II. LA SITUATION DE LA ZONE EURO ET LA MISE EN OEUVRE DES MESURES ANNONCÉES LE 26 OCTOBRE 2011

Il résulte des développements qui précèdent que la solution à la crise de la zone euro est simple dans son principe : il s'agit de mettre en place un dispositif d'ampleur telle que les marchés croient que, même si l'Italie et l'Espagne perdaient l'accès au marché obligataire, elles ne feraient pas défaut.

Réunis le 22 septembre 2011, les ministres des finances du G20 ont annoncé qu'un « plan d'action collectif ambitieux » serait mis en place pour le sommet de Cannes, prévu les 3 et 4 novembre 13 ( * ) .

Lors de leur réunion du 26 octobre 2011, les chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro ont annoncé une série de décisions tendant à réduire la dette publique grecque de 50 %, à recapitaliser les banques et, surtout, à doter le FESF d'un effet de levier lui permettant de porter sa capacité de prêt résiduelle à environ 1 000 milliards d'euros.

Ces décisions peuvent être considérées comme une avancée. Toutefois, la proposition de la France de transformer le FESF en banque n'a pas été retenue. Plus généralement, on peut regretter qu'il soit prévu de mettre en place un dispositif en quelque sorte « hors sol », ne reposant pas (en tout cas explicitement) sur la garantie de la BCE, et d'une capacité de financement deux ou trois fois inférieure à ce qui semble nécessaire.

Il suffirait toutefois de quelques mesures relativement simples - annonce par la BCE d'une garantie apportée au dispositif, dont le capital serait par ailleurs accru, éventuellement par des contributeurs externes à la zone euro - pour que la zone euro dispose enfin d'un dispositif à la hauteur des enjeux, qu'elle n'a pas pu trouver. Il est possible que l'éventualité de telles mesures suffise à rassurer les marchés, et à desserrer leur contrainte vis-à-vis des Etats. En tout état de cause, les décisions annoncées devront être rapidement mises en oeuvre pour éviter une « rechute ».

A. LE PROBLÈME : LA CAPACITÉ DE PRÊT DU FESF N'EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX

1. Hors BCE, une capacité de prêt public de l'ordre de quelques centaines de milliards d'euros

Le tableau ci-après indique les ressources maximales susceptibles d'être mobilisées dans le cadre des dispositifs actuels, hors BCE et hors effet de levier éventuel.


• Après prise en compte des prêts accordés et engagements juridiquement pris (c'est-à-dire dans le cadre du dispositif d'aide aux trois Etats « périphériques » actuellement sous programme), celles-ci paraissent de l'ordre de 500 à 700 milliards d'euros :

- certes, la capacité de prêt totale initiale était de l'ordre de 1,6 milliard d'euros ;

- mais sur ce montant, la moitié correspond à des prêts déjà accordés ou à des engagements dont une grande part (voire la totalité) se concrétisera vraisemblablement ;

- par ailleurs, il n'est pas évident que la Banque européenne d'investissement (BEI) puisse, comme certains auteurs 14 ( * ) le jugent juridiquement possible, être utilisée pour résoudre la crise de la dette. De même, le FMI consacrera vraisemblablement une partie de ses ressources disponibles à aider des Etats hors zone euro.

Au total, il paraît raisonnable de tabler sur une capacité actuelle de prêt public de 500 à 700 milliards d'euros.


• Toutefois l'essentiel de ce montant correspond au dispositif mis en place en mai 2010 . En effet, après prise en compte des mesures annoncées le 26 octobre 2011, les capacités de prêt résiduelles du FESF ne sont que de l'ordre de 250 milliards d'euros. Par ailleurs, le FMI s'est engagé à prêter, le cas échéant, 250 milliards d'euros en appui des prêts du MESF et du FESF.

Ainsi, les sommes qui ne sont pas déjà prises en compte par le dispositif actuel paraissent modestes : probablement moins de 100 milliards d'euros pour le FMI, et au maximum 160 milliards d'euros pour la BEI.

Les ressources maximales dans le cadre des dispositifs existants (hors banques centrales) : quelques ordres de grandeur indicatifs

(en milliards d'euros)

Capacités totales

Prêts accordés et engagements

Capacités nettes

Capacités nettes hors aides éventuelles aux quatre Etats « périphériques » (1)

Financement

Remarques

Fonds européens (MESF+FESF puis MES)

500

239

262

0

Le futur MES doit être financé par une combinaison de capital engagé exigible et de garanties de 620 Mds €, complétée par 80 Mds € de capital versé.

Le MES doit remplacer le FESF et le MESF mi-2013. Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, « le MES sera doté d'une capacité de prêt effective de 500 milliards d'euros ». Une note précise que « lors du passage du FESF au MES, la capacité de prêt consolidée ne dépassera pas ce montant ».

dont :

FESF

440

190 (2)

250 (2)

0

Garanties des Etats au prorata de leur part dans le capital de la BCE.

Une garantie conjointe (chaque Etat garantissant la totalité de la dette des autres Etats) porterait la capacité de prêt au montant des garanties, soit 780 Mds €.

MESF

60

49

12

0

Union européenne, avec la garantie conjointe des Etats membres.

FMI

470

187

283

< 100 ? (3)

En quasi-totalité contributions des Etats membres (quote-parts) et emprunts aux Etats membres dans le cadre des « nouveaux accords d'emprunt » (de plus de 200 Mds € dans chaque cas).

Les chiffres de 283 et 470 Mds € correspondent respectivement à la « capacité d'engagement prospective » (CEP) sur un an et aux « ressources utilisables » d'août 2011. Les CEP prennent en compte les engagements potentiels du FMI, comme les accords de prêt préventifs. Les montants exacts sont de 395,8 et 658,2 Mds $. La conversion a été faite sur la base d'un euro égal à 1,4 dollar.

Banque européenne d'investissement

580

420

160 ?

160 ?

Garanties des Etats au prorata de leur part dans le capital.

Selon certains auteurs (4) , rien ne s'oppose juridiquement à ce que la BEI prête aux Etats pour assurer la stabilité financière. La capacité de prêt de 580 Mds €, calculée par la commission des finances, correspond à son capital souscrit (232,4 Mds €) multiplié par 2,5 (elle ne peut prêter que 2,5 fois le montant de son capital). Les 420 Mds € sont l'encours des prêts accordés fin 2010.

Total

1 551

846

705

<260 ?

Hors BEI

970

426

544

<100 ?

(1) Grèce, Irlande, Portugal, Espagne.

(2) La capacité de prêt résiduelle du FESF, après prise en compte des mesures annoncées le 26 octobre 2011, est évaluée à environ 250 milliards d'euros.

(3) Une partie des 283 milliards d'euros de capacité d'engagement prospective doit servir à financer les 250 milliards d'euros annoncés en appui au FESF et au MESF, dont seulement une partie ont été dépensés ou engagés.

(4) Willem Buiter et Ebrahim Rahbari, « The future of the euro area : fiscal union, break-up or blundering towards a `you break it you own it Europe' », Citigroup, 9 septembre 2011.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les informations publiées par les organismes concernés


* 13 « Nous sommes déterminés à soutenir la croissance, mettre en oeuvre des plans de consolidation budgétaire crédibles et assurer une croissance forte, durable et équilibrée. Cela nécessitera un plan d'action collectif ambitieux, dans lequel chacun aura son rôle à jouer. Nous oeuvrons conjointement à la mise sur pied de ce plan d'action avant le sommet de Cannes, sur la base de politiques coordonnées incluant à la fois des décisions à court terme et des perspectives à moyen et long terme ».

* 14 Willem Buiter et Ebrahim Rahbari, « The future of the euro area : fiscal union, break-up or blundering towards a `you break it you own it Europe' », Citigroup, 9 septembre 2011.

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