CHAPITRE I - QUEL AVENIR POUR NOTRE ÉCOLE ?

Avant d'étudier les dépenses de personnel puis les crédits de la mission « Enseignement scolaire », vos rapporteurs spéciaux ont souhaité replacer l'examen des moyens budgétaires dans le contexte de la politique conduite par le Gouvernement .

Face à l'ambition d'offrir un meilleur avenir pour nos enfants, les dotations allouées à l'enseignement scolaire, toujours moins importantes, ne sont pas à la hauteur d'un enjeu de société et de civilisation .

Vos rapporteurs spéciaux ont souhaité discuter des trois priorités définies par Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, et Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, dans leur présentation de la programmation annuelle de la mission « Enseignement scolaire », telle qu'elle figure dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2012 :

- « Améliorer les résultats de tous les élèves et élever le niveau général de formation » ;

- « Poursuivre la rénovation de la politique de gestion des ressources humaines » ;

- « Rénover le pilotage pour une utilisation plus efficiente des moyens ».

Le dernier thème porte principalement sur la gestion des crédits par le ministère de l'éducation nationale et sera donc discuté dans l'analyse budgétaire.

Les deux premiers sujets soulèvent en revanche des problématiques qui dépassent le cadre budgétaire stricto sensu : d'une part, la réussite scolaire et la lutte contre les inégalités ; d'autre part, la valorisation du métier d'enseignant, indépendamment des suppressions de postes examinées en détail dans le deuxième chapitre du présent rapport.

Ces deux questions posent la question des choix à opérer sur l'avenir de l'école . Elles seront abordées successivement dans le présent chapitre.

I. AMÉLIORER LES RÉSULTATS DES ÉLÈVES : UNE LOGIQUE D'AFFICHAGE QUI NE PERMET PAS DE LUTTER EFFICACEMENT CONTRE L'ÉCHEC SCOLAIRE

A. LA LOI D'ORIENTATION SUR L'ÉCOLE À L'ÉPREUVE DES FAITS

1. La déclination en actes de la loi d'orientation de 2005

Selon le Gouvernement, la loi d'orientation du 23 avril 2005 sur l'avenir de l'école a vocation à être le nouveau texte fondateur de la politique éducative, depuis la précédente loi d'orientation sur l'école de juillet 1989 : l'amélioration de la réussite scolaire passerait par la définition de socles communs de compétences et de connaissances, aux différentes étapes du parcours scolaire.

Sur cette base, plusieurs dispositifs ont été mis en place :

- le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) , obligatoire en cas de redoublement, et qui vise à améliorer l'apprentissage de connaissances de base ciblées à partir d'un diagnostic des difficultés de l'élève ; pour la rentrée scolaire 2009-2010, le taux d'élèves ayant suivi un PPRE a atteint 7,04 % à l'école primaire et 6,25 % au collège ;

- le programme Ecoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite ( Eclair ), qui intègre les 105 établissements du programme des collèges et lycées pour l'innovation, l'ambition et la réussite (Clair) auquel il succède, ainsi que la plupart des écoles et des collèges des réseaux « ambition réussite » (RAR) ; selon le Gouvernement, le programme Eclair est censé permettre des innovations en matière de pédagogie, de vie scolaire et de ressources humaines pour favoriser, en théorie, l'égalité des chances ;

- le développement des unités locales d'intégration scolaire ( ULIS ), visant à assurer le brassage des élèves handicapés et valides dans les collèges et les lycées ; selon le Gouvernement, les ULIS correspondaient à 1 717 postes d'enseignants spécialisés à la rentrée scolaire 2010, tandis que le nombre d'élèves handicapés scolarisés - dans des classes ordinaires ou des unités spécialisées - aurait progressé de 60 % depuis 2004.

2. Une mise en oeuvre sans concertation et porteuse de nouvelles inégalités

En pratique, l'objectif du « socle commun » s'est heurté à une progression des inégalités sociales et territoriales.

Tel a été le sens de la mobilisation à travers toute la France pour refuser la disparition de 3 000 postes d'enseignants du Réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED) . Si ces manifestations ont permis de sauver une partie des postes, dans des proportions qui restent à préciser par le Gouvernement, de trop nombreux postes d'enseignants du RASED ont été supprimés. L'argument du socle commun a aussi été utilisé pour accréditer l'idée que les PPRE seraient obligatoires dès lors qu'un élève rencontrerait des difficultés à accéder au niveau de connaissances requis, ce qui est faux.

En ce qui concerne le nouveau dispositif Eclair, celui-ci s'est mis en place sans le minimum de concertation requis, entraînant le dépôt de préavis de grève. Sous couvert d'expérimentation, Eclair ouvre la voie à un démantèlement des statuts, des programmes et des horaires nationaux, accroissant encore les inégalités entre territoires. Il apparaît indispensable de stopper la mise en place d'Eclair en faisant préalablement un bilan, avec l'ensemble des personnels impliqués, des besoins éducatifs qui se font jour sur notre territoire.

La mise en place des ULIS à la rentrée 2011 ne s'est pas effectuée dans de meilleures conditions, avec des classes surchargées et des personnels insuffisamment formés et rémunérés. Par ailleurs, face à des besoins croissants d'insertion sociale et professionnelle, il n'est pas acceptable que des centaines de jeunes aient dû figurer sur des listes d'attente en juin, à quelques mois seulement de la rentrée scolaire.

Les belles paroles de la loi d'orientation sur l'école ont échoué sur la réalité d'un service public de l'éducation doté de moyens humains réduits d'année en année . Dans ce contexte, les nouveaux dispositifs mis en place, sans concertation avec les personnels de l'éducation nationale, ont encore accru la désorganisation administrative des services et révélé des carences au plus haut niveau dans la gestion du ministère.

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