B. DE NOUVELLES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES

Peu de temps après les réformes des années 2002-2004, la nécessité de nouvelles évolutions de l'organisation de la santé au travail s'est imposée parmi les professionnels concernés pour tenir compte de l'évolution de l'économie et des formes d'emploi en poursuivant le renforcement des actions de prévention des services de santé au travail et en approfondissant le développement de la pluridisciplinarité au sein de ces services dans un contexte de crise démographique de la médecine du travail.

En octobre 2007, le rapport Conso-Frimat précité 6 ( * ) a fait le constat du caractère inachevé des réformes entreprises jusqu'à cette date.

Comme l'indique l'introduction de ce rapport, « la mission est ainsi parvenue à la conclusion que si la réforme a permis d'engager une dynamique nouvelle, la mutation de la médecine du travail n'est pas achevée. A bien des égards, les logiques formelles, procédurales, continuent à prévaloir. A contrario, les ressources, au premier rang desquelles les effectifs de médecins du travail, les connaissances, les outils aussi bien techniques que juridiques, le pilotage stratégique, sont insuffisants pour faire de la médecine du travail l'acteur d'une politique de santé au travail, c'est-à-dire d'une action collective ayant pour objet d'éviter l'altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».

La mission a formulé de nombreuses propositions parmi lesquelles :

- donner une définition législative des missions des services de santé au travail , centrée sur la prévention ;

- élaborer pour chaque entreprise un plan pluriannuel de santé au travail ;

- adapter la fiche d'entreprises aux petites et très petites entreprises ;

- organiser le suivi des recommandations du médecin du travail en imposant à l'employeur d'indiquer par écrit les suites données aux observations du médecin du travail ou les raisons pour lesquelles il n'a pas donné suite ;

- transformer la procédure d'aptitude systématique en une procédure ciblée de prévention des inaptitudes ;

- substituer à la surveillance médicale renforcée une prestation renforcée de santé au travail à visée préventive ;

- améliorer la traçabilité des expositions par la mise en place d'un dossier médical personnalisé au travail ;

- reconnaître formellement la notion d'équipe de santé au travail placée sous la responsabilité d'un médecin du travail ;

- former les médecins du travail au nouveau mode d'exercice de la santé au travail en enrichissant le contenu de la formation initiale et en adaptant la formation continue ;

- engager une action urgente pour redresser les flux de sortie de médecins du travail en formation initiale en relevant le nombre de places ouvertes en médecine du travail aux épreuves classantes nationales et en promouvant cette spécialité auprès des étudiants en médecine ;

- aménager une voie pérenne d'accès au DES de médecine du travail pour les médecins en activité ;

- favoriser le développement de nouveaux métiers pour appuyer et compléter l'action du médecin du travail.

En avril 2010, un nouveau rapport plus particulièrement consacré à la formation des professionnels de la santé au travail et à l'attractivité de ses métiers a été remis aux ministres compétents. Ce rapport, intitulé « La santé au travail - Vision nouvelle et professions d'avenir » 7 ( * ) , dresse un tableau très sombre de la situation de la médecine du travail en termes de démographie :

« La médecine du travail est en danger. D'ici cinq ans, si rien n'est fait pour aider les professionnels de la santé au travail à anticiper les départs à la retraite des praticiens et des enseignants hospitalo-universitaires, ce dispositif unique au monde, qui concerne en France près de seize millions de salariés, pourrait s'éteindre, faute d'expertise et de perspectives. La discipline est en crise. Elle est depuis longtemps jugée peu attractive, et aujourd'hui les étudiants en médecine s'interrogent sur son avenir. Les médecins du travail, qui pâtissent d'une image sociale peu flatteuse, désespèrent d'un métier dont ils connaissent pourtant les atouts et mesurent les potentialités. Déjà confrontés à l'impossibilité de remplir l'ensemble des missions que leur a confié le code du travail, certains ne reconnaissent pas le métier qu'ils ont choisi dans ce qu'ils vivent ou ne se reconnaissent pas dans les évolutions annoncées. Beaucoup se sentent atteints dans leur conscience professionnelle de ne pas pouvoir consacrer le temps qui leur paraît nécessaire aux salariés qui en ont le plus besoin ».

Face à ce constat, les auteurs du rapport ont formulé des propositions organisées autour de huit préoccupations essentielles :

- une approche intégrée pour un travail d'équipe : il s'agit de favoriser la formation d'une culture interdisciplinaire et d'une communauté d'objectifs partagée entre les professionnels travaillant dans les services de santé au travail pour éviter que la pluridisciplinarité ne se réduise à une juxtaposition des compétences ;

- le besoin d'ouvrir la perspective d'une deuxième carrière aux médecins souhaitant se reconvertir et exercer la spécialité de la médecine du travail ;

- un effort en profondeur pour redynamiser la recherche et reconstituer le vivier des enseignants hospitalo-universitaires ;

- une formation initiale des professionnels de santé adaptée aux nouvelles missions ;

- la volonté de faire connaître et valoriser la médecine du travail en tant que discipline médicale ;

- le souci de valoriser l'action des services de santé au travail et d'affirmer les prérogatives du médecin du travail. Il s'agit en particulier de renforcer les prérogatives du médecin du travail en élevant au rang d'une obligation une réponse motivée écrite de l'employeur qui ne prend pas en considération les recommandations ou les préconisations du médecin du travail après le constat dûment établi d'un risque patent ou persistant ;

- la nécessité de faire évoluer les mentalités , notamment pour sensibiliser les employeurs au fait que de bonnes conditions de travail et une bonne santé au travail sont de réels investissements qui ont un effet sur les performances et l'image de l'entreprise, et encourager les entreprises à mettre en place avec les services de santé des plans d'action en faveur de la santé et du mieux-être en entreprise ;

- la prise en main du changement par les acteurs locaux .


* 6 Rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail, octobre 2007.

* 7 Rapport présenté par Christian Dellacherie, membre du conseil économique, social et environnemental, Paul Frimat, professeur de médecine du travail à l'Université de Lille II, et Gilles Leclercq, médecin conseil de l'ACMS.

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