ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 58 bis (Article L. 125-0-A du code général des impôts) - Encouragement de l'épargne en actions et aménagement des règles d'imposition des contrats d'assurance-vie

Commentaire : le présent article vise à prévoir un taux réduit de 5,5 % de prélèvement libératoire en cas de souscription, à compter du 1 er janvier 2011, de bons, contrats de capitalisation non détenus anonymement ou contrats d'assurance sur la vie, en unités de comptes dont l'actif est constitué pour 15 % au moins d'actions pendant une durée de dix ans. En contrepartie, il relève le taux « ordinaire » de 7,5 % à 8,5 % pour les contrats ne répondant pas à cette double condition .

I. LES DANGERS INDUITS PAR LA FAIBLESSE DE L'ÉPARGNE DES FRANÇAIS EN ACTIONS

A. UNE SITUATION PRÉOCCUPANTE...

1. La détention du capital des entreprises nationales, un facteur-clé de souveraineté économique

Dans un contexte de concurrence économique global et exacerbé, il est essentiel, pour une Nation qui entend rester indépendante au sens plein de ce terme, de conserver la maîtrise de sa souveraineté économique .

C'est dans cet esprit qu'a travaillé pendant plusieurs mois une mission commune d'information du Sénat sur « la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent, en ce domaine, à l'attractivité du territoire national », dont notre ancien collègue Christian Gaudin était le rapporteur.

Les nombreux travaux et auditions de cette mission, dont rend compte un rapport d'information intitulé « La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation » 53 ( * ) .

Votre rapporteur général ne saurait rendre compte en quelques lignes de l'ensemble des conclusions de ce rapport, auquel il convient de se référer pour analyser cette problématique.

Toutefois, parmi les recommandations de la mission commune figurait un bloc consacré à la nécessité de mieux orienter l'épargne des Français afin que celle-ci contribue davantage à stabiliser le capital de nos entreprises, cotées ou non cotées . La composante nationale du capital des entreprises est, en effet, l'un des facteurs de leur identité, ce qui peut influencer à la fois la localisation de leurs centres stratégiques et, indirectement, la localisation de leurs principales activités. Les analyses qu'ont développées sur cette question et sur les menaces qui pourraient peser, à l'avenir, sur les groupes français, MM. Jean-François Roverato, président-directeur général d'Eiffage et Patrick Artus, alors directeur de la recherche et des études économiques et financières d'IXIS-CIB, offrent un éclairage précieux, qui figure dans le tome II du rapport d'information précité.

Dans une telle optique, l'épargne longue, et tout particulièrement celle dont la composante en actions est forte, doit donc être favorisée.

2. La structure de l'épargne des Français apparaît peu adaptée de ce point de vue

Or, comme le relève le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans son enquête de mars 2009 sur le patrimoine des ménages, les deux faits marquants de l'évolution de la structure du patrimoine financier depuis vingt ans sont, d'une part, la progression constante de l'assurance-vie , et, d'autre part, la régression parallèle des dépôts . Le CPO note que l'évolution observée sur la décennie 1997-2007 s'inscrit très clairement dans la continuité de la décennie précédente.

Ainsi, selon le CPO, la structure du patrimoine financier des Français se caractérise, depuis 1997, par :

- la part très importante, quoiqu'en régression, des dépôts, des placements et de l'épargne contractuelle, entre 35 et 40 % du total entre 1997 et 2007 ;

- la proportion du même ordre et en forte progression investie en contrats d'assurance-vie, autour de 30 % en moyenne sur la période ;

- enfin, le faible contenu de l'épargne en actions cotées détenues directement par les ménages , compensé toutefois par une part significative, de l'ordre de 12 %, investie auprès d'organismes de placements collectifs .

Le CPO note enfin que si, depuis vingt ans, les ménages ont cherché à diversifier leurs placements financiers, la diffusion de l'investissement en valeurs mobilières a nettement marqué le pas au cours des années 1990 . La détention d'épargne logement, en revanche, a progressé de manière quasi continue depuis 1986, reflétant l'attrait des ménages français pour la propriété occupante.

B. ... QUE RISQUE DE RENFORCER L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA DIRECTIVE « SOLVABILITÉ II »

La directive dite « Solvabilité II » 54 ( * ) , qui doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2013, pourrait aggraver cette situation.

Née d'une volonté politique louable d'améliorer le cadre prudentiel des secteurs de l'assurance et de la réassurance, et de mettre en conformité les pratiques des sociétés de ces secteurs avec la réalité de leurs engagements contractuels, ce texte vise à prémunir les sociétés d'assurances contre les risques systémiques de marché, de souscription, de contrepartie et opérationnels. Le niveau de risque choisi est tel que les fonds propres doivent permettre aux sociétés d'opérer dans 99,5 % des scénarios à horizon d'un an.

Trois piliers d'exigences forment Solvabilité II : l'exigence de fonds propres suffisants, des exigences de procédures de gestion de ces fonds propres et l'exigence d'une discipline de communication et de publication d'informations. Le premier de ces piliers prévoit une augmentation substantielle des taux de couverture en fonds propres, remettant en question le modèle économique actuel des sociétés d'assurances .

Les sociétés d'assurances anticipent des réductions de leur exposition en actions pour satisfaire à ces exigences. Selon Paris Europlace, la prudence jugée excessive des modèles de la directive pourrait entraîner une diminution des rendements des produits d'assurance-vie ainsi qu'une augmentation du niveau des primes. Certaines sociétés ont évoqué une réduction progressive de leur exposition en actions jusqu'en 2012 , et un risque de retrait total du marché du capital investissement.

II. LA NÉCESSAIRE MOBILISATION DE L'ASSURANCE-VIE

Votre rapporteur général, tout en soulignant que le pire n'est jamais sûr et que la déclinaison pratique de la directive « Solvabilité II » pourrait atténuer la diminution de l'exposition des assureurs en actions, estime néanmoins nécessaire d'agir dès à présent pour mieux orienter la structure de l'épargne des Français .

Au vu de la composition actuelle de cette épargne, l'assurance-vie apparaît clairement comme l'outil à partir duquel une action sera la plus efficace. Les règles, notamment fiscales, de l'assurance-vie , dont nos compatriotes ont une perception claire, devraient donc être adaptées afin de privilégier les supports dont le sous-jacent en actions est significatif .

A. L'ASSURANCE-VIE EST L'OUTIL LE PLUS ADAPTÉ POUR FAIRE ÉVOLUER LA PART DES ACTIONS DANS L'ÉPARGNE NATIONALE

En effet, parmi les trois pistes d'action théoriquement possibles que sont l'épargne retraite, le plan d'épargne en actions (PEA), ou les produits d'assurance-vie, ces derniers présentent l'effet de levier le plus important en termes de réorientation de l'épargne vers des supports composés d'actions.

De fait, les volumes concernés sont, de loin, les plus importants . Selon la fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), fin 2009, les contrats d'assurance-vie des Français totalisaient environ 1 253 milliards d'euros d'encours, dont approximativement 1 040 milliards d'euros sont investis sur les fonds en euros et 213 milliards d'euros sur les supports unités de compte (dont la moitié est investie en actions et l'autre moitié en supports obligataires), soit 17 % de l'encours total. A titre de comparaison, l'encours des produits d'épargne retraite est de l'ordre de 117 milliards d'euros et celui des PEA de 100 milliards d'euros.

De surcroît, le régime du PEA très avantageux ne pourrait être amélioré qu'à raison d'un coût significatif. Quant aux produits d'épargne retraite, votre rapporteur général ne souhaite pas en complexifier les caractéristiques déjà trop nombreuses et peu lisibles.

Enfin, comme souligné précédemment, l'assurance-vie constitue un type de placement bien connu des Français et il est plus aisé de s'appuyer sur un existant bien identifié de tous que sur des produits plus neufs.

B. LE RÉGIME FISCAL ACTUEL DE L'ASSURANCE-VIE : UN ALLÈGEMENT FONDÉ SUR UN CRITÈRE UNIQUE DE DURÉE DE DÉTENTION

Les bons ou contrats de capitalisation constituent des produits d'épargne à long terme qui permettent de capitaliser une ou plusieurs sommes versées par un épargnant sur un contrat. Ce dernier peut être investi dans différents types de supports, en euros ou en unités de compte. Sont assimilés en tant que « placement de même nature » les contrats d'assurance sur la vie régis par l'article 131-1 du code des assurances.

Le souscripteur, qui souhaite percevoir une partie ou la totalité de son capital, est imposé à l'impôt sur le revenu sur les produits du contrat .

Néanmoins, aux termes du 1° du II de l'article 125-0-A du code général des impôts (CGI), le contribuable, assuré sur la vie ou détenteur non anonyme d'un contrat de capitalisation, peut opter pour le prélèvement libératoire forfaitaire à hauteur de :

- 35 % lorsque le retrait est effectué pendant les quatre premières années 55 ( * ) ;

- 15 % lorsque le retrait est opéré entre la cinquième et la huitième année ;

- 7,5 % 56 ( * ) à partir de huit ans .

Conformément au quatrième alinéa du I de l'article précité, le souscripteur, détenteur d'un contrat de plus de huit ans, bénéficie d'un abattement de 4 600 euros s'il est célibataire et de 9 200 euros s'il vit en couple . En deçà de ces montants de produits obtenus par le rachat de tout ou partie du capital, la sortie du contrat s'opère sans fiscalité.

A cette imposition s'ajoutent les prélèvements sociaux à hauteur de 12,1 %, depuis le 1 er janvier 2009 57 ( * ) (taux qui devrait passer à 12,3 % d'après les dispositions de l'article 3 du présent projet de loi de finances).

C. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES : LA DIFFÉRENCIATION DU RÉGIME FISCAL EN FONCTION DE LA DURÉE ET DE L'ACTIF DE PLACEMENT

Afin de mieux orienter la masse financière considérable que représentent les contrats en assurance-vie vers des supports actions, le présent article propose de différencier le taux de prélèvement libératoire, en cas de rachat des bons, contrats de capitalisation non détenus anonymement ou des contrats d'assurance-vie, en fonction du support de placement .

A cette fin, le I prévoit de compléter l'article 125-0-A du CGI par un e tendant, pour les contrats souscrits à compter du 1 er janvier 2011, à distinguer :

- d'une part, les bons ou contrats en unités de compte , dont l'actif est constitué au moins de 15 % d'actions cotées ou non de sociétés françaises ou européennes (soit, d'après les informations dont dispose votre rapporteur général, une proportion de l'ordre du double de la proportion moyenne actuelle des contrats en unités de compte), et détenus pendant au moins dix ans . Les détenteurs de ces supports bénéficieraient alors d'un taux d'imposition préférentiel de 5,5 % , soit deux points de moins que la fiscalité actuelle de l'assurance-vie détenue au-delà de huit ans ;

- d'autre part, les autres bons ou contrats, dont le taux de prélèvement libératoire serait relevé d'un point, à 8,5 % , à la fois pour financer la baisse d'imposition des contrats « actions » et pour accentuer légèrement la différence entre ces deux supports et donc le biais en faveur de l'épargne en actions.

La mesure proposée, qui se veut neutre pour les finances publiques, ne présente donc aucun caractère « punitif » mais relève d'une logique économique. Il s'agit bien de contribuer à développer en France le poids des acteurs aux « mains longues », capables d'investir en actions sur le long terme et, par là-même, de renforcer la souveraineté économique nationale .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .


* 53 Rapport d'information Sénat n° 347 (2006-2007).

* 54 Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice.

* 55 Il convient toutefois de relever que le taux s'établit pour les contrats souscrits avant le 1 er janvier 1990 à 45 %, lorsque la durée est inférieure à deux ans, et à 25 %, lorsque celle-ci est comprise entre deux et quatre ans.

* 56 S'agissant des contrats souscrits entre le 1 er janvier 1983 et le 31 décembre 1989, le taux de 7,5 % s'applique lorsque la durée est supérieure à six ans.

* 57 Les produits d'assurance-vie sont soumis à cinq contributions sociales :

- la contribution sociale généralisée (CSG) de 8,2 % ;

- la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) de 0,5 % ;

- le prélèvement social de 2 %. ;

- la contribution additionnelle à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) de 0,3 % ;

- et la contribution de 1,1 % destinée à financer le revenu de solidarité active (RSA).

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