Rapport n° 436 (2010-2011) de M. René GARREC , fait au nom de la commission des lois, déposé le 13 avril 2011

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N° 436

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 avril 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de M. Yvon COLLIN et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen tendant à renforcer les moyens de contrôle et d' information des groupes politiques de l' Assemblée nationale et du Sénat ,

Par M. René GARREC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. Yves Détraigne , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mme Jacqueline Gourault, Mlle Sophie Joissains, Mme Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung, François Zocchetto.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

355 (2010-2011)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois, réunie le mercredi 13 avril 2011, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président , a examiné le rapport de M. René Garrec sur la proposition de loi n° 355 (2010-2011), présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, tendant à renforcer les moyens de contrôle et d'information des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Après avoir rappelé les droits attribués aux groupes politiques par la réforme du Règlement du Sénat du 2 juin 2009, à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a reconnu, dans la Constitution, les groupes politiques, le rapporteur a exposé les raisons pour lesquelles la proposition de loi reposait sur une erreur de conception du rôle des groupes par rapport à celui des commissions en matière de contrôle.

Le rapporteur a ensuite développé trois motifs d'inconstitutionnalité.

En premier lieu, l'article 51-1 de la Constitution renvoie expressément aux règlements des assemblées, et non à la loi, le soin de déterminer les droits des groupes, et notamment des groupes d'opposition et minoritaires.

En deuxième lieu, le Gouvernement dispose de l'administration selon l'article 20 de la Constitution. En prévoyant pour les groupes un droit d'accès à toute information nécessaire et l'assistance de tout organisme, la proposition de loi porte manifestement atteinte au principe de séparation des pouvoirs, en conférant aux groupes des prérogatives à l'égard du Gouvernement et des administrations et organismes qui relèvent de son autorité.

En troisième lieu, l'article 24 de la Constitution donne au Parlement la mission de contrôler l'action du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques. Cette mission s'exerce grâce aux questions des parlementaires et aux commissions permanentes, commissions d'enquête, missions d'information et délégations, organes désignés par chaque assemblée en son sein, à la proportionnelle des groupes. Les commissions assurent, par leur composition pluraliste et par la publicité de leurs travaux, un « rôle d'information » de leur assemblée et contribuent ainsi à l'exercice de sa mission de contrôle, selon une jurisprudence constante et stricte du Conseil constitutionnel. Les groupes, puisqu'ils ne rendent pas compte de leurs travaux, ne sauraient donc disposer de prérogatives propres en matière d'information et de contrôle.

Le rapporteur a considéré que la proposition de loi constituait une réponse inadaptée à une question pourtant pertinente : comment donner aux groupes politiques toute leur place dans les travaux du Sénat ?

Pour ces motifs, sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à cette proposition de loi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Déposée le 11 mars 2011 par notre collègue Yvon Collin, président du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, et les membres de son groupe, la proposition de loi (n° 355, 2010-2011) tendant à renforcer les moyens de contrôle et d'information des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat 1 ( * ) vise, dans la continuité de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, à donner aux groupes politiques de nouvelles prérogatives, en matière d'information et de contrôle pour leur propre compte.

Lors de la Conférence des présidents du 6 avril, la proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, le 28 avril 2011.

A cet égard, votre rapporteur déplore les délais dans lesquels il a été amené à examiner ce texte, d'autant que, malgré son dépôt le 11 mars, il n'a été diffusé que le 25 mars, soit deux semaines plus tard, contournant ainsi, de facto , le délai de six semaines prévu par l'article 42 de la Constitution entre le dépôt d'un texte et son examen en séance publique et rendant impossible une analyse approfondie, faute de temps, alors que le sujet le méritait amplement.

Sur le fond, la proposition de loi pose de bonnes questions, dont votre rapporteur a pu s'entretenir de façon très constructive avec notre collègue le président Yvon Collin. Comment permettre, en effet, aux groupes politiques de mieux participer aux débats et aux travaux de notre assemblée et d'y prendre pleinement la place qui leur revient ? Pour autant, les réponses qu'elle y apporte semblent inadaptées et contraires à la Constitution.

En effet, selon votre rapporteur, en voulant attribuer aux groupes les prérogatives propres aux commissions en matière d'information, de contrôle et d'enquête, ce texte repose fondamentalement sur une erreur de conception du rôle des groupes par comparaison avec celui des commissions.

Alors que les groupes politiques rassemblent les parlementaires qui le souhaitent par affinités politiques, traduites dans une déclaration politique, en vue d'organiser collectivement leur travail et leur expression au sein de leur assemblée 2 ( * ) , les commissions sont des organes constitutionnels internes de chaque assemblée, qui en préparent le travail législatif et assurent son information. En d'autres termes, et contrairement aux groupes politiques, les commissions parlementaires, qu'elles soient permanentes ou temporaires, ne disposent pas de prérogatives pour elles-mêmes, mais en vue de l'information ou de la délibération de l'assemblée, afin de lui permettre d'accomplir les missions de législation et de contrôle qu'elle tient de la Constitution. C'est pourquoi les commissions sont désignées par l'assemblée, à la proportionnelle des groupes, ce qui n'est pas le cas des groupes par construction. Plus encore, les commissions d'enquête sont désignées par l'assemblée, sur un objet précis pour lequel elles sont mandatées par l'assemblée.

Dans son Traité de droit politique, électoral et parlementaire , Eugène Pierre rappelle ainsi la signification du droit d'enquête des assemblées :

« On appelle « enquête parlementaire » les investigations auxquelles une Assemblée procède elle-même par l'intermédiaire des membres qu'elle a désignés avec un mandat déterminé. (...) Le droit pour chaque Chambre d'y procéder librement (...) découle des pouvoirs généraux attribués aux représentants de la nation. »

Les groupes politiques ne sont pas les détenteurs du mandat de leurs membres, les représentants de la nation au sens où l'entend la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Seuls les parlementaires, individuellement et réunis en assemblée, le sont. Dès lors, les groupes ne sauraient s'arroger les prérogatives de la représentation nationale qui sont attribuées aux commissions d'enquête ou aux commissions permanentes en matière de contrôle 3 ( * ) . Ce ne sont pas les groupes politiques qui ont pour mission de contrôler l'action du Gouvernement, mais les assemblées.

Au demeurant, les groupes ne sont pas tenus de rendre compte de leur activité auprès de leur assemblée. Une telle obligation serait légitimement perçue comme une ingérence dans leur fonctionnement interne. Si les groupes bénéficiaient de compétences propres en matière de contrôle, comment serait assurée la publicité de leurs travaux ? Alors que les travaux de contrôle des commissions font l'objet d'une publicité, tant par les comptes rendus des réunions de commission que par la publication de rapports d'information, en vue d'informer l'assemblée 4 ( * ) , les travaux des groupes demeurent confidentiels. Comment considérer dès lors que les groupes pourraient participer à la mission de contrôle si leurs travaux ne sont pas, par principe, publics ? La publicité des débats et des travaux est un critère fondamental des travaux parlementaires.

Si la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République a reconnu le rôle des groupes politiques, en permettant aux règlements des assemblées de leur accorder des droits spécifiques, en complément des droits individuels des parlementaires, elle n'en a pas pour autant fait des organes comparables aux commissions.

Pour ces raisons de principe et de conception même de la nature du mandat parlementaire, même si elle partage pleinement l'objectif consistant à « restaurer la démocratie parlementaire », pour reprendre les mots mêmes du président Yvon Collin lors de son audition, votre commission ne peut pas approuver la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

I. LE DÉVELOPPEMENT DES DROITS DES GROUPES POLITIQUES DEPUIS LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DE 2008

Historiquement, le droit parlementaire français reconnaît des droits individuels aux membres des assemblées, représentants de la nation. Ce sont des droits attachés au mandat parlementaire lui-même. Il s'agit, en matière législative, du droit d'initiative qui comprend le droit de présenter des propositions de loi et son corollaire le droit d'amendement et, en matière de contrôle, du droit de poser des questions écrites ou orales et, plus récemment, du droit de présenter des propositions de résolution européenne. Inhérents au régime parlementaire, ces droits sont reconnus par la Constitution de 1958, au premier alinéa de l'article 39 pour le droit général d'initiative, au premier alinéa de l'article 44 pour le droit d'amendement, au dernier alinéa de l'article 48 pour le droit de questionnement et au deuxième alinéa de l'article 88-4 pour le droit de résolution européenne.

Outre le rétablissement du droit général de résolution, à l'article 34-1 de la Constitution, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a reconnu, à côté de ces droits individuels, des droits collectifs pour les groupes politiques.

A. LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DU 23 JUILLET 2008

La revalorisation des droits du Parlement faisait partie des principales justifications avancées pour le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V e République, adopté par le Congrès le 21 juillet 2008 après deux lectures dans chaque assemblée.

Elle s'est traduite, outre une réforme de la procédure législative et de l'ordre du jour des assemblées, par un accroissement significatif des droits des membres du Parlement ainsi que des groupes politiques eux-mêmes, dont l'existence elle-même a été consacrée dans la Constitution.

Ainsi, instituant un véritable « droit de tirage » des groupes politiques sur l'ordre du jour, le cinquième alinéa de l'article 48 de la Constitution dispose qu'un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté à l'initiative des groupes d'opposition et des groupes minoritaires. Cet ordre du jour propre aux groupes permet d'inscrire des débats, des propositions de loi ou encore des propositions de résolution.

En outre, le nouvel article 51-1 prévoit que le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes politiques et reconnaît des droits spécifiques aux groupes minoritaires et d'opposition.

A cet égard, votre commission relève dans l'exposé des motifs de la proposition de loi une confusion entre la notion de groupe parlementaire et celle de parti politique. Si la Constitution reconnaît depuis 1958 que les partis et groupements politiques contribuent à l'expression du suffrage, elle n'opère aucun rapprochement avec les groupes politiques au sein des assemblées. Par groupement politique, il ne faut pas entendre groupe politique au sens parlementaire. Au demeurant, les groupes ne coïncident pas nécessairement avec les partis politiques constitués, comme l'illustrent parfaitement nos collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Votre rapporteur insiste aussi sur le fait que reconnaître des droits aux groupes ne signifie pas que la mission constitutionnelle du Parlement de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques leur incombe également.

B. LA RÉFORME DU RÈGLEMENT DU SÉNAT DU 2 JUIN 2009

Adoptée le 2 juin 2009, la résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat a tiré les conséquences, notamment, du nouvel article 51-1 de la Constitution.

Cette résolution a été le fruit d'un travail intense et constructif, au sein d'un groupe de travail pluraliste, sous la présidence de notre collègue Gérard Larcher, président du Sénat, et dont nos collègues Bernard Frimat et Jean-Jacques Hyest ont été les rapporteurs. Lors de son audition par votre rapporteur, le président Yvon Collin a d'ailleurs reconnu l'excellente qualité des travaux de ce groupe, qui a fait droit au traditionnel pluralisme sénatorial.

L'exposé des motifs de la proposition de loi énumère d'ailleurs fort justement les droits nouveaux qui en sont résultés pour les groupes en matière d'information et de contrôle, mais également d'expression du pluralisme, en complément des avancées de la révision constitutionnelle :

- « droit de tirage » pour la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information (article 6 bis du règlement), sous la seule réserve, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009, de la recevabilité de la création de la commission d'enquête ;

- partage entre la majorité et l'opposition des fonctions de président et de rapporteur d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information (article 6 bis du règlement) ;

- désignation à la proportionnelle des groupes des représentants du Sénat dans les organismes extraparlementaires (article 9 du règlement) ;

- consultation des présidents de groupe politique pour la composition des commissions mixtes paritaires (article 12 du règlement) ;

- faculté pour les groupes de faire annexer leur opinion aux rapports législatifs des commissions (article 28 ter du règlement) ;

- au sein de la Conférence des présidents, pondération des votes en fonction de l'importance numérique des groupes (article 29 du règlement).

Votre rapporteur insiste particulièrement sur ce rôle des groupes en matière décisionnelle, qui résulte des nouvelles modalités de vote au sein de la Conférence des présidents, tout en relevant dans ce domaine l'engagement du président Gérard Larcher en faveur d'un renouveau du rôle des groupes au sein du Sénat. Auparavant, chaque membre de la Conférence ne comptait que pour une voix, tandis qu'à présent les présidents de groupe disposent d'autant de voix que leur groupe compte de membres, déduction faite de ceux qui sont membres de la Conférence des présidents. Les groupes peuvent ainsi peser effectivement sur la confection de l'ordre du jour sénatorial, tant en matière d'initiative que de contrôle, au-delà de la seule séance mensuelle réservée.

Enfin, l'exposé des motifs de la proposition de loi omet de rappeler le nouveau mode de désignation du Bureau du Sénat. Si le président du Sénat demeure bien évidemment élu, après son élection, « les présidents des groupes se réunissent pour établir les listes des candidats aux fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste » (article 3 du règlement). Jusque là, les fonctions de vice-président et de questeurs étaient pourvues par la voie de l'élection, comme celles de président du Sénat. L'introduction explicite de la représentation proportionnelle est une garantie de l'expression pluraliste au sein du Bureau. Le pluralisme y a d'ailleurs été renforcé, avant la réforme du règlement de juin 2009, à l'initiative du président Gérard Larcher, par la création de deux postes supplémentaires de vice-président et de deux postes supplémentaires de secrétaire, par une résolution du 29 octobre 2008.

Il faut enfin ajouter la possibilité désormais pour chaque groupe, si au moins un sénateur du groupe est présent, de désigner un membre de son secrétariat pour assister aux réunions de commission destinées à arrêter le texte de la commission, texte qui sera la base du débat en séance publique 5 ( * ) (chapitre XI bis de l'instruction générale du Bureau).

A sa manière et conformément à son identité, l'Assemblée nationale a également attribué des droits particuliers nouveaux aux groupes, notamment aux groupes minoritaires et d'opposition.

Ainsi, force est d'admettre que la révision constitutionnelle de 2008, telle qu'elle a été mise en oeuvre par les règlements des assemblées, a permis d'accorder des droits collectifs aux groupes parlementaires, qui s'ajoutent aux droits individuels traditionnels de leurs membres.

Votre rapporteur observe que le « droit de tirage » des groupes en matière de commission d'enquête et de mission d'information, conçu plus libéralement qu'à l'Assemblée nationale 6 ( * ) , a déjà été largement mis en oeuvre, puisqu'une commission d'enquête et quatre missions d'information communes ont été créées de cette façon 7 ( * ) . Ainsi, sur les sujets qui leur paraissent prioritaires, les groupes orientent réellement les activités de contrôle du Sénat.

C. LE RENFORCEMENT DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT DES GROUPES POLITIQUES DU SÉNAT

Votre rapporteur, dans ses fonctions de Questeur du Sénat, peut attester de l'accroissement important depuis 2008 - plus de 30 % - des crédits affectés aux groupes pour leur fonctionnement et la rémunération de leur secrétariat, et ce malgré une évolution nulle du budget du Sénat en euros courants, c'est-à-dire une diminution du budget en euros constants. Ces crédits peuvent être utilisés pour financer des études extérieures.

Notre collègue le président Yvon Collin en a d'ailleurs convenu.

Enfin, la réorganisation de l'administration du Sénat, évoquée par l'exposé des motifs de la proposition de loi, si elle a été conduite sur un principe de recentrage sur la fonction législative et de contrôle du Sénat, a vu la création d'une division de l'initiative, chargée d'assister les groupes comme les sénateurs dans la conception de leurs initiatives.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UNE RÉPONSE INCONSTITUTIONNELLE À UNE VRAIE QUESTION

La proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle et d'information des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat comporte deux types de dispositions, celles qui n'y apportent que peu de chose au droit en vigueur et celles qui sont contraires à la Constitution.

A. DES DISPOSITIONS QUI N'APPORTENT RIEN AU DROIT EN VIGUEUR

1. Des dispositions dépourvues de réelle portée normative

L'article 1 er de la proposition de loi énonce de façon générale que « les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat participent à la vie démocratique de la nation en contribuant à l'exercice des différents pouvoirs attribués au Parlement sans préjudice des compétences attribuées au président de l'Assemblée nationale, au président du Sénat et aux différentes commissions parlementaires ». Cet article s'apparente à une pétition générale de principe, purement déclarative, qui ne confère, en réalité, aucun droit nouveau aux groupes politiques.

Il en est de même du premier alinéa de l'article 2, selon lequel « les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat, sous l'autorité de leurs présidents, ont un droit d'accès à toutes les informations nécessaires, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, du respect du secret de l'instruction et du secret médical ». En effet, que faut-il entendre par « toutes les informations nécessaires » ? Par sa généralité, cette disposition semble peu opérante en pratique.

2. Des dispositions satisfaites par le droit en vigueur

L'article 2 de la proposition de loi prévoit, comme indiqué ci-dessus, un droit d'accès pour les groupes à « toutes les informations nécessaires ». Le droit de tout parlementaire de poser des questions écrites ou orales peut d'ores et déjà satisfaire cet objectif. En interrogeant le Gouvernement par écrit ou en séance publique, il est possible d'obtenir des informations.

L'article 2 dispose aussi que les groupes « reçoivent communication dans les meilleurs délais de tous les documents dont la transmission est prévue par les dispositions en vigueur relatives à l'information du Parlement ». Sont sans doute ici visés, en particulier, les rapports au Parlement. Étant transmis au Parlement pour son information, ils sont disponibles pour tous les sénateurs au bureau de la distribution.

Concernant les rapports au Parlement, qui émanent du Gouvernement mais aussi de la Cour des comptes, d'autorités administratives indépendantes ou d'organismes de sécurité sociale, votre rapporteur rappelle le principe selon lequel le Gouvernement communique officiellement avec les assemblées, mais pas avec leurs organes internes que sont les commissions, de sorte que les rapports au Parlement ne sont pas destinés aux seules commissions.

B. UN RÉEL PROBLÈME DE CONSTITUTIONNALITÉ

1. La compétence des règlements des assemblées

Le nouvel article 51-1 de la Constitution attribue aux règlements des assemblées le soin de déterminer les droits des groupes politiques, et non au législateur. La proposition de loi intervient dès lors dans le domaine propre des règlements et se trouve dépourvue de base constitutionnelle.

A cet égard, l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui fixe des dispositions communes aux deux assemblées notamment pour les commissions d'enquête et les délégations, n'attribue aucun droit particulier aux groupes, se limitant à prévoir le principe de la représentation proportionnelle des groupes dans la composition de certains organes.

De même, pourtant prise pour faire application du volet parlementaire de la révision constitutionnelle de juillet 2008, la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution - à l'exception de la possibilité pour un président de groupe de déposer au nom de son groupe une proposition de résolution au titre de l'article 34-1 de la Constitution, ce qui constitue une novation unique en ce qu'est ainsi reconnu un droit d'initiative hybride, mais sans doute l'exception confirme-t-elle ici la règle 8 ( * ) - n'attribue pas de droits particuliers aux groupes.

Aussi votre rapporteur ne peut-il que suggérer à nos collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen de solliciter la réunion d'un nouveau groupe de travail sur le règlement du Sénat ou encore de présenter une proposition de résolution tendant à modifier le règlement en vue d'attribuer des droits supplémentaires aux groupes politiques.

2. Une atteinte à l'organisation et à la séparation des pouvoirs fixées par la Constitution

L'adoption de la proposition de loi conduirait le législateur à porter atteinte au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, selon lequel notamment le Gouvernement dispose de l'administration (article 20 de la Constitution), ainsi qu'à l'attribution au Parlement, en tant qu'autorité constitutionnelle, d'une mission de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques (article 24 de la Constitution). L'organisation des pouvoirs, telle qu'elle est établie par la Constitution, ne confie pas aux groupes politiques de compétence propre en matière de contrôle de l'action du Gouvernement.

En effet, on peut entendre le droit d'accès des groupes à « toutes les informations nécessaires », prévu à l'article 2 de la proposition de loi, comme la faculté pour les groupes de solliciter le Gouvernement, mais aussi toute administration relevant de l'exécutif ou toute autorité administrative. Une telle disposition pourrait ainsi attribuer aux groupes un pouvoir d'injonction au Gouvernement, que le Conseil constitutionnel refuse au législateur lui-même en raison du principe de séparation des pouvoirs.

L'article 2 prévoit également la possibilité pour les groupes, dans le respect de l'indépendance de l'autorité judiciaire, de « demander l'assistance de tout organisme afin d'être en mesure de contribuer utilement à la mission législative, de contrôle du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques du Parlement ». A ce jour, selon l'article 47-2 de la Constitution, seule la Cour des comptes est chargée d'assister le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement, au titre notamment du contrôle budgétaire. On peut s'interroger sur les autres organismes qui pourraient visés. En tout état de cause, dès lors qu'elle n'est pas prévue par la Constitution, l'assistance d'une autorité administrative indépendante et, a fortiori , d'une administration de l'État ne pourrait que porter atteinte à la séparation des pouvoirs. Par exemple, il ne serait pas conforme à la Constitution de demander l'assistance du Conseil d'État en dehors des formes prévues par l'article 39 de la Constitution 9 ( * ) . Il ne serait pas davantage conforme à la Constitution de solliciter l'assistance, par exemple, du Secrétariat général du Gouvernement ou de l'Inspection générale des affaires sociales, administrations qui relèvent du Gouvernement.

L'article 3 de la proposition de loi semble donner une réponse, car il énumère une liste de dix-neuf organismes que les groupes politiques peuvent saisir ou consulter, sous l'autorité de leur président. Certains sont des organismes administratifs sous l'autorité directe du Gouvernement, tandis que d'autres sont des autorités administratives indépendantes, démembrements de l'administration de l'Etat. Sont ainsi visés, par exemple, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'Autorité de la concurrence, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, l'Autorité de sûreté nucléaire ou encore le Centre d'analyse stratégique... En réalité, l'article 3 propose simplement d'étendre aux groupes politiques des facultés de saisine ou de consultation attribuées aux présidents ou aux commissions compétentes des deux assemblées, dont le rôle est reconnu par la Constitution et les règlements des assemblées dans les rapports avec les autres pouvoirs publics constitutionnels 10 ( * ) .

Les groupes n'étant ni des pouvoirs publics constitutionnels comme les assemblées, ni les représentants des pouvoirs publics constitutionnels que sont les présidents des assemblées, ni des organes internes des pouvoirs publics constitutionnels que sont les commissions parlementaires, ni encore les détenteurs du mandat parlementaire que sont les parlementaires eux-mêmes, il serait contraire à la Constitution de leur conférer des prérogatives analogues.

La compétence de l'organisme peut justifier la saisine parlementaire, mais à raison de son rôle en matière de protection des libertés publiques et des droits fondamentaux. Il en est ainsi, par exemple, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. L'article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 permet à tout membre du Parlement, en tant que représentant de la nation, de saisir le Contrôleur. En tout état de cause, ouvrir cette faculté aux groupes politiques ne présente guère d'intérêt.

Autre exemple, l'article L. 351-3 du code des juridictions financières prévoit que « le Conseil des prélèvements obligatoires peut être chargé, à la demande du Premier ministre ou des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ou des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires sociales, de réaliser des études relatives à toute question relevant de sa compétence ». Ces prérogatives particulières se fondent directement sur la mission que le législateur organique a entendu confier à ces commissions en matière de contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Plus largement, les commissions compétentes peuvent saisir certains organismes au titre de la mission de contrôle et d'évaluation qu'elles exercent au nom de leur assemblée et non en leur nom propre. Les dispositions visées à l'article 3 de la proposition de loi relèvent de cette logique, qui n'est pas de même nature que celle des groupes politiques.

Il en est ainsi, par exemple, pour l'Autorité de la concurrence, que les commissions compétentes peuvent entendre, dans le cadre de leur mission de contrôle (article L. 461-5 du code de commerce) ou de législation (article L. 462-1 du code de commerce). L'Autorité de sûreté nucléaire de même que le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire peuvent aussi formuler un avis à la demande des commissions compétentes (articles 8 et 24 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006).

Par ailleurs, l'article 2 de la proposition de loi prévoit aussi que « les personnes dont l'audition est jugée, par [les groupes], nécessaire ont l'obligation de s'y soumettre et sont déliés du secret professionnel ». Si l'article 5 bis de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée prévoit qu'une commission peut, sous peine d'amende, « convoquer toute personne dont elle estime l'audition nécessaire, réserve faite, d'une part, des sujets de caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, d'autre part, du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs », ce n'est qu'en vue de permettre l'information de l'assemblée et de contribuer ainsi à sa mission constitutionnelle de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques. Les groupes ne sauraient avoir pour prérogatives celles qui sont attribuées aux commissions en vue d'exercer la mission de contrôle confiée aux assemblées par l'article 24 de la Constitution.

A cet égard, il convient de rappeler la décision stricte du Conseil constitutionnel n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 sur la résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale, dans ses considérants portant sur le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Après avoir considéré que « les missions du comité ne peuvent porter que sur le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques » et « consistent en un simple rôle d'information contribuant à permettre à l'Assemblée nationale d'exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques, dans les conditions prévues par la Constitution » (considérant 58), le Conseil a censuré celles des dispositions du règlement qui s'écartaient du cadre prévu par la Constitution pour l'exercice de la mission de contrôle du Parlement.

A cet égard, votre rapporteur insiste sur la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel en matière de contrôle, selon laquelle les organes internes aux assemblées n'ont qu'un simple « rôle d'information » de leur assemblée pour lui permettre d'exercer sa mission de contrôle 11 ( * ) , ce rôle seul justifiant des prérogatives particulières. On ne saurait à l'évidence considérer que les groupes politiques ont, en tant que tels, un rôle d'information de leur assemblée, dès lors que leurs travaux ne sont pas publics - puisqu'ils ne publient ni comptes rendus de leurs réunions ni rapports d'information - et ne reflètent pas, par nature, le pluralisme de leur assemblée.

De plus, la même décision du 25 juin 2009 ajoute que « le comité ne saurait imposer la présence des responsables administratifs des politiques publiques lors de la présentation des rapports relatifs à ces politiques » et que « la séparation des pouvoirs interdit que, pour conduire les évaluations, les rapporteurs du comité puissent bénéficier du concours d'experts placés sous la responsabilité du Gouvernement » (considérant 61). A fortiori , les groupes ne sauraient être autorisés à convoquer des responsables administratifs ou à solliciter l'avis d'autorités administratives, indépendantes ou non, dès lors que la Constitution ne le leur permet pas explicitement.

S'appuyant sur les considérants de la décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, votre commission estime que les motifs d'inconstitutionnalité de la proposition de loi sont manifestes.

Dès lors, votre commission propose au Sénat d'adopter une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à cette proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION - MERCREDI 13 AVRIL 2011

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M. René Garrec , rapporteur . - J'observe que, en pratique, l'on prend quelque liberté, dans la fixation de l'ordre du jour, avec l'article 42 de la Constitution, qui dispose que « la discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt »...

Si les auteurs de cette proposition de loi posent une question légitime, ils n'ont pas choisi, à mon sens, le bon vecteur. Je m'en suis ouvert à M. Collin, lui faisant valoir que cette question était bien plutôt du ressort du président du Sénat en concertation avec les présidents de groupe et de commission : il serait préférable de remettre sur le métier la réflexion déjà engagée par le groupe de travail conduit par MM. Hyest et Frimat en vue de proposer des améliorations à notre règlement.

Sur quoi repose cette proposition de loi ? Sur l'idée que les groupes politiques doivent fonctionner comme des commissions. Par quoi elle est inconstitutionnelle. Notre règlement reconnaît déjà des droits spécifiques aux groupes politiques, auxquels une séance mensuelle est réservée dans l'ordre du jour. Mais les auteurs de ce texte veulent aller plus loin, en leur reconnaissant en matière de contrôle des prérogatives qui appartiennent aux commissions et à elles seules. Ils posent également la question des moyens financiers des groupes. Je rappelle, en tant que questeur, que ces moyens ont déjà augmenté de 30 %. Peut-être faut-il aller au-delà ?

L'article premier de cette proposition de loi est sans portée normative ; son article 2 reconnaît aux groupes politiques un droit d'accès à toutes informations nécessaires, ainsi que le droit de se faire assister par tout organisme, de se voir transmettre tout document, de procéder à toute audition, selon une procédure calquée sur celle des commissions d'enquête ; son article 3 leur permet de saisir une vingtaine d'autorités administratives, depuis l'Autorité de la concurrence jusqu'au Contrôleur des lieux privatifs de liberté, en passant par l'Autorité de sûreté nucléaire.

C'est confondre, en matière de contrôle, les prérogatives des groupes avec celles des commissions, au risque d'une triple inconstitutionnalité. Au regard de l'article 51-1 de la Constitution, tout d'abord, qui renvoie au règlement des assemblées et non à la loi le soin de déterminer les droits des groupes politiques. A celui de son article 20, ensuite, qui veut que le Gouvernement « dispose de l'administration », en vertu du principe de séparation des pouvoirs. Au reste, les parlementaires disposent déjà, en matière de contrôle, de la faculté d'interroger le Gouvernement par voie de questions écrites et orales.

M. Jean-Pierre Sueur . - Avec le succès que nous leur connaissons. Et j'emploie le terme de « succès » au sens du Grand siècle : l'issue, le résultat ...

M. René Garrec . - Quant aux rapports au Parlement visés à l'article 2, ils sont disponibles au bureau de la distribution.

Inconstitutionnalité, enfin, au regard de l'article 24 de la Constitution, qui confie au Parlement la mission de contrôler l'action du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques. C'est-à-dire à ses commissions, permanentes ou d'enquête, ses missions d'information et ses délégations. La jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, encore confirmée par la décision du 25 juin 2009, reconnaît strictement le rôle d'information des commissions pour l'exercice des pouvoirs de contrôle en vue d'informer leur assemblée, ce qui justifie leurs prérogatives en matière d'auditions par exemple. Quant aux commissions d'enquête, leur durée est limitée, leur objet circonscrit et leurs travaux publics. Tel n'est pas le cas de ceux des groupes politiques, qui ne rendent pas compte de leurs travaux à l'assemblée et dont le rôle d'information se limite donc à leurs membres.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de soulever, sur ce texte, l'exception d'irrecevabilité.

Hommage soit néanmoins rendu à ses auteurs, qui soulèvent une question pertinente.

M. Jean-Pierre Sueur . - Un enterrement, mais avec les honneurs...

M. René Garrec , rapporteur . - Comment faire pour que les groupes politiques prennent toute leur part aux travaux du Sénat ? Vous me donnerez acte, monsieur Sueur, que le reconnaître n'est pas fleurer l'Ancien régime.

Pour moi, le bon vecteur est celui de la Conférence des présidents. S'il est utile de formuler des propositions complémentaires de modification de notre règlement, qu'un groupe de travail, qui fera suite à celui dont eurent la charge MM. Hyest et Frimat, remette l'ouvrage sur le métier.

Au demeurant, j'ai la conviction que les membres du groupe RDSE, qui compte de fins constitutionnalistes, savent fort bien que ce texte contrevient à notre loi fondamentale : ils ne souhaitent pas autre chose que porter la question en séance.

M. Pierre-Yves Collombat . - C'est un abus de langage que de parler de séparation des pouvoirs dans le régime qui est désormais le nôtre : l'exécutif exerce les trois quarts du pouvoir législatif, il fixe notre ordre du jour, il dispose de tous les moyens pour faire voter ce qui lui convient, il peut dissoudre le Parlement, et j'en passe ! Aux États-Unis, la chambre peut forcer le gouvernement à des accommodements. Voyez ce qui s'est passé avec le budget 2011. On n'en est pas là en France.

Vous renvoyez la solution au règlement ? Mais il ne peut pas tout autoriser ; la saisine, notamment, d'autorités administratives indépendantes, comme prévu à l'article 3 de cette proposition. Je comprends que l'on trouve contestables les dispositions relatives aux auditions, mais pourquoi priver les groupes de la capacité de saisir des instances susceptibles d'éclairer leur réflexion ? Pour les y autoriser, il y faut un support législatif, et vous le savez bien : la fin de non-recevoir que vous opposez à ce texte est toute de circonstance.

M. René Garrec , rapporteur . - Les fonctionnaires de l'État sont à la disposition du Gouvernement. Un groupe politique ne peut pas leur demander de venir s'expliquer devant lui : ce serait contraire au principe de séparation des pouvoirs qui, considérât-on que le pouvoir législatif est réduit à peu de chose, n'en reste pas moins inscrit dans la Constitution. Il s'agit ici de s'en tenir au strict cadre constitutionnel.

M. Pierre-Yves Collombat . - Les autorités administratives indépendantes sont-elles à la disposition du Gouvernement ?

M. René Garrec , rapporteur . - Elles sont des démembrements de l'exécutif. Je préfèrerais qu'elles ne soient pas indépendantes, mais c'est un autre débat.

La commission adopte l'exception d'irrecevabilité proposée par le rapporteur.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

_____

Personne entendue

- M. Yvon Collin , président du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, auteur de la proposition de loi

Contributions écrites

Secrétaire général du Sénat

- M. Alain Delcamp

Secrétaire générale de l'Assemblée nationale

- Mme Corinne Luquiens


* 1 Le texte de la proposition de loi est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-355.html

* 2 Il convient d'ailleurs d'observer que, si les membres des assemblées parlementaires ont toujours l'habitude de se réunir par affinités depuis la Révolution, les groupes parlementaires au sens moderne ont une existence relativement récente dans l'histoire parlementaire française, depuis le début du XX ème siècle.

* 3 L'article 22 du règlement du Sénat dispose ainsi que « les commissions permanentes assurent l'information du Sénat et mettent en oeuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l'action du Gouvernement, l'évaluation des politiques publiques et le suivi de l'application des lois ».

* 4 Les travaux d'information et de contrôle des commissions permanentes, commissions d'enquête et missions communes d'information peuvent d'ailleurs faire l'objet de débats en séance.

* 5 Cette disposition permet, en quelque sorte, d'assurer un certain équilibre avec le Gouvernement pour les mêmes réunions chargées d'établir le texte de la commission : le ministre compétent peut participer à la réunion et ses collaborateurs peuvent l'assister.

* 6 Alors qu'au Sénat la création est de droit en cas de demande d'un groupe, à l'Assemblée nationale, l'article 141 du règlement prévoit que chaque président de groupe d'opposition ou minoritaire peut obtenir l'inscription d'office à l'ordre du jour d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, laquelle peut être rejetée par une majorité des trois cinquièmes des membres de l'Assemblée.

* 7 Il faut ajouter que plusieurs missions d'information communes, sollicitées par des groupes, ont été créées sans imputation sur le « droit de tirage » des groupes concernés.

* 8 Encore faut-il préciser que ce n'est pas un droit d'initiative du groupe, mais une prérogative propre des présidents de groupe. Il ne s'agit donc pas stricto sensu d'un droit des groupes. Tout parlementaire peut aussi déposer une proposition de résolution de cette nature. Il faut ajouter que la procédure d'examen de ces propositions ne fait pas intervenir les commissions.

* 9 Il n'est guère possible de parler d'assistance concernant l'avis que le Conseil d'État peut être conduit à émettre sur des propositions de loi, en vertu de l'article 39 de la Constitution.

* 10 Dans certains cas, l'article 3 de la proposition de loi renvoie à des dispositions de nature réglementaire et non législative.

* 11 Outre la décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 (considérant 58), voir par exemple les décisions n° 59-2 DC du 24 juin 1959, 90-275 DC du 6 juin 1990 (considérant 2), 96-381 DC (considérant 7) et 96-382 DC (considérant 10) du 14 octobre 1996 ou 2003-470 DC du 9 avril 2003 (considérant 22).

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