N° 657

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi présentée par MM. Robert NAVARRO, Jean-Pierre BEL, Jean-Marc PASTOR, Claude BÉRIT DÉBAT, Alain ANZIANI, Didier GUILLAUME, Jean-Jacques MIRASSOU, Jean-Noël GUÉRINI, Serge ANDREONI, Jean BESSON, Georges PATIENT, Mme Bernadette BOURZAI, M. Roland POVINELLI, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Roland COURTEAU, François MARC, Roland RIES, Yves CHASTAN, Richard TUHEIAVA, Simon SUTOUR, Mmes Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Michèle ANDRÉ, Catherine TASCA, Odette HERVIAUX, M. Gérard COLLOMB, Mme Maryvonne BLONDIN, MM. Marcel RAINAUD, Ronan KERDRAON, Jean-Luc FICHET, Yannick BOTREL, Serge LARCHER, Jacky LE MENN, Mme Françoise LAURENT PERRIGOT, MM. Gérard MIQUEL, Jean-Pierre SUEUR, Pierre MAUROY, Mme Jacqueline ALQUIER et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative au développement des langues et cultures régionales ,

Par Mme Colette MÉLOT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-Claude Carle , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Catherine Dumas , secrétaires ; M. Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Claude Léonard, Mme Claudine Lepage, M. Alain Le Vern, Mme Christiane Longère, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mmes Mireille Oudit, Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

251 rect. (2010-2011)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi n° 251 rectifié déposée par notre collègue Robert Navarro et les membres du groupe socialiste sur le développement des langues et cultures régionales est de vaste portée.

Intervenant à la suite de l'inscription des langues régionales dans l'article 75-1 de la Constitution en tant qu'éléments du patrimoine de la France, elle touche à tous les domaines de compétences de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Sont ainsi concernés aussi bien l'éducation, les médias et le spectacle vivant que la place des langues régionales dans la vie publique, la vie économique et sociale, l'onomastique et la toponymie. Nombre de ses dispositions sont communes avec celles de la proposition de loi n° 213 déposée par notre collègue Jean-Paul Alduy et plusieurs membres du groupe UMP.

Ces initiatives parlementaires, ainsi que les fréquentes questions orales et écrites posées depuis la révision constitutionnelle de 2008 sur le sujet, témoignent de l'intérêt partagé par l'ensemble du Sénat pour la question des langues et cultures régionales.

Au terme des nombreuses auditions qu'elle a conduites (ministères de l'éducation nationale et de la culture, Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), France Télévisions, Association des régions de France (ARF), Unesco, linguistes et associations de promotions des langues régionales), votre rapporteur est convaincue que le temps des « guerres linguistiques » est révolu.

Certes, il faut conserver un statut prééminent au français, qui est notre langue nationale commune, la langue de la vie publique et de la République, un des piliers de l'unification de notre pays. Les langues régionales n'en constituent pas moins une des richesses culturelles qui honorent notre pays. Elles ne sont pas une menace pour le français, qui doit plutôt lutter au plan international pour conserver sa place.

I. LA NÉCESSITÉ D'UNE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR N'EST PAS AVÉRÉE

A. DES SITUATIONS CONTRASTÉES SELON LES TERRITOIRES EXIGEANT UN TRAITEMENT SOUPLE

L'appellation de langues régionales, si elle constitue un terme générique commode d'emploi, a l'inconvénient de masquer la grande variété des situations locales. Sans évoquer plus avant des cas épineux d'identification ou de caractérisation de certaines langues comme l'occitan/langues d'oc ou le poitevin-saintongeais, votre rapporteur a pu constater au cours de ses auditions l'hétérogénéité du paysage linguistique français. Le seul trait qui semble réunir les langues régionales est leur opposition au français. Cette distinction entre la langue nationale commune, langue de la vie publique et de la République et les langues à vocation régionale et largement privée doit être préservée, parce qu'elle est un des piliers de l'unification de notre pays. Cependant, il convient de rejeter la tentation de l'anathème et de reconnaître le trésor culturel que constituent les langues régionales, chacune à sa manière.

Il y a peu en commun entre des langues comme le basque, le breton, l'occitan et ses variétés, l'alsacien, le catalan, le corse, le flamand occidental, les créoles, le tahitien, les langues kanaks et amérindiennes. Elles diffèrent par le nombre des locuteurs, dont l'estimation est d'ailleurs difficile, d'autant qu'il faudrait distinguer entre la compréhension passive et l'expression active, la maîtrise de l'oral et de l'écrit. Beaucoup d'entre elles en outre mer connaissent encore une transmission naturelle dans les familles. En revanche, celle-ci s'est complètement étiolée en métropole où les langues régionales survivent grâce à l'école, contrairement à un préjugé répandu.

Certaines langues sont confinées à des territoires très restreints comme le Pays basque, le Roussillon ou l'arrondissement de Dunkerque, tandis que les variétés de l'occitan couvrent la moitié Sud du pays. Certaines langues sont en fait internationales et reconnues dans des pays voisins à l'instar du catalan en Espagne et en Sardaigne. Si l'allemand est adopté comme forme écrite de l'alsacien, les locuteurs de flamand occidental n'adoptent pas le standard néerlandais. Les unes connaissent une littérature pluricentenaire comme le breton par exemple, certaines ne sont pas encore véritablement dotées d'un standard écrit.

De même, l'intervention des collectivités diffèrent d'un territoire à l'autre, en fonction des priorités librement déterminées de leur politique. Certaines régions comme l'Alsace mènent une politique vigoureuse en faveur de leur langue propre, d'autres pas. Parfois des organismes très structurés existent comme l'office public de la langue basque dont chacun salue l'efficacité et le succès. Faut-il pour autant imposer ce modèle partout ?

Votre rapporteur considère que la préservation du patrimoine des langues et cultures régionales est une responsabilité incombant prioritairement aux collectivités où elles sont en usage, ainsi que l'indique l'inscription des langues régionales au sein du titre de la Constitution consacré aux collectivités territoriales. Il revient à ces dernières de déterminer les modalités d'action qu'elles jugent pertinentes pour répondre à la demande sociale locale. Il ne paraît donc ni légitime, ni utile de confier au législateur la tâche de tracer un cadre uniforme commun, qui sera par nature mal ajusté aux spécificités de telle et telle langue, de tel et tel territoire.

L'hétérogénéité des langues et des territoires explique et justifie la diversité des politiques locales et des instruments employés. Plutôt que de figer des situations très évolutives et mouvantes par des normes nationales, il faut laisser les initiatives locales se développer. D'ailleurs, votre rapporteur a pu constater la vitalité des associations de promotion des langues régionales et des délégations régionales constituées à cet effet, en Aquitaine et en Midi-Pyrénées notamment. Le cadre légal et réglementaire actuel ne freine pas les projets nombreux mis en oeuvre localement. Tout au plus une circulaire pourrait-elle être utile pour lever certaines ambiguïtés d'interprétation.

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