EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 13 novembre 2012, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Rebsamen, rapporteur spécial, sur la mission « Egalité des territoires, logement et ville » et les articles 64 ter et 64 quater du projet de loi de finances pour 2013.

M. François Rebsamen, rapporteur spécial . - Avant de présenter le détail des programmes de la mission, je formulerai, sur l'ensemble, trois observations générales.

La première porte sur la forme pour signaler que l'ancienne mission budgétaire « Ville et logement » est devenue la mission « Egalité des territoires, logement et ville » et que son périmètre a été élargi aux crédits de l'urbanisme du programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité » qui figuraient jusqu'à présent dans la mission « Ecologie ».

D'autres aménagements internes ont eu lieu, en particulier la création d'un programme de soutien et le transfert de l'action « Grand Paris » vers le programme « Aides à la pierre ».

Si ces modifications sont réalisées dans l'objectif d'une meilleure cohérence des politiques, elles créent beaucoup de difficultés pour suivre, d'un exercice à l'autre, les consommations de crédits et la performance des programmes.

Le projet de budget s'inscrit dans une trajectoire pluriannuelle stricte en 2013 mais qui se stabilise pour les exercices 2014 et 2015. Au total, on passerait d'un budget de 8,2 milliards en 2012 à 7,72 milliards en 2015, soit un peu plus que ce qui était initialement prévu pour 2009.

Sur les cinq programmes de la mission, ceux qui enregistrent une notable diminution de crédits sont le programme relatif aux aides personnelles (10,9 % soit 597 millions d'euros de moins) et, dans une moindre mesure, le programme « Politique de la ville » (6,5 % soit 35 millions de moins).

Compte tenu de la stabilité des besoins, notamment ceux des dépenses de guichet, la réduction des moyens strictement budgétaires implique de recourir à des financements externes. Depuis 2009, les programmes confiés à l'ANRU ainsi que l'amélioration du parc ancien (confié à l'Anah) sont financés principalement par la contribution d'Action logement.

Depuis la loi de finances pour 2011, le précédent Gouvernement avait également soumis les organismes HLM et les SEM à un prélèvement de 175 millions assis sur leur potentiel financier.

Le présent projet de budget pour 2013 prend acte de la suppression du prélèvement HLM à compter de 2013. Il propose une réforme des circuits de financement touchant à la fois les aides personnelles au logement, l'Anah et Action Logement.

Ainsi, 590 millions d'euros provenant de la vente des quotas carbone, devraient être affectés à l'Anah à compter de 2013.

Dans le même temps, la contribution du 1 % aux politiques de l'Etat est fixée à 1,2 milliard d'euros pour les années 2013, 2014 et 2015. Ce montant doit ensuite être réduit. Pour 2013, 800 millions d'euros au minimum seraient alloués au financement de l'ANRU, et 400 millions d'euros maximum devront servir à financer le FNAL, dans le cadre d'un « engagement exceptionnel » prévu à l'article 30 du projet de loi de finances.

En ce qui concerne Action logement, il faut noter aussi la lettre d'engagement mutuel, signée par l'Etat et le 1 %, qui prévoit qu'Action Logement pourra emprunter à hauteur d'un milliard d'euros par an sur les trois prochaines années, en ayant accès aux ressources des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts, et qu'il consacrera au moins 1,5 milliard d'euros par an à la construction de logements sociaux.

En « contrepartie », l'Etat entend revenir à un mode contractuel de gestion des emplois des fonds d'Action Logement, cet engagement devant être traduit dans la future grande loi sur le Logement annoncée par le Gouvernement pour 2013.

Enfin, et c'est ma troisième observation générale, il est clair que le budget proprement dit du logement ne résume pas la politique menée en ce domaine. D'abord, en raison de l'importance du volet fiscal de cette politique. Pour 2013, l'ensemble des dépenses fiscales rattachées à la mission, totalisant les dépenses sur impôts d'Etat et sur impôts locaux pris en charge par l'Etat, s'élèvent à 13,559 milliards d'euros, soit 192 % des crédits de la mission, hors titre 2.

Il convient, sur ce point, de souligner le poids des mesures passées. Les dépenses fiscales liées à certains dispositifs d'aide supprimés continuent, en effet, de peser durablement. C'est ainsi que le crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunts, qui s'est éteint en 2011, représentera, en 2013, une dépense de 1,465 milliard d'euros. Il en est de même pour les dispositifs d'aide à l'investissement immobilier locatif dont le coût fiscal s'étale sur plusieurs années, après leur disparition. Au total, ces régimes d'aide représenteront, en 2013, 1,55 milliard d'euros.

Je remarque aussi que c'est la première fois depuis longtemps que l'on observe une légère diminution du poids des dépenses fiscales. Il était de 14,1 milliards en 2012, il sera de 13,5 milliards en 2013.

Cette baisse intervient malgré la création d'un nouveau dispositif d'incitation à l'investissement locatif, proposé par l'article 57 du présent projet de loi de finances, qui doit permettre la construction d'environ 40 000 logements par an pour une dépense fiscale de 35 millions d'euros en 2014 et 145 millions d'euros en 2015.

Plus généralement, il convient d'apprécier ce projet de budget - et son ambition - au regard de l'ensemble des mesures en faveur du logement proposées dans le présent projet de loi de finances, comme les mesures sur les plus-values immobilières pour favoriser la remise de biens sur le marché ou le renforcement de la taxe sur les logements vacants. Ajoutées aux dispositions prévues en dehors du présent projet, régulation des loyers, augmentation des objectifs de la loi SRU, cession de foncier- y compris gratuitement- par l'Etat, elles devraient permettre de répondre aux objectifs de la construction de 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux et de la rénovation thermique d'un million de logements par an.

J'en viens maintenant à la présentation des cinq programmes de la mission qui au total rassemblent 8 milliards d'euros.

Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » représente 15 % des crédits de la mission et enregistre une hausse de 3,2 % à structure constante. Il se caractérise par un effort très remarquable en faveur de la veille sociale et l'hébergement d'urgence. Les crédits demandés pour 2013 sont à la hauteur de la consommation constatée sur l'exercice 2011 et sont conformes aux exigences de la sincérité budgétaire.

En ce qui concerne le financement du parc d'hébergement pour les personnes sans domicile, un certain nombre de décisions importantes ont été prises par le nouveau Gouvernement, en réaction à la politique trop restrictive inspirée par la logique du « logement d'abord » prônée antérieurement. Elles incluent notamment la pérennisation de certaines places ouvertes en 2012 dans le cadre du dispositif hivernal et la création de 500 places nouvelles d'hébergement d'urgence dès 2013.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » représente 60 % des crédits de la mission. Il est en diminution de près de 600 millions d'euros par rapport à 2012 en raison d'une économie réalisée sur la subvention d'équilibre que l'Etat verse au fonds national d'aides au logement (FNAL). Cette diminution n'empêchera pas l'actualisation des loyers plafonds et du forfait de charges sur l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL) au 1 er janvier 2013 qui constitue un retour aux règles d'indexation normales alors que le précédent Gouvernement avait décidé, en 2012, de limiter à 1 % la revalorisation des barèmes des aides au logement.

Le projet de loi de finances prévoit donc un mode de financement rénové des aides personnelles pour les trois prochaines années.

De nouvelles recettes seront affectées au FNAL, à hauteur de 848 millions d'euros, dont 400 millions sous forme d'un prélèvement exceptionnel sur les versements des employeurs au titre de la participation à l'effort de construction (PEEC), dont la création est prévue par l'article 30 du présent projet de loi de finances, et 448 millions d'euros correspondant à une fraction du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, dont la création fait l'objet de l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Il est particulièrement important, à mon sens, que le Gouvernement ait affirmé le caractère exceptionnel du prélèvement.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » traduit la volonté du Gouvernement de développer et d'améliorer l'offre de logement, aussi bien dans la construction neuve que dans la lutte contre l'insalubrité et la précarité énergétique.

En ajoutant les crédits consacrés aux aides à la pierre pour le parc locatif social (505 millions) et ceux destinés à la lutte contre l'habitat indigne (7,9 millions), on constate une progression de près de 12 % des autorisations d'engagement par rapport à la LFI pour 2012. Les crédits d'aide à la pierre font l'objet d'un recentrage social et vers les zones les plus tendues du territoire. Le montant de la ligne « surcharge foncière » passe ainsi de 190,6 à 214,9 millions d'euros.

J'attire enfin votre attention sur le projet de mise en place d'observatoires du logement à l'échelle locale prévu à hauteur de 5 millions d'euros et sur l'explosion du coût du contentieux Dalo. La dotation prévue en 2013 pour faire face aux condamnations est de 29,3 millions d'euros, elle correspond à une augmentation de 10 millions d'euros, soit + 52 %, par rapport au montant prévu par la loi de finances pour 2012.

Le programme 147 « Politique de la ville » représente 6 % des crédits de la mission. Ils enregistrent une baisse de 4 % qui préserve cependant 2,5 millions d'euros pour assurer le financement du nouveau dispositif des « emplois francs ». Le budget de ce programme est incontestablement un budget d'attente. Beaucoup de dossiers ont été lancés, comme la géographie prioritaire, la redistribution du rôle des agences, l'avenir des zones franches, les nouveaux contrats de la politique de la ville avec les collectivités, la suite du PNRU. C'est donc plutôt pour 2014 que les choix budgétaires et fiscaux seront effectués.

Enfin, le nouveau programme de soutien concentre les effectifs et les crédits de masse salariale du ministère de l'égalité des territoires et du logement. Toutefois, comme pour les années antérieures, en gestion, l'ensemble des moyens de ce programme sera transféré vers le programme 217 du ministère de l'écologie.

Au total, je vous propose d'adopter les crédits de la mission qui sont à la hauteur des ambitions des objectifs de la politique du logement menée par le Gouvernement.

M. Yannick Botrel . - Quelles sont les conséquences du projet de budget sur les moyens financiers des organismes d'HLM qui conditionnent en grande partie l'activité du bâtiment ?

M. François Trucy . - Je m'inquiète de la progression très rapide des condamnations au titre du droit au logement opposable !

M. Albéric de Montgolfier . - Comment s'explique la hausse du coût du dispositif Scellier en 2013 ? Les chiffres prennent-ils en compte le « rabot » sur les « niches » ? Peut-on avoir une idée des conséquences de l'échec de la garantie des risques locatifs (GRL) sur les fonds de solidarité pour le logement (FSL) et l'augmentation du recours à ces fonds ?

M. Vincent Delahaye . - Quel sera l'impact de la baisse de la contribution de l'Etat sur le fonctionnement du FNAL ? Comment peut-on économiser presque 600 millions d'euros ? Et peut-on avoir des éléments de comparaison entre le Scellier et le nouveau dispositif d'incitation proposé par le projet de loi de finances ? Enfin, comment pouvons nous limiter la hausser du coût des contentieux Dalo ?

M. Jean-Paul Emorine . - Il n'y a plus de subvention de l'Etat pour les prêts locatifs sociaux (PLS). C'est grave notamment pour les projets de création de structures d'accueil de personnes handicapées et de maisons de retraite, car nous perdons ainsi le bénéfice de la TVA à taux réduit.

Mme Marie-France Beaufils . - Sur les aides à la pierre, je note quand même une diminution des subventions par opération. Je suis également inquiète des conséquences de l'affaire du crédit immobilier de France sur l'accession sociale à la propriété. Ma dernière interrogation porte sur la réalité des produits qui seront tirés de la vente des quotas de CO2 et serviront à financer l'Anah.

M. François Rebsamen, rapporteur spécial . - Sur les marges de financement des organismes HLM, la suppression du prélèvement potentiel financier, qui était injuste, rendra 175 millions d'euros. Pour le Dalo, nous ne pouvons pas faire grand-chose car l'Etat est condamné en application de la loi de 2007 sur le droit au logement opposable et je crains que ces condamnations continuent d'augmenter. Mais le produit des condamnations est heureusement réinjecté dans le circuit pour la construction de logements et l'accompagnement des personnes en difficulté. Sur les dépenses fiscales liées à des dispositifs incitatifs qui sont désormais clos, l'augmentation tient à la prise en compte des nouvelles opérations précédant la clôture. Quant aux chiffres de l'estimation, ce sont ceux des documents budgétaires et le rabot ne touche pas les dispositifs anciens.

Je ne pense pas que l'on puisse établir de lien direct entre échec de la GRL et recours aux FSL. C'est plutôt la crise sociale et la paupérisation qui conduisent à augmenter ce recours aux fonds départementaux.

Pour la comparaison entre dispositifs « Scellier » et « Duflot » il faut noter, d'une part, que le second a un objectif quantitatif plus modeste et, d'autre part, qu'il est recentré géographiquement.

S'agissant des PLS, effectivement il n'y a plus d'aide de l'Etat, mais cette décision ne date pas du projet de budget pour 2013. Toutefois, je réponds à Marie-France Beaufils que les crédits d'aide à la pierre progressent bien de 450 millions à 500 millions d'euros.

Sur le CIF, je vous renvoie aux auditions organisées par notre rapporteur général...

M . François Marc, rapporteur général . - ... et qui se poursuivent cette semaine...

M. François Rebsamen, rapporteur spécial . - ...ainsi qu'aux travaux qui vont être menés par Jean Germain.

Enfin, sur le financement du FNAL et de l'Anah, les 590 millions de produit issus des quotas carbone sont assurés pour 2013 si j'en crois les informations précises que j'ai obtenues sur le cours du quota et les estimations retenues dans le cadre de l'élaboration du projet de budget. Comme l'Anah disposera d'un financement nouveau, la contribution d'Action logement sera réorientée vers le financement de l'ANRU ainsi que vers les aides au logement et le FNAL. Elle sera complétée par un prélèvement exceptionnel sur la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction. C'est ce qui permet à l'Etat de réduire la subvention d'équilibre qu'il verse au FNAL sans diminuer les prestations d'aides personnelles au logement.

M. Philippe Marini, Président . - Je vous remercie pour ces réponses et je vous propose maintenant de passer à l'examen des articles rattachés.

M. François Rebsamen, rapporteur spécial . - L'Assemblée nationale a adopté hier les crédits de la mission ainsi que deux amendements créant des articles additionnels.

Le premier (article 64 ter ) a trait au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), qui a été créé par la loi de finances rectificative pour 2011 de juillet 2011. Ce fonds finance des actions d'accompagnement des ménages reconnus prioritaires et à loger en urgence dans le cadre du DALO. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale propose d'élargir le bénéfice des mesures financées par le fonds à l'ensemble des ménages en difficultés. Compte tenu des ressources suffisantes du fonds (qui proviennent des astreintes payées par l'Etat au titre du Dalo), je suis favorable à cette mesure.

Le second article (article 64 quater ) concerne la taxe d'habitation sur les logements vacants que les communes peuvent instituer en application de l'article 1407 bis du CGI et à laquelle j'ai fait allusion dans l'examen des crédits. Alors que le dispositif en vigueur autorise d'appliquer la taxe d'habitation après cinq années de vacance, le texte adopté par l'Assemblée nationale réduit cette durée à deux ans. Je suis favorable à cette mesure même si cela n'épuise pas le débat que nous aurons sans doute demain lors de l'examen en commission de l'article 11 du présent projet de loi de finances.

Donc, je vous demande de bien vouloir adopter sans modification ces deux articles.

M. Philippe Marini, président . - Cette modification de délai de cinq à deux ans est-elle de droit ou demande-t-elle une délibération de la commune ou de l'EPCI ?

M. François Rebsamen, rapporteur spécial . - Pour instituer la taxe d'habitation logements vacants, il faut une délibération, mais le raccourcissement du délai est automatique.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » ainsi que des articles 64 ter et 64 quater du projet de loi de finances pour 2013.

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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2012, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

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