TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de Jean-Louis DEROUSSEN, président du conseil d'administration, et Hervé DROUET, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)

Réunie le mardi 25 octobre 2011 , sous la présidence d' Annie David , présidente , la commission procède à l'audition de Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Annie David, présidente . - Nous recevons aujourd'hui, dans le cadre de nos auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général, de la Cnaf. Notre rapporteur pour la branche famille, Isabelle Pasquet, vous a fait parvenir un questionnaire préparatoire. Je vous invite à nous présenter vos réponses, puis nous ouvrirons le débat à l'ensemble des membres de la commission.

Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf . - La première question portait sur l'équilibre global de la branche famille et plus particulièrement sur les conséquences du transfert à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), prévu par la loi de financement pour 2011, de 0,28 point de CSG initialement affecté à la branche famille. Ce transfert a été compensé par des recettes non pérennes comme la taxation des contrats d'assurance vie. Le déficit s'est néanmoins stabilisé à 2,7 milliards d'euros, soit un niveau qui n'est pas négligeable. Il ne faut à présent plus priver la Cnaf de recettes dynamiques comme l'est la CSG, sinon les projections à long terme d'équilibre de la branche s'en trouveraient bouleversées.

En ce qui concerne les différentes dépenses relatives à la prise en charge des droits familiaux de retraite, le coût de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) est stable à 4 milliards d'euros. La montée en charge du dispositif de majoration de pension pour les parents ayant élevé trois enfants et plus, qui fait l'objet d'un remboursement au fonds de solidarité vieillesse (FSV), est terminée. Son poids financier est d'environ 2,5 milliards d'euros, montant qui ne devrait plus augmenter dans le futur.

J'en viens à la question de l'accueil des jeunes enfants. La convention d'objectifs et de gestion (Cog) qui lie la Cnaf et l'Etat a prévu la création de 100 000 places supplémentaires d'accueil collectif et, symétriquement, d'un même nombre de places d'accueil individuel. Sur les quatre ans de déploiement de ce plan, les années 2009 et 2010 ont vu la création de 41 635 nouvelles places d'accueil collectif. Les projections pour 2011 et 2012 nous permettent d'espérer des résultats similaires. Entre 85 % et 90 % de l'objectif de 100 000 places supplémentaires fixé par la Cog devrait donc être atteint. D'ailleurs, la différence entre les réalisations et cet objectif tient probablement davantage à un décalage dans le temps qu'à un échec de la Cnaf car notre engagement est lié à celui des collectivités locales qui, depuis quelques années, connaissent une situation financière tendue, peu propice à la création, dans des délais très courts, de nouvelles capacités d'accueil. L'investissement a souvent été différé plutôt qu'annulé ; l'objectif de 100 000 places reste donc réaliste mais ne devrait être atteint qu'après 2012.

En revanche, la Cnaf a beaucoup plus de difficultés à mesurer précisément les créations de places nouvelles en accueil individuel. Elles ne sont portées à notre connaissance que lorsque nous procédons au remboursement des frais avancés par les familles auprès des assistants maternels. Les maisons d'assistants maternels, qui se sont progressivement substituées à l'ancien dispositif du regroupement, n'ont pas l'obligation de passer des conventions avec les caisses d'allocations familiales (Caf), si bien que nous ne sommes pas tenus informés de leur création ni formellement associés à leur développement. Cent six d'entre elles ont été identifiées par les Caf, mais il en existe probablement beaucoup d'autres. La Cnaf met plutôt la priorité sur une meilleure information des familles grâce au site monenfant.fr, sur lequel nous invitons les assistants maternels à s'inscrire et à afficher leurs disponibilités. Cela nous permet d'évaluer de manière plus précise le nombre de professionnels en exercice, car l'absence de conventionnement obligatoire nous empêche d'avoir des chiffres exacts et actualisés en permanence. La Cnaf ne peut pas mesurer non plus le coût moyen d'une place en accueil individuel car la rémunération de ce mode d'accueil est caractérisée par une libre négociation entre l'assistant maternel et les parents employeurs.

Pour répondre à la question des coûts de gestion des prestations servies par la branche famille pour le compte de l'Etat et des départements, dont la part croissante a été récemment soulignée par la Cour des Comptes, il faut rappeler qu'ils sont fixés par une convention entre la Cnaf et le délégant. Ils sont de 1 % ou de 2 % selon la technicité de la prestation. Au total, sur les 19,6 milliards d'euros de prestations servies pour le compte de l'Etat et des départements, les frais de gestion s'élèvent à 1,54 % de cette somme. De plus, certaines prestations, comme l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représente 6,44 milliards d'euros, ne donnent pas lieu au versement de frais de gestion. Au total, les frais de gestion pour les prestations de l'Etat sont donc de 2,34 %, tandis qu'ils sont de 2,8 % pour celles de la branche famille.

Auparavant servie lorsque l'enfant atteignait l'âge de onze puis de seize ans, la majoration d'âge des allocations familiales fait, depuis le 1 er mai 2008, l'objet d'un versement unique à quatorze ans. Cela a permis à la branche famille de réaliser, durant les trois années suivant cette réforme, des économies transitoires, annulées lorsque la première génération bénéficiant de ce nouveau régime a atteint quatorze ans et a été éligible à une prestation plus importante. 2011 constitue la première année d'application pleine de ces changements et le sommet des coûts supplémentaires qu'ils engendrent ; l'impact négatif global en termes de versements s'élèvera à 260 millions d'euros en 2014, lorsque la montée en charge totale de cette majoration d'âge sera achevée.

Enfin, votre dernière question portait sur la suppression de la rétroactivité des aides au logement. Auparavant, la demande d'attribution de ces aides pouvait être réalisée dans les trois mois suivant un déménagement et avait un effet rétroactif. Ce dispositif s'est éteint le 1 er janvier dernier et l'économie espérée était de 240 millions d'euros. Toutefois, en réalité, les allocataires se sont adaptés à cette situation et font leur demande plus tôt. Nous avons donc revu à la baisse nos estimations des économies engendrées par cette réforme, que nous chiffrons désormais à 175 millions d'euros. Si toutes les demandes étaient réalisées dans les délais, il n'y aurait même aucune économie !

Isabelle Pasquet, rapporteure de la branche famille . - Merci pour ces réponses. J'aimerais avoir des détails supplémentaires sur la compensation du transfert à la Cades de la part de CSG auparavant affectée à la Cnaf et savoir quelles en sont les conséquences pour les années à venir.

Hervé Drouet, directeur général de la Cnaf . - Sur l'exercice 2011, le rendement des recettes transférées a été supérieur à la perte de 0,28 point de CSG. La baisse des revenus tirés de la CSG entre 2010 et 2011 a été d'environ 3 milliards d'euros tandis que le produit des recettes affectées en 2011 a été de 3,5 milliards. Celles-ci sont, pour l'instant, plus dynamiques que la part de CSG perdue. Le Gouvernement s'est engagé à ce que le rendement des recettes reste le même. Les assiettes n'étant pas les mêmes, il faudra rester vigilant et s'assurer, chaque année, que leur dynamisme est comparable.

Samia Ghali . - Ma question porte sur les allocations logement et leurs critères d'attribution. La crise du logement en France, et plus particulièrement dans certaines grandes agglomérations, est préoccupante. Des familles de trois enfants ou plus peuvent se retrouver à vivre dans un T1 ou un T2 en bénéficiant d'aides au logement. Toutefois, lorsqu'elles cherchent à obtenir un logement plus grand par le biais de bailleurs sociaux, les commissions d'attribution le leur refusent souvent en se fondant sur des critères fixés par les Caf, comme celui selon lequel chaque enfant doit avoir sa chambre. Dans le meilleur des mondes, ce serait évidemment souhaitable et idéal, en faisant en sorte notamment que les filles et les garçons soient séparés et bénéficient de chambres individuelles. Néanmoins, dans la société dans laquelle nous vivons, cette intransigeance met des familles en péril : les commissions d'attribution refusent de leur accorder un nouveau logement sous prétexte qu'elles ne pourraient pas bénéficier des allocations logement. Il en résulte que ces familles nombreuses qui auraient pu obtenir un logement plus grand, certes pas suffisamment pour offrir une chambre à chaque enfant mais représentant une amélioration notable de leur vie quotidienne, se retrouvent bloquées dans leur petit appartement. Qui peut aujourd'hui en France, avec plus de trois enfants, trouver un appartement suffisamment grand dans le parc social pour que chacun d'entre eux ait sa chambre ? C'est un système pervers. Comment cette situation pourrait-elle être corrigée ?

Catherine Procaccia . - Sur le déficit de la branche de 2,7 milliards, vous avez émis le souhait de disposer de ressources pérennes. Outre ce problème, est-il selon vous possible de réaliser des gains sans diminuer le niveau des prestations ? Par ailleurs, la presse se faisait récemment l'écho d'affaires de fraudes importantes concernant la branche famille. A combien les chiffrez-vous ? Dans quelle mesure un meilleur recouvrement de celles-ci permettrait-il de compenser le déficit ?

Ma seconde question porte sur les crèches. Le Gouvernement fixe des objectifs en la matière, mais ce sont les collectivités territoriales qui doivent les remplir et en assurer le financement. Or, comme vous l'avez rappelé, elles doivent faire face à d'importantes difficultés financières. Ces crèches coutent très cher, en particulier à cause des normes d'encadrement qui leur sont applicables. Notre commission a déjà débattu à de nombreuses reprises de ce sujet mais j'aimerais connaître votre position : pensez-vous qu'il soit possible de modifier ces normes et les conditions de diplôme applicables à leur personnel afin de les rapprocher de celles des assistants maternels ?

De plus, on assiste au développement rapide de crèches privées car elles répondent à la demande très forte de places en accueil collectif, notamment dans les grandes villes. En région parisienne, je peux vous assurer que 50 % à 70 % des parents ont recours à des assistants maternels non agréés et qui refusent d'être déclarés, ce qui empêche leurs employeurs de déduire ces charges de leurs impôts. Pour bénéficier de l'aide de la Caf, ces crèches privées doivent, en plus d'un agrément, proposer les tarifs fixés par celle-ci. C'est impossible, car elles ne perçoivent aucune subvention de la part des collectivités locales. Dans ma commune, une crèche est sur le point de fermer pour cette raison. Ne serait-il pas possible d'aider ces structures de la même façon que les crèches publiques, de les mettre sur un pied d'égalité ? Au final, cela reviendrait surtout à aider les parents.

Catherine Génisson . - Vous avez évoqué les économies réalisées grâce à la suppression de la rétroactivité des APL. Un autre mécanisme du même type a été mis en place, celui du versement de l'allocation à la naissance de l'enfant le mois échu et non plus dès la naissance. J'aimerais savoir combien cette disposition particulièrement inique a permis d'économiser.

A propos des maisons d'assistants maternels, j'aimerais avoir des explications sur la diversité des relations qu'elles peuvent avoir, selon leur emplacement sur le territoire, avec les Caf.

Patricia Schillinger . - Je souhaite revenir sur la question des bailleurs sociaux. Habitant une zone frontalière, je constate que les tarifs des locations y sont relativement élevés par rapport à ceux du secteur privé dans notre pays. Qui plus est, les logements sociaux vieillissent et ne présentent pas les mêmes qualités, en matière d'accessibilité par exemple, par rapport au privé. Je ne sais pas selon quelles modalités le contrôle est réalisé, mais je trouve cette situation pour le moins étrange.

Autre situation que je trouve choquante, celle des enfants majeurs qui vivent encore chez leurs parents. De plus en plus souvent, ces derniers doivent faire face à une hausse de leur loyer du fait de la présence de leur enfant alors que cette cohabitation dure depuis des années. Cela n'est pas normal.

Enfin, le développement des maisons d'assistants maternels s'explique selon moi par le fait qu'elles constituent, pour la plupart des communes, la seule réponse à la demande de places d'accueil de jeunes enfants. La création de crèches ou de micro-crèches a un coût bien trop élevé. J'ai quand même un doute sur leur sécurité : les assistants maternels n'ont pas la même formation que le personnel des crèches. J'aimerais aussi savoir comment ces maisons sont subventionnées, car elles ont tendance à favoriser les parents aisés alors que le service public doit s'adresser à tous.

Annie David, présidente . - Ma question porte sur l'assujettissement du complément de libre choix d'activité (CLCA) à la CSG. Bien que la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ait déposé un amendement de suppression de cette disposition, cette mesure pourrait être rétablie lors de l'examen du PLFSS en séance publique. Avez-vous évalué le gain attendu ? Quelle est votre position à ce sujet ?

Gérard Roche . - J'aimerais vous faire part de mon point de vue d'élu rural concernant les maisons d'assistants maternels et il ne correspond pas aux propos entendus jusqu'ici sur ce sujet. Dans ces territoires où la densité de population est faible, les maires sont souvent impuissants pour financer des infrastructures coûteuses en la matière. Les maisons d'assistants maternels apportent donc une solution à ce problème. La qualité doit bien évidemment être précisée et s'inscrire dans le cadre d'un contrat petite enfance à l'échelle du territoire de la communauté de communes rurales. Et contrairement à ce qui a été dit, la formule des Mam n'est pas une solution pour les riches mais plutôt une solution pour les territoires les plus pauvres.

Jean-Louis Deroussen . - Pour ce qui concerne l'attribution des logements sociaux, cette question dépend des commissions d'attribution et non pas directement des Caf. Lorsque celles-ci estiment qu'il faut un logement plus vaste car la famille est nombreuse, les caisses prennent acte de ces décisions mais ne lient pas le montant des allocations à de tels facteurs.

Samia Ghali . - Je vais préciser ma question car vous n'y répondez pas directement. Aujourd'hui, la Caf fixe des critères, comme l'âge des enfants au foyer, sur lesquels se fonde la commission d'attribution pour déterminer si l'appartement convient pour la famille candidate. Cela a pour conséquence de faire perdurer des situations dans lesquelles les enfants partagent la cuisine, le salon ou la salle à manger avec leurs frères et soeurs pour y dormir. Ce n'est évidemment pas idéal de faire cohabiter un adolescent et un enfant en bas âge dans la même chambre, mais c'est déjà mieux que de vivre dans la salle à manger ou de dormir dans la cuisine ! A Marseille, ville que je connais bien, il y a 37 000 demandes de logements sociaux en attente. Elles ne pourront bien sûr pas toutes être satisfaites. La crise du logement est telle que les critères d'attribution qui sont fixés, s'ils sont louables dans leur intention, constituent en pratique un frein à la résorption de cette situation et sont à l'origine d'une véritable discrimination au logement.

Jean-Louis Deroussen . - Cela revient à s'interroger sur la réaction que nous devons avoir face à l'indécence de certains logements. Faut-il encore accepter que quinze personnes cohabitent dans le même studio ? Nous ne vivons pas dans un monde idéal, où les parents auraient leur chambre et les enfants, qui seraient au moins séparés selon qu'ils sont garçons ou filles, aussi. Le problème s'accroît également avec la multiplication du nombre de familles divorcées : pour que la garde puisse être partagée, le logement de chaque parent doit répondre aux normes pour pouvoir accueillir les enfants de manière alternée. Cette évolution sociétale vient donc aggraver la crise du logement.

Samia Ghali . - Ne pourrait-on assouplir ces règles ?

Hervé Drouet . - Sur ce sujet délicat, il faut bien se rappeler que les Caf ne font qu'appliquer les critères légaux et réglementaires d'ouverture du droit aux allocations logement. Le calcul du droit repose sur les ressources et la taille du foyer. Il est fondé sur un forfait national et non sur le loyer réel, ce qui peut parfois conduire à s'interroger sur la pertinence du forfait par rapport à certaines situations locales. Il reste toutefois fixé réglementairement. Tout cela est conditionné par la loi à la décence du logement. Vous semblez faire référence à des situations où, au moment de l'attribution des logements, les commissions d'attribution demandent un calcul de l'aide potentielle à laquelle sont éligibles les demandeurs. La Caf en fournit alors le montant mais doit également indiquer si la configuration du logement donne ou non droit à une aide. Si le logement n'est pas adapté à la situation de la famille, la réponse à cette question ne peut être que négative et le bailleur ne peut donc que refuser de l'attribuer au demandeur. Ce n'est que l'application du droit. Toutefois, les Caf accompagnent les familles confrontées à de telles situations et cherchent à les orienter vers des logements plus décents. Dans tous les cas, les familles vivant dans des logements indécents bénéficient d'une gestion souple de leur dossier afin d'éviter une aggravation de leur situation. L'action sociale des Caf prend alors le relais. La question n'en reste pas moins délicate compte tenu de la situation du logement dans notre pays.

J'en viens à la lutte contre les fraudes, qui constitue une priorité de toutes les branches de la sécurité sociale et en particulier de la branche famille. C'est une question d'équité qui vise à assurer la confiance dans le système et dans le pacte social. Une enquête réalisée l'an dernier nous a permis d'estimer un montant de fraude potentielle situé entre 600 et 800 millions d'euros par an. Chaque année, la Cnaf détecte 90 millions d'euros de fraudes : il y a donc un écart de un à huit entre ces deux chiffres.

Il faut toutefois bien prendre en considération le fait que les fraudes sont une catégorie de paiements indus. Ceux-ci s'élèvent à 2 milliards d'euros par an, ce qui peut être considéré comme élevé par rapport aux 60 milliards d'euros de prestations versés par la Cnaf mais qui s'explique par la complexité de ces prestations, qui dépendent beaucoup de la situation des bénéficiaires en termes de situation familiale et de ressources. Les changements de situations fréquents, surtout en période de crise, entraînent un délai incompressible d'actualisation des dossiers et produisent en permanence des indus. La quasi-totalité de ces indus est détectée, mais nous ne parvenons pas encore à distinguer les indus frauduleux de ceux qui résultent du décalage entre le versement des prestations et la mise à jour des dossiers des allocataires.

Néanmoins, nous récupérons près de 90 % des indus sur une période de trois ans après leur versement, en les prélevant sur les prestations à échoir. Nous bénéficions d'outils perfectionnés en la matière et nous nous appuyons sur des règles comme celle de la fongibilité des indus qui permet de récupérer un indu au titre d'une prestation sur une autre de nature différente. Cela facilite grandement le recouvrement et le manque à gagner, c'est-à-dire la perte sur le montant des indus généraux, s'élève à 100 millions d'euros. Les indus frauduleux ne devraient pas faire l'objet d'abandons de créances, qui constituent la grande majorité des indus non recouvrés et qui sont liés à l'insolvabilité des personnes ou à la situation de détresse sociale dans laquelle elles se trouvent.

La lutte contre les fraudes reste une priorité et va être amplifiée. Les perspectives en la matière sont encourageantes grâce aux nouvelles méthodes que nous sommes en train d'adopter. Le data mining (fouillage de données) est une technique informatique qui permet, à partir des caractéristiques communes aux dossiers frauduleux, de bâtir une recherche permanente du fichier des allocataires afin de focaliser les contrôles sur les dossiers présentant a priori des risques. Les taux de rendement de ces contrôles sont bien meilleurs grâce à la présélection de dossiers à risque, les contrôles massifs encore pratiqués étant trop aléatoires et consommateurs de trop de ressources. Ce nouvel outil va permettre d'alléger les charges qui pèsent sur les Caf tout en augmentant l'efficacité des contrôles.

Jean-Louis Deroussen . - Le déficit de la branche famille doit être réduit. Les ressources dynamiques, comme la CSG, sont celles qui peuvent permettre de revenir le plus rapidement à l'équilibre. Nos recettes sont basées sur les revenus du travail et sont donc plus dynamiques que nos dépenses, qui évoluent surtout en fonction des revalorisations, ce qui explique que, par le passé, le retour à l'équilibre a toujours été rapide. Malheureusement, la situation actuelle, consécutive à la perte considérable de revenu liée à la baisse des cotisations sociales durant la crise économique, ne nous permet pas d'espérer, selon les projections du Haut Conseil de la famille (HCF), un retour à l'équilibre dans les prochaines années. Il convient donc d'éviter de créer de nouvelles dépenses. La majoration des pensions de retraite liée aux enfants a, par exemple, constitué une charge nouvelle dont la montée en puissance s'est effectuée année après année et a eu un impact important sur les dépenses de la branche.

Nous sommes conscients que les collectivités territoriales ont des difficultés financières et retardent leurs investissements dans les crèches, malgré les aides financières de la Cnaf. Comme le besoin est réel, des acteurs privés s'intéressent de plus en plus à ce marché, ce qui conduit au développement des maisons d'assistants maternels et des crèches privées. Celles-ci ne sont pas soumises aux mêmes règles et à la même tarification que les crèches publiques. Les prix sont librement fixés, sans aucune intervention ni plafond fixé par les Caf. C'est un sujet sur lequel il faut rester vigilant, la solution à privilégier serait de redonner aux collectivités les moyens de mieux contractualiser afin d'offrir aux familles des solutions d'accueil collectif ou, pour les zones où cela ne serait pas adapté, un accueil individuel de l'enfant. L'avenir, notamment pour les territoires ruraux, passe par une meilleure coordination et planification de l'offre à l'échelle intercommunale. Les maisons d'assistants maternels ont parfois vu le jour grâce aux primes à l'installation versées par certaines collectivités, ce qui peut être une réponse à des problèmes locaux mais ne peut pas permettre de résoudre le problème plus large de l'accès, pour chaque famille, à une offre d'accueil.

Le gain estimé de la CSG sur le CLCA est de 140 millions d'euros. Le conseil d'administration de la Cnaf a donné un avis défavorable à ce projet, car la prestation en question est d'un montant moyen faible, de l'ordre de 350 euros. Cela reviendrait à pénaliser les familles qui ont fait le choix ou ont été contraintes, par manque de places d'accueil, de garder et d'élever leurs enfants chez elles.

Catherine Procaccia . - Contrairement à ce que vous dites, il me semble que le principal obstacle pour les collectivités n'est pas l'investissement initial dans une crèche mais les coûts de fonctionnement de celle-ci une fois bâtie.

Catherine Génisson . - Je n'ai pas eu de réponse à ma question sur le coût de la rétroactivité de l'aide pour l'enfant à naître. Il me semble que l'économie espérée était d'environ 35 millions d'euros.

Hervé Drouet . - Nous ne disposons pas encore de données suffisamment précises pour répondre à cette question.

Catherine Génisson . - Et comment expliquez-vous les différences qui peuvent exister dans les relations entre les Caf et les maisons d'assistants maternels selon les territoires ? Elles sont parfois intégrées dans un contrat petite enfance et accompagnées mais peuvent aussi bien, dans d'autres endroits, être ignorées par la Caf compétente.

Hervé Drouet . - Cette situation est plutôt la conséquence des relations entretenues par les maisons d'assistants maternels avec les collectivités qui font le choix de les soutenir ou pas.

Catherine Génisson . - Non, je peux vous garantir que les Caf n'ont pas la même attitude selon les territoires.

Christiane Demontès . - Je peux aussi affirmer que la position des Caf vis à-vis des maisons d'assistants maternels n'est pas la même et varie d'une Caf à une autre. C'est un simple constat, je ne dénonce personne !

Annie David, présidente . - Concrètement, quelles sont les conséquences de cette situation ? Cela veut-il dire que des Caf refusent de passer des conventions avec certaines maisons d'assistants maternels ?

Christiane Demontès . - Effectivement, elles ne les conventionnent pas et refusent de les associer aux contrats petite enfance. Cela conduit à s'interroger sur les raisons sous-jacentes à ce positionnement différent des Caf selon les territoires.

Patricia Schillinger . - Pour ce qui concerne le Haut-Rhin, il n'existe à ma connaissance qu'une seule Mam, qui n'est pas répertoriée d'ailleurs.

Hervé Drouet . - Je prends note de vos remarques. La Cnaf n'est pas encore en mesure de faire un bilan général car il s'agit d'un dispositif récent à la mise en oeuvre duquel nous ne participons pas directement. Le conventionnement n'est pas obligatoire, certaines maisons d'assistants maternels peuvent donc rester inconnues de nos services. Les Caf versent uniquement aux parents le complément de libre choix du mode de garde (CLCMG). Si j'ai bien compris vos remarques, il semblerait que lorsqu'une de ces maisons fait partie d'un projet porté par une commune dans le cadre d'un contrat enfance-jeunesse afin d'obtenir des financements, certaines caisses s'y opposent. Je vais me renseigner sur ce sujet et voir s'il est possible d'uniformiser la réponse des Caf sur le territoire.

Christiane Demontès . - Il y a quelques années, notre commission avait établi un rapport d'information sur la mise en place, dans la branche famille, du fichier unique. Ce fichier a-t-il permis de réduire les indus et de mieux détecter les doublons ? Près de deux ans après sa mise en place, quel bilan en tirez-vous ?

Hervé Drouet . - Ce bilan est très largement positif. La mission d'information du Sénat nous avait été très utile, dans le contexte de la certification des comptes de la branche par la Cour des comptes, pour faciliter la mise en place du répertoire national des bénéficiaires. L'identité des allocataires y est inscrite sur la base de leur Nir (numéro d'inscription au répertoire), plus communément appelé numéro de sécurité sociale, dont l'authenticité est certifiée par l'Insee et le gestionnaire de l'ensemble des Nir, c'est-à-dire la branche vieillesse. Cela a constitué un progrès majeur en nous permettant d'identifier et d'éliminer les doublons, accidentels ou frauduleux, et les multi-affiliations, désormais repérées ex ante et non plus ex post. Le fichier fonctionne à plein régime depuis un an et demi. Nous sommes actuellement en train de certifier les allocataires pour lesquels des problèmes d'identification continuaient à se poser. Ils ne sont plus que 30 000 alors qu'il y en avait encore près de 500 000 à l'époque du rapport que vous évoquiez.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page