B. DES DÉCISIONS PRISES CES DERNIÈRES ANNÉES ET LOURDES DE CONSÉQUENCES POUR L'AVENIR

1. Un niveau de recettes structurellement insuffisant

Si la crise économique a naturellement affecté les équilibres des comptes sociaux et notamment de la branche maladie, le déficit existait antérieurement et n'a fait qu'empirer. La Cnam estime ainsi que le déficit structurel s'élève à 5 milliards d'euros en 2011.

Or, parallèlement, les dépenses d'assurance maladie connaissent une dynamique propre qui les fait évoluer plus vite que la richesse nationale. Même maîtrisé comme on l'a connu ces dernières années, l'Ondam reste supérieur à la croissance du PIB.

Dans ces conditions, restaurer l'équilibre financier de la branche maladie ne peut être réalisé qu'en récupérant « l'effet-base » du déficit structurel grâce à l'apport de recettes nouvelles, tout en confortant les efforts sur la dépense pour que le gain de ressources ne soit pas immédiatement englouti dans un nouveau déficit.

Solde du régime général

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010
(selon PLFSS 2012)

2011
(selon PLFSS 2012)

2012
(selon PLFSS 2012)

Branche maladie

- 4,4

- 10,6

- 11,6

- 9,6

- 5,9

Toutes branches

- 10,2

- 20,3

- 23,9

- 20,2

- 13,9

2. Franchises, participations forfaitaires, déremboursements : une efficacité limitée, un effet pernicieux

Dès la loi de 2004 relative à l'assurance maladie, le Gouvernement a estimé que l'un des moyens pour favoriser le changement des comportements et, en l'occurrence, mieux responsabiliser les assurés, résidait dans la mise en place d' une participation forfaitaire sur les consultations médicales et les actes de biologie . Il s'agissait de faire prendre conscience aux Français du coût de la santé.

Tous les assurés y sont assujettis, à l'exception des personnes mineures, des bénéficiaires de la CMU-c et de l'assurance maternité, ainsi que des pensionnés militaires d'invalidité. Au total, près de 19 millions d'assurés, soit 29 % de la population , en sont exonérés .

Depuis 2004, la participation à l'acte s'élève à 1 euro, sous plafond annuel de 50 euros par personne : 4,1 % des assurés du régime général atteignent ce plafond, mais ce taux monte à 14,4 % des personnes en ALD. Cette différence sensible montre un impact de la participation qui est aggravé pour les personnes en plus mauvaise santé.

Depuis le 1 er janvier 2008 15 ( * ) , une franchise est venue s'ajouter à la participation forfaitaire ; elle s'applique sur :

- les médicaments (50 centimes d'euros par boîte), à l'exception de ceux délivrés pendant une hospitalisation ;

- les actes des auxiliaires médicaux , qui regroupent principalement ceux dispensés par les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes (50 centimes d'euros par acte) ;

- les transports sanitaires (2 euros par transport).

Deux objectifs étaient poursuivis : dégager des ressources pour financer la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, la lutte contre le cancer et les soins palliatifs ; responsabiliser les patients sur des postes de dépenses particulièrement dynamiques.

Le rendement du dispositif des franchises, qui touche les mêmes assurés que la participation forfaitaire sur les consultations, est estimé à 877 millions d'euros pour 2010, dont 85 % au titre des médicaments (744 millions), 13 % des actes d'auxiliaires médicaux (111 millions) et 2 % des transports sanitaires (22 millions).

Deux limites ont été posées : le montant annuel par assuré est plafonné à 50 euros ; la participation journalière maximale est fixée à 2 euros pour les actes d'auxiliaires médicaux et à 4 euros pour les transports : 25 % des assurés atteignent le plafond annuel de 50 euros, ce qui représente en fait 35 % de la population concernée par les franchises en excluant celle qui en est exonérée.

On constate que la moitié des personnes en ALD atteint le plafond annuel . D'ailleurs, le montant total de franchise à la charge des personnes en ALD est de 352 millions d'euros en 2010, soit 40 % du total.

La mise en oeuvre de la franchise a eu pour effet positif de promouvoir le développement des grands conditionnements, contenant en général trois mois de traitement, pour les médicaments utilisés dans le cadre de maladies chroniques (diabète, cholestérol, hypertension ou insuffisance cardiaque). Selon le Gouvernement 16 ( * ) , un effet de rattrapage a eu lieu, mais la moindre progression de ces grands conditionnements annonce la fin prochaine de la période de montée en charge rapide du dispositif.

On l'a dit, l'instauration des participations et franchises répondait aussi à l'objectif de responsabilisation des patients et des professionnels grâce à l'imposition d'un certain niveau de reste à charge pour les inciter à réguler la consommation médicale. Ceci explique que les contrats d'assurance complémentaire ne peuvent pas bénéficier du label « responsables » et du différentiel de taxation qui y est associé (différentiel quasi inexistant aujourd'hui) s'ils les remboursent à leurs affiliés.

Or, comme le relève une étude de l'Irdes 17 ( * ) , ce raisonnement suppose que les individus soient des « consommateurs éclairés » qui choisissent leur consommation de médicaments au regard du coût des soins et de leur utilité. On notera que si 88 % des personnes interrogées dans cette étude ont déclaré ne pas avoir modifié leurs consommations de médicaments, les changements sont plus fréquents chez les individus disposant de faibles ressources et ceux en mauvaise santé .

L'étude conclut clairement que, plus le revenu augmente, moins la mise en place de la franchise a affecté le comportement . Les bénéficiaires de la CMU-c étant exonérés des franchises, on peut estimer que les plus touchés sont les assurés éligibles à l'aide à la complémentaire santé (ACS) et ceux dont les revenus sont encore un peu au-dessus du barème de l'ACS ; en effet, les contrats responsables excluent nécessairement le remboursement des franchises. A cet égard, il est reconnu que l'ACS est loin d'atteindre son public, puisque seulement 26 % de la population éligible en sont bénéficiaires.

L'étude publiée par l'Irdes conclut que, « pour ces deux populations [individus disposant de faibles ressources et ceux en mauvaise santé], les franchises représentent une charge financière significative ayant pour effet une perte d'accès aux médicaments ».

Ces résultats sont proches d'une enquête réalisée en 2005 sur l'impact de la participation forfaitaire de 1 euro sur les consultations et les actes de biologie. Au total, plusieurs études mettent en lumière les doutes qui pèsent sur l'effet d'une augmentation de la contribution des assurés sociaux sur la diminution des dépenses de santé : elles relèvent davantage une moindre observance ou l'interruption des traitements, néfastes à moyen et long terme pour le patient et le système de santé, ainsi que le recours plus fréquent à l'hospitalisation ou aux services d'urgence qu'une autorégulation de la consommation.

Dans le même ordre d'idées, le Gouvernement a procédé à un certain nombre de déremboursements de médicaments ou de baisses du taux de remboursement. Or, ces décisions ont pour effet paradoxal de reporter la prescription vers des médicaments encore remboursés ou mieux pris en charge et souvent plus chers, ce qui limite la portée de la mesure lorsqu'elle n'est accompagnée ni d'outils de pilotage ni d'informations adaptées auprès des professionnels et des patients.


* 15 Article 52 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

* 16 Rapport du Gouvernement au Parlement : « Evaluation de la mise en oeuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires », transmis le 20 octobre 2011.

* 17 « Les franchises ont-elles modifié les comportements d'achats de médicaments ? », par Bidénam Kambia-Chopin et Marc Perronnin, in Questions d'économie de la santé, n° 158, octobre 2010, Institut de recherche et documentation en économie de la santé.

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