AUDITION DE M. XAVIER BERTRAND, MINISTRE DU TRAVAIL,
DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

Réunie le mercredi 8 juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procèdé à l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010.

M. Jean Arthuis , président . - Nous accueillons monsieur Xavier Bertrand, en sa qualité de ministre du travail, de l'emploi et de la santé, dans le cadre du cycle d'auditions organisé par la commission des finances sur le projet de loi de règlement des comptes de l'année 2010. C'est au titre des deux missions, « Travail et emploi » et « Santé », placées sous votre responsabilité que les rapporteurs spéciaux, puis les membres de la commission qui le souhaitent, vous interrogeront sur l'utilisation des crédits de ces missions pendant l'année qui vient de s'achever.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » . - A titre liminaire, je souhaite poser une question d'ordre général, que j'ai déjà évoquée avec le Premier ministre, sur la concertation qu'il serait souhaitable d'instaurer entre les ministres et les rapporteurs spéciaux. Il est en effet regrettable de constater, années après années, que les budgets sont très substantiellement augmentés en cours d'exécution, modifiant ainsi le vote intervenu en loi de finances initiale. S'agissant des crédits de la mission « Travail et emploi », je constate que les crédits consommés se sont élevés à 14,7 milliards d'euros, soit un dépassement de crédits de plus de 3,2 milliards d'euros par rapport à la dotation initiale de 11,47 milliards d'euros. Si mon avis avait été sollicité, j'aurai suggéré d'abonder d'autres dispositifs que celui des contrats aidés dont l'efficacité en matière de retour à l'emploi n'est pas satisfaisante. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, j'avais notamment proposé de renforcer plusieurs mesures en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, telles que les missions locales, les écoles de la deuxième chance et les aides pour la formation au permis de conduire.

Au passage, on aurait pu soutenir que ces quelque trois milliards d'euros auraient pu contribuer à compenser la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Enfin pour revenir aux contrats aidés, leur durée pouvant atteindre deux ans, je signale que l'augmentation massive de leur nombre en 2010 risque également d'entraîner à la hausse les crédits votés pour 2011.

M. Jean Arthuis , président . - En d'autres termes, la surconsommation de crédits constatée en 2010 entraînera-t-elle durablement le budget du travail et de l'emploi hors de la trajectoire de la norme de dépense et de la programmation pluriannuelle des finances publiques ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé . - Le problème est simple, l'année 2010 a été difficile sur le front de l'emploi. Le Gouvernement a donc été amené à procéder à des reports massifs de crédits. La mission « Travail et emploi » a en effet enregistré 2,8 milliards d'euros de dépassement de crédits du fait des transferts issus de la mission « Plan de relance de l'économie » et de la loi de finances rectificative. Voici des chiffres concernant ces crédits supplémentaires :

- un report de crédits non consommés de 2009 pour un montant de 200 millions d'euros ;

- 1,2 milliard d'euros au titre du plan de relance ;

- 1,4 milliard d'euros en loi de finances rectificative.

Dans ce total, 1,8 milliard d'euros concernent les contrats aidés, ce que j'assume totalement même si nous sommes en désaccord sur ce point. Il y a ensuite les dispositifs de reclassement (400 millions d'euros) et la compensation des exonérations de charges sociales.

En outre, le président de la République a annoncé un abondement de 500 millions d'euros votés dans le cadre de la loi de finances rectificative relative aux investissements d'avenir pour soutenir l'apprentissage.

Mais la vraie question n'est pas de savoir s'il y a des dépassements de crédits, mais plutôt si leur affectation est justifiée. Or, en cette période de sortie de crise, j'assume les divergences et je revendique la nécessité de recourir aux contrats aidés, qu'ils soient conclus dans le secteur marchand ou non marchand. Cet outil est important et indispensable lorsqu'il faut lutter contre le chômage de masse. Il faut rappeler que ce dispositif s'adresse aux personnes qui sont les plus éloignées de l'emploi. On ne retrouve pas facilement un emploi quand on est au chômage depuis trois ans. La lutte contre le chômage de longue durée est ma priorité : 350 millions d'euros y sont consacrés en 2011 et 150 millions le seront en 2012 pour l'emploi des jeunes et l'apprentissage. Une proposition de loi de Gérard Cherpion pour le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée est également en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Le dispositif de cofinancement Etat-département des contrats aidés, auquel je crois « dur comme fer » a dépassé l'objectif fixé à 60 000 contrats pour atteindre le niveau de 90 000. Par rapport au revenu de solidarité active (RSA) dont le coût unitaire pour le département est de 467 euros pour une personne seule, ce cofinancement d'un montant de 411 euros représentera donc à la fois une économie pour les conseils généraux et un meilleur taux de retour à l'emploi.

S'agissant du souhait exprimé par M. Dassault d'être associé aux décisions, ou tout du moins d'être consulté, je précise que si le choix de renforcer les contrats aidés n'est pas forcément le vôtre, même si vous vous situez dans la majorité présidentielle, c'est que ce choix relève de l'exécutif. Ensuite, l'objet des lois de finances rectificatives est précisément de soumettre au Parlement les modifications intervenues en cour d'année. Chacun est donc dans son rôle.

M. Jean Arthuis , président . - Vous avez fait référence au RSA et vous savez que près d'un milliard d'euros relevant du fonds national des solidarités actives serait inutilisé. Il pourrait permettre de compenser les dépenses des départements au titre du RSA. Cette question ne devrait-elle pas relever du périmètre de votre ministère ?

M. Xavier Bertrand . - Le retour du travail et de l'emploi au sein d'un ministère unique représente déjà un défi, auquel s'ajoute la santé ! Je ne voudrais pas empiéter sur les compétences de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale en abordant la question du RSA.

M. Claude Belot . - Si l'emploi en entreprise doit être privilégié, il est indéniable que le recours aux contrats aidés permet de surmonter les épisodes de montée du chômage. Or, j'observe que la collaboration entre Pôle emploi et les départements est perfectible en matière d'insertion. Ainsi, dans mon département de la Charente-Maritime, près de 300 personnes sont suivies par les services du conseil général mais nous ne voyons pas, sur le terrain, les crédits budgétaires de l'Etat. L'ancien commissaire aux solidarités a mis en lumière les 997 millions d'euros qui dorment dans les caisses. Je souhaiterais que vous puissiez approfondir cette question.

M. Xavier Bertrand . - Non seulement nous allons approfondir ce point, mais nous allons changer le système. Jusqu'à présent, nous avons trop centralisé. Il faut décentraliser la prise de décision. Je citerai en exemple le cas des emplois dans la logistique. Pour conduire un « Fenwick », il faut obtenir le certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES). Or, comme les lots de formation à cette qualification sont ventilés au niveau national, un demandeur d'emploi qui dispose pourtant d'une promesse d'embauche peut attendre plusieurs mois le droit de suivre cette formation. Il ne s'agit donc pas seulement d'une question de budget mais d'accès à la formation. Même lorsque les crédits existent, il faut plus de six mois pour obtenir une date de passage du permis de conduire !

Dans le même esprit, la nouvelle feuille de route que nous allons donner à Pôle emploi s'appuiera sur une plus grande décentralisation de la structure, au niveau des agences locales, afin de gagner en réactivité et en efficacité ! L'accès à la formation permet de mettre plus vite en relation les demandeurs d'emploi avec les entreprises. Si on ne fait rien, 36,7 % des offres d'emploi mettront du temps à être pourvues. Ainsi, il fallait en moyenne 32 jours pour qu'une offre d'emploi soit satisfaite. La réduction d'une seule journée du résultat de cet indicateur de Pôle emploi correspond à 10 000 chômeurs de moins, c'est-à-dire exactement de la baisse du nombre de demandeurs d'emploi en avril dernier.

Comme modèle de décentralisation, je vais m'appuyer sur les services publics de l'emploi locaux (SPEL). Il s'agit pour l'instant d'une structure institutionnelle qui doit devenir opérationnelle sous l'impulsion des sous-préfets, à l'image d'un ministre du travail local. Ils ont une légitimité et un vrai rôle. Le sur-mesure doit se faire sur le terrain, bassin d'emplois par bassin d'emplois.

Enfin, je vous annonce que la politique de « stop and go » vécue en 2010 pour les contrats aidés ne se reproduira pas. Elle est détestable tant pour les collectivités locales que pour les titulaires de ces contrats, notamment lorsqu'au milieu de l'année 2010, une commune ne savait pas dans quelle mesure elle pouvait renouveler ou non ses contrats d'insertion. Par exemple, dans l'Aisne, 5 950 contrats aidés étaient consommés au mois d'octobre pour une enveloppe de 6 000 contrats. Il faut mieux planifier pour éviter toute perte de droit.

M. Jean Arthuis , président . - S'il faut constater l'effort d'analyse des résultats des indicateurs de performances du rapport annuel de performances de la mission « Travail et emploi », il n'y a toujours aucune évaluation de l'efficacité de la prime pour l'emploi dont le coût actualisé pour 2010 a dépassé la prévision (3,56 milliards d'euros au lieu de 3,2 milliards). On ne connaît toujours pas la part des bénéficiaires de la prime pour l'emploi précédemment au chômage ou inactifs. Cette dépense fiscale, dont l'effet sur le retour à l'emploi n'est semble-t-il pas mesurable, a-t-elle encore vocation à perdurer ? La prime pour l'emploi ne doit-elle pas être supprimée au profit du revenu de solidarité active (RSA) ?

M. Xavier Bertrand . - Sur l'évaluation de la dépense fiscale en tant que telle, cette question relève de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur le fond, le débat a déjà eu lieu lors du vote de la loi instituant le RSA. La prime pour l'emploi a été maintenue car il ne faut pas oublier que cette mesure a un effet important sur le pouvoir d'achat et ne se limite donc pas à la politique de l'emploi.

M. Jean Arthuis , président . - Cette dépense fiscale est pourtant rattachée à la mission « Travail et emploi » qui relève de votre compétence.

M. Xavier Bertrand . - Certes, mais la politique fiscale ne relève pas de mon ministère. S'il s'agissait d'attribuer au ministère du travail des crédits supplémentaires, je saurais où les affecter utilement.

M. Jean Arthuis , président . - De manière plus appropriée que pour la prime pour l'emploi ?

M. Xavier Bertrand . - Ce n'était pas le sens de ma réponse.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Je rappelle que ce ne sont pas les contrats aidés du secteur non marchand dans les associations et les communes qui permettent d'orienter les jeunes vers l'emploi durable.

Ensuite, je considère que l'indemnisation du chômage relève davantage de la solidarité que de la politique de l'emploi car ce n'est pas une aide financière qui encourage au retour à l'emploi.

Enfin, je souhaiterais que le modèle des missions locales soit plus largement répandu et notamment que Pôle emploi prenne davantage en charge l'insertion professionnelle des jeunes. Mais, le problème est encore plus vaste puisque le problème du chômage des jeunes résulte aussi de l'échec de l'Education nationale et de l'inadaptation des collèges pour orienter tous les élèves, au moins vers une qualification professionnelle.

M. Xavier Bertrand . - Si vous voulez parler de l'apprentissage, il existera un terrain d'entente entre vos propositions et les mesures que le Gouvernement propose dans le collectif budgétaire que vous allez examiner très prochainement.

S'agissant de votre volonté de rapprocher les acteurs de l'emploi des jeunes, je souscris à la nécessité de revoir l'organisation des missions locales, des maisons de l'emploi et de Pôle emploi. Il y a peut être des doublons à examiner et ce sera la tâche des SPEL.

Quant à elles, les missions locales ont contribué à la régression du chômage des jeunes mais les taux d'insertion dans l'emploi varient encore fortement : entre 18 % et 62 % selon qu'il s'agit d'une zone urbaine sensible ou pas. Sans remettre en cause le fort investissement des missions locales, il faut maintenant introduire une logique d'amélioration des résultats là où les marges de progression existent.

M. Philippe Adnot . - Le « RSA chapeau » intègre-t-il la PPE ?

M. Xavier Bertrand . - Oui, si le total des sommes versées au titre du « RSA chapeau » est supérieur à la PPE, le ménage est gagnant. Si, au contraire, le « RSA chapeau » est inférieur à la PPE, le ménage percevra un complément de PPE pour combler la différence.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Pouvez-vous préciser les raisons du dépassement de 3,2 milliards d'euros des crédits de la mission « Travail et emploi » en 2010 ?

M. Xavier Bertrand . - Il s'agissait de ma première réponse. Pour ma part, je retiens le chiffre de 2,8 milliards d'euros supplémentaires, destinés aux programmes 102 et 103, car vous devez intégrer dans votre calcul les 500 millions d'euros ouverts en faveur de l'apprentissage au titre des investissements d'avenir.

M. Jean Arthuis , président . - La parole est maintenant au rapporteur spécial des crédits de la mission « Santé ».

M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial de la mission « santé » . - Dans la note d'exécution budgétaire relative à la mission « Santé », la Cour des comptes propose d'assurer, à l'avenir, une meilleure traçabilité des crédits délégués aux agences régionales de santé (ARS) en rattachant ceux-ci à des politiques de santé publique ou des plans de santé publique précis. De même, la Cour propose que soit élaboré un indicateur permettant de mesurer la performance des agences.

Quelles suites entendez-vous donner à ces deux recommandations de la Cour qui rejoignent les observations que j'avais également formulées en ma qualité de rapporteur spécial lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2010 et 2011 ?

M. Xavier Bertrand . - La suite la plus immédiate possible. La déclinaison régionale de ce que l'on met en place m'intéresse au plus haut point. Avec Roselyne Bachelot-Narquin, nous avons, dans le cadre du pilotage des ARS, retenu douze indicateurs : l'amélioration du dépistage du cancer, la réduction des écarts d'équipement en établissements d'accueil pour personnes âgées ou handicapées, la diminution des établissements de santé certifiés avec réserves, etc...

Il faut également une vraie traçabilité des crédits s'agissant des dépenses de personnel et de fonctionnement, mais aussi des dépenses d'intervention, afin de pouvoir rendre compte de ce qui est effectivement mis en place. C'est par ce biais notamment que l'on pourra démontrer, contrairement à l'opinion couramment admise, que les crédits en faveur du secteur de la santé sont en augmentation. Je souhaiterais même pouvoir disposer de tableaux de bord infra-annuels. C'est difficile et long à mettre en place compte tenu de la création récente des ARS. Mais je suis très allant sur cette question. Mon souhait est, par ailleurs, d'intégrer dans ces dispositifs d'évaluation et de suivi les programmes régionaux de santé.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Je souhaite soulever une première difficulté s'agissant des ARS. La communication entre certaines agences et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) est parfois difficile. En particulier, rien ne peut être fait dans une ARS tant que la « lettre- réseau » n'est pas signée par le directeur général de l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand . - C'est en train de changer. Je me suis entretenu de ces problèmes avec Frédéric Van Roekeghem. Faites-vous référence à un exemple très récent ?

M. Jean-Pierre Fourcade . - Il s'agit de l'ARS de Franche-Comté.

M. Xavier Bertrand . - Cette difficulté de communication entre les ARS et l'assurance maladie constitue une perte de temps phénoménale.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Ma deuxième question porte sur les Unions régionales des professionnels de santé (URPS). La création de ces structures constitue une avancée : elles permettent enfin aux différentes professions médicales et paramédicales de se rencontrer. Malheureusement, toutes ne sont pas encore complètes et aucun financement ne leur a été accordé. La CNAM refuse de leur verser des crédits tant que le décret sur les modalités d'organisation et de financement de ces structures n'est pas sorti.

M. Xavier Bertrand . - Ce problème est en voie de règlement. Ce n'est qu'une question de délais entre la signature du décret et le versement des sommes. Ce n'est pas une question de crédits insuffisants, ces crédits sont prévus.

M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial . - Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 prévoit la mise en place d'un dispositif spécifique d'indemnisation des victimes du benfluorex. Il prévoit en outre l'ouverture de crédits supplémentaires sur la mission « Santé » à hauteur de 5 millions d'euros afin de couvrir les frais d'expertise des premiers dossiers qui seront examinés par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Quel est le coût prévisionnel total de ce dispositif d'indemnisation ?

M. Xavier Bertrand . - Je ne suis pas en mesure de vous répondre car je ne connais pas le nombre de victimes, ni le préjudice subi par chacune d'entre elles. Nous en saurons peut-être davantage, cet été, quand sera mis en place le dispositif que nous proposons dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

Il était de ma responsabilité de proposer au Parlement la définition d'un régime spécifique d'indemnisation car le dispositif proposé par les Laboratoires Servier n'était pas satisfaisant : non seulement il ne prévoyait pas de réparation intégrale du préjudice subi, mais en outre il empêchait les victimes de faire valoir leurs droits devant une juridiction civile.

M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial . - En 2005, j'avais souligné, lors d'une mission de contrôle, les faiblesses des systèmes d'information du secteur de la santé. Quel est l'état d'avancement du dossier médical personnel (DMP) dont le Gouvernement avait annoncé la relance au printemps 2009 ?

M. Xavier Bertrand . - Nous sommes toujours en phase d'amorçage. Selon les chiffres dont je dispose, 10 000 DMP ont été ouverts. Je regrette qu'à l'époque, nous n'ayons pas opté pour un support mobile - une clé USB cryptée - qui aurait permis de démarrer plus vite. En revanche, nous avons été au rendez-vous s'agissant du dossier pharmaceutique.

M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial . - Avez-vous progressé dans vos réflexions sur la délicate question de la gestion de la péremption des produits stockés par l'Etablissement de préparation et de réponses aux urgences sanitaires (EPRUS) ? Lors de ma mission de contrôle sur l'EPRUS, vos services évoquaient la mise en place d'un statut particulier pour ce type de produits ne mentionnant pas de date de validité mais uniquement une date de fabrication en contrepartie d'études de stabilité régulières.

M. Xavier Bertrand . - L'idée de créer l'EPRUS m'est venue en me rendant aux Etats-Unis pour visiter leur centre de gestion de crise. C'était après que j'ai eu à gérer l'épidémie du chikungunya et à élaborer le plan de préparation à une pandémie grippale de type H5N1.

Nous avions indiqué à l'époque qu'à compter de 2011, il conviendrait de mettre en place une planification des renouvellements des stocks sur la base du principe que vous venez d'énoncer. Je vous transmettrai le bilan de ces travaux d'évaluation.

M. Jean Arthuis , président . - Depuis 2008, des efforts ont été menés pour éviter des sous-budgétisations manifestes des dépenses relatives à l'aide médicale de l'Etat (AME). Néanmoins, 98 millions d'euros ont dû être ouverts par la loi de finances rectificative pour 2010, soit près d'un cinquième de la dotation initialement prévue en loi de finances.

La hausse exceptionnelle des dépenses de 2009 qui a eu un effet de base important en 2010 ne pouvait-elle pas être mieux prise en compte lors de l'élaboration du PLF pour 2010 ? Quelle est la tendance de ces dépenses en 2011 ? Quel est l'impact des mesures prises en projet de loi de finances pour 2011 destinées à encadrer le dispositif de l'AME ?

M. Xavier Bertrand . - Au premier trimestre 2011, on constate un taux d'évolution de ce poste de dépenses de 1,1 % en glissement annuel. Nous sommes très loin des taux d'évolution de 13 % observés en 2009 et 2010.

La forte croissance des dépenses d'AME ces deux dernières années tient à trois éléments : une augmentation des tarifs journaliers des prestations des établissements de santé, une amélioration des contrôles effectués par les hôpitaux et un transfert de charges du dispositif « Etranger malade » vers l'AME.

Sur le deuxième point - l'amélioration des contrôles -, je souhaite revenir sur la confusion souvent faite entre, d'une part, la révélation des abus et, d'autre part, leur progression. Il n'y a pas plus de fraude, simplement on en découvre plus. Devant la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale, j'ai indiqué qu'en matière sociale, le montant des fraudes détectées s'est élevé en 2010 à 458 millions d'euros. Le montant réel des abus est sans doute beaucoup plus élevé.

J'ajoute enfin que les différentes mesures adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 - mise en place d'un droit de timbre de 30 euros à compter du 1 er mars 2011, délimitation du panier de soins, contrôle préalable pour certains actes - permettra d'éviter les dérives budgétaires des années précédentes.

M. François Trucy . - La loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux d'argent et de hasard en ligne a créé de nouveaux prélèvements sociaux sur les jeux. Une partie du produit de ces prélèvements a été affecté à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) au titre de la prévention. Le produit restant est versé à la Caisse nationale d'assurance maladie. A défaut de pouvoir flécher ces recettes sur la prise en charge des joueurs pathologiques, nous avions insisté lors des débats parlementaires pour qu'un effort supplémentaire soit réalisé en faveur de la lutte contre l'addiction. Aujourd'hui, aucun crédit supplémentaire n'a été versé aux centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie. Cette situation n'est pas acceptable. J'ai besoin de réponses rapides sur ce sujet.

M. Xavier Bertrand . - Je vous transmets les coordonnées de mon collaborateur qui suit ces sujets.

Les engagements pris au moment de l'examen de ce projet de loi étaient sans doute sincères, mais il faut ensuite suivre les choses jusqu'au bout. Je suis convaincu qu'un ministre, lorsqu'il prend des décisions, doit veiller à ce qu'elles soient effectivement appliquées. Nous avons encore des progrès à faire en termes de gouvernance.

M. Jean Arthuis , président . - L'article 90 du projet de loi de finances pour 2011 - devenu l'article 200 de la loi de finances - a supprimé, à compter du 1 er janvier 2011, deux exonérations spécifiques de cotisations sociales à la charge de l'employeur, dans le domaine des services à la personne :

- d'une part, l'abattement forfaitaire de quinze points sur les cotisations sociales dues par les particuliers employeurs cotisant sur l'assiette réelle ;

- d'autre part, la franchise de cotisations patronales dont bénéficient les prestataires agréés ou déclarés intervenant auprès de publics dits « non fragiles ».

A l'appui de cet article, sur lequel je vous rappelle que les débats ont été très vifs à l'Assemblée nationale comme au Sénat au sein même de la majorité, le Gouvernement avait annoncé des économies sur le budget de l'Etat de l'ordre de 460 millions d'euros en 2011 et environ 700 millions d'euros les années suivantes. Quant aux dispositifs fiscaux dérogatoires (réduction et crédit d'impôt pour l'emploi des salariés à domicile), ceux-ci n'ont pas été modifiés en loi de finances initiale pour 2011, bien que, à titre personnel, j'avais proposé de les intégrer dans le rabot de 10 % des niches fiscales afin de maintenir autour de dix points l'abattement forfaitaire de cotisations sociales.

Le soutien parlementaire apporté à cette réforme était conditionné par l'absence d'impact de la mesure sur les publics fragiles. Sur ce point, la commission des finances avait obtenu, au cours des débats, une note adressée par les services du Premier ministre précisant la portée dudit article 90 indiquant explicitement que : « Les publics fragiles ne sont pas concernés par l'article 90 ».

Si la commission des finances a soutenu le Gouvernement dans sa démarche générale de réduction des niches sociales, elle a expressément souhaité que soit rapidement évalué l'impact de cette mesure sur le secteur de l'aide à domicile. A l'époque, plusieurs de nos collègues avaient indiqué que les économies escomptées seraient plus faibles que prévues : en effet, les particuliers paieront davantage de charges sociales en 2011 mais obtiendront davantage de réduction d'impôt l'année suivante.

Qu'en est-il ? Quelle est votre évaluation de l'application de ce dispositif sur le volet de l'emploi et celui des économies réalisées ?

M. Xavier Bertrand . - En tant que parlementaire, je me suis posé beaucoup de questions sur ce dispositif. J'ai été convaincu par l'argumentaire du Gouvernement. Nous attendons le rapport d'évaluation de l'Agence central des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à la fin du mois de juin.

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