ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 58 bis (Art. 157 du code général des impôts) - Imposition des intérêts tirés des sommes excédant les plafonds des livrets d'épargne réglementés

Commentaire : le présent article vise à ce que les intérêts tirés des sommes excédant les plafonds des livrets d'épargne réglementés soient soumis à l'impôt.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA POPULARITÉ DES LIVRETS D'ÉPARGNE RÉGLEMENTÉE

Le paysage français de l'épargne est profondément structuré par l'existence de plusieurs produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique , dont le régime est codifié au chapitre premier du titre II du livre II du code monétaire et financier.

Il convient de rappeler brièvement que ce mode d'épargne a une origine ancienne. En particulier, le livret A vient de la Restauration, en 1818, avec la fondation de la première caisse d'épargne à Paris et l'ouverture d'un livret permettant aux ménages de disposer d'une épargne de précaution disponible à tout moment. Dès l'origine, un dispositif de centralisation des fonds à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), elle-même sous le contrôle du Parlement, en assurait la protection. Comme le rappelle l'Observatoire de l'épargne réglementée (OER) dans son dernier rapport, cet instrument est rapidement devenu le produit d'épargne préféré des Français en raison notamment de sa simplicité d'utilisation et de son caractère totalement sécurisé, avec un capital garanti par l'État et une rémunération défiscalisée.

A la fin du XX ème siècle, les livrets d'épargne réglementée se sont diversifiés. Sont ainsi apparus :

- le livret bleu , créé en 1976, distribué par le Crédit mutuel, qui présente les mêmes caractéristiques que le livret A ;

- le livret d'épargne populaire (LEP), créé en 1982 et destiné à aider les personnes disposant des revenus les plus modestes à placer leurs économies à des conditions qui en maintiennent le pouvoir d'achat.

- le compte pour le développement industriel (Codevi) a été mis en place avec pour objectif de drainer une partie de l'épargne des ménages vers le financement des petites et moyennes entreprises (PME). Depuis 2007, le Codevi a été rebaptisé livret de développement durable (LDD) et les emplois possibles des fonds collectés ont été élargis aux travaux d'économie d'énergie des particuliers dans les bâtiments anciens ;

- et le livret jeune , créé en 1996 afin de permettre aux jeunes de 12 à 25 ans de disposer d'un compte d'épargne personnel.

S'y ajoutent des instruments spécifiques et ciblés sur le financement de l'acquisition d'un logement, à savoir le plan d'épargne logement (PEL) et le compte d'épargne logement (CEL), qui ne relèvent donc pas tout à fait de la même logique que les instruments précédents, véritablement « généralistes ».

Les statistiques attestent de cette popularité, le taux de détention du livret A apparaissant particulièrement impressionnant, ce dont rend compte le tableau ci-dessous.

Livrets détenus par les personnes physiques à fin 2009

(en millions de livrets, encours en milliards d'euros)

Nombre de comptes

Encours

Livret A et livret bleu

59,3

175,5

Livret d'épargne populaire

11,8

58,3

Livret de développement durable

25,2

69,1

Source : OER

Le livret jeune, plus ciblé et dont le plafond est inférieur à ceux des autres livrets ( cf . ci-après), récolte des encours sensiblement inférieurs, de l'ordre de 7 milliards d'euros.

B. LA FISCALITÉ ET LES PLAFONDS

Les intérêts des cinq livrets généralistes sont totalement défiscalisés et même exonérés de prélèvements sociaux .

Le rendement garanti est donc particulièrement lisible pour les particuliers, ce qui contribue sans doute (avec la disponibilité des fonds) à la grande popularité de ces instruments.

Selon le tome II de l'annexe « Voies et moyens » au présent projet de loi de finances, le coût pour l'Etat de ces différentes exonérations s'élèvera, en 2011, à :

- 190 millions d'euros pour le livret A ;

- 25 millions d'euros pour les livrets bleus ;

- 80 millions d'euros pour les LDD ;

- 50 millions d'euros pour les LEP ;

- 10 millions d'euros pour les livrets jeune.

Le total s'établit donc à 355 millions d'euros .

En contrepartie de ces avantages et afin de ne pas drainer une proportion excessive de l'épargne des ménages vers ces instruments, le montant des sommes inscrites sur ces livrets est plafonnée . Pour un individu, le montant des plafonds s'établit actuellement à 15 300 euros pour le livret A et le livret bleu, 6 000 euros pour le LDD, 7 700 euros pour le LEP et 1 600 euros pour le livret jeune.

Toutefois, si, au-delà de ces sommes, les dépôts ne sont plus possibles, la capitalisation des intérêts peut porter leur solde au-delà des plafonds .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Il n'entre évidemment pas dans l'intention de votre rapporteur général, attaché au principe selon lequel les Français doivent pouvoir bénéficier d'une épargne de précaution sécurisée et disponible, de remettre en cause cette architecture.

Toutefois, dans un contexte prévisible d'attrition de l'épargne en actions décrit précédemment dans le cadre du commentaire de l'article additionnel relatif à l'évolution de l'imposition de l'assurance-vie, les régimes pouvant contribuer au développement d'une épargne « dormante » détenue par certains de nos compatriotes relativement favorisés doivent être revus .

De ce point de vue, certaines données figurant dans le dernier rapport de l'OER sont éclairantes. Ainsi, souligne l'Observatoire, bien que le livret A soit très répandu au sein de la population, la répartition des sommes placées est très concentrée puisque, à fin 2009, 42 % des encours étaient déposés sur 4,3 millions de livrets A, soit environ 7 % du nombre total des livrets . A l'inverse, la majorité des livrets A existants au 31 décembre 2009 étaient crédités de sommes très faibles, plus de la moitié des livrets A (30,3 millions en décembre 2009) avaient un solde inférieur ou égal à 150 euros 58 ( * ) .

Les livrets se partagent donc entre un grand nombre de comptes relativement peu alimentés, et dont certains se servent presque comme d'un compte à vue, et un certain nombre de livrets très bien fournis, dont l'encours moyen (plus de 17 700 euros pour les 7 % de livrets évoqués ci-dessus) dépasse assez nettement le plafond du livret A .

Dans ce contexte, votre rapporteur général estime qu'il serait utile que les intérêts tirés des sommes excédant les plafonds des livrets d'épargne réglementés soient soumis à l'impôt et aux prélèvements sociaux . Cela permettrait à la fois de respecter pleinement la raison d'être profonde de ces dispositifs plafonnés et d'envoyer un message cohérent des pouvoirs publics en direction de ceux de nos compatriotes dont les capacités d'épargne devraient leur permettre de s'orienter davantage vers des produits en actions.

Malgré ses demandes répétées, votre rapporteur général n'a pu obtenir du Gouvernement le gain qu'une telle mesure procurerait à l'Etat et aux organismes de Sécurité sociale . Ce flou ne devrait pas empêcher le législateur d'adopter dès à présent une mesure de principe, à finalité davantage économique que budgétaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.


* 58 Etant entendu, souligne à juste titre l'OER, qu'une fraction non négligeable est constituée de livrets inertes ou perdus de vue par leurs détenteurs.

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