b) Une règle en termes de solde structurel serait aussi peu applicable

Une règle qui ne serait pas définie en termes d'effort structurel, mais de déficit structurel , comme celle récemment adoptée par l'Allemagne, présenterait des problèmes au moins aussi importants.

Tout d'abord, elle serait tout aussi manipulable . Le déficit structurel est en effet calculé par référence à un PIB structurel dont la méthodologie d'évaluation est largement conventionnelle. Rien n'empêcherait donc a priori le Gouvernement d'affirmer, par exemple, qu'en raison de sa politique économique, la croissance structurelle est de 2,5 % par an, et qu'en conséquence une évolution défavorable du solde effectif « masque » une évolution favorable du solde structurel.

Ensuite, le solde structurel présente paradoxalement l'inconvénient de ne pas être expurgé de toute composante conjoncturelle . En effet, il n'est pas corrigé du fait qu'en période de croissance forte les recettes publiques tendent généralement à augmenter plus rapidement que le PIB (le phénomène inverse se produisant en période de croissance faible). Il en résulte que le solde structurel peut connaître des améliorations « en trompe-l'oeil » (problème que la notion d'effort structurel permet d'éviter), alors même que le Gouvernement ne fait rien pour réduire le déficit.

c) L'absurdité de la règle de solde effectif à laquelle le Gouvernement prétend se conformer

Il est paradoxal de remarquer que le Gouvernement, tout en dénonçant le refus de l'opposition d'adopter le projet de loi constitutionnelle, et en refusant jusqu'au 27 octobre 2011 de prendre les mesures d'ajustement supplémentaires qui s'imposent pour 2012, prétend se conformer à une règle de solde public effectif , qui obéit à une logique différente de celle de ce projet de loi et de l'actuelle loi de programmation des finances publique - qui définissent une règle d'effort structurel - et qui est fondamentalement absurde .

Ainsi, selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, « le Gouvernement prendra en temps voulu toute mesure nécessaire au respect de la trajectoire de déficit qu'il a définie ».

Cela suggère que soit il considère que la logique même du projet de loi constitutionnelle n'est pas valide, soit il en ignore lui-même le contenu.

Or, les économistes considèrent généralement, à juste titre, qu'une trajectoire définie en termes de solde effectif est économiquement néfaste, puisqu'elle oblige à prendre des mesures de réduction du déficit d'autant plus rigoureuses que la croissance est faible, aggravant ainsi les difficultés économiques ; et qu'en sens inverse, elle permet à un Gouvernement de décider de nouvelles dépenses et de nouvelles réductions de recettes, dès lors que la croissance est forte. Accessoirement, une telle règle est inapplicable, aucun Etat ne pouvant s'adapter en temps réel aux fluctuations de la conjoncture, qu'il ne connaît qu' a posteriori .

On comprend bien que l'espoir du Gouvernement a été que la croissance et le dynamisme spontané des recettes soient supérieurs à leur niveau habituel, ce qui lui aurait permis de s'exonérer de l'effort nécessaire sur les recettes et les dépenses. Ainsi s'explique la situation paradoxale d'un Gouvernement attendant l'automne 2011 pour annoncer un effort supplémentaire de l'ordre de 10 milliards d'euros en 2012, pourtant jugé nécessaire par le Sénat dès le mois d'avril 2011, et la fin du mois d'octobre 2011 pour aligner son hypothèse de croissance sur la prévision du consensus des conjoncturistes, déjà de 1,2 % à la mi-septembre. Mais alors, si c'est ainsi que le Gouvernement conçoit la politique de finances publiques, il ne sert à rien d'avoir une loi de programmation des finances publiques, ni a fortiori de réviser la Constitution, pour instaurer une règle qu'il s'emploiera comme aujourd'hui à vider de toute portée.

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