B. LES INCOHÉRENCES DU TEXTE : UN STATUT HYBRIDE TAILLÉ SUR MESURE POUR UNE CATÉGORIE ENCORE MARGINALE D'ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS D'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE

Les propositions du texte souffrent, en outre, de plusieurs incohérences :

- l' hétérogénéité est telle entre les écoles de production qu'il est difficile d'anticiper sur le contenu du cahier des charges qui devrait servir de base à leur agrément par le ministère de la formation professionnelle. La charte établie par la FNEP conditionnant l'octroi de la marque « École de production » au respect de huit éléments fondamentaux ne permet pas de garantir des exigences communes en matière d'organisation des activités et de contenus et de méthodes pédagogiques ;

- la proposition de loi semble vouloir tailler sur mesure au profit des écoles de production un statut hybride qui combinerait à la fois les avantages réservés aux apprentis dans le cadre des centres de formation d'apprentis (CFA) ou des sections d'apprentissage (SA) et ceux ouverts aux élèves de l'enseignement public ou de l'enseignement privé sous contrat.

Dans cette logique, l'article 2 entend placer les écoles de production dans le giron du ministère de la formation professionnelle afin, sans doute, de reconnaître aux écoles de production une vocation en matière d'apprentissage qui justifierait aussi bien le bénéfice de versements exonératoires au titre du quota de la taxe d'apprentissage (article 4) que le bénéfice de la carte « Étudiants des métiers » réservée aux apprentis (article 5).

De façon paradoxale, l'article 6 vise à garantir l'accès des élèves des écoles de production aux aides à la scolarité de l'éducation nationale, alors même que le contrôle de ces établissements aurait été transféré au ministère du travail. La proposition de loi reconnaît ainsi implicitement que ces élèves ne peuvent pas être assimilés à des apprentis, en l'absence de toute rémunération et de contrat d'apprentissage ;

- en transférant au ministère de la formation professionnelle l'agrément et le contrôle des écoles de production, les auteurs de la proposition de loi oublient que les services et les missions d'inspection de ce ministère ne disposent pas des compétences nécessaires pour assurer la validation des méthodes pédagogiques mises en oeuvre par ces établissements .

De plus, il convient de rappeler que même les formations par apprentissage s'appuient sur des diplômes dont le contenu et l'organisation pédagogiques ont fait préalablement l'objet d'une validation par le ministère de l'éducation nationale. Il n'est donc pas envisageable de transférer à l'inspection du travail le contrôle d'écoles scolarisant des élèves mineurs pour lesquels les exigences de l'instruction obligatoire jusqu'à 16 ans s'imposent ;

- les représentants des écoles de production défendent un modèle pédagogique et de formation professionnelle d' « école-entreprise » atypique qui, selon eux, n'est pas compatible avec les exigences qu'impliquerait la conclusion d'un contrat d'association avec le ministère de l'éducation nationale dans les conditions prévues par la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959, dite « loi Debré ».

Les promoteurs des écoles de production ne sont pas prêts, en effet, à soumettre leur organisation aux règles des contrats d'association de la « loi Debré » : ceci supposerait une homologation des locaux et des installations, la mise en conformité des enseignements théoriques avec les règles et les programmes de l'enseignement public, le recrutement des enseignants à l'issue d'un concours, une évaluation des enseignants par une notation pédagogique, le respect d'un volume horaire minimal d'enseignement...

Dans ces conditions, la proposition de loi entend contourner les procédures de reconnaissance de droit commun de l'éducation nationale en rapprochant les écoles de production du ministère de la formation professionnelle et du modèle des CFA ou SA. Ceci n'est cohérent ni avec l'intention des auteurs de la proposition de loi de permettre à leurs élèves d'accéder aux bourses de l'éducation nationale, ni avec l'intention du Gouvernement de ne réserver le statut d'apprenti qu'aux jeunes âgés de quinze ans révolus .

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