B. LES MENACES INHÉRENTES À UNE CRIMINALITÉ ORGANISÉE COMPLEXE

Comme dans la plupart des pays des Balkans occidentaux, la principale menace sécuritaire à la stabilité du pays relève de la criminalité organisée, même si cette notion y revêt une signification particulière.

Les « mafias » qui sévissent en Serbie ne peuvent être comparées aux organisations criminelles traditionnelles, de nature entrepreneuriale, mobilisant différents répertoires d'action, y compris un exercice structuré de la violence, et des formes d'activité criminelle dans une logique de profit.

Elles correspondent davantage à des regroupements d'individus sur une base géographique et/ou clanique, s'appuyant sur des positions bureaucratiques érigées en levier d'enrichissement direct (concussion) et indirect (prébendes) pour maintenir et accroître leur influence dans les structures de l'Etat et de son tissu économique et social.

En dehors d'un impact résiduel lié au blanchiment de ces revenus illicites, cette forme de criminalité organisée n'a guère d'effet sur l'environnement régional ou continental du pays, mais constitue une menace réelle et persistante pour la stabilité des institutions serbes, la légitimité de la classe politique et le développement économique du pays 1 ( * ) .

Les organisations criminelles autochtones ont longtemps représenté une menace d'envergure modeste, mais ont bénéficié d'une conjonction d'événements favorables dans la période 2003-2006 , avec l'intensification de l'action répressive des autorités serbes consécutive à l'assassinat du Premier ministre Djindjic qui a incité ces groupes à s'écarter de leur base d'opérations nationale. L'accroissement exponentiel du trafic d'héroïne (en provenance d'Afghanistan et utilisant en particulier la « route des Balkans », l'ouverture de nouvelles routes du trafic transatlantique de cocaïne (diversification des zones de rebond), l'indépendance du Monténégro (exemple d'Etat-entrepôt et foyer de diverses activités de contrebande et de contrefaçon), l'évolution des stratégies de certains acteurs criminels dans la région avec l'essor des organisations criminelles albanaises et l'activisme croissant des trois grandes mafias italiennes, et la nécessaire reconversion de l'industrie de défense du pays.

La combinaison de ces facteurs a favorisé le développement international des organisations criminelles serbes et leur insertion dans les flux criminels internationaux . L'action déstabilisante de ces groupes pour le pays reste limitée, mais ne doit pas être méconnue, ne serait-ce que parce qu'ils ont intérêt à entretenir la fragilité institutionnelle du pays, et du fait du risque de spirale criminelle s'attachant au transit de flux illicites de biens et de personnes.

Les menaces relevant du terrorisme fondamentaliste restent modestes en Serbie (qui ne constitue d'ailleurs pas une cible d'intérêt pour la mouvance djihadiste), mais l'évolution de la situation au Sandjak - province sous souveraineté serbe et monténégrine - justifie une certaine vigilance.

Enfin, la situation du territoire sui generis du Kosovo reste une source d'incertitudes pour la stabilité de la Serbie, tant de manière directe, avec des risques de troubles en zone frontalière, des incertitudes sur le sort des enclaves serbes, des différends sur la délimitation de la frontière indirecte par les opportunités de contrebande et de trafics liées à la présence d'une nouvelle frontière. Cette zone frontalière reste un abcès de fixation sécuritaire et mobilise en permanence un tiers des effectifs de la Gendarmerie serbe , qui ne peut donc être utilisé pour d'autres missions.


* 1 Les résultats de l'élection présidentielle des 6 et 20 mai ont souligné l'impact de ce thème dans la victoire du parti nationaliste SNS de Tomislav Nikolic, qui a notamment dénoncé la corruption des précédentes autorités politiques.

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