2. Le passage du co-développement au développement solidaire

L'originalité des projets de co-développement par rapport à l'aide au développement classique semblait être le soutien aux projets portés par les migrants en faveur du développement de leur pays d'origine.

Les pouvoirs publics soutiennent ainsi ce qui avant d'être une politique publique est, depuis l'origine des migrations, une pratique sociale des diasporas de soutien du pays ou du village d'origine. Dans cette perspective, le volet co-développement s'appuie sur la dynamique des migrants établis en France et de leurs associations pour favoriser des projets de développement en appui aux initiatives des migrants et des communautés villageoises organisées dans les pays d'origine.

Or on constate que ces deux objectifs, développement des pays d'origine et appui aux initiatives des migrants vers leurs pays d'origine, ont progressivement fait l'objet d'un traitement différencié.

Les projets relevant du premier objectif, qui rejoint les objectifs généraux de l'aide au développement, ont été confiés, pour l'essentiel, à l'Agence française pour le développement.

L'Agence instruit notamment, dans ce cadre, un projet de 30 millions d'euros en matière de formation professionnelle en Tunisie. Elle finance également, depuis 2009, par transfert de compétence du ministère des affaires étrangère, dans le cadre du soutien aux ONG, certaines ONG de migrants qui gèrent des projets de co-développement.

Les projets relevant du deuxième objectif, ainsi que les financements de projets dans le cadre de l'aide au retour ou de programmes de réinsertion des migrants porteurs de projets, ont été majoritairement confiés à l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII).

A cette architecture complexe, il faut ajouter les cas particuliers du Bénin et du Sénégal, où le choix final d'une gestion directe par l'Etat partenaire des crédits dédiés au développement solidaire s'appuie sur une forte mobilisation des Etats signataires, sur un « plaidoyer » important de leurs diasporas et sur une expérience déjà avérée des projets de codéveloppement stricto sensu. Il faut dire que cette option de délégation aux Etats partenaires suppose que soient réunies les conditions de la confiance dans l'administration dudit Etat partenaire.

3. Un bilan encore difficile à établir de la mise en oeuvre des dispositions de développement solidaire

La mise en oeuvre des dispositions relatives au développement solidaire a entraîné des décaissements de l'ordre de 41 millions d'euros, en 2008 et 2009. Ces crédits ont été consacrés à 95 % à des projets en Tunisie, au Sénégal et au Bénin.

Cet effort a été accompagné d'une mobilisation de l'ensemble des acteurs partenaires du développement, opérateurs nationaux comme l'Agence française de développement, l'Office Français pour l'Immigration et l'Intégration ou France Coopération Internationale, mais aussi le monde associatif et les collectivités territoriales, en France ou dans les pays d'origine.

Avec la Tunisie, et conformément au protocole de développement solidaire annexé à l'accord, un montant de 26 millions d'euros sur les 30 millions d'euros prévus en matière de formation professionnelle a déjà été engagé (17 millions d'euros en 2008, 9 millions d'euros en 2009). Sont prévus pour l'année 2010 des engagements à hauteur de 2,775 millions d'euros et des paiements à hauteur de 9,215 millions d'euros.

Une première convention de 11 millions d'euros a ainsi été conclue avec l'AFD pour la construction d'un centre de formation aux métiers du BTP à Tunis et la réhabilitation d'un centre de formation aux métiers de la soudure et de la construction métallique à Menzel Bourguiba, ainsi que deux études de faisabilité. Une deuxième convention de 8,5 millions d'euros concerne la construction d'un centre de formation aux métiers de la soudure et de la construction métallique à Médenine et d'un centre de formation aux métiers de la mécanique et de l'aéronautique à El Mghira.

En Tunisie, l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est également un opérateur du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale sur la base de conventions signées pour un montant total de 5,4 millions d'euros. Elle a ouvert un espace de travail à Tunis pour permettre les réunions entre experts français et tunisiens, ses activités concernant notamment le recensement des besoins de formation avec les partenaires tunisiens et les entreprises, les formations de formateurs, ainsi que l'appui à la création d'un institut de formation aux métiers maritimes.

Avec le Sénégal, a été signée, le 21 janvier 2009, une convention bilatérale portant sur un programme d'appui aux initiatives de solidarité pour le développement, qui prévoit la mobilisation sur financement du programme 301 d'un montant de 9 millions d'euros sur 3 années permettant :

- d'accompagner des promoteurs de projets d'investissement économiques privés au Sénégal,

- de mobiliser la diaspora scientifique et technique pour des missions de courte durée au Sénégal,

- d'appuyer techniquement et financièrement les associations de migrants sénégalais en France pour la réalisation d'infrastructures de développement local dans leurs régions d'origine,

- de mobiliser, à la demande de structures sénégalaises, de jeunes diplômés, enfants de ressortissants sénégalais établis en France, pour la réalisation de missions de volontariat dans les régions d'origine de leurs parents,

- de développer des actions contribuant au désenclavement numérique.

Ce programme résulte de l'expérience acquise par la mise en oeuvre du Projet initiatives de codéveloppement, lancé en 2005, qui a été soutenu dans sa phase initiale et complémentaire par le Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale à hauteur de 3,3 millions d'euros.

Les résultats obtenus ont permis de mesurer concrètement l'engagement des ressortissants sénégalais établis en France dans le développement économique et social de leur pays d'origine et de leur offrir un dispositif d'appui.

Lancé le 15 juillet 2009, ce programme a permis de lancer 84 projets économiques pour 1,1 million d'euros (étude de faisabilité, formation et suivi) et de financer 44 projets de développement local pour un montant de 3,2 millions d'euros dans les domaines de l'éducation/formation professionnelle, la santé et l'accès à l'eau/irrigation.

Avec le Bénin, a été signée le 9 janvier 2009 une déclaration commune sur la mise en oeuvre du programme d'action santé qui intervient dans un contexte particulier au Bénin, marqué par une mobilité importante des professionnels de santé vers les pays de l'OCDE, et engage le Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale à hauteur de 4,7 millions d'euros.

Les actions soutenues portent sur la création d'un pôle d'excellence régional, la création d'une banque régionale de matériel et d'équipements médico-techniques, la création d'une école de formation régionale en maintenance des équipements médico-techniques, la mise en place d'une assurance médicale universelle et d'une mutuelle dédiée aux personnels de santé, la mise en place d'un centre de lutte intégrée contre le paludisme, l'accompagnement du redéploiement des médecins dans les zones rurales déshéritées et l'appui à la mise en place d'une assurance qualité et d'un mécanisme d'évaluation et d'accréditation pour les structures médicales. Les avancées des projets sont suivies par un comité technique franco-béninois, les rapports d'études ont été réalisés et les équipements en partie fournis aux partenaires béninois. L'installation de deux médecins en zone rurale est effective.

Les autres projets soutenus concernent la formation professionnelle, la structuration de coopératives agricoles ou le soutien à la coopération décentralisée.

Avec le Gabon, le Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale a soutenu à hauteur de 53 000 euros, au titre de l'appel à projet coopération décentralisée de 2008, un projet entre la ville d'Oyem et Clermont-Ferrand. Mais la faible structuration de la diaspora gabonaise en France limite la remontée d'initiatives de développement.

Avec le Congo et en application de l'engagement pris dans l'accord de renforcement des systèmes de santé et de formation professionnelle, 6 projets créateurs d'emplois ou de formation professionnelle en vue de fixer les populations, en particulier celles déplacées du fait de la guerre civile congolaise, ont été retenus pour un financement de 740 000 euros.

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Au-delà de leur mise en oeuvre concrète, les accords de partenariat migratoire cherchent à créer un cadre de dialogue, de concertation et de coopération avec les pays partenaires pour décliner une approche globale des mouvements migratoires qui s'impose désormais à tous les pays d'origine, de transit et d'accueil de ces flux.

Ainsi les comités de suivi prévus par ces accords et chargés de préciser, si besoin, les conditions de leur bonne mise en oeuvre se sont tenus pour la plupart : le Comité de pilotage franco-tunisien s'est réuni déjà 2 fois, le 28 septembre 2009 à Tunis puis le 11 mars 2010 à Paris, le Comité mixte paritaire franco-sénégalais s'est tenu le 27 janvier 2010 à Dakar et le Comité franco-gabonais le 16 mars 2010 à Paris. Les comités de suivi des accords avec le Congo et le Bénin se réuniront d'ici la fin de l'année. Des sous- comités de suivi du volet développement solidaire des accords se tiennent également autant que de besoin.

Votre commission estime que ce dialogue est un des aspects positifs de ces accords qui cherchent à mettre en place un échange continu sur les mouvements migratoires.

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