2. Décloisonner la médecine pour améliorer la prise en charge des patients

Sans être hermétiques l'un à l'autre, loin de là, la médecine de ville et le secteur hospitalier se sont construits sur des voies séparées et communiquent mal. Les passerelles sont rares et les échanges, ne serait-ce que d'informations, sont régulièrement décrits comme difficiles. Bien entendu, sur le terrain, la situation est souvent moins sombre qu'il n'y paraît parfois.

Pour autant, confrontée à la progression des maladies chroniques et aux évolutions des pratiques et des techniques, la prise en charge des patients doit elle-même évoluer et se moderniser.

Les nouvelles modalités d'exercice sous une forme regroupée et la pluridisciplinarité

On le sait, les médecins préfèrent dorénavant exercer en groupe, sous une forme ou sous une autre, plutôt que de manière isolée dans leur cabinet. Cette évolution constitue une contrainte mais aussi un atout pour certains territoires, dans l'objectif de conserver des professionnels. Pour autant, le paysage juridique doit être simplifié et stabilisé ; les différents modes d'organisation sont multiples : cabinets de groupe, maisons, pôles, centres ou réseaux de santé, sociétés multiples d'exercice libéral, sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires.

Ces coopérations doivent également favoriser la pluridisciplinarité des professionnels pour que la prise en charge des patients soit adaptée à leur situation et la plus globale possible.

Un meilleur partage des tâches

Depuis quelques années, un débat s'est ouvert et des propositions ont été faites pour mieux répartir les compétences entre les praticiens. Il peut s'agir, par exemple, de permettre aux sages-femmes, aux infirmières ou aux pharmaciens de dispenser certains actes ou prestations  (vaccination, contraception, dépistage, suivi de patients chroniques...).

Malheureusement, ces tentatives sont souvent freinées par le corps médical qui les ressent comme une dépossession alors qu'elles devraient constituer pour eux l'opportunité de concentrer leur temps clinique, plus restreint qu'auparavant, sur le « coeur de métier ».

Le développement des référentiels et des bonnes pratiques

La prévalence des actes est très variée selon les territoires, tant qualitativement (par exemple, dans la nature des actes pour une même pathologie) que quantitativement (nombre de séances de rééducation après une intervention chirurgicale ou durée des arrêts de travail) ; on constate que les disparités de pratiques médicales et de recours aux soins sont très importantes.

Pour favoriser une plus grande unicité des pratiques, la Cnam a mis en place, avec le concours de la HAS dont c'est l'une des missions principales, divers référentiels qui proposent des conduites à tenir aux professionnels dans de meilleures conditions de qualité et de gestion des ressources.

Par exemple, le volume des soins de masseurs-kinésithérapeutes a pu progresser moins vivement depuis 2009, environ 2,5 % par an contre 4,5 % en moyenne les années précédentes, grâce à l'annonce d'un encadrement des durées de rééducation, une campagne d'information auprès des praticiens et le renforcement des contrôles.

Des modes de prise en charge plus souples et plus adaptés

Les techniques de soins ont beaucoup évolué, notamment par le développement des méthodes beaucoup moins invasives qu'auparavant avec des anesthésies plus légères. Ainsi, la durée de séjour en soins aigus est passée de presque 9 jours à 6,5 en douze ans dans les pays de l'OCDE.

La chirurgie ambulatoire permet de pratiquer des actes médicaux ou chirurgicaux avec anesthésie tout en autorisant le patient à rejoindre son domicile dans la même journée. Cette hospitalisation « zéro jour » présente de nombreux avantages, tant en qualité de vie pour les malades qu'en coût de prise en charge par le système de santé. Ces nouvelles méthodes se développent régulièrement, mais pourraient se répandre plus rapidement sur le territoire grâce à des référentiels plus nombreux.

En outre, de nombreux pays permettent de pratiquer certains actes ou prestations, non pas en établissements de santé, mais dans des centres autonomes disposant d'un statut juridique intermédiaire entre cabinet médical et établissement. Ces centres pourraient être autorisés à pratiquer certains actes : la HAS a par exemple estimé que la chirurgie ophtalmique pourrait être concernée avec un avantage certain. Ainsi, certains actes pourraient dorénavant être pratiqués en médecine de ville, lorsqu'un environnement opératoire ne s'impose pas nécessairement. La HAS a également commencé à travailler sur cette question.

L' hospitalisation à domicile (HAD) s'est beaucoup développée ces dernières années et constitue aujourd'hui une alternative crédible et pertinente. Il faut cependant tirer tous les enseignements du rapport de l'Igas de novembre 2010 24 ( * ) , qui relève que cette formule peut se révéler coûteuse si elle se substitue non pas à une hospitalisation classique mais à des soins ambulatoires.

L'utilisation des nouvelles technologies

Le déploiement de la télémédecine constitue une vraie voie d'amélioration de la prise en charge des patients. Elle permet de répondre aux nouveaux défis sanitaires, ainsi qu'à une meilleure gradation des soins entre le premier et le second recours et à l'inégale répartition des professionnels dans les territoires. Elle contribue également au renforcement de la qualité des soins.

Le cadre législatif et réglementaire a été créé, notamment à la suite de la loi HPST, mais il convient maintenant de mettre en oeuvre effectivement cette politique structurante .

Une délégation de la commission a d'ailleurs constaté elle-même, lors de sa mission d'études en Guyane en avril dernier 25 ( * ) , que des expériences locales peuvent servir d'exemple et être déployées plus largement sur le territoire national. En effet, dans ce département d'outre-mer aux caractéristiques physiques hors normes, la télémédecine a permis une amélioration sensible de l'accès aux soins pour les populations isolées pour un coût globalement équilibré par les économies réalisées. Aux trois spécialités (parasitologie, dermatologie et cardiologie) aujourd'hui concernées, les professionnels ont proposé d'ajouter le lancement de deux nouveaux projets au profit des patients concernés :

- la télé-échographie pour réaliser en direct des échographies depuis le service de radiologie de l'hôpital sur des patients distants de plusieurs centaines de kilomètres ;

- la télédialyse pour pratiquer des dialyses rénales à distance. Ce procédé innovant évitera aux vingt-cinq patients atteints d'insuffisance rénale chronique trois allers-retours par semaine entre Saint-Laurent-du-Maroni et Cayenne, soit environ sept ou huit heures de route à chaque fois.

De nombreuses autres applications des nouvelles technologies peuvent être très porteuses dans le secteur médical : logiciels d'aide à la prescription, dossier médical personnel, dossier pharmaceutique...


* 24 « Hospitalisation à domicile », rapport établi par Nicolas Durand, Christophe Lannelongue, Patrice Legrand et Vincent Marsala, novembre 2010.

* 25 Rapport d'information Sénat « Santé et logement : comment accompagner la Martinique et la Guyane ? », n° 764 (2010-2011), 12 juillet 2011.

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