B. DES CONTREPARTIES INDISPENSABLES EN CAS DE SOUTIEN PUBLIC

1. Une dépendance regrettable mais inévitable à l'égard des marchés

La dépendance de Dexia à l'égard des marchés est double car liée à son statut d'émetteur coté et dont le coeur de métier ne permet pas d'assurer une base de dépôts qui contribue de manière substantielle au financement 77 ( * ) . La santé financière du groupe est donc largement conditionnée par la perception des investisseurs et des agences de notation, ces dernières ayant joué un rôle déterminant dans le déclenchement de la crise et l'intervention des Etats.

On peut naturellement déplorer une telle situation , qui conduit à ce que la pérennité d'une banque systémique soit tributaire de facteurs tout autant psychologiques (mimétisme, surréaction à court terme, impact prescripteur des notations...) que d'une analyse objective des fondamentaux. Cette critique n'est toutefois pas porteuse de solution. En l'espèce, la légitimité de l'intervention des Etats réside dans leur capacité à introduire un facteur exogène de stabilisation et à rétablir une perception plus rationnelle chez les acteurs financiers.

Dès lors qu'une telle intervention présente un risque - même très limité - de mise à contribution des fonds publics, et donc de « socialisation des pertes », il est indispensable que l'Etat puisse « poser ses conditions » et exige de justes contreparties , non seulement à l'égard de Dexia, mais lors de tout soutien public.

2. Un actionnariat public vigilant et exigeant
a) Formaliser un pacte entre les actionnaires publics français de Dexia

Comme en 2008, les acteurs publics s'affirment en tant qu' « ultime recours » pour Dexia et renforcent leur influence même si, sur le plan comptable, leur présence au capital du groupe n'est pas modifiée 78 ( * ) . La partie française continuera ainsi de détenir 26,4 % du capital , la minorité de blocage dans une société anonyme étant de 25 % en droit belge 79 ( * ) .

Les trois actionnaires publics français - Etat, CDC et CNP Assurances -, qui disposent de quatre représentants au conseil d'administration de Dexia SA, ont un devoir de grande vigilance et de concertation sur la mise en oeuvre du plan de démantèlement du groupe, qu'il serait utile de formaliser dans un pacte d'actionnaires 80 ( * ) .

A l'instar des pactes liant l'Etat et le Fonds stratégique d'investissement 81 ( * ) au titre des participations détenues conjointement dans les sociétés cotées France Télécom et Aéroports de Paris, ces accords pourraient prévoir au moins les cas suivants de concertation obligatoire :

- un échange de points de vue afin de rechercher une position commune sur les résolutions en assemblée générale des actionnaires. Plus précisément, votre rapporteur générale estime indispensable que les actionnaires publics arrêtent une position commune sur toute question afférente aux rémunérations des dirigeants et membres du conseil d'administration ainsi qu'aux conventions réglementées qui les lient à la société ;

- une obligation générale d'information préalable entre les parties pour toute opération portant sur les actions ou droits de vote de la société, et une obligation de concertation préalable en cas de projet de cession par les parties susceptibles d'intervenir à des échéances rapprochées. Le cas échéant, ce pacte pourrait prévoir des clauses de préemption, de sortie conjointe ou de droit de suite.

Ce pacte organiserait donc la politique commune des actionnaires publics à l'égard de Dexia et serait, dès lors, constitutif d'une action de concert . Dexia étant cotée, il devrait faire l'objet d'une publication sur le site de l'Autorité des marchés financiers et, pour la Belgique, de la récente Autorité des marchés et services financiers.


* 77 Si les filiales de banque de détail (DBB et DBIL) et de gestion d'actifs (DAM) sont importantes, avec, respectivement et au 31 décembre 2010, 135,6 milliards d'euros de dépôts et 86,4 milliards d'euros d'actifs sous gestion, les collectivités territoriales françaises ne peuvent effectuer des dépôts auprès des banques.

* 78 DBB est nationalisée par l'Etat belge et la CDC acquiert 65 % de DexMA, mais il s'agit bien d'une cession et d'une sortie du groupe de ces deux filiales (nonobstant la participation de 35 % de Dexia au capital de DexMA, qui ne sera plus comptabilisée par consolidation intégrale).

* 79 Et du tiers en droit français.

* 80 L'Etat, la CDC et la CNP ne sont aujourd'hui pas liés par un pacte d'actionnaires. En revanche, un accord constitutif d'une action de concert, notifié à Dexia SA le 30 août 2007, a été conclu entre le groupe coopératif Arcofin, la CDC, la CNP, Ethias et Holding communal .

* 81 Ces deux pactes ont été conclus le 25 novembre 2009 et sont constitutifs d'une action de concert.

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