B. UNE IMPLICATION DÉJÀ FORTE DE L'ÉTAT

1. L'engagement incontestable de l'éducation nationale

Si les collectivités territoriales sont très actives, l'État assume pleinement sa part de responsabilité. Votre rapporteur a notamment pu mesurer l'intensité et la pérennité de l'effort consenti par l'éducation nationale en faveur de l'enseignement des langues régionales. Dans les écoles, les collèges et les lycées, toutes formes d'enseignement confondues, ce sont quelque 193 500 élèves qui sont concernés par un enseignement de langues régionales , dont 125 000 environ dans le premier degré. Les demandes des parents paraissent globalement satisfaites par l'offre de formation actuelle et par les perspectives d'évolution inscrites dans la programmation du ministère de l'éducation nationale.

Enseignement des langues régionales à l'école primaire
Effectifs d'élèves (public et privé sous-contrat) - 2011

Enseignement extensif

Enseignement Renforcé

Enseignement bilingue à parité horaire

Enseignement par immersion

Aix-Marseille

4 299

2 993

367

74

Bordeaux

4 544

295

9 187

2 244

Clermont-Ferrand

1 101

--

12

Corse

11 019

7 006

5 302

-

Grenoble

885

-

-

-

Montpellier

10 552

43

2 690

1 740

Nancy-Metz

-

2645

2 733

-

Nantes

-

-

220

176

Nice

126

113

76

-

Rennes

7 989

-

8 316

1 507

Strasbourg

-

-

18 665

305

Toulouse

11 038

-

2 260

4 253

Total

51 553

13 095

49 816

10 311

TOTAL toutes catégories confondues

124 775

Source : DGESCO - ministère de l'éducation nationale

Votre rapporteur ne peut que se féliciter du sérieux avec lequel l'éducation nationale aborde l'enseignement des langues régionales. Ainsi, tous les programmes de langues régionales métropolitaines ont été rénovés afin de les inscrire dans le cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL), ce qui les place sur un pied d'égalité avec les langues vivantes étrangères apprises par plusieurs millions d'élèves. Élément indissociable des langues régionales comme éléments du patrimoine de notre pays, la culture et l'histoire régionales sont inscrites dans les programmes, notamment en histoire-géographie et au travers de l'enseignement obligatoire de l'histoire des arts, à l'école, au collège et au lycée. Les élèves peuvent donc être au contact des cultures régionales, même lorsqu'ils ne suivent pas d'enseignement spécifique de langue.

L'État et les collectivités territoriales ont également utilisé la faculté ouverte par l'article L. 312-10 du code de l'éducation afin de signer des conventions pour la promotion de l'enseignement des langues régionales. C'est le cas notamment dans les académies de Bordeaux (basque et occitan), de Martinique (créole), de Montpellier (catalan et occitan), de Rennes (breton), de Strasbourg (alsacien), Toulouse (occitan). La même démarche pourrait être adoptée dans l'académie de Lille pour étendre l'expérimentation, menée depuis plusieurs années dans des écoles primaires de l'arrondissement de Dunkerque, d'enseignement du flamand occidental, variété distincte du standard néerlandais.

Modalités d'enseignement des langues régionales

A l'école :

- Enseignement extensif

Une heure trente hebdomadaire est prise sur l'horaire de langue vivante selon des modalités définies dans le projet d'école. Pour certaines langues, dans le cadre des dispositions particulières qui les régissent (corse, tahitien) où cette langue est une matière d'enseignement incluse dans l'horaire normal d'enseignement, l'horaire est de trois heures.

- Enseignement renforcé

Enseignement dispensé selon un horaire hebdomadaire allant au-delà d'une heure et demie, par exemple de deux heures. Cette forme tend à disparaître au profit, dans certains cas, d'un alignement de l'enseignement extensif sur une durée de trois heures.

- Enseignement bilingue à parité horaire

Enseignement dispensé pour la moitié de l'horaire en langue régionale et pour l'autre moitié en français. Une partie des activités inscrites au programme de l'école se déroulent dans la langue régionale de la section.

- Enseignement bilingue par immersion

A l'école, les élèves apprennent à lire et à écrire dans la langue régionale concernée. Cette langue est non seulement langue des activités pour plus de la moitié de l'horaire mais également langue de la vie scolaire de l'école ou du collège et du lycée par la suite.

Au collège :

- Enseignement facultatif

En 6 e et 5 e , à raison d'une heure hebdomadaire, portée généralement à deux heures voire trois heures pour le corse et le tahitien. Cet enseignement se poursuit en classe de 4 e au titre d'enseignement optionnel facultatif.

- Enseignement optionnel obligatoire de deuxième langue vivante

Enseignement de LV2 pour trois heures hebdomadaires.

- Enseignement bilingue à parité horaire dans les sections « langues régionales »

Enseignement de langue et culture régionales de trois heures hebdomadaires minimum et enseignement d'une ou plusieurs disciplines dans la langue régionale permettant d'atteindre progressivement un enseignement à parité en français et en langue régionale.

- Enseignement bilingue par immersion

Selon les mêmes principes que dans le primaire.

Au lycée :

Dans le cadre de la nouvelle organisation des enseignements mise en oeuvre à partir de la rentrée scolaire de septembre 2010, les langues régionales sont proposées en LV 3 en tant qu'enseignement d'exploration ou facultatif. Cet enseignement se poursuit dans le cycle terminal des séries S, L et ES.

En outre, les enseignements bilingues suivis dans les sections « langues régionales » de collège, se poursuivent également au lycée selon des modalités d'organisation proches de celles qui régissent les sections européennes.

Source : DGESCO - ministère de l'éducation nationale

Pour atteindre ces résultats, l'éducation nationale a mobilisé des ressources importantes pour le recrutement d'enseignants. Ainsi, 133 postes « bivalents » de professeurs des écoles ont été proposés par les académies pour les concours dits « spéciaux » en 2010. Depuis 2002, le cumul se monte à 1 339 postes proposés. Avec à peine plus de deux présents et demi pour un poste proposé, ces concours ne paraissent cependant pas particulièrement attractifs. En effet, l'enseignement des langues régionales en primaire relève souvent d'un engagement personnel des enseignants et seuls le créole en Martinique et à la Réunion et le corse dépassent significativement deux candidats présents pour un poste.

Pour le second degré, les CAPES de langue régionale (basque, breton, catalan, créole et occitan), de langue corse et de tahitien recrutent des personnels enseignants depuis 1990. Ce ne sont pas, comme dans le premier degré, des enseignants bivalents. Le recrutement a concerné au total quelque 600 postes qui ont été offerts aux candidats dans les 20 dernières années, à travers les deux modes de recrutement principaux (CAPES externe et CAPES interne) et durant les plans de résorption de l'auxiliariat (CAPES réservé). Au collège et au lycée, les enseignements ont été assurés par 502 professeurs certifiés de langue régionale (hors tahitien) en 2010.

Évolution du nombre de postes de professeurs certifiés de langue régionale

2007-2008

2009-2010 (évolution)

Breton

88

87 (-1)

Basque

34

41 (+7)

Catalan

36

39 (+3)

Créole*

29

38 (+9)

Corse

129

116 (-13)

Occitan-langue d'oc

182

181 (-1)

Total (hors tahitien)

498

502 (+4)

* (Martinique, Guadeloupe, Réunion)

Source : ministère de l'éducation nationale

Enfin, l'enseignement privé immersif sous contrat (alsacien, basque, breton, catalan et occitan) est assuré par 560 enseignants. Le taux d'encadrement dans les écoles immersives est supérieur de 28 % en moyenne au taux d'encadrement constaté dans le premier degré privé sous contrat classique. Dans le second degré, l'écart de taux d'encadrement en faveur de l'immersif est supérieur de 20 %.

2. Un audiovisuel public mobilisé

L'effort de l'État pour affirmer la présence des langues régionales dans les médias n'est pas moins important. Votre rapporteur rappelle qu'aux termes de l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, les composantes du service public audiovisuel sont chargées d'assurer la promotion de la langue française et des langues régionales, d'une part, de mettre en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France, d'autre part. La mission de production et de diffusion d'émissions en langues régionales a été réaffirmée à l'occasion de la loi du 5 mars 2009 réformant l'audiovisuel public.

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions transcrit fidèlement cette exigence. Ainsi, est-il stipulé que la société « veille à ce que, parmi les services qu'elle édite, ceux qui proposent des programmes régionaux et locaux contribuent à l'expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain et en outre-mer. ». Plus spécifiquement, « la programmation de France 3 contribue à la connaissance et au rayonnement des territoires et, le cas échéant à l'expression des langues régionales ». De même, au sein du Réseau France Outre-mer (RFO), les programmes des Télé Pays et des Radio Pays doivent « faire appel à tous les genres dans une ligne éditoriale proche des cultures et environnements des territoires ultramarins français et contribue à l'expression des langues régionales. » Radio France est soumise aux même obligations, son cahier des charges prévoyant que ses stations locales contribuent à l'expression des langues régionales.

Votre rapporteur a découvert avec satisfaction que cette mission de soutien aux langues régionales était bien remplie par les différents acteurs qui en ont la charge, si bien qu'un pourcentage significatif des temps d'antenne est aujourd'hui réservé à l'expression en langues régionales et à la découverte des cultures régionales. France 3 a ainsi diffusé en métropole 253 heures d'émissions en 2009 contre 213 heures en 2008, soit une augmentation du volume horaire global près de 20 %. L'effort se poursuit. De plus, la chaîne Via Stella spécifique à la Corse a diffusé 905 heures supplémentaires de programmes en corse, bilingues français/corse et en corse sous-titré en français. En outre, pour France Télévisions comme pour Radio France, les journaux d'information et les émissions de la diffusion classique sont reprises dans l'offre en différé et à la demande notamment sur Internet, avec des compléments aux émissions diffusées, le cas échéant. Votre rapporteur estime qu'Internet constitue, plus que les antennes classiques, un excellent instrument de diffusion des langues régionales, souple, peu onéreux et touchant les jeunes.

Enfin, il convient de rappeler que les dispositifs d'aide financière dont bénéficient les médias écrits et audiovisuels en français sont également ouverts aux médias qui utilisent les langues régionales. La presse en langue régionale peut bénéficier des aides à la presse, en particulier celles du fonds d'aide au développement des services de presse en ligne.

L'engagement de l'État se traduit donc par des investissements très importants, qui sont parfois méconnus mais qui couvrent d'ores-et-déjà les besoins identifiés, sans qu'il soit nécessaire d'adapter le cadre légal et réglementaire en vigueur.

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