget d'innovation ne représente pourtant qu'une goutte d'eau par rapport au coût du crédit d'impôt recherche : 159 millions d'euros contre plusieurs milliards ! En corrigeant certains abus liés à cette incitation fiscale, l'Etat pourrait peut-être dégager quelques fonds pour des aides « discernantes ».

M. Philippe Marini , rapporteur général . - A quels abus songez-vous ?

M. François Drouin . - Un banquier de mes amis fut un jour surpris d'apprendre qu'il avait droit au crédit d'impôt recherche pour mener des travaux dans sa salle des marchés : il avait été contacté par une de ces officines souvent créées par d'anciens fonctionnaires du fisc, qui lui proposait d'accomplir à sa place les formalités nécessaires, en contrepartie de 35 % du gain obtenu... Si un établissement avait demandé à Oseo un prêt pour améliorer les conditions de travail de ses traders , il aurait été éconduit ! Nous accordons des prêts d'un montant limité, mais nous le faisons avec discernement et à condition qu'ils aient un fort impact sur l'activité des entreprises.

M. Jean Arthuis , président. - Quand viendra le temps de limiter les niches fiscales, nous n'oublierons pas le crédit d'impôt recherche, qui s'est révélé admirablement efficace puisqu'en 2009 son assiette a augmenté de 150 millions d'euros et la dépense fiscale de 2,5 milliards...

M. Philippe Adnot . - Avec le recul, que pensez-vous des tentatives faires par des PME pour se regrouper et émettre ensemble des obligations ? Que se passe-t-il si une entreprise veut s'exclure de l'association ?

Oseo est souvent aux avant-postes du soutien à l'innovation et aide de jeunes entreprises à démarrer. Pensez-vous disposer à l'avenir des moyens nécessaires ?

Contribuez-vous au financement des démonstrateurs d'innovations ?

M. Joël Bourdin . - Comment votre comité d'engagement fonctionne-t-il, et de quelle autonomie jouit-il ?

Oseo prend naturellement des risques. Quels furent, au cours de votre mandat, vos principaux sujets de gloire et de tristesse ?

J'ai été chargé de plusieurs rapports relatifs au secteur agricole et notamment à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Il existe un fort potentiel de recherche dans ce domaine. Oseo soutient-il l'innovation agro-alimentaire ?

M. Jean Arthuis , président . - Lorsque l'ANVAR, la BDPME et Sofaris auront fusionné avec Oseo, quel sera le capital social de l'entreprise, et suffira-t-il à faire face aux exigences de l'accord dit « Bâle III » ?

M. François Drouin . - Lorsque plusieurs entreprises se regroupent pour lever des fonds, elles sont en mesure d'émettre des obligations à dix ans et obtiennent souvent un différé de remboursement. Je ne puis vous dire précisément ce qu'il advient si une entreprise veut racheter ses obligations par avance, mais je suppose que les conditions sont les mêmes que pour les obligations ordinaires : le rachat anticipé est subordonné au versement de pénalités.

Notre dotation destinée à soutenir l'innovation reste stable alors que nos missions se sont élargies suite à la fusion d'Oseo et de l'Agence de l'innovation industrielle et depuis que le Gouvernement nous a confié la gestion du FUI. Pourtant l'innovation est indifférente à la crise. Prenons l'exemple de l'inventeur d'un nouveau traitement contre le diabète : crise ou non, il cherchera à le diffuser.

Nous ne participons pas au financement des démonstrateurs : l'Ademe et d'autres institutions s'en chargent.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - A fonds perdus !

M. François Drouin . - Comme vous, je n'ai jamais été très enthousiaste à ce sujet. La recherche consiste à transformer de l'agent en idées : c'est un processus technology push . L'innovation au contraire consiste à transformer une idée en argent : processus market pull . Le problème est de raccorder les deux. Si aucun chef d'entreprise ne perçoit l'intérêt commercial d'une découverte, on crée un démonstrateur et l'on embauche quelques publicitaires, mais cela ne suffit pas ! Il faut rapprocher le monde de la recherche du monde de l'entreprise : la France avait à cet égard un retard considérable qu'elle est en train de combler. Nous investissons 30 milliards d'euros par an dans la recherche, mais nous devrions faire un effort supplémentaire pour stimuler l'innovation !

M. Philippe Adnot . - Je suis en désaccord avec M. Drouin sur ce point, mais cela ne m'empêche pas de souhaiter que son mandat soit renouvelé.

M. François Drouin . - Je vous en remercie.

Nos décisions d'engagements sont prises de manière autonome et décentralisée : 85 % d'entre elles sont prises par nos organes régionaux. En 2008 et 2009, nous avons fait face à un afflux considérable de demandes, mais personne ne nous force la main.

Notre exposition au risque est maîtrisée, comme l'a reconnu la commission bancaire. J'en veux pour preuve qu'après la crise financière terrible et la crise économique sévère que nous avons traversées, nos pertes restent inférieures à celles de 1993, malgré un grand nombre de faillites. Certes, nous serons encore confrontés à des risques dans les années à venir.

Vous m'avez interrogé sur mon plus grand sujet de gloire. J'ai déjeuné hier avec les responsables d'une entreprise de Bernay qui fabrique des films plastiques entourant des bouteilles et compte plus de 200 salariés.

M. Joël Bourdin . - Elle a évité de peu la faillite il y a quelques années !

M. François Drouin . - En effet, mais elle se porte aujourd'hui très bien et fait partie de la communauté Oseo-Excellence, qui regroupe les 2 000 entreprises les plus performantes de nos clientes, celles qui stimulent la croissance du pays et que nous voulons encourager.

L'un de mes sujets de tristesse, c'est que l'insuffisance de nos dotations nous contraigne parfois à reporter des projets. Je regrette aussi qu'il ait fallu si longtemps pour mettre en oeuvre la décision, prise par le Président de la République en décembre 2007, de fusionner les entités internes à Oseo, et que dans la gestion du FUI notre rôle soit encore subalterne. Ce fonds, qui accorde des subventions de 200 millions d'euros par an, fonctionne aujourd'hui de manière très laborieuse.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - D'où viennent les résistances à la fusion ?

M. François Drouin . - Ce ne sont pas des individus mais le système qui freine les réformes, car chacun défend sa chapelle.

Sur nos interventions dans le secteur agro-alimentaire, dont l'importance est grande dans notre pays, je vous propose, monsieur Bourdin, de vous faire parvenir une brochure. Nous travaillons en collaboration avec l'Inra, dont la présidente directrice générale, Mme Marion Guillou, est membre du conseil d'orientation d'Oseo.

Nos fonds propres s'élèvent aujourd'hui à 1,5 milliard d'euros, ce qui ne nous permet même pas de respecter les normes « Bâle I ». L'ACP nous a d'abord accordé jusqu'au 30 juin pour atteindre le taux de 8 % des risques de crédits, et le Parlement a voté une rallonge de 500 millions d'euros dans le cadre du grand emprunt. La Caisse des dépôts et consignations, en revanche, n'envisage pas de contribuer à cette recapitalisation. Dans ces conditions, l'ACP a reporté l'échéance au 31 décembre.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Cela laisse des doutes sur l'indépendance de la Banque de France : l'ACP aurait-elle accordé le même délai à un établissement privé ?

M. Jean Arthuis , président . - Combien manque-t-il à Oseo ?

M. François Drouin . - Dans le cadre du grand emprunt, il est prévu de nous accorder 140 millions d'euros en plus du produit de la taxe sur les bonus bancaires, dans la limite de 360 millions d'euros. Mais cette taxe ne devrait en fait rapporter qu'environ 300 millions : le total ne s'élèvera donc qu'à 440 millions. Dans ces conditions, nous atteindrons vite le seuil de 8 %.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Oseo peine donc à respecter des règles qui n'existent plus !

M. François Drouin . - Si l'on exigeait de nous un taux de fonds propres de 10 %  - ce qui pourrait être légitime étant donné que nous n'intervenons que sur un seul marché, qui plus est risqué, celui des PME -, l'Etat devrait doubler la mise.

M. Jean Arthuis , président. - Il manque donc 1 milliard d'euros. Vous pourriez conditionner votre candidature à l'octroi d'une enveloppe supplémentaire !

M. François Drouin . - La CDC finance traditionnellement la moitié des prêts que nous consentons, mais refuse d'entrer dans notre capital.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Lorsque je siégeais à la commission de surveillance de la CDC, je fus témoin d'une forme de schizophrénie : la CDC détenait une partie du capital de la BDPME sans vouloir à aucun prix être actionnaire de référence, et développait concomitamment des produits en partenariat avec cette banque !

M. François Drouin . - La CDC finance, je l'ai dit, la moitié de nos prêts, mais nous devons trouver le reste ailleurs. Nous souhaitons émettre sur les marchés financiers, et nous avons besoin de fonds propres respectables pour recevoir la notation AAA et obtenir des financements à des conditions avantageuses. C'est dans l'intérêt de notre actionnaire, l'Etat, car nous serons alors plus efficaces.

M. Jean Arthuis , président. - Je ne crois pas trahir l'opinion de mes collègues en disant que nous avons tous été impressionnés par l'action d'Oseo au cours de la crise, sous votre autorité. Nous avons bien noté que vous seriez mieux satisfait si les fonds propres de votre établissement étaient renforcés. Enfin, nous sommes à l'écoute de vos suggestions au sujet du projet de loi de régulation bancaire et financière.

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