II. UNE CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE QUI N'EST TOUJOURS PAS TERMINÉE

Le deuxième semestre de l'année 2010 a été marqué par de nouveaux développements de la crise de la dette souveraine, avec le recours de l'Irlande au Mécanisme européen de stabilisation (MES).

A. LE MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILISATION (MES)

On rappelle qu'à la suite du sommet des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro du 7 mai 2010, le Conseil Ecofin des 9 et 10 mai a décidé de la mise en place d'un mécanisme européen de stabilisation (MES).

Le tableau ci-après synthétise les sommes en jeu, en rappelant celles relatives au dispositif spécifique à la Grèce. Aux 500 milliards d'euros du MES s'ajoutent 250 milliards d'euros du FMI, portant le montant total à 750 milliards d'euros (sur trois ans).

Les dispositifs de stabilisation de l'UE (montants sur 3 ans)

(en milliards d'euros)

Base juridique (articles TFUE)

Transposition en droit français

UE en tant que telle

Etats membres de l'UE participants

Etats de la zone euro hors Grèce

FMI

Total

Grèce (Eurogroupe, 2 mai 2010)

Accord intergouvernemental

Loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010

80

30

110

Mécanisme européen de stabilisation (MES) (Conseil Ecofin, 9-10 mai 2010)

Loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010

60

440

250

750

Dont :

Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF)

Article 122.2 (assistance financière de l'UE à un Etat membre)

60

30

90

Fonds européen de stabilité financière (FESF)

Accord intergouvernemental

440

220

660

TOTAL

60

440

80

280

860

Source : d'après la déclaration de l'Eurogroupe du 2 mai 2010, les conclusions du conseil Ecofin des 9 et 10 mai 2010 et le communiqué de presse du Gouvernement du 11 mai 2010

Le montant du mécanisme européen de stabilisation est de 500 milliards d'euros, se décomposant entre :

- 60 milliards d'euros pour le mécanisme européen de stabilisation financière (MESF), qui repose sur l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;

- 440 milliards d'euros pour le fonds européen de stabilité financière (FESF).

Si, conformément à l'article 122 précité, l'attribution d'un prêt du MESF exige simplement une décision du Conseil à la majorité qualifiée, celle d'un prêt du FESF est subordonnée à l'accord unanime des Etats participants.

MES, MESF, FESF : le jargon de la stabilisation

La terminologie, assez ésotérique (on distingue un « Mécanisme européen de stabilisation financière » et un «  Fonds européen de stabilité financière », constituant un « Mécanisme européen de stabilisation »), tend à se cristalliser autour de l'utilisation des sigles anglo-saxons d'EFSM ou d'EFSF, ou, plus simplement, des dénominations de « mécanisme » et de « fonds » (parfois remplacée par l'anglicisme « facilité »).

Les dénominations des deux éléments du mécanisme européen de stabilisation (MES)

Mécanisme européen de stabilisation (MES)

European Stabilization Mechanism (ESM)

Prêts de l'UE avec garantie du budget communautaire

Société mise en place dans un cadre intergouvernemental

Dénomination initiale (Conseil Ecofin, 9-10 mai 2010)

Special Purpose Vehicle , SPV

Entité ad hoc

Dénomination actuelle

European financial stabilisation mechanism (EFSM)

European financial stability facility (EFSF)

Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF)

Fonds européen de stabilité financière (FESF)

Dans les deux cas, il s'agit d'attribuer des prêts (prêts stricto sensu , lignes de crédit, voire achat de titres de dette publique pour l'entité ad hoc ), et non des subventions. Le dispositif est donc, selon les institutions communautaires, compatible avec l'article 125 du TFUE, parfois qualifié de « clause de no-bail out ».

Les 750 milliards d'euros peuvent être mis en relation avec le besoin de financement de l'Irlande, du Portugal et de l'Espagne, de l'ordre de 400 millions d'euros pour les trois années à venir selon Natixis 2 ( * ) .

1. Le mécanisme européen de stabilisation financière (MESF) de 60 milliards d'euros

Le MESF de 60 milliards d'euros a pour base juridique l'alinéa 2 de l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Selon cette disposition, « lorsqu'un Etat membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d'événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l'Union à l'Etat membre concerné. Le président du Conseil informe le Parlement européen de la décision prise ».

L'assistance financière de l'Union est octroyée sous la forme d'un prêt ou d'une ligne de crédit accordé à l'État membre concerné.

C'est la Commission européenne qui emprunte cette somme. En effet, le règlement (UE) n° 407/2010 du Conseil du 11 mai 2010 3 ( * ) , qui met en oeuvre le dispositif, prévoit qu'elle est habilitée à contracter, au nom de l'Union européenne, des emprunts sur les marchés des capitaux ou auprès d'institutions financières. Il précise que l'encours en principal des prêts ou des lignes de crédit pouvant être accordés aux États membres est limité à la marge en crédits de paiement disponible sous le plafond des ressources propres, ce qui correspond aux 60 milliards d'euros indiqués.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 122 précité, l'attribution de l'aide à un Etat exige une décision du Conseil à la majorité qualifiée.

Ce dispositif est proche du mécanisme existant de soutien financier à moyen terme des balances des paiements des Etats membres n'appartenant pas à la zone euro 4 ( * ) , correspondant à une possibilité d'emprunt de 50 milliards d'euros, qui a permis à la Commission européenne d'aider la Lettonie, la Hongrie et la Roumanie. En particulier, les frais encourus par l'Union pour la conclusion et l'exécution de chaque opération sont supportés par l'État membre bénéficiaire.

2. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) de 440 milliards d'euros

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) de 440 milliards d'euros a pour fonction d'apporter des financements aux Etats fragilisés, sous forme de prêts ou de lignes de crédits, voire d'achats de titres de dette publique. Il bénéficie de garanties des Etats participants, de même que chacune des émissions d'emprunts qu'il réalisera sur les marchés.

Conformément aux conclusions du conseil Ecofin, la contribution des différents Etats membres de la zone euro est déterminée « en fonction de leur part dans le capital libéré de la Banque centrale européenne ».

Ainsi, en France, la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010 a autorisé le ministre chargé de l'économie à accorder la garantie de l'Etat au FESF, dans la limite d'un plafond de 111 milliards d'euros, jusqu'au 30 juin 2013.

Les taux auxquels prête le FESF sont alignés sur ceux du FMI.

Le FESF, société anonyme implantée au Luxembourg, est régi par un « accord-cadre » en date du 7 juin 2010, conclu entre lui-même et les seize Etats membres de la zone euro. Les accords de prêt sont conditionnés à la conclusion préalable par l'Etat bénéficiaire d'un Memorandum of understanding (MoU), par nature dénué de portée juridique, avec la Commission européenne, agissant au nom des Etats membres.

Le 20 septembre 2010, le FESF a obtenu la notation maximale de chacune des trois agences de notation (AAA pour Standard & Poor's, Aaa pour Moody's et AAA pour Fitch Ratings).


* 2 Natixis, Eco Hebdo n°44, 3 décembre 2010.

* 3 Règlement établissant un mécanisme européen de stabilisation financière.

* 4 Etabli par le règlement (CE) n° 332/2002 du Conseil au profit des États membres ne faisant pas partie de la zone euro.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page