EXAMEN DES ARTICLES

Article 4 - Contrôle des documents d'état civil fournis à l'appui d'une demande de délivrance de CNI ou de passeport

Le présent article vise à prévoir la vérification, par les agents chargés du recueil ou de la délivrance des titres d'identité, auprès des officiers d'état civil compétents, des données d'état civil apportées par le demandeur du titre.

L'Assemblée nationale n'a procédé qu'à des modifications rédactionnelles.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5 - Fichier central biométrique des cartes nationales d'identité et des passeports

Le présent article autorise la création du fichier central contenant l'ensemble des données, notamment biométriques, requises pour la délivrance du passeport et de la carte nationale d'identité.

En première lecture, votre commission a souhaité, à l'invitation de son rapporteur, apporter une garantie matérielle qui rend impossible l'identification d'une personne à partir de ses seules empreintes biométriques enregistrées dans la base : il s'agit du système dit du « lien faible ».

Les fichiers dits à « liens faibles »

Dans son principe, ce dispositif consiste à associer un même numéro, compris par exemple entre 1 et 10 000, à l'identité et aux empreintes d'une personne, sans créer de lien direct entre l'identité et les empreintes. Sur une population de 60 millions de personnes, chaque numéro correspondrait à 6 000 personnes. Une empreinte renvoie donc à un numéro, qui renvoie lui-même à 6 000 noms 8 ( * ) . Ainsi, tout se passe comme si 10 000 empreintes étaient rangées dans un tiroir portant un numéro, les 10 000 identités correspondant dans un second tiroir portant le même numéro, et les 10 000 visages dans un troisième tiroir portant lui aussi le même numéro.

Il y a alors deux façons de constituer la base :

- attribuer les numéros au hasard, ce qui est l'option la plus simple. Celle-ci ne présente aucune difficulté technique.

- créer les numéros à partir des empreintes digitales des intéressés afin de rendre possible de recréer le bon numéro sur présentation de l'empreinte. Concrètement, il s'agit « d'écrire » l'empreinte sous la forme d'un unique nombre compris entre 1 et 1 milliard, et de ne retenir, pour l'inscrire dans la base, que les trois, quatre ou cinq derniers chiffres. Ceci évite qu'une image de l'empreinte soit enregistrée physiquement dans la base (en revanche elle l'est sur la carte d'identité). Ce dernier procédé a été breveté par la SAGEM.

L'identification d'un individu par ses seules empreintes digitales à travers la base est impossible, puisqu'une série d'empreintes renvoie à 10 000 individus.

En revanche, la détection d'une tentative d'usurpation d'identité est garantie à presque 100% puisque, dans une population de 60 millions de français, il y a très peu de chance que les empreintes du fraudeur soient dans le même « tiroir » que celle de la personne dont il tente d'usurper l'identité.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif et rétabli celui de la proposition de loi initiale, en conservant toutefois les apports du Sénat quant à la traçabilité des consultations du fichier. Ce faisant, elle a rendu possible l'utilisation du fichier à des fins d'identification des personnes par leurs empreintes digitales.

Elle a par ailleurs modifié le dernier alinéa de l'article 5 qui indique que l'identification du demandeur d'un titre d'identité ne peut s'y effectuer qu'au moyen de l'ensemble des données inscrites dans le document. Ainsi rédigée, la disposition paraît sans portée normative, puisqu'alors qu'elle annonce une restriction d'accès, elle ouvre, en réalité, l'accès à la totalité des données présentées.

Pour les raisons évoquées dans l'exposé général, votre commission s'oppose à la suppression de la garantie matérielle cruciale qu'elle avait mise en place en proposant la conception du fichier à partir des liens faibles. Elle a par conséquent adopté un amendement de son rapporteur rétablissant le texte résultant des travaux du Sénat.

En outre, constatant que la rédaction proposée par l'Assemblée nationale rend possible, contrairement à celle retenue par le Sénat, non seulement l'identification d'une personne par ses empreintes digitales, mais aussi, faute de l'exclure, son identification par des procédés de reconnaissance faciale, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur interdisant l'utilisation de tels dispositifs.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi rédigé .

Article 5 bis - Modalités du contrôle d'identité à partir du titre d'identité

Le présent article tend d'une part à prévoir que la justification de son identité par le porteur du titre d'identité s'effectue uniquement à partir des éléments inscrits sur la carte, et, d'autre part à limiter aux agents chargés des missions de contrôle ou de vérification de l'identité l'accès aux empreintes digitales enregistrées sur le composant électronique du titre.

En séance publique au Sénat, un amendement du gouvernement a été adopté remplaçant la référence à des agents « habilités » à accéder aux empreintes digitales enregistrées sur le composant électronique du titre d'identité par la référence aux « agents chargés des missions de recherche et de contrôle de l'identité des personnes, de vérification de la validité et de l'authenticité des passeports et des cartes nationales d'identité électronique ». En effet, une procédure d'habilitation étant susceptible d'apporter beaucoup de rigidité au dispositif, il a été jugé préférable de désigner les intéressés par la nature de leur tâche.

Les députés ont adopté un amendement rédactionnel substituant au terme de « vérification d'identité », celui, plus précis, de « justification d'identité »

Votre commission a adopté l'article 5 bis sans modification .

Article 5 ter - Information sur la validité des titres d'identité présentés

Le présent article a pour objet, à l'instar de ce qui se pratique pour les chèques irréguliers, d'autoriser certains opérateurs publics ou privés à consulter le fichier central pour s'assurer de la validité ou non du titre d'identité qui leur est présenté.

Un amendement du gouvernement adopté en séance publique au Sénat a étendu le champ des opérateurs concernés, initialement restreint aux administrations et aux opérateurs privés, à ceux qui assurent des missions de service public, ce qui permet d'inclure les organismes de protection sociale (caisses d'allocations familiales, d'assurance maladie, d'assurance retraite, Pôle-Emploi...) et les centres de formalités des entreprises (URSSAF, chambres de commerce et d'industrie, chambres des métiers et de l'artisanat, greffes des tribunaux de commerce).

Un amendement de votre commission adopté en séance publique a précisé que le décret réglant les modalités de cette consultation serait soumis à un avis de la CNIL publié et motivé.

Les députés n'ont apporté à cet article que des modifications d'ordre rédactionnel.

Votre commission a adopté l'article additionnel 5 ter sans modification .

Article 6 - Modalités réglementaires d'application

Le présent article précise que les modalités d'application de la proposition de loi, seront fixées par décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL.

Un amendement de votre commission adopté en séance publique a imposé, comme à l'article précédent, que cet avis de la CNIL soit motivé et publié.

Marquant leur accord avec le dispositif proposé, les députés ont souhaité, à l'invitation du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, apporter une précision supplémentaire : le décret d'application du texte devra notamment définir la durée de conservation des données incluses dans le traitement créé à l'article 5 de la présente loi.

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 7 bis A (pour mémoire) (Art. 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006) - Consultation du fichier central biométrique des CNI et passeports par les services en charge de la lutte contre le terrorisme

Adopté conforme par l'Assemblée nationale, le présente article mérite néanmoins un commentaire à l'occasion de cette deuxième lecture car sa portée varie selon la teneur de l'article 5, modifié par l'Assemblée nationale.

Le présent article, qui résulte de l'adoption d'un amendement du gouvernement en séance publique au Sénat, avait pour objet de conserver aux services en charge de la lutte contre le terrorisme l'accès aux actuels systèmes de gestion des cartes nationales d'identité et de passeports que leur ouvre actuellement l'article 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

Votre commission n'avait donné un avis favorable à l'adoption de cet amendement qu'à la condition que le fichier central biométrique soit conçu sur la base du « lien faible ».

En effet, en l'état actuel du droit, les services en charge de la lutte contre le terrorisme ne peuvent utiliser les empreintes digitales ou les images numérisées du visage des détenteurs de titre contenues dans les fichiers, pour identifier un individu à partir de ces seuls éléments : ceci est expressément exclu pour le fichier de gestion des passeports « TES » 9 ( * ) , quant au fichier de gestion des cartes nationales d'identité, les empreintes digitales des intéressés n'y sont tout simplement pas enregistrées 10 ( * ) .

Conserver aux services en charge de la lutte contre le terrorisme la même possibilité d'utilisation du nouveau fichier central biométrique, en ne retenant pas le système du lien faible, aurait donc eu pour effet d'autoriser les services compétents à procéder à des identifications à partir des empreintes digitales ou par reconnaissance faciale, hors de toute réquisition judiciaire et contrairement à ce qui leur est aujourd'hui permis. C'est ce à quoi votre commission s'est opposée en adoptant le système du « lien faible ». Mais, c'est exactement ce qu'ont permis les députés en adoptant conforme le présent article après avoir rejeté, à l'article 5, ce système du fichier à « liens faibles ».

Les conséquences décisives que les choix opérés à l'article 5 sont susceptibles d'avoir sur le présent article justifieraient, le cas échéant, que l'article 7 bis A soit rappelé pour coordination, en fonction de l'option finalement retenue à l'article 5.

Article 7 bis - Indication, dans les rectifications d'actes d'état civil consécutives à une usurpation de ce motif

Le présent article remédie à l'une des difficultés rencontrés par les personnes victimes d'une usurpation d'identité ayant eu des conséquences sur leur état civil. Il impose que, lorsqu'un acte est annulé par le juge sur le fondement d'une usurpation d'identité, le dispositif du jugement dont la transcription est ordonnée à l'état civil, fasse référence à l'usurpation. Ceci doit permettre de souligner le caractère frauduleux d'une mention, qui bien qu'annulée, ne peut être effacée.

L'Assemblée n'a apporté de modifications que rédactionnelles au présent article.

Votre commission a adopté l'article 7 bis sans modification .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée .


* 8 Ce dispositif a notamment été exposé par M. le Pr Ari Shamir, lors de la 31 e conférence des commissions de protection des données personnelles et de la vie privée (réunion des CNIL mondiales) à Madrid en novembre 2009.

* 9 Article 19 du décret n° 2005-12726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports.

* 10 Article 8 du décret n° 55-1397 du 22 octobre 195 instituant la carte nationale d'identité.

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