II. LA CONVENTION DES NATIONS UNIES

A. L'ORIGINE DE LA CONVENTION

La Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 2 décembre 2004.

Cette convention est le résultat de très longs travaux menés au sein de la Commission du droit international des Nations Unies (CDI), puisque ces travaux ont commencé en 1977.

Par la résolution 32/151 du 19 décembre 1977, l'Assemblée générale des Nations Unies a, en effet, invité la Commission du droit international, organe subsidiaire de l'Assemblée générale composé d'experts élus par elle, à travailler sur le sujet des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, en vue de la codification et du développement progressif du droit international en la matière.

En 1991, la CDI a adopté, en deuxième lecture, un projet comprenant vingt-deux articles, assortis de commentaires, et a recommandé à l'Assemblée générale de convoquer une conférence internationale de plénipotentiaires pour étudier ce projet et conclure une convention en la matière.

Par la résolution 46/55 du 9 décembre 1991, l'Assemblée générale a décidé de constituer un groupe de travail de la sixième commission (chargée des questions juridiques) à composition non limitée, pour étudier, compte tenu des commentaires et observations des gouvernements, les questions de fond que soulevait le projet de convention adopté par la CDI, afin de favoriser une convergence de vues et augmenter ainsi les chances d'aboutir à la conclusion d'une convention.

Par la résolution 55/150 du 12 décembre 2000, l'Assemblée générale a établi un comité spécial sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, ouvert à tous les Etats membres des Nations Unies et aux Etats membres des institutions spécialisées, aux fins de poursuivre le travail effectué par les groupes de travail de la CDI, de consolider les points de convergence et de régler les questions en suspens.

Lors de sa dernière réunion, du 1 er au 5 mars 2004, le comité spécial a achevé ses travaux par l'adoption d'un rapport contenant le texte du projet de convention en s'inspirant du projet adopté par la CDI en 1991 et des discussions menées au sein du groupe de travail de la sixième commission de l'Assemblée générale.

Par la résolution 59/38 du 2 décembre 2004, l'Assemblée générale a adopté la Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens et a invité les Etats à y devenir parties.

La France a signé cette convention le 17 janvier 2007.

C'est dans un esprit de compromis que le Comité spécial a travaillé pour l'élaboration de la Convention. Pour la France, le bilan des discussions engagées dans ce cadre est positif puisque c'est très largement sur la base des points agréés entre les délégations française et britannique qu'un consensus a pu être trouvé.

Les discussions sur le texte de la Convention ont donné lieu à des débats qui ont principalement porté sur la définition de l'Etat, le critère de la transaction commerciale, les entreprises d'Etat, les contrats de travail et les mesures de contrainte.

En premier lieu, le traitement des Etats fédéraux a fait l'objet de controverses. Ce n'est qu'à la suite d'une proposition de l'Allemagne et de l'Australie en 1991 que le texte a inclus les éléments constitutifs d'un Etat fédéral. Or, si les lois américaine ou anglaise l'admettent, la jurisprudence française exclut les Etats fédéraux du bénéfice de l'immunité au motif qu'ils ne sont pas souverains en droit international. La Suisse a proposé que le gouvernement de l'Etat fédéral ait l'obligation de faire une déclaration afin que ses démembrements bénéficient de l'immunité. La solution retenue a finalement consisté à regrouper les dispositions sur les Etats fédéraux avec celles concernant les subdivisions politiques tout en exigeant dans les deux cas qu'ils soient « habilités à accomplir et accomplissent effectivement des actes dans l'exercice de l'autorité souveraine de l'État » .

En second lieu, le débat a tourné autour du critère à retenir pour savoir si la transaction ou le contrat a un caractère commercial, à savoir, le but de l'acte ou la nature de l'activité en cause. Dans le premier cas, l'immunité est retenue pour tout acte ayant une fin de souveraineté, ce qui conduit à étendre le champ d'application de l'immunité. Dans le second cas, ce champ d'application est restreint dans la mesure où seuls les actes accomplis par une autorité souveraine peuvent être soustraits à la juridiction d'un autre Etat. Ainsi, les Etats-Unis ou l'Italie retiennent le critère de la nature de l'acte tandis que la France ou le Japon y associent aussi le critère du but poursuivi par l'auteur de l'acte. La Convention prend finalement en considération d'abord la nature de l'acte, puis le but poursuivi par les parties lorsque l'Etat du for a recours à ce critère dans sa pratique ou que les parties en sont ainsi convenues.

En troisième lieu, des divergences se sont manifestées sur la question de l'étendue de l'immunité des entreprises d'Etat. Si le projet de départ ne comprenait pas de disposition à ce sujet, le paragraphe a été ajouté lors de la deuxième lecture en raison du contexte de socialisation de l'économie des Etats du bloc de l'Est et de l'accroissement des litiges les mettant en cause. La Convention prévoit que l'immunité de juridiction de l'Etat n'est pas affectée par des procédures se rapportant à des transactions commerciales conclues par une entreprise d'Etat. Ceci est valable pour les transactions conclues par une entité créée par l'Etat dotée d'une personnalité juridique distincte si cette entité a la capacité d'ester et d'être attraite en justice et de posséder et de transmettre des biens. Certains craignaient les pratiques abusives des entités d'Etat consistant à « délibérément déguiser sa situation financière ou réduire après coup ses actifs pour éviter de satisfaire à une demande ». Il fut décidé dans les points convenus que cette question ne préjugeait pas de celle de « la levée du voile dissimulant l'entité ».

En quatrième lieu, les contrats de travail ont fait l'objet de discussions qui ont surtout porté sur la définition des personnes dont les contrats de travail seront soustraits à la juridiction d'un autre Etat. Certains Etats étaient plus favorables que d'autres à la protection de l'Etat accréditant. En définitive, la convention exclut de la juridiction de l'Etat du for les contrats de travail conclus entre un Etat et une personne privée pour les travaux accomplis ou devant être accomplis, en totalité ou en partie sur le territoire de l'Etat du for. Cette solution a été critiquée car les exceptions sont relativement nombreuses, l'immunité de l'Etat employeur apparaissant, par conséquent, comme la règle.

Enfin, des divergences sont apparues sur le sujet des mesures de contrainte. Des propositions concernaient notamment la nature des biens soumis à des mesures de contrainte et, en particulier, la condition de l'existence d'un lien avec la demande. Certains estimaient que tout bien situé sur le territoire de l'Etat du for et utilisé par l'autre Etat à des fins ne relevant pas de la notion de service public non commercial pouvait faire l'objet de mesures de contrainte, tandis que d'autres jugeaient nécessaire que les biens en question aient un lien avec la demande qui faisait l'objet de la procédure. En 1993, c'est le président du groupe de travail qui a proposé de distinguer les mesures de contrainte antérieures au jugement de celles postérieures au jugement, puisque cela permettait d'éliminer la condition d'un lien entre le bien et la demande en ce qui concerne les secondes. Cette distinction a été maintenue dans la Convention qui semble avoir proposé une solution acceptable dans la mesure où elle prévoit des exceptions à l'immunité d'exécution des Etats et rend ainsi possible la satisfaction d'une demande qui a été confirmée par jugement dans des conditions qui respectent la souveraineté des Etats étrangers.

Au-delà des débats de fond, les Etats se sont interrogés sur la forme à donner au projet d'articles adopté par la CDI (Résolution 53/98). Certaines délégations exprimèrent leurs réserves face à une codification sous forme de convention et se prononcèrent en faveur d'un instrument non contraignant, tel une loi-type ou des principes directeurs, en raison de sa souplesse. Le choix définitif en faveur d'une convention atteste d'une volonté d'endiguer la prolifération des législations nationales en ce domaine.

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