Rapport n° 75 (2010-2011) de Mme Catherine TASCA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 27 octobre 2010


N° 75

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, et sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire,

Par Mme Catherine TASCA,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2061 , 2062, 2434 , T.A. 442 et 443

Sénat :

405, 406 (2009-2010), 76 et 77 (2010-2011)

INTRODUCTION

« L'Europe est la seule zone de dépression démographique de la planète »

Pascal Lamy, directeur général de l'OMC.

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi de deux nouveaux accords de gestion concertée des flux migratoires signés avec les gouvernements du Cap-Vert et du Burkina Faso et adoptés par l'Assemblée nationale le 8 avril 2010.

Ces accords font suite aux conventions relatives à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement avec les gouvernements du Gabon, du Bénin, du Congo, du Sénégal et de la Tunisie, que le Sénat a adoptées en 2008 1 ( * ) .

L'objectif des accords de gestion concertée des flux migratoires est d'articuler un assouplissement des règles de circulation pour certaines catégories de personnes originaires des pays partenaires, comme les étudiants ou les travailleurs migrants, avec un renforcement de la coopération en matière de lutte contre l'immigration clandestine et un soutien aux initiatives dans le domaine du développement.

Les accords aujourd'hui soumis au Sénat reprennent l'architecture de ceux qui les ont précédés. Ils sont conclus avec des Etats peu peuplés, dont la communauté établie en France est peu nombreuse. Ils restent cependant représentatifs de la complexité de la question des migrations, devenue un sujet majeur du débat public dans notre pays.

D'inspiration française, cette politique se présente comme une synthèse des politiques migratoires et des politiques de développement. Elle a été reprise au niveau européen, où a été formalisée une approche globale des migrations et des instruments financiers.

Ces accords de gestion concertée des flux migratoires cherchent à créer un cadre de dialogue sur la question des migrations dont l'équilibre dépend largement de leurs conditions d'application et, en premier lieu, de la concrétisation de leur volet « développement ».

I. GESTION CONCERTÉE DES FLUX MIGRATOIRES ET APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS

La tentative d'instaurer une gestion concertée des flux migratoires s'inscrit dans un contexte d'augmentation générale des flux migratoires sur le long terme.

A. DANS UN CONTEXTE D'AUGMENTATION DURABLE DES FLUX MIGRATOIRES...

Actuellement, le phénomène migratoire concerne, sur l'ensemble de la planète, plus de 214 millions de personnes, soit 3,1 % de la population mondiale.

Le nombre total de migrants a doublé au cours de ces vingt dernières années, aujourd'hui 1 personne sur 35 est un migrant habitant hors de son pays d'origine2 ( * ).

S'agissant des migrants illégaux, ils représentent, selon les estimations, entre 10 % et 15 % de la population migrante mondiale, soit près de 30 millions de personnes.

La crise économique et financière de 2008 a cependant eu un impact sur les flux migratoires. Les migrations internationales ont connu une baisse, en 2008. Les entrées de migrants permanents vers les pays de l'OCDE ont reculé de 6 % environ, tombant à 4,4 millions d'individus, alors qu'au cours des cinq années précédentes, leurs effectifs avaient augmenté de 11 % par an en moyenne. Ce recul des effectifs s'est accentué en 2009. S'agissant des migrations temporaires, elles ont également fléchi de 4 %.

Ce fléchissement est dû en partie aux flux migratoires liés au travail. Il témoigne d'une baisse de la demande de travailleurs étrangers émanant des entreprises des pays de l'OCDE, mais également de politiques d'immigration plus restrictives.

Les pays de l'OCDE, après avoir encouragé l'immigration à une époque où les besoins de main-d'oeuvre étaient importants, reviennent progressivement à une situation où l'appel à la main-d'oeuvre immigrée est de moins en moins nécessaire pour satisfaire les besoins du marché du travail, à l'exception notable de secteurs industriels et de services particuliers comme les technologies de l'information et de la communication (TIC).

Il s'en est suivi des politiques d'encouragement au retour des ressortissants étrangers travaillant dans les secteurs où traditionnellement le nombre d'emplois à pourvoir était important et dont le profil ne correspond plus aux besoins actuels. Ces politiques de retour ont été concrétisées par des mesures d'incitation et d'accompagnement se traduisant par l'octroi de pécules qui pouvaient être injectés dans l'économie du pays d'origine. Par ailleurs, les retours volontaires et spontanés ont également ramené au pays d'origine des ressortissants porteurs de capacités d'investissement et de création d'entreprises.

Cependant, sur cette même période, l'immigration familiale a progressé de 3 %, tout comme celle à caractère humanitaire qui a enregistré une augmentation de 14 % des demandeurs d'asile.

Selon le rapport de l'OCDE sur les Perspectives des migrations internationales 2010 , à mesure que la reprise économique progressera, de nouvelles entrées de migrants seront nécessaires pour remédier aux pénuries de main-d'oeuvre ou de compétences.

Sur le plus long terme, l'Europe devrait connaître une diminution de sa population de l'ordre de 48 millions d'habitants d'ici 2050 . « S eule zone de dépression démographique de la planète », selon l'expression de Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, elle aura vraisemblablement besoin d'un apport migratoire pour compenser le vieillissement de sa population.

Source : Nations unies

Dans le même temps, l'Afrique devrait compter 1,8 milliard d'habitants en 2050, soit trois fois plus que l'Europe de demain, plus que l'Inde et 25 % d'habitants de plus que le Chine.

Cette perspective, qui peut être une réelle opportunité, devra être accompagnée par des politiques migratoires adaptées.

L'Europe, de par sa proximité, est concernée au premier chef par cette évolution. Elle a plus que jamais un intérêt immédiat au développement de l'Afrique.

Comme le souligne le rapport de MM Christian Cambon et André Vantomme au nom de notre commission, intitulé : « Pour une mondialisation maîtrisée » : « Qui peut penser que, si cette Afrique à douze kilomètres du continent européen, forte de 1,8 milliard d'habitants en 2050 n'assure pas son développement et son autosuffisance alimentaire, l'Europe ne sera pas touchée par des tensions migratoires sans commune mesure avec celles que nous connaissons aujourd'hui ? » .

On assiste parallèlement à une prise de conscience des effets paradoxaux de l'immigration pour les pays africains eux-mêmes.

D'un côté ces migrations contribuent au développement de l'Afrique par la mobilisation des transferts financiers des migrants en faveur de leur pays d'origine.

Ces transferts concernent des sommes conséquentes, biens supérieures au volume d'aide publique au développement reçu par les Etats africains. Ils représentent, en effet, dans certains pays d'Afrique, entre 9 et 24 % du PIB, soit entre 80 et 750 % de l'aide publique au développement dont ils sont bénéficiaires 3 ( * ) . Ils constituent une manne financière pour les pays d'origine et permettent souvent d'assurer l'équilibre de la balance des paiements.

Ils présentent enfin une grande régularité et une fiabilité supérieure à celle des flux d'APD, exposés à de fortes variations au gré de l'intérêt des bailleurs, ainsi qu'aux investissements directs très sensibles à la conjoncture.

Au-delà de ces transferts, les flux migratoires, quand ils se traduisent par des retours, sont l'occasion de mettre à profit les expériences vécues en Europe, voire des formations qui bénéficient ainsi aux pays d'origine.

Cette migration doit néanmoins être mise en regard de la perte de compétence que constitue la migration de masse hors des pays d'origine. Le risque de fuite des cerveaux a été maintes fois souligné. Les élites qui viennent se former en Europe et qui parfois s'y installent définitivement privent leur pays d'origine de talents, si nécessaires au développement, comme l'illustre le cas des médecins africains en France qui sont parfois plus nombreux en métropole que dans leur pays d'origine.

L'ensemble de ces évolutions à court et à long terme a influé sur les politiques migratoires aussi bien des pays d'accueil que des pays d'origine.

Dans un contexte de chômage structurel élevé et de tensions sociales croissantes se traduisant par la multiplication des phénomènes d'exclusion sociale, l'immigration est devenue un enjeu majeur du débat politique des pays de l'Union européenne.

La crispation de l'opinion publique, le contexte économique et social dégradé, les difficultés rencontrées par les politiques d'intégration, ont conduit la majorité des pays européens, dont la France, à justifier des politiques migratoires restrictives et à renforcer les moyens de lutte contre l'immigration irrégulière.

Dans le même temps, la mise en lumière du rôle des migrants dans le développement des pays d'origine et la problématique du développement à long terme de l'Afrique ont poussé les pouvoirs publics à penser la politique de l'immigration et du développement en termes d'intérêt partagé et à les articuler à travers la notion de codéveloppement.

Votre commission avait montré dès 2007 les avantages de cette démarche dans un rapport intitulé : « Le codéveloppement à l'essai » qui soulignait que « le codéveloppement est une politique publique à l'état de «  prototype  »» dont les accords de gestion concertée des flux migratoires se veulent le prolongement.

Initialement considérée comme source de tensions économiques et sociales, l'immigration a ainsi progressivement été également perçue comme un facteur potentiel de développement devant faire l'objet d'une gestion concertée entre les pays du Nord et du Sud.

C'est dans ce cadre que s'inscrit l'action de la France qui connaît, en matière d'immigration, quelques spécificités par rapport à certains de nos voisins européens, même si elle s'inscrit dans la tendance générale des pays de l'Union.

De manière générale, l'immigration en France est plus familiale que professionnelle, comme l'attestent les chiffres de 2008 du tableau ci-après. En effet, s'agissant des visas de long séjour : 51,9 % sont délivrés pour motifs familiaux, 13,8 % pour raisons professionnelles, et enfin 6,8 % pour raisons humanitaires. A l'inverse, en ce qui concerne le Portugal, le Danemark et le Royaume-Uni, l'immigration de travail constitue le premier motif d'entrée.

Concernant la délivrance de visas de court séjour en 2008, près de 50 % sont des visas pour étudiants. Ces étudiants sont principalement originaires de la Chine, du Maroc, de l'Algérie et des USA. S'agissant plus particulièrement des étudiants chinois, leur nombre a augmenté avec une moyenne annuelle de 30,2 % ces treize dernières années.

Les dix nationalités issues de l'immigration les plus présentes en France sont : l'Algérie avec plus de 15 %, le Maroc avec un peu moins de 15 %, la Tunisie à plus de 5 %, la Turquie, le Mali, la Chine, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire, et la Roumanie.

Source : International Migration Outlook SOPEMI 2010 OECD

B. UNE RÉPONSE INITIALEMENT FRANÇAISE

La France a souhaité articuler les problématiques liées aux migrations et au codéveloppement depuis 2003. Cette orientation trouve sa concrétisation normative dès la loi du 26 novembre 2003 concernant la maîtrise de l'immigration. Cet axe a été renforcé par l'adoption de dispositifs complémentaires proposés par les gouvernements successifs tels que la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, qui prévoit les cartes « compétences et talents » puis celle du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile qui prévoit notamment les comptes épargne co-développement.

Les accords de gestion concertée des flux migratoires, signés notamment avec le Gabon, le Bénin, le Congo, le Sénégal et la Tunisie, s'inscrivent dans cette logique de développement solidaire.

Ces accords ont pour objectif d'institutionnaliser une relation plus partenariale sur la base d'un dialogue avec les pays d'origine sur la question des migrations. Cette politique s'adresse prioritairement à 28 pays, pour l'essentiel africains, mais aussi voisins des départements français d'outre-mer, comme le Surinam.

Votre commission a considéré, à l'occasion de l'adoption des précédents accords, que l'instauration d'un dialogue institutionnalisé sur l'immigration entre pays d'origine et pays d'accueil pouvait être un élément important de nos relations avec les pays du Sud.

C. QUI SE DÉVELOPPE DANS UNE APPROCHE EUROPÉENNE

1. L'enjeu démographique en Europe

La France a imposé la question migratoire au coeur des réflexions européennes.

Cette question est d'autant plus primordiale pour le continent européen que, d'une part, la politique communautaire des questions migratoires apparaît comme un complément indispensable au grand espace de libre circulation issu des accords de Schengen et que, d'autre part, l'Europe devrait subir une baisse de la population dans les trente prochaines années.

La population actuelle de l'Europe pourrait en effet perdre 48 millions d'individus d'ici 2050. Face à de telles projections démographiques, l'Union européenne sera conduite à repenser sa politique migratoire, la plupart des pays de la zone étant amenés, sans apport migratoire, à connaître un déclin de la population en âge de travailler.

2. La mise en oeuvre de la politique européenne liant migration et développement

Sous la présidence française, le Pacte européen sur l'immigration et l'asile a été adopté à l'unanimité par l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne les 15 et 16 octobre 2008.

Ce pacte comprend cinq engagements fondamentaux parmi lesquels celui de créer un partenariat global avec les pays d'origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement.

Le Conseil européen convient notamment :

- de conclure, au niveau communautaire ou à titre bilatéral, des accords avec les pays d'origine et de transit, comportant des dispositions relatives au développement des pays d'origine et de transit à côté de possibilités de migration légale et de mesures pour lutter contre l'immigration irrégulière. Les Etats membres sont invités à s'informer mutuellement et à se concerter sur les objectifs et les limites de ces accords bilatéraux ;

- d'examiner comment les politiques migratoires et de développement peuvent profiter aux régions d'origine de l'immigration, en cohérence avec les autres aspects de la politique du développement ;

- d'identifier des projets de développement solidaire ;

- de promouvoir des actions de co-développement qui permettent aux migrants de participer au développement de leurs pays ;

- d'adopter des instruments financiers spécifiques pour favoriser des transferts au meilleur coût de l'épargne des migrants ;

- d'accélérer le déploiement de Plateformes de coopération et les Partenariats pour la mobilité (la France est partie prenante dans les partenariats qui se nouent avec le Cap Vert, la Moldavie et la Géorgie) ;

- d'intervenir pour insuffler de la cohérence entre ces actions territoriales et la politique de voisinage qui elle-même doit s'articuler au Sud avec le processus de Barcelone.

La proposition française de faire des accords de gestion concertée des flux migratoires et du développement solidaire des instruments de la politique migratoire européenne a été retenue.

Depuis, les canaux de financement développés pour les actions concernant les migrations et le développement sont multiples.

Des financements de l'Union européenne, consacrés au développement solidaire, existent, d'une part, sous la rubrique « Liberté, sécurité et justice » et, d'autre part, sous la rubrique « Actions extérieures » du budget européen.

Les financements sous la rubrique « Liberté, sécurité et justice » sont regroupés dans le programme-cadre « Solidarité et gestion des flux migratoires ».

Ce programme-cadre regroupe les quatre fonds suivants :

- le Fonds européen pour les frontières extérieures est doté de 1,82 milliard d'euros sur la période 2007-2013. Il doit permettre d'améliorer l'efficacité des contrôles aux frontières, de garantir une application des règles communautaires plus harmonisée et d'améliorer la délivrance des visas. Les actions financées sont variées : infrastructures, équipements, programmes d'échanges, formations et études ;

- le Fonds européen pour les réfugiés est doté de 628 millions d'euros sur la période 2007-2013. Il a pour objectif de soutenir les efforts des Etats membres pour accueillir les demandeurs d'asile et les réfugiés ;

- le Fonds européen pour l'intégration des ressortissants des pays tiers est doté de 825 millions d'euros pour la période 2007-2013. Il a pour objectif de favoriser l'intégration des ressortissants des pays tiers, notamment sur le marché du travail ;

- le Fonds européen pour le retour est doté de 676 millions d'euros. Il a pour objet d'aider les Etats membres à financer aussi bien des actions pour les retours forcés ou volontaires de personnes en situation régulière ou irrégulière que des personnes déboutées du droit d'asile. Les aides concernent autant les aspects logistiques (transport, hébergement) que les mesures d'accompagnement avant le départ et/ou à l'arrivée.

Les financements, sous la rubrique « Actions extérieures », dans le domaine des migrations, sont répartis entre plusieurs instruments de l'action extérieure de l'Union européenne.

Créé depuis le 1er janvier 2007, l'instrument de voisinage et de partenariat représente, sur la période budgétaire 2007-2013, un montant de 11,18 milliards d'euros, avec un minimum de 95 % alloués aux programmes nationaux et multinationaux et jusqu'à 5 % alloués à des programmes de coopération transfrontière. Cet instrument se fixe notamment pour objectif de financer des projets assurant la protection des travailleurs migrants, une gestion frontalière efficace et sûre, un soutien aux réformes et au renforcement des capacités dans des domaines tels que la justice et les affaires intérieures, y compris l'asile, la migration et la réadmission, les actions destinées à combattre et à prévenir la traite des êtres humains.

En application d'une règle de 3 % souhaitée par le Conseil, les ressources de l'instrument destiné aux actions consacrées aux migrations devraient représenter un total de 335 millions d'euros sur la période 2007-2013.

L'instrument de coopération au développement est destiné à financer des actions géographiques et des actions thématiques, dans le cadre d'une enveloppe globale de 16,897 milliards d'euros pour la période 2007-2013.

Les actions géographiques sont le soutien à la coopération et aux réformes, dans le domaine de la sécurité et la justice, ainsi que de la lutte contre le trafic des êtres humains et le soutien à la coopération et aux réformes, dans le domaine des migrations et de l'asile, en aidant à la mise en oeuvre de politiques orientées vers le développement.

La règle des 3 % pour le financement d'actions consacrées aux migrations porterait le montant à environ 500 millions d'euros sur la période 2007-2013.

Les actions thématiques couvrent l'ensemble des pays avec lesquels l'Union européenne entretient des relations.

Le « programme d'assistance financière et technique aux pays tiers dans les secteurs de l'immigration et de l'asile » (Aeneas) prend en considération toutes les dimensions du phénomène migratoire (migration et développement, migration légale, immigration clandestine et traite des êtres humains, droits des migrants, asile et protection internationale) avec les objectifs suivants :

- stimuler les liens entre la migration et le développement ;

- encourager une gestion efficace de la migration des travailleurs ;

- lutter contre l'immigration clandestine et faciliter la réadmission des immigrés clandestins ;

- protéger les migrants contre l'exploitation et l'exclusion et soutenir la lutte contre la traite des êtres humains ;

- promouvoir l'asile et la protection internationale.

Le budget de 384 millions d'euros pour 2007-2013 fait l'objet d'une programmation pluriannuelle par la Commission sur laquelle reposent les appels à propositions. Le financement communautaire des projets compris entre 500 000 et 2 millions d'euros ne dépasse pas 80 % du montant total.

En marge de l'appel à proposition, des projets ciblés peuvent être retenus par la Commission. Il s'agit d'initiatives négociées directement avec la Commission. Il en est ainsi :

- d'un projet « Migration et développement » géré par un consortium dont le chef de file est le Programme des Nations unies pour le développement, qui associe l'Organisation internationale pour les migrations, l'Organisation internationale du travail, le Fonds des Nations unies pour la population et le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et qui est financé par le programme thématique à hauteur de 15 millions d'euros pour trois années ;

- de la Banque européenne d'investissement et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, qui offriront également un instrument financier qui n'est pas encore accessible (la Commission a prévu d'investir 700 millions d'euros pour la période 2007-2013).

Ce bilan des différentes interventions communautaires illustre les moyens considérables que l'Union européenne a ainsi dégagés pour une politique qui a vocation à être un domaine de souveraineté partagé entre l'Union et les Etats membres.

3. Les dernières directives en matière de politique européenne d'immigration et d'asile

Aux instruments précédemment cités s'ajoutent les trois directives adoptées à la suite du Pacte européen sur l'immigration et l'asile de 2008.

Elles créent un cadre juridique pour une politique commune sur l'immigration, dans le sens d'un durcissement des conditions d'accès des étrangers. A cet égard, en première lecture à l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 2400 relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité trouve sa justification dans la retranscription en droit français de :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière, dite « directive retour » ;

- la directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié, dite directive « carte bleue » ;

- la directive 2009/52/CE du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2009, prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « sanction ».

Face au défi migratoire et démographique, l'enjeu de l'Union européenne tel que défini dans le projet de directive 2009/50/CE est « d'améliorer sa capacité à attirer et à conserver la main d'oeuvre hautement qualifiée provenant des pays tiers ».

Actuellement, 55 % des immigrés titulaires d'un diplôme universitaire quittant leur pays d'origine souhaitent en priorité se rendre aux Etats-Unis, contre 5 % en Europe. Toutefois, les Etats membres de l'Union européenne attirent 85 % des migrants non qualifiés. Cette situation est le résultat de la coexistence de systèmes d'admission propres à chacun des 27 Etats membres. La carte bleue, essentiellement destinée aux salariés hautement qualifiés, a donc pour objectif de permettre une mobilité intra-communautaire des titulaires de cette carte.

La carte bleue européenne est un véritable outil de promotion de l'immigration professionnelle qualifiée. Elle prévoit une procédure accélérée et souple pour la délivrance d'un permis de séjour et de travail aux salariés de pays tiers considérés comme « hautement qualifiés ». En effet, le titulaire de cette carte accède plus aisément au marché du travail de l'Etat membre d'accueil, profite de conditions facilitées pour le regroupement familial et bénéficie de l'égalité de traitement avec les nationaux. Chaque Etat membre dispose d'une grande souplesse pour la mise en application de cette carte. Il reste libre de maintenir ou d'introduire des mesures autres que celles définies dans la directive.

Cette carte sera matérialisée en droit français sous la forme de carte de séjour temporaire via la mention « carte bleue européenne ».

Le projet de transposition de la directive4 ( * ) prévoit les conditions pour l'acquisition d'un tel titre, qui est réservé aux étrangers disposant d'un contrat ou d'une promesse d'embauche ferme pour un emploi hautement qualifié d'une durée d'au moins un an. Ces personnes doivent disposer d'un niveau de diplôme d'au moins trois années après le baccalauréat ou de cinq années d'expérience sur un poste hautement qualifié et d'un salaire annuel au moins égal à 1,5 fois le salaire brut moyen annuel.

Ce projet de loi prévoit une durée maximale de trois ans. Cette durée est donc cohérente avec la durée des titres de séjour « salarié en mission » et « compétences et talents » qui figurent dans les accords de gestion concertée des flux.

4. L'action des partenaires européens au niveau interne

La démarche française est également présente chez nombre de nos partenaires européens qui se sont plus particulièrement saisis de la question des migrations et du développement .

Concernant le Royaume-Uni, le DFID (Department For International Development) a mis en place, depuis 2007, une stratégie interministérielle dans le domaine des migrations et du développement. En effet, il travaille sur les questions de l'exode des compétences dans le domaine médical, mais également sur la thématique des transferts d'argent via le site internet sendmoneyhome. Ce département est un interlocuteur à part entière, il est le seul partenaire européen à siéger aux groupes du Conseil de l'UE portant sur les migrations, notamment au Groupe à haut niveau Asile et migration.

L'Espagne, porte d'entrée principale de l'immigration africaine, via les Canaries notamment, s'est saisie de la problématique du développement africain, mais également de la thématique des migrations et du développement. En 2007, le pays a signé une série d'accords bilatéraux sur ce thème, notamment avec le Sénégal. Il a également été créé un groupe de travail entre ministères et organisations de migrants dans le but d'identifier des projets de co-développement. Concernant le thème des transferts de fonds, des partenariats avec les banques ont été signés. Au niveau institutionnel, deux unités travaillent sur le thème des migrations : la Direction générale pour les politiques de développement du ministère des affaires étrangères espagnol et l'Agence espagnole de coopération internationale.

L'Allemagne a, quant à elle, une Agence d'assistance technique (GTZ) qui a abordé ces questions et convaincu le ministère fédéral de la coopération économique et du développement (BMZ) de l'intérêt du sujet. Le GTZ dispose d'une unité spécifique migration, menant des programmes notamment avec le Burkina Faso et le Maroc. Quant au BMZ, il continue de ne pas lier programme de coopération et régulation des flux migratoires.

S'agissant du ministère des affaires étrangères des Pays-Bas (MINBUZA), une stratégie interministérielle liant migrations et développement a été élaborée en 2009. Le MINBUZA, en relation avec des organisations internationales (OIM, Banque Mondiale), des ONG (OXFAM...) et des organisations de migrants, soutient également la recherche concernant la thématique du développement et des migrations.

La Suède a été très active dans la promotion de l'articulation entre politiques de développement et politiques migratoires. Elle s'est également intéressée aux liens entre changements climatiques et migrations.

L'Italie, lourdement touchée par les questions d'immigration, ne dispose pas d'institutions gouvernementales à part entière pour gérer la thématique migration et le développement. Le pays travaille étroitement avec l'OIM, notamment dans les domaines des compétences, de l'entreprenariat et du retour des diasporas.

L'action de la France s'inscrit donc dans un mouvement européen plus général. La question de l'articulation migration-développement mobilise l'ensemble de nos partenaires .

D. ET DANS UN CADRE MULTILATÉRAL

La thématique des migrations et du développement s'inscrit également dans un cadre plus large, multilatéral.

De multiples organisations multilatérales se sont mobilisées depuis 2006, au premier rang desquelles les Nations unies, et certaines de ses agences. En septembre 2006 a été organisé le premier dialogue à haut niveau des Nations unies sur ce thème. A la suite de cette rencontre, il a été mis en place un Forum mondial sur les migrations et le développement (FMMD). Plusieurs conférences ont eu lieu depuis sa création : à Bruxelles en 2007, Manille en 2008, Athènes en 2009 et au Mexique en novembre 2010. L'objectif de tels forums est de réunir les pays du Nord et du Sud afin d'identifier des champs d'action prioritaires.

La question des migrations ne fait toutefois pas l'objet d'une agence à part entière au sein du système des Nations unies. Cette thématique est traitée de façon transversale par différentes institutions telles que : le Département des Nations unies pour l'économie et les affaires sociales (UNDESA), l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), le Fond des Nations unies pour la population (FNUAP), le Fonds international pour le développement de l'agriculture (FIDA).

Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) s'est toutefois chargé de la question, notamment avec son Rapport mondial sur le développement humain 2008/2009 dans lequel le thème de la migration a été mis en avant.

Le PNUD s'est également vu confier par la communauté européenne la mise en oeuvre du premier programme européen spécifiquement destiné aux diasporas pour le développement. L'objectif global de l'initiative conjointe UE-ONU « migration et développement » (JMDI) est de soutenir les organisations de la société civile ainsi que les autorités locales qui cherchent à lier migration et développement. Cette initiative mobilise également l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), l'Organisation internationale et le Fonds des Nations unies pour la Population (FNUAP).

L'organisation spécifiquement en charge de la question des migrations est l'Organisation internationale pour les migrations créée en 1951. Elle est particulièrement active dans la sphère de la mobilité des compétences, des profils migratoires, et sur le lien migration-changement climatique.

S'agissant des institutions financières, la Banque mondiale a fait de la migration et des transferts de fonds des migrants le thème de son « Global Economic Prospects 2006 ». La Banque est active dans le domaine de la recherche sur l'impact des migrations sur la réduction de la pauvreté. La Banque mondiale a également lancé en 2007 son programme D-MADE visant à financer des projets en direction de l'Afrique d'entrepreneurs de la diaspora africaine installée en Europe.

L'OCDE joue également un rôle actif dans la thématique des migrations et du développement. Les activités sur les migrations internationales consistent en un suivi des mouvements et des politiques migratoires des pays membres, ainsi qu'en dehors de la zone OCDE. En outre, l'OCDE fournit également des analyses détaillées des aspects économiques et sociaux des migrations.

L'Organisation internationale du travail (OIT) s'intéresse également à cette thématique. Pour l'organisation, l'élaboration de politiques permettant de mieux gérer les migrations de main d'oeuvre, afin que celles-ci contribuent à la croissance et au développement des pays d'émigration et des pays hôtes, apparaît comme une nécessité. En 2004, la Conférence internationale du travail de l'OIT a adopté un cadre multilatéral sur les migrations de main d'oeuvre, qui fait partie du plan d'action pour les travailleurs migrants approuvé par les mandants de l'OIT. Plusieurs rapports de l'OIT ont été réalisés, en lien avec l'Institut de recherche international, le dernier en date étant : « Faire des migrations un facteur de développement : une étude sur l'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest » de mars 2010.

Au niveau des pays d'émigration, des initiatives sont également mises en place. S'agissant du cadre africain, en particulier, plusieurs organisations régionales contribuent à l'élaboration de plans d'action.

L'Union africaine s'est saisie de la question et, en 2006, a identifié les diasporas africaines avec l'assistance des ambassades sud-africaines. Ce travail a débouché sur l'organisation, en 2008, d'un Sommet en Afrique du Sud sur les diasporas africaines.

Au niveau régional, le Secrétariat du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, et celui de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont développé, en 2006-2007, des stratégies d'actions et oeuvrent pour la mise en place d'un observatoire des migrations africaines, sur financement européen. L'UE comme le Club du Sahel et d'Afrique de l'OCDE financent et appuient techniquement ces processus.

Quant à la Banque africaine de Développement (BafD), elle a mis en place de nombreux travaux de recherche sur les transferts d'épargne vers l'Afrique, notamment sur le corridor France/Maroc, Mali, Sénégal, Comores, en partenariat avec la Direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) et l'Agence française du Développement (AFD). De même, la BafD travaille actuellement avec l'AFD à la préparation d'un rapport intitulé « Afrique 2050 » qui comportera un volet migrations/démographie. Ce rapport sera publié au 4 è trimestre 2010. En partenariat avec la BafD et l'AFD, la DGTPE a organisé fin 2009 deux ateliers techniques régionaux pour la zone Maghreb et la zone franc consacrés à la réglementation des transferts d'argent des migrants.

C'est dans ce contexte européen et international que doit s'apprécier la politique française de gestion concertée des flux migratoires

II. UN BILAN PROVISOIRE DES PRÉCÉDENTS ACCORDS

Cinq accords sont d'ores et déjà entrés en vigueur, avec le Gabon depuis le 1er septembre 2008, la Tunisie depuis le 1er juillet 2009, le Congo et le Sénégal depuis le 1er août 2009 et le Bénin depuis le 1 er mars 2010 (du fait du retard pris par la procédure d'approbation béninoise). L'accord avec Maurice est entré en vigueur le 1er septembre 2010.

A. LES AMBITIONS INITIALES

Dans un contexte où l'immigration demeure un sujet de crispation politique dans la majorité des pays européens, ces accords associant les problématiques du développement et de l'immigration ont pour point commun d'appréhender les moyens de faire de la mobilité un atout et un facteur de développement aussi bien pour les pays d'émigration que d'accueil.

Ils tendent, d'une part, à la stabilisation d'une immigration légale et, d'autre part, à la maximisation de la contribution des migrants au développement de leur pays d'origine.

Ils se fondent sur l'espoir qu'à long terme le développement des pays d'émigration permettra d'enrayer une immigration engendrée par la misère. Cette vision est contestée par certains experts qui estiment, au contraire, que le développement, qui est une ouverture sur le monde, encourage l'émigration, au moins dans un premier temps.

L'impact des migrations sur le développement varie selon le profil des migrants et la manière dont les pays d'origine et hôtes s'ajustent à ces mouvements.

L'impact positif des migrations peut être optimisé par des politiques de visas judicieuses. C'est dans cette optique que la France développe son approche des flux migratoires et a favorisé la conclusion de ses accords.

Entre immigration irrégulière, fardeau pour les pays d'accueil, et immigration choisie, accusée de piller les élites des pays les plus pauvres, la France et plus largement l'Union Européenne cherchent une troisième voie via le concept de migration circulaire.

La politique de la migration circulaire est celle qui favorise les allers et retours, de migrants ou d'anciens migrants entre pays d'origine et pays de résidence.

Avec la loi sur l'immigration et l'intégration du 24 juillet 2006 et le développement des accords de gestion concertée des flux migratoires, la France engageait une nouvelle politique migratoire destinée à mieux tenir compte de la réalité des migrations de circulation, mais également des impératifs socio-économiques, en France et dans les pays d'émigration et de transit des migrants.

La migration circulaire doit bénéficier à la fois au pays d'origine par un retour des compétences, et au pays d'accueil par la définition de listes de métiers permettant de pallier les difficultés de recrutement des entreprises dans certains secteurs. Elle bénéficie également aux migrants eux-mêmes via un séjour légal et une protection sociale, un droit à la formation, une possibilité d'épargne, ou encore une aide à la réinsertion dans le pays d'origine.

Par une meilleure circulation des migrants et une aide à la réinstallation dans leur pays d'origine, l'objectif affiché est celui d'une relation « gagnant-gagnant », facteur de croissance aussi bien pour les pays d'émigration que pour les pays hôtes.

L'articulation entre promotion du développement et politiques migratoires adéquates est cependant délicate à trouver.

Pour des pays d'accueil comme la France, la conciliation entre la tradition d'hospitalité du pays et les difficultés sociales actuelles, entre les craintes de l'opinion publique et les besoins des entreprises, entre le besoin d'intégration des immigrés déjà installés en France et ceux qui aspirent à y venir, entre les besoins à court terme et à long terme du pays, entre la volonté de lutter contre l'immigration clandestine et de favoriser l'intégration des immigrés légaux, est un chemin difficile.

De même, pour les pays d'origine, il existe un véritable dilemme entre, d'un coté, la manne que constituent les transferts de fonds des migrants, et, de l'autre, le risque, avec l'accroissement de l'émigration, de la perte des « forces vives » du pays et des compétences nécessaire à leur développement.

Dans la recherche d'un équilibre satisfaisant chacun, les accords de gestion concertée de flux migratoires et de développement solidaire ont élaboré pour chaque pays signataire des listes de métiers à la fois qualifiés et non qualifiés.

Tous les accords comportent un volet immigration comportant des mesures tendant à faciliter l'immigration professionnelle et à augmenter les réadmissions des personnes en situation irrégulière et un volet développement solidaire dont votre rapporteur a souhaité faire un premier bilan.

B. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION : UNE CONTRACTUALISATION QUI NE CONCERNE QU'UNE PART LIMITÉE DES POPULATIONS IMMIGRÉES EN FRANCE

1. Les accords ne concernent pas les principaux pays d'origine des immigrés en France

Au-delà du bilan des accords en vigueur, il faut souligner que les pays concernés ne présentent qu'une infime part en flux comme en stock des populations immigrées en France.

Sur les dix pays dont la population est la plus largement représentée dans les populations immigrées en France, seuls deux, la Tunisie et le Sénégal, ont fait l'objet d'accords.

Aucun accord n'a été conclu ni avec l'Algérie ni avec le Maroc, pays dont les ressortissants représentent les deux premières populations immigrées.

Au contraire, l'accord conclu avec des pays tels que le Bénin ou avec ceux qui font l'objet de ce rapport, le Cap-Vert et le Burkina Faso, concerne des pays dont les ressortissants sont peu représentés parmi la population immigrée sur le territoire français.

Dès lors, la contribution de ces accords à la réduction de la pression migratoire aux portes de la France par le développement solidaire ou à l'amélioration des procédures de réadmission doit être relativisée.

2. La mise en oeuvre des dispositions relatives à l'immigration professionnelle est inégale

La mise en oeuvre des dispositions relatives à l'immigration se traduit pour l'instant par une application prudente des dispositions favorisant la circulation des acteurs de la relation bilatérale.

La délivrance des visas de circulation suit une tendance variable selon les pays. Elle atteint en 2009, en proportion des visas de court séjour délivrés, 40,9 % avec la Tunisie, 20,5 % avec le Gabon, 16,6 % avec le Sénégal, 15,6 % avec le Bénin, 13,5 % avec le Congo.

On constate que la contribution des accords de gestion concertée à l'augmentation des attributions de visas de circulation est variable selon les pays.

Sénégal

Bénin

Tunisie

Part des visas de circulation dans les visas de court séjour

2004

2009

2007

2009

2007

2009

15 %

16 %

15,9 %

15,6 %

34 %

40 %

Les dispositions relatives à l'immigration professionnelle font, quant à elles, l'objet d'une mise en oeuvre limitée.

Un bilan complet de la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'immigration professionnelle est, à ce stade, encore prématuré eu égard à l'entrée en vigueur trop récente des accords et au contexte économique défavorable.

On constate cependant, à ce jour, que l'immigration professionnelle demeure très réduite avec le Gabon, le flux d'entrée en 2009 se composant de 84 travailleurs salariés (92 en 2008), de 13 travailleurs temporaires (18 en 2008) et de 3 salariés en mission (chiffres OFII), 4 cartes « compétences et talents » ayant été délivrées à des ressortissants gabonais. L'accord d'échanges de jeunes professionnels a été signé en février 2010 et est en cours de mise en oeuvre.

Avec le Congo , l'immigration professionnelle reste également très minime par rapport à l'immigration familiale, avec un flux d'entrée de 104 travailleurs salariés en 2009 (140 en 2008), 7 travailleurs temporaires (39 en 2008) et 4 salariés en mission, 2 cartes « compétences et talents » ayant été délivrées à des ressortissants congolais.

Il en va de même avec le Bénin , à partir duquel l'immigration professionnelle, bien que légèrement croissante, demeure très faible par rapport à l'immigration familiale ou la venue d'étudiants ou de stagiaires : le flux d'entrée en 2009 se compose de 125 travailleurs salariés (95 en 2007, mais, d'ores et déjà, 89 pour les 7 premiers mois de 2010, de 30 travailleurs temporaires (21 en 2008) et de 2 salariés en mission. 2 cartes « compétences et talents » ont été délivrées à des ressortissants béninois.

En revanche, avec le Sénégal , l'immigration professionnelle est en forte progression avec un flux d'entrée de 701 travailleurs salariés en 2009 (163 en 2005, 601 en 2008, déjà 526 sur les 7 premiers mois de 2010), 76 travailleurs temporaires (105 en 2008) et 4 salariés en mission.

L'accès au marché français du travail, sur la base de la liste de 105 métiers annexée à l'accord, requiert la mise en place par les deux pays d'un dispositif de rapprochement entre les offres d'emplois des entreprises françaises et les demandes d'emplois sénégalaises.

Le Comité mixte paritaire de suivi de l'application de l'accord du 27 janvier 2010 a arrêté, en décembre dernier, un dispositif retenant la direction de l'emploi du ministère sénégalais de l'emploi comme interlocuteur de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) ainsi qu'une mise en oeuvre sur une liste plus restreinte de métiers à titre de test. Ce dispositif est en cours de lancement.

Ce Comité a décidé également d'une sensibilisation plus systématique aux possibilités de perfectionnement professionnel ouvertes tant par l'accord de 2001 relatif aux échanges de jeunes professionnels (venue de 12 jeunes professionnels sénégalais en France en 2009) que par la délivrance de cartes « compétences et talents » (16 cartes délivrées en 2009).

Ces chiffres sont cependant à rapprocher de l'ensemble des flux migratoires du Sénégal vers la France. Si on ne retient que les bénéficiaires de premiers titres de séjour, il y a eu, en 2008 : 4 169 titres accordés à des Sénégalais dont 1 924 pour des motifs familiaux. On compte, par ailleurs, 54 854 personnes de nationalité sénégalaise détentrices d'un titre ou d'une autorisation de séjour en France.

Avec la Tunisie , l'immigration professionnelle est également en progression, avec un flux d'entrées, en 2009, de 884 travailleurs salariés (369 en 2005, 1 191 en 2008 et déjà 604 au 1 er semestre 2010), et 337 travailleurs temporaires (247 en 2005, 455 en 2008 et 256 au 1 er semestre 2010, la baisse de 2009 étant due à la situation du marché de l'emploi).

Une hausse est constatée par rapport à 2008 sur certaines des catégories de l'accord :


• travailleurs saisonniers : 922 en 2009 (811 en 2008),


• compétences et talents : 45 en 2009 (32 en 2008),


• jeunes professionnels : 180 en 2009 (172 en 2008 déjà 249 sur les 7 premiers mois de 2010).

Ces chiffres sont à rapprocher de l'ensemble des flux migratoires de la Tunisie vers la France. Si on ne retient que les bénéficiaires de premiers titres de séjour, il y a eu en 2008 : 10 238 titres accordés à des Tunisiens dont 6 285 pour des motifs familiaux. On compte, par ailleurs, 176 888 personnes de nationalité tunisienne détentrices d'un titre ou d'une autorisation de séjour en France.

Certes, les volets immigration professionnelle des accords sont dans une phase de montée en puissance, mais ces accords touchent pour l'instant une part très limitée des flux migratoires des pays concernés, sans qu'on ait le sentiment qu'ils aient véritablement favorisé l'augmentation des possibilités de migration professionnelle.

Certains dispositifs, comme les cartes « talents compétences » qui avaient suscité beaucoup d'espoir, connaissent une application très limitée, avec 4 cartes pour le Gabon, 2 au Congo, 2 au Bénin, 12 au Sénégal, 45 en Tunisie. On est très en deçà des objectifs annoncés lors de l'adoption des conventions. Il était considéré alors que les plafonds fixés par les conventions étaient également des objectifs à atteindre : 150 pour le Congo et le Bénin, 1 500 pour la Tunisie.

Pour 2008, le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire avait fixé un objectif de délivrance de 2 000 cartes tous pays confondus, dont 1 000 par le biais des préfectures et 1 000 par le biais des ambassades. Or, en 2008, 473 cartes ont été délivrées, dont 303 (64 %) pour l'exercice d'activités professionnelles salariées. En 2009, on en compte 593 dont 382 (64 %) délivrées à des salariés.

Un rapport établi pour le compte de la commission des finances du Sénat analyse comme suit les raisons de ce nombre limité 5 ( * ) :

« Un certain retard dans la mise en oeuvre de la carte, et une promotion insuffisante, voire quasi nulle, à l'exception de certains consulats, réalisée par les postes à l'étranger (...)

« La grande richesse des cartes existantes, et la création concurrente, selon les préfectures, de cartes à destination des étudiants et des scientifiques (...)

« Le caractère restrictif des critères d'attribution de la carte actuelle. Pas moins de 13 cas de figures précis sont prévus».

La carte « compétences et talents » était censée ouvrir un espace à des personnes présentant un profil particulier susceptible d'enrichir notre pays, mais sa mise en oeuvre se révèle singulièrement longue et complexe.

Votre commission devra, sur ce point, comme sur l'ensemble du volet immigration professionnelle des accords, approfondir sa réflexion afin de comprendre les raisons de cette lente montée en puissance des accords.

3. Un bilan mitigé de la mise en oeuvre de l'engagement de réadmission et de la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC)

Le traitement de l'immigration irrégulière fait l'objet, dans ces conventions, de volets importants qui touchent à la réadmission sur leur territoire des ressortissants en situation irrégulière, mais également à la recherche de la nationalité des personnes concernées pour laquelle les deux parties se prêtent une assistance mutuelle.

Communément appelées « réadmissions simplifiées », ces réadmissions regroupent l'ensemble des renvois simples, effectués sans délai par les services de police, par délégation formelle ou tacite de l'autorité préfectorale, sans qu'aucune formalité particulière ne soit mise en oeuvre par les autorités frontalières au moment de l'interpellation de l'étranger qui a franchi illégalement la frontière.

Cette obligation, pour le pays signataire, de reprendre sur son territoire ses ressortissants en situation irrégulière sur le territoire d'un autre Etat est particulièrement sensible pour les opinions publiques aussi bien des pays d'émigration que des pays hôtes.

Les accords stipulent donc que « chaque partie réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre partie et dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes, ses ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie ».

On constate également un bilan mitigé de la mise en oeuvre de l'engagement de réadmission et de la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC) nécessaires à l'éloignement des personnes en situation irrégulière sur le territoire français.


• Le taux de délivrance concernant le Congo, stable ces dernières années, progresse en 2010.


• Il est erratique depuis 2007 avec le Bénin, qui n'est pas un pays véritablement source d'immigration en France. Il devrait, en 2010, atteindre un niveau correct quoique encore insuffisant.


• Le taux de délivrance a chuté avec le Gabon, pourtant pays peu source d'immigration, mais tend à remonter en 2010.


• Il est tombé avec le Sénégal, pour s'améliorer légèrement cette année.


• Il reste variable avec la Tunisie, avec une délivrance très inégale selon les consulats.

Cette situation a conduit le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire à appeler en différentes circonstances leurs interlocuteurs du Sénégal et du Gabon à une meilleure coopération et application des dispositions des accords bilatéraux.

C. LA DIMENSION DU CO-DÉVELOPPEMENT : DES MOYENS SANS RAPPORT AVEC L'AMBITION INITIALE

La dimension du co-développement des accords tend à valoriser le rôle des migrants dans le développement de leur pays et à favoriser la coopération active des pays concernés.

Le co-développement a pour finalité d'encourager les initiatives des migrants susceptibles de développer le tissu économique de leur pays. Plusieurs canaux peuvent être utilisés : le partenariat entre entreprises, les collectivités territoriales, organismes de formation, et associations.

L'objectif à terme est de faciliter la circulation des acteurs du co-développement dans le cadre d'un consensus négocié avec les pays d'origine.

Cette notion de co-développement jette un éclairage nouveau sur la migration. Les migrations sont reconnues et valorisées en tant qu'outil de développement. L'aide au développement est perçue comme essentielle pour soutenir la croissance des deux partenaires et non comme une assistance.

Le terme de co-développement a été rebaptisé « développement solidaire ». Malgré ce changement sémantique, la signification n'en demeure pas moins la même.

En effet, le développement solidaire inclut des projets sectoriels dans des domaines comme la santé, la formation professionnelle ou le développement d'activités économiques qui participent à une meilleure maîtrise des flux migratoires.

Cinq axes du co-développement ont été identifiés par le ministère de l'immigration :

- le développement local des régions de fortes migrations ;

- la promotion de l'investissement productif, y compris par la réinsertion des migrants et par la promotion des outils financiers mis à disposition des migrants par la législation française (le compte épargne co-développement et le livret d'épargne pour le co-développement) ;

- la mobilisation des compétences, en particulier en soutenant des missions d'experts issus des diasporas ;

- le soutien à des initiatives de la jeunesse ;

- la facilitation des transferts de fonds des migrants.

Le programme développement solidaire, dit « programme 301 » a été introduit en 2008, et mis en oeuvre par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Il concerne une liste de 28 pays et soutient deux types de projets :

- des projets dans les pays ayant signé un accord de gestion concertée des flux migratoires et participant à une meilleure maîtrise de ces flux ;

- et des projets portés par les migrants en faveur du développement de leur pays d'origine.

1. Des moyens très limités au regard de l'ambition initiale

Par rapport à cette ambition initiale, les moyens mis en oeuvre sont réduits.

Pour 2010, les crédits du budget général de l'Etat consacrés au développement solidaire sont de 35 millions d'euros, soit 1 % des 3,5 milliards d'euros de crédits de l'Aide publique au développement (APD).

Dans des pays comme le Sénégal, où une convention bilatérale portant sur un programme d'appui aux initiatives de solidarité pour le développement prévoit la mobilisation sur financement du programme 301 d'un montant de 9 millions d'euros sur 3 années, le développement solidaire représente environ 2 % de notre aide au développement de ce pays .

Comparativement au coût des reconduites à la frontière d'environ 415,2 millions 6 ( * ) , les fonds débloqués pour ce programme apparaissent très modestes.

S'agissant des aides au retour comme à la réinstallation, force est de constater que leur réalisation est parcimonieuse. En effet, en 2008, les aides au retour humanitaire ont été très concentrées. On comptait 65 % de bénéficiaires roumains et une part considérable de ressortissants bulgares. Sur la même année, environ 200 personnes parmi les 10 000 bénéficiaires d'une aide au retour ont bénéficié d'une aide à la réinstallation, soit seulement 2 %.

Compte tenu de l'échelle des moyens retenue, l'ambition initiale qui était d'infléchir la pression migratoire exercée par ces pays, soit en favorisant le retour de migrants, soit en fixant les populations grâce au développement local, demeure le premier objectif affiché, mais semble hors de portée.

2. Le passage du co-développement au développement solidaire

L'originalité des projets de co-développement par rapport à l'aide au développement classique semblait être le soutien aux projets portés par les migrants en faveur du développement de leur pays d'origine.

Les pouvoirs publics soutiennent ainsi ce qui avant d'être une politique publique est, depuis l'origine des migrations, une pratique sociale des diasporas de soutien du pays ou du village d'origine. Dans cette perspective, le volet co-développement s'appuie sur la dynamique des migrants établis en France et de leurs associations pour favoriser des projets de développement en appui aux initiatives des migrants et des communautés villageoises organisées dans les pays d'origine.

Or on constate que ces deux objectifs, développement des pays d'origine et appui aux initiatives des migrants vers leurs pays d'origine, ont progressivement fait l'objet d'un traitement différencié.

Les projets relevant du premier objectif, qui rejoint les objectifs généraux de l'aide au développement, ont été confiés, pour l'essentiel, à l'Agence française pour le développement.

L'Agence instruit notamment, dans ce cadre, un projet de 30 millions d'euros en matière de formation professionnelle en Tunisie. Elle finance également, depuis 2009, par transfert de compétence du ministère des affaires étrangère, dans le cadre du soutien aux ONG, certaines ONG de migrants qui gèrent des projets de co-développement.

Les projets relevant du deuxième objectif, ainsi que les financements de projets dans le cadre de l'aide au retour ou de programmes de réinsertion des migrants porteurs de projets, ont été majoritairement confiés à l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII).

A cette architecture complexe, il faut ajouter les cas particuliers du Bénin et du Sénégal, où le choix final d'une gestion directe par l'Etat partenaire des crédits dédiés au développement solidaire s'appuie sur une forte mobilisation des Etats signataires, sur un « plaidoyer » important de leurs diasporas et sur une expérience déjà avérée des projets de codéveloppement stricto sensu. Il faut dire que cette option de délégation aux Etats partenaires suppose que soient réunies les conditions de la confiance dans l'administration dudit Etat partenaire.

3. Un bilan encore difficile à établir de la mise en oeuvre des dispositions de développement solidaire

La mise en oeuvre des dispositions relatives au développement solidaire a entraîné des décaissements de l'ordre de 41 millions d'euros, en 2008 et 2009. Ces crédits ont été consacrés à 95 % à des projets en Tunisie, au Sénégal et au Bénin.

Cet effort a été accompagné d'une mobilisation de l'ensemble des acteurs partenaires du développement, opérateurs nationaux comme l'Agence française de développement, l'Office Français pour l'Immigration et l'Intégration ou France Coopération Internationale, mais aussi le monde associatif et les collectivités territoriales, en France ou dans les pays d'origine.

Avec la Tunisie, et conformément au protocole de développement solidaire annexé à l'accord, un montant de 26 millions d'euros sur les 30 millions d'euros prévus en matière de formation professionnelle a déjà été engagé (17 millions d'euros en 2008, 9 millions d'euros en 2009). Sont prévus pour l'année 2010 des engagements à hauteur de 2,775 millions d'euros et des paiements à hauteur de 9,215 millions d'euros.

Une première convention de 11 millions d'euros a ainsi été conclue avec l'AFD pour la construction d'un centre de formation aux métiers du BTP à Tunis et la réhabilitation d'un centre de formation aux métiers de la soudure et de la construction métallique à Menzel Bourguiba, ainsi que deux études de faisabilité. Une deuxième convention de 8,5 millions d'euros concerne la construction d'un centre de formation aux métiers de la soudure et de la construction métallique à Médenine et d'un centre de formation aux métiers de la mécanique et de l'aéronautique à El Mghira.

En Tunisie, l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est également un opérateur du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale sur la base de conventions signées pour un montant total de 5,4 millions d'euros. Elle a ouvert un espace de travail à Tunis pour permettre les réunions entre experts français et tunisiens, ses activités concernant notamment le recensement des besoins de formation avec les partenaires tunisiens et les entreprises, les formations de formateurs, ainsi que l'appui à la création d'un institut de formation aux métiers maritimes.

Avec le Sénégal, a été signée, le 21 janvier 2009, une convention bilatérale portant sur un programme d'appui aux initiatives de solidarité pour le développement, qui prévoit la mobilisation sur financement du programme 301 d'un montant de 9 millions d'euros sur 3 années permettant :

- d'accompagner des promoteurs de projets d'investissement économiques privés au Sénégal,

- de mobiliser la diaspora scientifique et technique pour des missions de courte durée au Sénégal,

- d'appuyer techniquement et financièrement les associations de migrants sénégalais en France pour la réalisation d'infrastructures de développement local dans leurs régions d'origine,

- de mobiliser, à la demande de structures sénégalaises, de jeunes diplômés, enfants de ressortissants sénégalais établis en France, pour la réalisation de missions de volontariat dans les régions d'origine de leurs parents,

- de développer des actions contribuant au désenclavement numérique.

Ce programme résulte de l'expérience acquise par la mise en oeuvre du Projet initiatives de codéveloppement, lancé en 2005, qui a été soutenu dans sa phase initiale et complémentaire par le Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale à hauteur de 3,3 millions d'euros.

Les résultats obtenus ont permis de mesurer concrètement l'engagement des ressortissants sénégalais établis en France dans le développement économique et social de leur pays d'origine et de leur offrir un dispositif d'appui.

Lancé le 15 juillet 2009, ce programme a permis de lancer 84 projets économiques pour 1,1 million d'euros (étude de faisabilité, formation et suivi) et de financer 44 projets de développement local pour un montant de 3,2 millions d'euros dans les domaines de l'éducation/formation professionnelle, la santé et l'accès à l'eau/irrigation.

Avec le Bénin, a été signée le 9 janvier 2009 une déclaration commune sur la mise en oeuvre du programme d'action santé qui intervient dans un contexte particulier au Bénin, marqué par une mobilité importante des professionnels de santé vers les pays de l'OCDE, et engage le Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale à hauteur de 4,7 millions d'euros.

Les actions soutenues portent sur la création d'un pôle d'excellence régional, la création d'une banque régionale de matériel et d'équipements médico-techniques, la création d'une école de formation régionale en maintenance des équipements médico-techniques, la mise en place d'une assurance médicale universelle et d'une mutuelle dédiée aux personnels de santé, la mise en place d'un centre de lutte intégrée contre le paludisme, l'accompagnement du redéploiement des médecins dans les zones rurales déshéritées et l'appui à la mise en place d'une assurance qualité et d'un mécanisme d'évaluation et d'accréditation pour les structures médicales. Les avancées des projets sont suivies par un comité technique franco-béninois, les rapports d'études ont été réalisés et les équipements en partie fournis aux partenaires béninois. L'installation de deux médecins en zone rurale est effective.

Les autres projets soutenus concernent la formation professionnelle, la structuration de coopératives agricoles ou le soutien à la coopération décentralisée.

Avec le Gabon, le Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale a soutenu à hauteur de 53 000 euros, au titre de l'appel à projet coopération décentralisée de 2008, un projet entre la ville d'Oyem et Clermont-Ferrand. Mais la faible structuration de la diaspora gabonaise en France limite la remontée d'initiatives de développement.

Avec le Congo et en application de l'engagement pris dans l'accord de renforcement des systèmes de santé et de formation professionnelle, 6 projets créateurs d'emplois ou de formation professionnelle en vue de fixer les populations, en particulier celles déplacées du fait de la guerre civile congolaise, ont été retenus pour un financement de 740 000 euros.

*

Au-delà de leur mise en oeuvre concrète, les accords de partenariat migratoire cherchent à créer un cadre de dialogue, de concertation et de coopération avec les pays partenaires pour décliner une approche globale des mouvements migratoires qui s'impose désormais à tous les pays d'origine, de transit et d'accueil de ces flux.

Ainsi les comités de suivi prévus par ces accords et chargés de préciser, si besoin, les conditions de leur bonne mise en oeuvre se sont tenus pour la plupart : le Comité de pilotage franco-tunisien s'est réuni déjà 2 fois, le 28 septembre 2009 à Tunis puis le 11 mars 2010 à Paris, le Comité mixte paritaire franco-sénégalais s'est tenu le 27 janvier 2010 à Dakar et le Comité franco-gabonais le 16 mars 2010 à Paris. Les comités de suivi des accords avec le Congo et le Bénin se réuniront d'ici la fin de l'année. Des sous- comités de suivi du volet développement solidaire des accords se tiennent également autant que de besoin.

Votre commission estime que ce dialogue est un des aspects positifs de ces accords qui cherchent à mettre en place un échange continu sur les mouvements migratoires.

*

III. LES ACCORDS DE GESTION CONCERTÉE AVEC LE BURKINA FASO ET LE CAP VERT.

Les deux accords soumis à l'approbation du Sénat reprennent le principe des accords de gestion concertée des flux migratoires, à savoir l'articulation entre un assouplissement des règles de circulation pour certaines catégories de personnes originaires des pays partenaires, comme les étudiants ou les travailleurs migrants, avec un renforcement de la coopération en matière de lutte contre l'immigration clandestine et un soutien aux initiatives dans le domaine du développement. Leur intérêt doit être apprécié au regard du profil migratoire de ces pays.

A. LE CONTEXTE MIGRATOIRE DES ACCORDS

1. Profil migratoire du Burkina Faso et du Cap Vert
a) Les flux migratoires entre la France, le Burkina Faso et le Cap Vert

On retrouve dans les cas du Burkina Faso et du Cap Vert, comme pour l'ensemble des pays parties à ce type de convention, quelques spécificités de la France en ce qui concerne les visas longs séjours :

- une part prépondérante et croissante des regroupements familiaux ;

- une légère tendance à la baisse des visas pour études, même si la France reste l'un des principaux pays d'accueil d'étudiants ;

- le caractère marginal de la migration professionnelle ;

On constate, par ailleurs, que ces pays ont des profils assez semblables à ceux des autres pays ayant signé un accord.

Visas de long séjour

Burkina Faso

Cap Vert

Sénégal

Bénin

Congo

Tunisie

2004

2008

2004

2008

2004

2008

2004

2008

2004

2008

2004

2008

Visas de long séjour

457

586

82

101

2 627

3 401

578

460

677

641

6 354

12 544

Regroupement familial

nc

209

nc

69

452

1 508

55

173

nc

262

2 504

4 602

Conjoints de Français
(depuis 2007)

nc

127

nc

27

898

99

38

3 015

Etudes

nc

291

nc

11

2 043

1 704

457

223

427

273

2 667

3 312

Motifs professionnels

nc

12

nc

20

45

81

10

11

4

7

1 056

1 413

Concernant l'immigration irrégulière, le Cap Vert exerce une pression migratoire significative, eu égard à la taille du pays, comme l'attestent les chiffres du tableau ci-après.

Obligation de quitter le territoire français et arrêté préfectoral
de reconduite à la frontière

Burkina Faso (2008)

Cap vert

(2007)

Benin

(2007)

Congo

(2007)

Tunisie

(2007)

Sénégal

(2007)

prononcée

exécutée

prononcé

exécutée

prononcée

exécutée

prononcée

exécutée

prononcée

exécutée

prononcée

exécutée

Obligation de quitter le territoire français (OQTF)

54

3

253

116

142

6

1 076

11

1 528

63

767

21

Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF)

32

6

345

nc

72

18

326

25

3 005

769

749

182

Il convient d'observer que les flux migratoires à destination de la France, en provenance du Burkina Faso et du Cap Vert, restent réduits .

Avec un flux annuel en moyenne de 700 premiers titres de séjour délivrés pour le Cap Vert et de 609 (en 2008) pour le Burkina Faso, les deux pays se classent, pour l'année 2008, loin derrière l'Algérie, avec 26 148 titres, le Maroc avec 27 768, la Chine avec 14 036, la Tunisie avec 10 238, la Turquie avec 8 091.

Même en comparaison avec les autres pays ayant signé des accords de gestion concertée de flux migratoires, les flux en provenance de ces pays apparaissent limités.

b) Profil migratoire du Cap Vert

Traditionnellement, le Cap Vert n'était pas un pays de forte pression migratoire vers la France . Même si la diaspora capverdienne dans le monde est considérable, entre 700 000 et 800 000 Capverdiens à l'étranger contre 550 000 vivant dans leur pays, elle se trouve essentiellement, par ordre d'importance des pays d'accueil, aux Etats-Unis, au Portugal, en Angola, au Sénégal, aux Pays-Bas et enfin en France.

Le Cap Vert est devenu ces dernières années un pays de transit de la migration irrégulière vers l'Europe. Outre les ressortissants ouest-africains de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pénétrant dans l'archipel sans visa, des filières d'Afrique centrale et d'Asie se sont également développées.

Concernant la communauté capverdienne en situation régulière en France, entre 2003 et 2008, elle a connu une augmentation de 21 %. Toutefois, cette communauté reste très minoritaire car elle ne représentait en 2008 que 11 000 personnes.

La demande globale de visas, toutes catégories confondues, est restée assez stable, puis a connu une baisse en 2008 : entre 4 100 et 4 300 pour 2004 et 2007, et 3 444 en 2008 soit une baisse de 17 % par rapport à 2004.

La délivrance de visas, dont 96 % sont de court séjour, a enregistré une baisse de 30 % entre 2004 et 2008, passant de 3 400 à 2 400 sur cette même période.

A l'inverse, la proportion de visas de circulation est en constante augmentation, notamment en 2008. Elle est passée de 11,5 % des visas de court séjour en 2004 à 21,12 % en 2008, soit 481 visas délivrés en 2008.

S'agissant des visas de long séjour, le nombre délivré demeure assez faible, 101 en 2008, dont deux tiers (69) concernent le regroupement familial. La part des visas pour motifs professionnels ou d'études reste marginale : 11 visas pour études et 20 pour motifs professionnels dont 3 pour travail temporaire.

Le nombre de Capverdiens en situation irrégulière est estimé à 20 000. En outre, la pression migratoire exercée par cette communauté est forte, le taux de refus de visas demeure élevé et en augmentation constante, comme en témoignent les chiffres : 17 % en 2004 et 29 % en 2008. On compte, en 2008 également, 345 arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) et 253 obligations de quitter le territoire français (OQTF) dont 116 ont été exécutées.

Concernant les réadmissions, le Cap Vert exécute la plupart des mesures, comme le prouve le taux de délivrance de laissez-passer consulaires (LPC) qui de 8,3 % en 2003 pour 48 demandes de LPC a atteint 40,3 % en 2007 pour 67 demandes et 42,4 % en 2008 pour 85 demandes. Par conséquent, cet accord vient conforter une pratique déjà considérée comme satisfaisante.

c) Profil migratoire du Burkina Faso

Le Burkina Faso a une population extrêmement jeune, il compte 14,8 millions d'habitants dont 47 % ont moins de 15 ans.

La tradition d'émigration des ressortissants burkinabés est forte, notamment vers les pays de la sous-région de l'Afrique de l'Ouest : Côte d'Ivoire, Ghana, Niger et Mali. S'agissant de l'émigration vers les pays européens, la France se classe au premier rang. Cependant, le Burkina Faso n'arrive qu'au 50 è rang des pays d'origine des migrants en France.

La communauté burkinabé comptait, en 2008, près de 3 800 personnes en situation régulière, soit une augmentation de 40,3 % par rapport aux chiffres de 2003. En effet, le flux annuel des migrants est en hausse constante : 570 premiers titres de séjour délivrés en 2003, contre 609 en 2007, soit une augmentation de 6,8 %.

A l'instar du Cap Vert, mais également des autres pays parties à ce type de convention, la migration familiale est dominante. En 2008, 36 % des visas de long séjour délivrés l'ont été pour motifs familiaux, soit 209 visas (dont 127 à des conjoints de Français). Quant à l'immigration professionnelle, elle occupe une place marginale, seuls 12 titres de séjour ont été délivrés en 2008.

Du fait d'une coopération active en matière d'admission au séjour d'étudiants, 49 % des visas de long séjour en 2008, soit 291, l'ont été pour les étudiants.

En matière de visas de long séjour, le nombre de visas délivrés a enregistré une augmentation de 28 % entre 2004 (457 visas délivrés) et 2008 (586 visas délivrés).

S'agissant du nombre de visas de court séjour, il a connu une augmentation de 16 %, passant de 5 480 en 2004 à 6 357 en 2008.

Quant à la délivrance des visas de circulation, elle connaît une augmentation. En 2008, ils représentent 21,20 % du nombre de visas de court séjour contre 8,39 % en 2004.

Cependant, la demande de visas toutes catégories confondues est restée stable sur cette même période : 10 462 en 2004 et 10 762 en 2008.

Concernant l'immigration irrégulière, en 2008, 54 obligations de quitter le territoire français (OQTF) et 32 arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) ont été prononcés. Toutefois, le nombre de mesures exécutées est faible : seulement 3 pour les OQTF et 6 pour les APRF. Au regard de ces chiffres, l'accord apparaît comme de nature à améliorer le taux d'exécution des mesures de reconduite à la frontière.

S'agissant de la demande de laissez-passer consulaires, elle est particulièrement stable avec une moyenne de 5 par an.

Au regard de ces profils migratoires, les conventions ont pour but de dynamiser les flux pour raisons professionnelles et d'études. A terme, l'objectif est que l'acquisition de compétences dans notre pays soit mise au service du développement du Burkina Faso et du Cap Vert.

2. Droit existant en matière d'immigration et de coopération bilatérale

En matière d'immigration, seul le Burkina Faso bénéficiait, avant la signature du présent accord, d'une réglementation particulière avec la France. Le précédent texte bilatéral conclu est « la convention relative à la circulation et au séjour des personnes », signée à Ouagadougou le 14 septembre 1992, et entrée en application le 1 er janvier 1995.

Cette convention de 1992 porte essentiellement sur les conditions matérielles d'entrée dans chacun des deux Etats. Elle précise les dispositions en matière d'immigration professionnelle (articles 4, 5, 6) et de regroupement familial (articles 8, 11). Aucune disposition ne fait le lien entre politique migratoire et développement.

En raison de flux migratoires marginaux entre la France et le Cap Vert, aucune convention particulière en matière d'immigration n'avait été signée entre les deux pays jusqu'à aujourd'hui.

Concernant la coopération et le développement, des conventions sont en vigueur tant avec le Burkina Faso qu'avec le Cap Vert.

S'agissant du Burkina Faso, « un accord général de coopération » a été signé le 4 février 1986 prévoyant que les domaines de l'assistance technique, de l'économie et des finances, de l'enseignement, de la culture et des sports, de l'information, des télécommunications, de l'aviation civile et de la marine marchande, fassent l'objet de coopération entre les deux pays. La France s'est engagée à apporter toute l'assistance nécessaire au Burkina Faso pour promouvoir son développement économique et social.

Quant au Cap Vert, dès son indépendance en 1976, la France a conclu un « accord de coopération culturelle, scientifique, technique et économique ». Cette coopération a pris la forme d'assistance technique via la mise à disposition d'experts, d'enseignants français, ou encore l'octroi de bourses d'études.

Le 24 juillet 2007, une convention pour financer un projet du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) au bénéfice du Cap Vert a été conclue. Cet accord concerne l'appui à la consolidation de la gouvernance démocratique du Cap Vert et porte sur 3 axes : l'appui à l'amélioration de la sécurité intérieure, le renforcement de la gouvernance financière et l'approfondissement de la décentralisation.

Les deux conventions relatives à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire sont donc la continuation logique des accords précédents.

B. LES DISPOSITIONS DES DEUX ACCORDS

A l'instar des précédents accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires, ces deux accords se déclinent en trois volets distincts et complémentaires : l'organisation de la migration légale, la lutte contre l'immigration irrégulière et le développement solidaire.

De nombreuses dispositions sont semblables, toutefois chaque accord tient compte des spécificités du pays signataire :

- la circulation des personnes (visas de courts séjours), les étudiants, et l'immigration de travail ;

- la lutte contre l'immigration illégale : les accords prévoient des clauses relatives à la réadmission des personnes en situation irrégulière et une coopération en matière de police visant au renforcement de la surveillance des frontières, au démantèlement des réseaux criminels de passeurs et à la lutte contre la fraude documentaire ;

- le développement solidaire : des dispositions prévoient l'appui, par la partie française, à des projets relevant des différents aspects du co-développement, ainsi que des projets de développement en appui à des politiques sectorielles. Les projets mis en oeuvre doivent contribuer à la lutte contre la pauvreté dans les pays d'origine en créant des emplois et de nouvelles sources de revenus pour la population. Ils se déclinent dans des partenariats avec les acteurs de la société civile et les collectivités locales.

Le ton et le style diffèrent entre les deux accords. Concernant l'accord avec le Burkina Faso, pays avec lequel la France a des liens historiques forts, les modalités du développement solidaire font l'objet d'un long développement et d'un chiffrage explicite.

Avec ces deux pays, il est explicitement rappelé que les dispositions prises s'appliquent sous réserve des impératifs de la lutte contre la fraude documentaire, le trafic de stupéfiants, la criminalité transfrontalière, l'immigration irrégulière et autres impératifs d'ordre et sécurité publics.

1. Approfondir les connaissances et instaurer un dialogue sur la migration

Une meilleure appréhension du phénomène migratoire est une étape indispensable pour instaurer un dialogue équitable et apaisé entre pays d'émigration et pays hôtes.

A cet égard, les accords concernant le Cap Vert et le Burkina Faso prévoient la création d'instances mixtes en charge du suivi de leur mise en oeuvre : le Comité de suivi.

L'article 15 de l'accord avec le Gouvernement du Burkina Faso prévoit la création d'un observatoire des flux migratoires dans la sous-région.

Via cet observatoire, la France s'engage à apporter au Burkina Faso son appui pour la mise en place d'un dispositif interministériel d'évaluation des flux migratoires, au départ et à destination du Burkina Faso, dans la sous région. Ce soutien peut également être mobilisé pour la mise en oeuvre de plans de gestion de la migration, en lien avec les institutions sous-régionales et régionales africaines.

Les accords avec le Burkina Faso et le Cap Vert prévoient, respectivement aux articles 16 et 8, la mise en place d'un comité de suivi de l'application de cet accord et en charge de l'évaluation des actions conduites sur son fondement. Ce comité est composé de représentants des deux parties et, par là-même, contribue au dialogue et à l'analyse concertée des flux.

Le comité de suivi du Burkina Faso assume, en outre, la fixation du nombre de titres de séjour à accorder chaque année aux ressortissants de l'une ou de l'autre partie.

2. Dynamiser la migration légale
a) Les visas de circulation

Les accords prévoient de faciliter les allers et retours des personnes susceptibles de favoriser le développement des relations économiques, commerciales, professionnelles, scientifiques, universitaires, culturelles et sportives entre les deux pays, par l'attribution d'un visa de court séjour à entrées multiples, dit « visa de circulation », d'une validité de un à cinq ans, permettant des séjours allant jusqu'à trois mois par semestre.

S'ajoutent à cette liste pour le Burkina Faso « les personnes appelées à recevoir régulièrement des soins médicaux en France sous réserve de la présentation des garanties financières nécessaires ».

Cette disposition n'est pas prévue dans le cadre de la convention avec le Cap Vert où seules les évacuations d'urgence pour raisons de santé sont envisagées.

Ces accords sont plus restrictifs que les précédents, dans la mesure où ceux-ci prévoyaient que les membres des familles de ressortissants résidant sur le territoire étaient également concernés par les dispositions relatives aux visas de circulation pour des courts séjours.

Concernant le Cap Vert, la proportion de visas de circulation est significative. Elle est passée de 11,5 % des visas de court séjour en 2004 à 21,12 % en 2008, soit 481 visas délivrés en 2008.

S'agissant du Burkina Faso, la délivrance de visas de circulation a également connu une forte progression. En 2008, ils représentaient 21,20 % du nombre de visas de court séjour contre 8,39 % en 2004.

On remarque donc, pour les deux pays, une augmentation significative de la part des visas de circulation dans l'ensemble des visas de court séjour.

b) Les étudiants

Au niveau de l'ensemble des pays de l'OCDE, le nombre d'étudiants internationaux a plus que doublé entre 2000 et 2007, dépassant les deux millions. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Australie et la France sont les principaux pays d'accueil. Ces étudiants internationaux constituent un vivier de futurs travailleurs hautement qualifiés, aussi bien pour les pays d'émigration que pour les pays hôtes, d'où l'intérêt d'encadrer et de promouvoir ce type de visas pour études.

La proportion des visas de long séjour pour études diffère entre le Cap Vert et le Burkina Faso. S'agissant du Burkina Faso, cette catégorie de visas représente 49 % des visas de long séjour en 2008, soit 291 visas. Alors que, pour le Cap Vert, elle occupe une part très marginale puisque seulement 11 étudiants en 2008 en ont bénéficié.

L'enjeu est donc d'encourager une meilleure valorisation du séjour en France des étudiants au profit du développement de leur pays d'origine.

La convention avec le Burkina Faso prévoit la promotion d'accords interuniversitaires et d'octroi de bourses à des étudiants burkinabés. Elle vise à faciliter leur inscription dans les établissements et leurs conditions de séjour. Une autorisation de séjour d'une validité de six mois est délivrée aux étudiants burkinabés titulaires d'un master ou d'une licence professionnelle souhaitant compléter leur formation par une expérience professionnelle en France dans la perspective d'un retour au Burkina Faso.

A l'inverse, la convention avec le Cap Vert apparaît plus modeste à ce sujet. Seul le maintien du droit au séjour de l'étudiant pour l'acquisition d'une première expérience professionnelle est prévu. Ce maintien est d'une durée de neuf mois pour tout étudiant titulaire d'un diplôme niveau master.

Il est prévu, dans les deux conventions, qu'au terme des périodes indiquées, si les étudiants sont titulaires d'un emploi ou d'une promesse d'embauche, ils seront autorisés à séjourner en France sans considération de la situation de l'emploi.

Les dispositifs tels que Espace Campus France ou ses équivalents, prévus dans le cadre d'accords précédents (Bénin, Sénégal, Congo) ayant pour objectif de sensibiliser les établissements français aux besoins de formation exprimés par les pays, ne sont pas présents dans les accords conclus avec le Cap Vert et le Burkina Faso.

3. Augmenter la part de la migration professionnelle
a) L'accès au marché du travail

Au niveau des pays de l'OCDE, de nouvelles initiatives en matière de politique migratoire au cours de la période 2008-2009 ont eu pour objectif de répondre aux défis posés par la crise économique. Dans de nombreux pays de l'OCDE, et notamment en France, les canaux de migrations de travail ont été examinés et les critères d'admission affinés 7 ( * ) .

Au niveau national, on assiste, au cours de ces dernières années, à un accroissement du nombre de titres délivrés pour motifs professionnels, tous types de ressortissants confondus. Une augmentation de 54,7 % a été enregistrée entre 2007 et 2008.

S'agissant plus particulièrement des titres attribués à des ressortissants des pays tiers à l'Union européenne, leur nombre s'est également accru de plus de 80 % entre 2007 et 2008, passant de 11 751 titres à 21 310. Ce sont les titres « salarié », « saisonnier » et « scientifique » qui augmentent dans les proportions les plus importantes. Ces chiffres attestent de la volonté du gouvernement d'encourager ce type de flux.

L'immigration pour motifs professionnels, pour laquelle les visas de longue durée sont délivrés, est traitée moyennant la délivrance de titres de séjour « compétences et talents », « salariés » ou « jeunes professionnels ».

Dans le cadre des accords, la migration professionnelle est organisée sur la base de l'ouverture aux ressortissants du pays signataire d'une liste de métiers allant au-delà des 30 professions ouvertes aux pays tiers et de facilités consenties par la partie française en matière d'octroi des cartes de séjour professionnelles prévues par la loi du 27 juillet 2006.

S'agissant plus particulièrement de l'accord avec le Burkina Faso, en plus de la liste de 64 métiers ouverts aux ressortissants, une liste supplémentaire a été dressée. Dans le cadre du renforcement de la participation française au développement du pays, une liste de 21 métiers considérés prioritaires au Burkina Faso a été élaborée. Elle correspond aux besoins en compétences supplémentaires et prioritaires pour le développement du pays.

En ce qui concerne le Cap Vert, la liste des métiers précités a été étendue à 40 métiers.

La part des visas de long séjour pour motifs professionnels reste, dans la pratique, marginale dans les deux pays. Concernant le Burkina Faso, sur 586 visas long séjour délivrés en 2008, seulement 12 l'ont été pour motifs professionnels. Il en va de même pour le Cap Vert où, sur 101 visas long séjour, 20 relèvent de raisons professionnelles, dont 3 pour travail temporaire.

Ces accords se donnent pour objectif de dynamiser les migrations professionnelles.

b) La carte « compétences et talents »

La carte de séjour portant la mention « compétences et talents » a été créée par la loi du 24 juillet 2006, et est prévue par l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : « peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et, directement ou indirectement, du pays dont il a la nationalité. »

Elle est délivrée, selon les cas, par les préfectures ou les consulats.

S'agissant des dispositions des conventions pour les deux pays, 100 cartes « compétences et talents » peuvent être délivrées chaque année pour les ressortissants capverdiens et 150 pour les candidats burkinabés pour une durée de trois ans renouvelable.

Pour le Burkina Faso, ce chiffre peut être révisé chaque année par accord des parties au sein du Comité de suivi.

Au regard du nombre de cartes délivrées jusqu'à présent, ces chiffres de 100 et 150 apparaissent moins comme un plafond limitatif que comme un objectif vers lequel il convient de tendre .

c) Le titre de séjour « salariés »

Ces titres de séjours « salariés » portent dans les deux conventions sur un nombre de 500 ressortissants par an, chiffre qui, selon la convention avec le Burkina Faso, peut être révisé par le Comité de suivi.

Ce titre est délivré pour une durée de un an renouvelable et concerne l'ensemble du territoire métropolitain de la France.

Ces titres concernent, respectivement, pour le Burkina Faso et le Cap Vert, les 64 et 40 métiers cités en annexe des conventions.

S'agissant de la convention avec le Burkina Faso, le ressortissant burkinabé doit soit résider au Burkina Faso à la date à laquelle est visé le contrat de travail mentionné et être titulaire d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, soit justifier d'une résidence habituelle en France à la date du 20 novembre 2007. Cette disposition permettra d'intégrer, dans les titres de séjours « salariés », des ressortissants sans titre de séjour qui ont un emploi et qui peuvent prouver une résidence habituelle en France avant l'adoption de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration.

d) Les accords « jeunes professionnels »

Ce type de convention fait référence aux accords d'échange de jeunes professionnels. Des accords dans ce genre ont été conclus avec plus d'une douzaine de pays tels que les Etats-Unis, la Canada, le Maroc, ou encore la Tunisie.

Cette disposition ne concerne que le Cap Vert et lui est bien spécifique. Sont concernées les personnes âgées de 18 à 35 ans, déjà engagées ou entrant dans la vie active et désireuses de venir en France ou au Cap Vert pour améliorer leurs perspectives de carrière grâce à une expérience de travail salarié dans une entreprise qui exerce une activité de nature sanitaire, sociale, agricole, artisanale, industrielle, commerciale ou libérale. La durée autorisée de travail peut s'étendre de trois mois à dix-huit mois.

Cependant, les jeunes professionnels, qu'ils soient Français ou Capverdiens, ne peuvent poursuivre leur séjour à l'expiration de la période autorisée d'emploi. A cet égard, les deux parties s'engagent à prendre des mesures visant à assurer l'effectivité du retour dans leur pays.

4. Lutter contre l'immigration clandestine
a) La question des réadmissions

Les accords prévoient une obligation, pour le pays signataire, de reprendre sur son territoire ses ressortissants en situation irrégulière sur le territoire d'un autre Etat et des objectifs en matière de taux de délivrance des laissez-passer consulaires, indispensables à la mise en oeuvre effective des reconduites à la frontière lorsque la personne est dépourvue de passeport en cours de validité.

Le taux de délivrance de laissez-passer consulaires (LPC) du Cap Vert a connu une forte augmentation. Il est passé de 8,3 % en 2003, pour 48 demandes de LPC, à 40,3 % en 2007, pour 67 demandes, et 42,4 % en 2008 pour 85 demandes. Le Cap Vert exécute sans faire de difficulté la plupart des mesures, par conséquent cette convention ne vient que conforter une pratique déjà existante.

S'agissant du Burkina Faso, la moyenne des LPC est en revanche assez faible et stable puisqu'elle est de l'ordre de 5 par an.

En outre, l'article 11 de la convention avec le Burkina Faso prévoit également la réadmission des ressortissants d'Etats tiers. En conséquence, il est prévu, à l'article 12, le transit pour éloignement pour les ressortissants d'Etats tiers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement prise par l'une des parties. Ces dispositions ne sont pas prévues pour le Cap Vert, car ce pays fait plus l'objet d'une migration de transit.

b) Les aides au retour volontaire

La France s'engage à proposer son dispositif d'aide au retour volontaire aux personnes qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

Ce dispositif, créé en 1991, prévoit le versement d'un pécule de 2 000 euros par adulte, 3 500 euros pour un couple et 1 000 euros par enfant de moins de dix-huit ans. Cette aide est cumulable dans certaines conditions avec l'aide à la réinstallation des migrants.

Globalement, le nombre d'aides au retour volontaire a connu une légère augmentation entre 2007 et 2009, il est passé de 2040 à 2913.

Le bilan d'un tel dispositif semble mitigé au regard de sa mise en pratique en ce qui concerne les conventions précédentes de ce type. A titre d'exemple, les retours effectués en 2008 n'ont été que 16 au Sénégal, 23 au Congo, 5 au Bénin.

Seul le Burkina Faso bénéficie d'une telle disposition (article 14).

5. La coopération policière
a) Objectifs et modalités de la coopération policière

La coopération institutionnelle et policière consiste à soutenir trois types d'actions :

- apporter une expertise des phénomènes migratoires aux frontières terrestres, aériennes et maritimes. Des actions régionales portant sur la problématique des flux migratoires touchant les pays de la zone peuvent être mises en place ;

- apporter une expertise policière en matière de lutte contre la criminalité organisée, plus particulièrement dans le domaine de la lutte contre l'immigration irrégulière et du démantèlement des filières d'immigration clandestine, notamment en assurant une formation des personnels chargés de cette mission ;

- apporter une expertise dans le domaine de la sécurité des titres pour un renforcement du niveau de sécurisation des titres d'identité et de voyage. La coopération porte en particulier sur la fraude documentaire en assurant la formation de spécialistes et un rôle de conseil dans le domaine des équipements de détection.

b) Burkina Faso

L'accord avec le Burkina Faso comporte dans son chapitre III, article 8, définit de façon très précise les actions que les deux pays s'engagent à mettre en oeuvre dans le domaine de la coopération policière.

La France s'engage à apporter au Burkina Faso une expertise policière en matière de lutte contre l'immigration irrégulière qui passe par l'amélioration du cadre légal de la répression de la migration irrégulière, l'évaluation du niveau de sécurité des aéroports internationaux du Burkina Faso et autres portes d'entrée du territoire, la définition d'un schéma d'organisation de la lutte contre la migration irrégulière et enfin l'évaluation des besoins de formation dans l'optique de l'élaboration d'un processus de traitement judiciaire.

De façon plus spécifique, la France s'engage à la formation des personnels chargés du démantèlement des filières de migration clandestine.

De même, la France confirme sa disponibilité à apporter son expertise dans le domaine de la sécurité des titres et dans la fraude documentaire.

S'agissant du financement, 770 000 euros sur trois ans via le programme de la loi de finances 303 seront débloqués pour la coopération policière.

c) Cap Vert

La France s'engage à poursuivre l'expertise policière qu'elle apporte en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, et confirme sa disponibilité à contribuer à lutter, tant sur le plan technique qu'opérationnel, contre les filières clandestines et la fraude documentaire.

Cette coopération est en quelque sorte multilatérale dans la mesure où elle sera menée en concertation avec les Etats membres de l'Union européenne ayant engagé un programme de coopération policière avec le Cap Vert. Les actions de la France seront menées dans le cadre du Partenariat pour la Mobilité entre l'Union européenne et le Cap Vert.

Ce partenariat a été signé le 5 juin 2008 à Luxembourg entre le Cap Vert, la Communauté européenne et les Etats membres de l'Union européenne participants, soit la France, l'Espagne, le Luxembourg et le Portugal. C'est un document de nature politique constitué d'une déclaration d'objectifs et d'une annexe comportant des engagements de coopération. Pour sa part, la France a pris trois types d'engagement, à savoir :

- l'ouverture d'un certain nombre de métiers sans que la situation de l'emploi soit opposable,

- l'engagement d'un programme de développement solidaire,

- et enfin, en ce qui concerne plus particulièrement notre sujet, une coopération en matière de sécurité, de formation au contrôle documentaire, ainsi qu'un accroissement de la contribution française aux efforts de gestion des frontières coordonnés par l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX), créée par le règlement n°2007/2004 du Conseil du 26 octobre 2004.

6. Le développement solidaire
a) Les modalités du développement solidaire au Cap Vert

Les dispositions concernant le développement solidaire apparaissent modestes. Les actions qui font l'objet d'un suivi et d'une évaluation dans le cadre du comité de suivi portent sur :

- la réduction des coûts de transferts d'argent des migrants,

- le soutien aux projets de développement local portés par les migrants,

- la promotion de l'investissement productif,

- la mobilisation des compétences des élites de la diaspora,

- l'appui à l'initiative de la jeunesse.

Il est prévu de consacrer à ces actions, sur le programme LOLF 301 « développement solidaire et migration », un montant de 250 000 euros par an sur trois ans à compter de 2010, ce qui reste modeste en comparaison des 6,24 millions d'euros sur trois ans pour le Burkina Faso.

Il est également stipulé dans la convention que « la France s'engage à développer un outil de comparaison sur Internet des prix des transferts de fonds afin d'encourager la transparence des coûts et une meilleure connaissance des modalités de transfert ». Or, l'Agence française de développement a été chargée par le CICID du mois de juin 2006 de la mise en oeuvre d'un « Observatoire des transferts financiers internationaux », disponible sur Internet via le site www.envoidargent.fr, sur lequel on peut trouver les coûts de transferts en direction du Cap Vert.

Enfin, les deux Parties s'engagent à mettre des mesures incitatives destinées à permettre la réinsertion au Cap Vert de ressortissants capverdiens installés en France depuis plus de deux ans et volontaires pour un tel retour. Toutefois, les mesures incitatives ne sont pas explicitées.

La réinsertion des étudiants dans leur pays d'origine est également un des instruments de développement. Les deux pays encouragent cette réinsertion, mais rien n'est explicité sur les modalités de cette réinsertion.

Il apparaît donc que la partie de l'accord relatif au développement solidaire est assez modeste et floue sur les modalités d'exécution de telles mesures. Cela limite l'intérêt d'un tel accord dont nous avons souligné, en introduction, que l'équilibre dépendait de la réalité du développement solidaire.

b) Les modalités du développement solidaire au Burkina Faso

A l'instar du Cap Vert, les deux Parties s'engagent à promouvoir les compétences et les ressources des migrants. L'objectif est d'appuyer des projets dans des zones de forte émigration, en vue d'actions en faveur du développement du Burkina Faso.

Ces actions font également l'objet d'un suivi et d'une évaluation dans le cadre du comité de suivi, et portent sur :

- la sensibilisation et l'information des populations sur les méfaits de la migration clandestine,

- la mise en place de projets de développement en zone de forte émigration,

- le cofinancement de projets de développement local portés par les migrants,

- la mobilisation des compétences des élites de la diaspora,

- l'appui à l'initiative de la jeunesse,

- le développement de services sociaux de base dans les régions de forte émigration.

Contrairement au Cap Vert, les projets de développement solidaire sont explicités et font l'objet d'un chiffrage précis en annexe. Il est recensé sept domaines ayant des projets bien spécifiques :

- l'amélioration de l'offre de soins liés aux accidents de la route,

- la santé,

- la sécurité alimentaire,

- l'eau et l'assainissement,

- la lutte contre la pauvreté,

- la formation professionnelle,

- le soutien à l'activité productive.

Le secteur de la santé est le premier concerné, notamment par des projets en matière de santé maternelle et infantile, et devrait recevoir 600 000 euros sur trois ans. La prévention de la malnutrition, quant à elle, est financée à hauteur de 400 000 euros sur trois ans, et la sécurité alimentaire à hauteur de 1 million d'euros sur trois ans. Les secteurs de l'eau et de l'assainissement mobilisent près de 600 000 euros, la lutte contre la pauvreté 230 000 euros, et la formation 1 million d'euros. Sur l'ensemble des secteurs, les crédits prévus par la convention se montent à 6,24 millions d'euros sur trois ans, hors coopération policière.

La mise en oeuvre des projets de développement solidaire prévus à l'accord pourrait être effective très rapidement. Pour 2010-2012, les autorisations d'engagement (AE) sont de 3 640 000 euros et les crédits de paiement (CP), pour 2010, de 2 387 000 euros, dont 1 600 000 euros pour l'AFD, dans le cadre d'une convention spécifique à conclure avec le ministère de l'immigration.

Pour 2010, l'AFD a demandé au ministère de l'immigration chargé du programme 301 de lui déléguer 1 510 000 euros en AE et 564 773 euros en CP pour la mise en oeuvre des projets suivants :

- santé maternelle et infantile (Bioforce) : 258 423 euros ;

- soutien à la junior entreprise (Fondation EIE) : 100 000 euros ;

- appui à la formation post-baccalauréat (Fondation 2IE) : 146 350 euros ;

- lutte contre la pauvreté des femmes dans la région de Gaoua (Association pour la promotion féminine de Gaoua - APFG) : 60 000 euros.

L'encouragement à l'investissement dans des projets portés par les migrants et dans l'investissement productif peuvent passer par les transferts de fonds des migrants.

L'accord prévoit à cet égard que « la France et le Burkina Faso conviennent de promouvoir les instruments financiers créés en France dans le but de faciliter les transferts de fonds des migrants et leur investissement dans des activités participant au développement économique du Burkina Faso. Les ressortissants burkinabés établis en France bénéficient des dispositifs français du compte épargne co-développement et du livret d'épargne pour le co-développement, lequel donne lieu à une prime d'épargne ».

Pour ce faire, les investissements ouvrant droit à cette prime doivent appartenir à l'une des catégories suivantes :

- la création, la reprise ou la prise de participation dans les entreprises locales ;

- l'abondement de fonds destinés à des activités de micro finance ;

- l'acquisition d'immobilier d'entreprise, ou commercial ou de logements locatifs ;

- le rachat de fonds de commerce.

En ce qui concerne les instruments financiers, le compte épargne co-développement, créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et l'intégration, ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu à hauteur de 40 % des sommes versées dans l'année. Il est rémunéré par un taux librement fixé entre l'établissement de crédit et l'épargnant. Lorsqu'elles sont retirées, les sommes doivent obligatoirement être investies dans un pays en développement. Dans le cas contraire, un prélèvement libératoire de 40 % leur est appliqué.

S'agissant du livret d'épargne pour le co-développement, créé par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, à l'issue d'une phase d'épargne comprise entre trois et huit ans, le titulaire du livret bénéficie d'une prime d'épargne, à la condition de contracter un prêt en vue d'investir dans un pays signataire avec la France d'un accord prévoyant la distribution du livret.

Le succès de ces produits s'avère extrêmement faible. En effet, seule l'Union tunisienne des banques distribue le compte épargne co-développement. Le montant des encours des 31 comptes épargne co-développement, au 31 juillet 2010 (seulement 2 en juillet 2009), est de 261 000 euros (10 700 en juillet 2009).

Le livret d'épargne pour le co-développement n'est quant à lui pas encore distribué, aucune banque n'ayant à ce stade signé de convention.

La France et le Burkina Faso s'engagent également à permettre la réinsertion au Burkina Faso des professionnels burkinabés travaillant en France et volontaires pour un tel retour. L'objectif affiché est que ces ressortissants retrouvent les mêmes conditions d'exercice de leur métier qu'en France.

De même que pour le Cap Vert, la France et le Burkina Faso encouragent la réinsertion des étudiants dans leur pays d'origine.

La coopération décentralisée fait l'objet de l'article 6 et d'une annexe qui explicite les modalités de sa réalisation et la description des plans locaux de développement, notamment dans les secteurs de la formation professionnelle, de l'éducation, de la santé, de l'état civil, de la création des petites entreprises et du développement des activités agricoles.

Le Burkina Faso s'est engagé, depuis 2004, dans une communalisation intégrale du pays : 302 communes rurales ont été créées et viennent s'ajouter aux 33 communes urbaines existantes. Il a également été créé 13 régions (collectivités territoriales).

Un code général a été élaboré et prévoit la responsabilisation de ces communautés de base. Indirectement, cela se traduit par une responsabilisation des populations dans l'élaboration des plans locaux de développement, la maîtrise d'ouvrage et la gestion des investissements qu'elles cofinancent.

Un plan local de développement se définit comme la construction d'une vision commune ou concertée entre les acteurs concernés en vue de la définition d'objectifs communs et négociés. Ce plan doit constituer un outil référentiel de travail, pour les acteurs du développement de chaque collectivité territoriale.

CONCLUSION

Votre commission constate que ces accords de gestion concertée des flux migratoires abordent, comme les précédents, la problématique des flux migratoires et du développement dans une perspective globale.

Elle considère que la contractualisation de la question des migrations permet d'engager un dialogue utile sur cette question. Elle observe que ce dialogue est encore empreint de préjugés, de non-dits, que l'application des accords devrait permettre de lever pour que cette mise en oeuvre soit effective.

Les politiques de développement ne peuvent certes apporter de réponse à court terme au phénomène des migrations incontrôlées. Pour autant, elles ne peuvent s'en désintéresser tant ces migrations représentent également un défi au développement et à la stabilité du continent africain comme du continent européen.

A long terme, une politique résolue de rattrapage des retards de développement constitue bien la seule réponse au caractère irrépressible de la pression migratoire.

Votre commission constate que, compte tenu des pays concernés, aujourd'hui le Burkina Faso et le Cap-Vert, hier la Tunisie, le Sénégal, le Bénin et le Congo, c'est-à-dire des pays qui ne sont pas les principaux pays d'origine des migrations en France et des moyens limités qui y sont consacrés, qui ne représentent qu'environ 1 % de notre aide au développement, ces accords ne peuvent pas avoir comme ambition d'infléchir les principaux flux migratoires en direction de la France.

Elle considère néanmoins ces conventions comme l'occasion d'un dialogue nouveau sur les migrations et d'expérimentations intéressantes en matière de co-développement. Manquent aujourd'hui une description précise et une évaluation qualitative des trop rares opérations de développement solidaire.

Elle observe que ces accords supposent un double équilibre, entre la facilitation de l'immigration légale et la lutte contre l'immigration clandestine, entre la maîtrise des flux migratoires et le codéveloppement.

S'il est encore trop tôt pour établir un bilan approfondi des accords entrés en vigueur récemment, un bilan provisoire laisse penser que leur mise en oeuvre concrète ne permet pas, à ce stade, de préserver ces équilibres.

Aussi votre commission souhaite-t-elle examiner plus avant, dans les prochains mois, l'évolution de leur mise en oeuvre.

S'agissant des aspects migratoires, votre commission se demande notamment si la multiplication des régimes spécifiques n'offre pas la perspective d'une gestion particulièrement complexe pour des préfectures et des consulats déjà confrontés à des dispositifs multiples.

En ce qui concerne le volet codéveloppement, elle considère que ces accords pourraient conforter utilement les initiatives prises par les migrants pour soutenir des projets de développement dans leur pays d'origine mais s'interroge sur la possibilité de changer d'échelle dans ce domaine encore très expérimental.

La commission estime qu'une mise en oeuvre équilibrée des accords suppose, par ailleurs, de veiller à leur cohérence avec l'effort bilatéral d'aide au développement que la France déploie en direction de chacun de ces pays.

De ce point de vue, elle craint que la réduction accélérée des moyens de notre politique de coopération rende inopérantes ces expériences déjà trop ponctuelles.

Votre rapporteur constate quant à elle que les accords avec le Burkina Faso et le Cap Vert qui lui sont soumis reprennent les dispositifs des accords que la commission avait précédemment adoptés, mais n'offrent pas plus de garanties d'équilibre au profit du développement solidaire.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères et de la défense a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du 27 octobre 2010.

Mme Catherine Tasca , rapporteur - Les accords de gestion concertée des flux migratoires avec le Cap-Vert et le Burkina Faso, qui sont soumis aujourd'hui à l'examen du Sénat, font suite aux accords du même type avec le Gabon, le Bénin, le Congo, le Sénégal, et la Tunisie que nous avions approuvés en 2008.

Ces accords, je vous le rappelle, consistent dans une forme de contractualisation de la relation bilatérale sur la question des migrations et du codéveloppement.

Ils s'inscrivent dans un contexte souvent revendiqué à l'appui des politiques de migration restrictives : la persistance d'un chômage structurel, les difficultés rencontrées par les politiques d'intégration, la crispation de l'opinion publique, ont conduit la majorité des pays européens, dont la France, à limiter les flux migratoires vers leur pays et à renforcer les moyens de lutte contre l'immigration irrégulière.

Dans le même temps, la mise en lumière du rôle des migrants dans le développement des pays d'origine et la problématique du développement à long terme de l'Afrique ont poussé les pouvoirs publics à tenter d'articuler les politiques de l'immigration et du développement et à les penser en termes d'intérêt partagé.

Sur le plus long terme, l'Europe devrait connaître une diminution de sa population de l'ordre d'une cinquantaine de millions d'habitants d'ici 2050 alors que dans le même temps, l'Afrique devrait compter 1,8 milliard d'habitants, soit trois fois plus que notre continent à cette date, plus que l'Inde ou la Chine. Cette réalité devra être accompagnée par des politiques migratoires adaptées.

Dans ce contexte, ces accords cherchent à créer un cadre de dialogue, de concertation et de coopération utile avec les pays partenaires pour proposer une approche globale des mouvements migratoires.

La démarche française est présente chez nombre de nos partenaires européens qui se sont également saisis de la question des migrations et du développement. A l'initiative de la France, l'Union européenne a aussi mis en place des politiques liant migration et développement avec des moyens importants.

Vous trouverez dans mon rapport écrit une description approfondie des différentes interventions européennes, sur un sujet qui a vocation à être un domaine de souveraineté partagée entre l'Union et les Etats membres.

Les accords aujourd'hui soumis au Sénat reprennent l'architecture de ceux qui les ont précédés. Le schéma général de ces accords comporte trois parties : la facilitation de la circulation et le développement de l'immigration de travail, la lutte contre l'immigration clandestine et le soutien à des projets de développement.

Les accords avec le Cap-Vert et le Burkina Faso, qui nous sont soumis, ne comportent pas de véritable enjeu sur les questions migratoires, les échanges avec ces pays ne concernant qu'un très faible nombre de migrations de l'ordre de 10 000 visas courts et longs séjours pour le Burkina Faso et 4 000 pour le Cap-Vert

J'évoquerai rapidement le contenu des différents accords.

Sur le terrain de la migration légale, la France s'engage à accorder plus de visas de circulation, à mieux accueillir les étudiants, à développer l'accueil de travailleurs migrants.

Dans une forme de contrepartie, les Etats signataires s'engagent à lutter contre l'immigration clandestine et à réadmettre leurs ressortissants entrés illégalement sur le territoire français. Il faut bien reconnaitre que ce volet l'emporte nettement dans les accords conclus à ce jour.

La partie « développement » de ces différents accords est plus spécifique. Pour ce qui concerne le Cap-Vert, elle reste encore très largement à définir. En revanche, pour le Burkina Faso, elle témoigne d'une réflexion de qualité sur les secteurs d'intervention et les instruments à privilégier.

Je souhaiterais exposer certaines interrogations et inquiétudes sur la mise en oeuvre des accords précédents.

Ces accords devraient reposer sur un double équilibre : équilibre entre la facilitation de l'immigration légale et la lutte contre l'immigration clandestine, équilibre entre la maîtrise des flux migratoires et le codéveloppement.

S'il est encore trop tôt pour établir un bilan approfondi d'accords entrés en vigueur récemment, un bilan provisoire que j'ai essayé de dresser dans mon rapport écrit suscite des interrogations.

En ce qui concerne les aspects migratoires, la première de ces interrogations concerne la mise en oeuvre effective de la facilitation de la migration professionnelle qui suscite beaucoup d'attentes de nos partenaires. La délivrance des visas souffre encore trop souvent d'une certaine opacité et est vécue comme arbitraire.

On constate que la contribution des accords de gestion concertée à l'augmentation des attributions de visas de circulation est inégale selon les pays : sans effets notables au Sénégal ou au Benin, les accords semblent en avoir facilité l'attribution en Tunisie.

Certains dispositifs comme les cartes « talents compétences » qui avaient suscité beaucoup d'espoir connaissent une application très limitée avec 4 cartes pour le Gabon, 2 au Congo, 2 au Bénin, 12 au Sénégal, 45 en Tunisie. On est très en deçà des objectifs annoncés lors de l'adoption des conventions.

Ma deuxième interrogation porte sur la multiplication des régimes spécifiques. On peut se demander si elle n'entraîne pas une gestion particulièrement complexe pour des préfectures et des consulats déjà confrontés à des dispositifs multiples.

En ce qui concerne le volet codéveloppement, je considère que ces accords pourraient conforter utilement les initiatives prises par les migrants pour soutenir des projets de développement dans leur pays d'origine. Mais je constate que cette politique de développement solidaire, dont je ne sous-estime pas les difficultés d'élaboration, « tâtonne » et reste encore en cours de définition avec des moyens très limités puisqu'ils ne représentent que 1 % de notre aide au développement.

La mise en oeuvre équilibrée des accords suppose de veiller à leur cohérence avec l'effort bilatéral d'aide au développement que la France déploie en direction de chacun de ces pays.

De ce point de vue, je crains que la réduction accélérée des moyens de notre politique de coopération rende inopérantes ces expériences déjà trop ponctuelles.

J'invite par ailleurs la commission à examiner plus avant dans les prochains mois l'évolution de la mise en oeuvre des accords afin d'établir un premier bilan approfondi.

En conclusion, mes chers collègues, je constate que les accords avec le Burkina Faso et le Cap-Vert qui nous sont soumis reprennent les dispositifs des accords que nous avions précédemment adoptés mais n'offrent pas plus de garanties d'équilibre au profit du développement solidaire.

Personnellement je ne souhaite pas faire obstacle à l'adoption de ces 2 accords ayant constaté l'attente qu'ils suscitent dans ces pays, en particulier au Cap-Vert.

En conséquence, je m'en remets à la sagesse de la Commission pour l'adoption de ces deux nouveaux accords et propose que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance plénière.

Un débat s'est engagé à la suite de l'exposé du rapporteur.

M. Robert del Picchia, président - Je constate, à vous entendre, que ces deux accords reprennent des éléments présents dans les précédents accords et suscitent dans les pays partenaires une forte attente.

Mme Catherine Tasca , rapporteur - Ces accords reprennent effectivement l'architecture des accords précédents. Mes craintes se situent, comme pour les accords précédents, au niveau de leur mise en oeuvre qui ne me semble pas permettre d'atteindre les objectifs initiaux de ces accords et notamment la jonction entre les problématiques d'immigration et de développement. La faiblesse du volet relatif au développement solidaire en est la principale raison. Les crédits consacrés au soutien des initiatives des migrants en faveur du développement de leur pays d'origine restent extrêmement limités. Il me semblerait judicieux que la commission puisse, dans les mois qui viennent, examiner de façon approfondie la mise en oeuvre des accords déjà adoptés comme ceux conclus avec le Bénin et le Sénégal. Les observations que je porte et les interrogations que je soulève sont le fruit d'un examen attentif des documents établissant le bilan de la mise en oeuvre de ces accords pays par pays. Cet examen a été complété par les auditions de M. Stéphane Fratacci, secrétaire général du ministère de l'immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire, de M. Pouillès-Duplaix, directeur à l'AFD et d'un représentant des ONG travaillant sur la question des migrations. Il est du devoir de la commission et du Parlement de contrôler l'application des conventions qui nous sont soumises, c'est pourquoi je propose que la commission mène un travail de suivi de ces accords.

M. Jean-Pierre Bel - Je partage les interrogations et les inquiétudes du rapporteur. Je constate avec elle que les cartes « talents et compétences » ne donnent pas les résultats attendus. Les conditions d'obtention de ces cartes sont tellement difficiles qu'il n'en est attribué que quelques unités par pays.

Il serait sans doute utile que la commission, à travers ce rapport, puisse contribuer à accélérer la délivrance de ces cartes conformément aux objectifs énoncés lors de l'adoption de cette convention.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - Je souhaite insister sur ces cartes « talents et compétences » qui me semblent trop méconnues à l'étranger. Sur ces questions migratoires, la commission gagnerait à auditionner les ministres des pays africains concernés qui ont en charge les problématiques liées à l'existence de diasporas en dehors de leur pays.

Mme Bernadette Dupont - Je souhaiterais savoir si ce sont les objectifs initiaux de ces conventions ou la façon dont elles sont mises en oeuvre qui soulèvent des interrogations ?

Mme Catherine Tasca , rapporteur - Le problème vient du caractère déséquilibré de la mise en oeuvre des accords où l'objectif de maîtrise de l'immigration est largement privilégié au détriment du développement solidaire pour lequel très peu de crédits ont été dégagés. D'autres aspects de ces accords doivent être évoqués. Ils prévoyaient par ailleurs les dispositions favorisant la transparence sur le frais bancaires appliqués aux transferts financiers des migrants vers leur pays d'origine. Ces dispositions ont permis une certaine réduction des coûts de transferts grâce à une plus grande concurrence entre les banques. Il n'en demeure pas moins que la majorité des transferts ne passe pas par le système bancaire. Ces accords prévoyaient également la mise en place de dispositifs d'épargne en faveur du codéveloppement qui n'ont eu que très peu de succès. Si les transferts financiers des migrants vers leur pays d'origine concernent des montants particulièrement élevés, ils sont essentiellement destinés à la consommation courante des familles ; aussi l'idée initiale de drainer ces transferts vers des dépenses d'investissements ne rencontre pas le succès espéré.

M. Robert del Picchia , président - Les frais bancaires appliqués à ces transferts financiers sont effectivement particulièrement élevés et peuvent atteindre jusqu'à 11 % des montants transférés.

M. Bernard Piras - Est-ce que les accords prévoient une liste de programmes et d'intervenants en faveur du développement solidaire ?

Mme Catherine Tasca , rapporteur - Certains accords comme celui avec le Burkina Faso ou avec la Tunisie comportent une liste très précise de projets sélectionnés et d'organismes chargés de leur mise en oeuvre. De façon générale, l'Agence Française pour le Développement a pris la relève du ministère des affaires étrangères dans ce domaine. En Tunisie, par exemple, l'AFD conduit des projets de création d'instituts de formation professionnelle avec des crédits du programme consacré au développement solidaire du ministère de l'immigration. L'AFD gère de façon très efficace ses projets ; elle semble en revanche moins outillée pour la gestion de petits projets conduits par des associations de migrants. Les attentes concernant le codéveloppement sont fortes dans ces pays. La situation est cependant différente d'un pays à l'autre. Certains pays comme le Mali sont très impliqués dans les questions relatives aux migrations mais refusent de signer ces accords. D'autres pays comme le Cap Vert sont très attachés à la signature de ce type d'accords notamment pour des raisons diplomatiques. J'observe par ailleurs que dans certains pays comme au Sénégal, les crédits du développement solidaire sont gérés directement par les administrations locales. Je voudrais être sûre que cette organisation est la plus efficace.

M. Michel Guerry - Il faut prendre conscience que l'Afrique connaît un développement soutenu depuis plusieurs années avec un taux de croissance de plus de 5 % par an. Elle connaît parallèlement un taux de croissance démographique élevé du même ordre de grandeur. A ce rythme, l'Afrique devrait atteindre 1,8 milliard d'habitants en 2050. L'enjeu en matière de développement est considérable. L'Occident, qui s'était engagé à consacrer 0,7 % de son revenu national brut à ces questions, ne dégage pas les moyens suffisants pour avoir un effet significatif. Je suis en conséquence très pessimiste devant la façon dont est traité ce problème dans les pays occidentaux. Je constate que parallèlement la Chine s'implante de façon croissante en Afrique et profite du désintérêt des pays européens pour conforter ses positions dans ce continent.

Mme Catherine Tasca , rapporteur - Au cours d'une mission au Cap Vert, en Gambie et au Sénégal, j'ai pu constater combien les Chinois sont présents à travers le financement de grandes infrastructures publiques. Ce sont eux qui ont financé au Cap Vert le bâtiment de l'Assemblée nationale. Les Chinois ont compris tout le parti qu'ils pouvaient tirer du développement de l'Afrique. On a raison de souligner que ce continent connaît un développement très encourageant depuis certaines années. Il existe dans la jeune génération une élite entrepreneuriale particulièrement dynamique qui constitue un véritable atout pour l'avenir de l'Afrique. Dans ce contexte, la France doit maintenir sa présence sur ce continent et profiter de son intimité avec l'histoire africaine pour contribuer à son développement.

M. Jean Faure - On a connu une période de la coopération où à Madagascar comme dans d'autres pays africains, une partie de l'aide était détournée. Des progrès importants ont été faits depuis grâce à la mise en place de nombreux contrôles.

De son côté, la Chine lorsqu'elle intervient en Afrique ne prend pas les mêmes précautions et vise avant tout à faire avancer ses positions. J'observe, par ailleurs, que les flux migratoires en provenance du Cap Vert et du Burkina Faso ne sont pas comparables. Nos relations avec le Cap Vert qui connaît par ailleurs un développement très satisfaisant sont plus limitées qu'avec le Burkina Faso dont le développement économique est encore balbutiant. Il me semble que nous devrions donc concentrer nos efforts sur ce pays et plus particulièrement sur l'Afrique subsaharienne.

M. Michel Boutant - Le Burkina Faso appartient à cette région de l'Afrique qui connaît aujourd'hui des difficultés et dans laquelle cinq de nos ressortissants ont été kidnappés. J'aurais aimé savoir si les accords avec des pays comme le Burkina Faso, le Mali ou le Niger comportent des dispositions permettant la protection de nos ressortissants ?

Mme Catherine Tasca , rapporteur - Les accords avec le Cap Vert et le Burkina Faso qui sont soumis au Sénat ne comportent pas de dispositions en matière de défense ou de protection des citoyens français. En revanche, ces accords comportent des dispositions en matière de coopération policière et d'état-civil qui devraient permettre à terme à ces pays de mieux contrôler les allers et venues sur leur territoire.

M. André Vantomme - L'implantation de la Chine en Afrique répond avant tout aux intérêts chinois et à leurs souhaits de multiplier leurs sources d'approvisionnement en matières premières. Lors de notre mission avec notre collègue, Christian Cambon, au Mali, nous avons pu constater que l'aide française était devenue marginale dans ces pays derrière l'aide chinoise, l'aide américaine, voire même canadienne. Notre présence en Afrique subsaharienne est aujourd'hui fragilisée par la diminution des moyens de notre coopération qui sont sans commune mesure avec ceux de la Chine ou des Etats-Unis. Alors que nous avons une intimité avec ces pays liée à notre histoire commune, nous sommes en train de perdre notre influence tout en restant assimilé dans les esprits aux colonisateurs que nous avons été.

M. Robert del Picchia , président - D'une certaine façon, on pourrait dire que la Chine est en train de s'assurer une colonisation financière de l'Afrique pour répondre à ses besoins en approvisionnements en ressources naturelles.

Mme Catherine Tasca , rapporteur - Notre aide au développement est liée par nos principes notamment par notre volonté de respecter les droits de l'homme. J'ai pu constater en Gambie que la Chine poursuivait sa coopération alors que l'Union européenne avait suspendu ses programmes d'aide en raison de la dégradation et de la situation des droits de l'homme dans ce pays. Je comprends les inquiétudes que suscite la situation en Afrique. Je crois qu'il y a également des éléments qui peuvent nous conduire à plus d'optimisme. Il s'agit d'abord de la vigueur de ce continent. Il s'agit ensuite de la présence sur notre territoire de nombreux Français d'origine africaine qui peuvent être les garants d'un lien étroit avec le continent africain.

M. Jacques Gautier - On peut comparer notre coopération avec l'Afrique avec celle de la Chine qui mène sur ce continent une politique de prédation des matières premières qui obèrent l'avenir de ces pays. J'ai pu constater par exemple au Gabon que la Chine s'était garantie en contrepartie du financement d'infrastructures un approvisionnement des mines de fer pour 30 ans. Cette politique présente un risque certain pour l'Afrique.

La commission adopte le projet de loi et propose qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Stéphane FRATACCI, secrétaire général du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

- Mme Virginie LUCAS , chargée d'affaires, secteur financier et appui au secteur privé de l'AFD.

- M. André POUILLÈS-DUPLAIX , directeur adjoint, département technique opérationnel de l'AFD.

- M. Jacques OULD AOUDIA , président de l'ONG transnationale « Migrations & Développement » créée en 1986.


* 1 Rapport numéro 129 (2008-2009) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Rapport n° 367 (2007-2008) de Mme Catherine TASCA, fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 3 juin 2008.

* 2 Etat de la migration dans le monde. 2008. Organisation internationale pour les migrations.

* 3 Les transferts des fonds des migrants, un enjeu de développement, Banque Africaine de développement, 2009.

* 4 Projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, n° 2400, déposé le 31 mars 2010 à l'Assemblée nationale

* 5 Rapport d'information de M. André FERRAND, fait au nom de la commission des finances,
n° 414 (2007-2008) - 25 juin 2008

* 6 Rapport général n° 99 (2008-2009) de M. Pierre BERNARD-REYMOND, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2008, Mission immigration, asile et intégration. http://www.senat.fr/rap/l08-099-315/l08-099-315_mono.html

* 7 Dans certains pays de l'OCDE, des dispositifs de non-renouvellement de permis temporaires ont été mis en place pour les immigrés au chômage en Espagne et en Irlande, et également des dispositifs d'aide au retour en Espagne, au Japon et en République Tchèque. Dans quelques pays, les plafonds numériques ont été réduits, comme pour l'Italie, la Corée, l'Espagne ou l'Australie.

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