Rapport n° 461 (2010-2011) de Mme Bernadette DUPONT , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 27 avril 2011

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N° 461

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 avril 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique concernant l' échange d'informations et de données à caractère personnel relatives aux titulaires du certificat d' immatriculation de véhicules contenues dans les fichiers nationaux d' immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation ,

Par Mme Bernadette DUPONT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2910 , 3024 et T.A. 584

Sénat :

199 et 462 (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La lutte contre les infractions routières s'est intensifiée en France durant la dernière décennie, et s'appuie, de façon croissante, sur leur constatation par des dispositifs automatisés.

Ces moyens nouveaux ont permis de décompter les infractions commises sur le territoire français par des véhicules immatriculés dans d'autres pays européens, et de constater leur constant accroissement.

Or, dans l'état actuel de la réglementation, tant nationale qu'européenne, il est difficile pour les autorités françaises compétentes d'identifier les titulaires du certificat d'immatriculation des véhicules étrangers ayant commis des infractions, ce qui assure à ceux-ci une immunité de fait.

Dans l'attente de l'élaboration d'un accord européen en ce domaine, seul à même de régler l'ensemble de ce contentieux , la France a pris l'initiative de négocier plusieurs accords bilatéraux avec ses principaux voisins .

Le présent texte, conclu avec la Belgique, a été signé à Paris le 13 octobre 2008.

D'autres pays européens ont été également sollicités dans le même sens.

I. LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE LA FRANCE EN FAIT UN PAYS DE TRANSIT POUR DE NOMBREUX VÉHICULES EN PROVENANCE DE PAYS EUROPÉENS

A. UNE RÉPRESSION ACCRUE DES DÉLITS ROUTIERS DEPUIS 2003

Traditionnel pays de transit, la France a constaté, avec la mise en place progressive des dispositions de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, le nombre non négligeable d'infractions commises par des véhicules étrangers.

Or, les messages d'infractions émis par les radars, dénommés « contrôle-sanction automatisé » (C.S.A.) sont inopérants à l'égard des véhicules immatriculés à l'étranger, alors que ceux-ci sont destinataires de près d'un quart de ces messages.

En effet, le Centre automatisé de constatation des infractions routières (CASIR), situé à Rennes, se base sur l'identité et les coordonnées personnelles du contrevenant pour lancer une procédure à son encontre. Faute d'informations de cet ordre sur les conducteurs des véhicules immatriculés à l'étranger, cette procédure reste sans suite, assurant à ces conducteurs une immunité de fait. Cette situation est d'autant plus choquante que leur nombre ne cesse de croître.

B. UN NOMBRE CROISSANT D'INFRACTIONS COMMISES PAR DES VÉHICULES IMMATRICULÉS À L'ÉTRANGER

En 2008 (derniers chiffres disponibles), le total des messages d'infraction touchant des véhicules immatriculés hors de France décomptés de 2005 à 2008, s'élevait à 8 925 346. Les chiffres par année démontraient une constante progression de ces messages :

2005 : 1 048 705

2006 : 1 996 718

2007 : 2 635 812

2008 : 3 244 111

Durant ces mêmes années, leur répartition par pays d'immatriculation était la suivante :

2005

2006

2007

2008

Allemagne

138316

237583

309843

364943

Danemark

14791

30738

43853

58407

Espagne

97483

198396

261508

305456

Grande Bretagne

42403

76874

83158

85290

Italie

30218

77660

82405

76839

Luxembourg

116

3958

6670

7592

Pays Bas

11965

57920

90268

110954

Portugal

33045

46931

55053

62194

Suisse

31597

62561

79999

100257

Autres

321

457

597

612

Doute sur pays

310 491

599224

841230

1074019

Pays non identifié

335954

602410

779221

995540

Pour remédier à une situation choquante, du point de vue tant de l'équité que de l'efficacité, la France a lancé des négociations avec les principaux pays d'origine des contrevenants. Bien que la Belgique ne soit pas signalée au premier rang du nombre d'infractions, c'est avec ce pays que le texte le plus abouti a été élaboré et qu'un accord bilatéral, déjà ratifié en février 2010 par celui-ci a été conclu. Ce texte est aujourd'hui soumis à notre examen après son adoption par l'Assemblée nationale.

Des négociations sont en cours avec l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse, et des discussions ont été ouvertes, au niveau ministériel, avec le Royaume-Uni, Monaco et le Portugal.

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ACCORD INSTAURENT AVEC LA BELGIQUE LES MODALITÉS D'UN ÉCHANGE DES INFORMATIONS NÉCESSAIRES À L'ABOUTISSEMENT DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE-SANCTION AUTOMATISÉ

A. UN DISPOSITIF BILATÉRAL EFFICACE

Les cinq articles composant le texte définissent ( art. 1 er ) les infractions auxquelles ils s'appliquent, ainsi que les autorités compétentes pour leur traitement et pour la gestion du fichier national d'immatriculation.

L' article 2 précise les modalités des demandes de renseignement touchant notamment les coordonnées du titulaire du certificat d'immatriculation . Leur communication ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à la souveraineté de l'Etat requis.

Ces données sont soumises, par l' article 3 , à la protection des données nominatives en vigueur dans chacun des droits internes . Les modalités de cette protection font l'objet d'une annexe.

L' article 4 porte sur les modalités de règlement des différends.

Enfin, les dispositions de l' article 5 décrivent les modalités d'entrée en vigueur de l'accord, conclu pour 5 ans et renouvelable par tacite reconduction.

B. SEUL UN ACCORD ADOPTÉ PAR LES ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE PERMETTRA D'INSTAURER DES RÈGLES COMMUNES À L'ENSEMBLE DE CES PAYS EN MATIÈRE DE POURSUITES TRANSFRONTALIÈRES POUR CAUSE D'INFRACTIONS ROUTIÈRES

Le Conseil européen des ministres des transports a adopté, le 2 décembre 2010, un projet de directive facilitant de telles poursuites.

Les ministres ont approuvé à l'unanimité un texte de directive dont l'objectif est de faciliter les échanges d'informations liés aux infractions routières les plus graves commises avec un véhicule immatriculé dans un Etat autre que celui de l'infraction.

Cette initiative a, depuis longtemps, été sollicitée par la France, car une part non négligeable des véhicules qui y transitent est immatriculée à l'étranger. Il s'agit de garantir le principe du traitement égal entre résidents et non-résidents dans les poursuites des infractions routières.

Ce texte, approuvé par les ministres, ne constitue pas la version définitive de la future directive qui devra obtenir l'approbation du Parlement européen.

Les ministres ont en outre adopté des conclusions visant à l'élaboration d'un nouveau plan d'action pour la sécurité routière pour les dix prochaines années.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du mercredi 27 avril 2011.

Mme Bernadette Dupont , rapporteur - Vous savez que la lutte contre les infractions routières s'est intensifiée en France durant la dernière décennie, et s'appuie, de façon croissante, sur leur constatation par des dispositifs automatisés.

Ces moyens nouveaux ont permis de décompter les infractions commises sur le territoire français par des véhicules immatriculés dans d'autres pays européens, et de déceler leur important accroissement, année après année.

Or, dans l'état actuel de la réglementation, tant nationale qu'européenne, il est difficile pour les autorités françaises compétentes d'identifier les titulaires du certificat d'immatriculation des véhicules étrangers ayant commis des infractions, ce qui assure à ceux-ci une immunité de fait.

Seule l'élaboration d'un accord européen en ce domaine sera à même de régler l'ensemble de ce contentieux. Le dernier conseil européen des ministres des transports a adopté, le 2 décembre 2010, un projet de directive en ce sens. Dans l'attente de l'aboutissement des concertations européennes, la France a pris l'initiative de négocier plusieurs accords bilatéraux avec les pays frontaliers, dont la Belgique.

Il faut relever que les messages d'infractions émis par les radars, dénommés « contrôle-sanction automatisé » (C.S.A.) sont inopérants à l'égard des véhicules immatriculés à l'étranger, alors même que ceux-ci sont destinataires de près d'un quart de ces messages.

En effet, le Centre automatisé de constatation des infractions routières (CASIR), situé à Rennes, se base sur l'identité et les coordonnées personnelles du contrevenant pour lancer une procédure à son encontre. Faute d'informations de cet ordre sur les conducteurs de véhicules immatriculés à l'étranger, cette procédure reste sans suite. Cette situation est d'autant plus choquante que leur nombre ne cesse de croître.

C'est ainsi qu'en 2008, le total des messages d'infraction touchant des véhicules immatriculés hors de France, décomptés de 2005 à 2008, s'élevait à près de 9 millions, et les chiffres par année démontraient leur progression constante. D'un million en 2005, ils sont passés, en 2006, à deux millions, en 2007 à deux millions et demi, en 2008 à trois millions deux cent mille, et à quatre millions quatre cent mille en 2009.

Durant ces mêmes années, les pays d'immatriculation des véhicules en infraction croissaient, pour l'Allemagne, de 2005 à 2008, de 140 000 à 365 000 pour le Danemark, de 15 000 à 59 000 pour l'Espagne, de 42 500 à 85 300 pour la Grande-Bretagne, et, pour l'Italie, de 30 000 à 77 000.

Il s'agit là des quatre principaux pays d'où proviennent les conducteurs fautifs.

La situation géographique de la France en fait un pays de transit pour de nombreux véhicules en provenance de nos voisins européens. La France a pris conscience, avec la mise en place progressive des dispositions de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, du nombre non négligeable d'infractions commises sur son sol par des véhicules étrangers.

Des négociations sont en cours avec l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse, et des discussions ont été ouvertes, au niveau ministériel, avec le Royaume-Uni, Monaco et le Portugal.

La Belgique ne figure pas au nombre des premiers pays d'origine des conducteurs en infraction. C'est pourtant avec ce pays qu'a été conclu le texte le plus abouti, ratifié par lui en février 2010, et qui, après avoir été adopté par l'Assemblée nationale, est aujourd'hui soumis à notre examen.

Les dispositions du présent accord, signé le 13 novembre 2008 à Paris, instaurent avec la Belgique les modalités d'un échange des informations nécessaires à l'aboutissement de la procédure de contrôle-sanction automatisé.

Cet accord permet, en effet, l'application, pour les conducteurs belges faisant l'objet d'une telle procédure, de l'article L 330-2 du code de la route, qui dispose que les informations et données à caractère personnel contenues dans les fichiers d'immatriculation sont communiquées, sur leur demande, aux autorités étrangères avec lesquelles a été conclu un accord d'échange d'informations relatives à l'identification du titulaire du certificat d'immatriculation.

Cet accord permet donc aux autorités françaises d'obtenir de l'autorité belge compétente les éléments requis pour sanctionner les conducteurs en infraction issus de ce pays. Réciproquement, les autorités belges pourront réclamer les mêmes informations de leurs homologues français.

L'article 3 de l'accord dispose que : « L'échange d'informations et de données à caractère personnel est effectué dans le respect des dispositions nationales, communautaires et internationales en matière de protection des données ». Ces précisions sont importantes car je vous rappelle que notre collègue Marcel-Pierre Cléach nous avait présenté, le 7 juillet 2010, un accord similaire conclu avec l'Allemagne ; or le Bundestag a refusé de le ratifier, en excipant de l'inconstitutionnalité de la communication de données personnelles.

Le présent texte a déjà été ratifié par le Parlement belge, ce qui nous protège d'une mésaventure similaire.

Je vous recommande donc de l'adopter, et de prévoir son examen en séance publique sous forme simplifiée.

M. Josselin de Rohan , président - Nous constatons tous que sur certaines routes, et plus encore, sur les autoroutes, certains conducteurs étrangers semblent considérer qu'ils circulent sur un circuit de Formule 1.

M. René Beaumont - Quel sera le pays qui encaissera les amendes ?

Mme Bernadette Dupont , rapporteur - Ce sera la France ou la Belgique en fonction du lieu de l'infraction.

M. Jean-Pierre Chevènement - Il n'existe pas de limitation de vitesse pour les voitures en Allemagne, et les ressortissants de ce pays semblent considérer l'Europe comme une extension de leur nation.

Puis la commission adopte l'accord et recommande son examen en séance publique sous forme simplifiée.

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