ARTICLE 8 (Art. L. 16 B, L. 16-0 BA, L. 74, L. 188 B, L. 228, L. 252 B du livre des procédures fiscale, art. 1735 quater [nouveau], 1740 B du code général des impôts et art. 28-2 du code de procédure pénale) : Adaptation des procédures de lutte contre les fraudes les plus graves

Commentaire : le présent article vise à moderniser la procédure de visite et de saisie par la création de dispositions spécifiques aux perquisitions informatiques, à élargir la procédure de flagrance fiscale et à étendre le champ de la procédure judiciaire d'enquête fiscale.

I. MODERNISATION DU DROIT DE VISITE ET DE SAISIE

A. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) prévoit que l'administration fiscale peut se voir reconnaître un droit de visite et de saisie « en tous lieux, même privés » lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable s'est frauduleusement soustrait au paiement d'impôts directs ou de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Eu égard aux pouvoirs que cette procédure confère aux agents de l'administration, et notamment la possibilité d'opérer des investigations dans des lieux privés, son usage est placé sous le contrôle de l'autorité judiciaire à tous les stades de son déroulement. Aussi obéit-elle à des règles strictes afin de concilier les nécessités de l'action fiscale et le respect de la liberté individuelle.

En particulier, son engagement doit obligatoirement et préalablement être autorisé par l'autorité judiciaire 80 ( * ) . A cette fin, il appartient à l'administration de justifier les présomptions lui permettant de demander une visite domiciliaire. Par ailleurs, les vérificateurs de l'administration fiscale doivent être accompagnés d'un officier de police judiciaire (OPJ) qui assiste à la visite et a pour fonction d'informer le magistrat de son déroulement.

Ces différents éléments expliquent pourquoi il n'en est fait qu'un usage modéré . Dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008 81 ( * ) , notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général, avait indiqué qu'en 2007 avaient eu lieu 240 visites domiciliaires, concernant 425 personnes pour 810 lieux visités ; ces chiffres sont à comparer aux 44 606 contrôles sur place qui ont été menés la même année 82 ( * ) .

Dans le cadre de son droit de visite, l'administration recherche les pièces et documents se rapportant aux comportements frauduleux et peut procéder à leur saisie , quel qu'en soit le support (I de l'article L. 16 B du LPF). Aussi le juge a-t-il considéré que la prise en copie de documents informatiques était régulière , qu'elle se fasse à partir du disque dur de l'ordinateur du contribuable visité 83 ( * ) , ou encore de serveurs distants même situés à l'étranger et appartenant à des tiers, dès lors que l'administration y accède à partir d'ordinateurs présents dans les lieux visités 84 ( * ) . En effet, la Cour de cassation avait déjà jugé que la visite pouvait concerner un tiers susceptible de détenir des « pièces et documents se rapportant aux agissements » imputés aux contribuables 85 ( * ) .

La procédure du droit de visite et de saisie a été réformée en 2008 sous l'impulsion de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Cette dernière avait déclaré la procédure, dans sa version antérieure, contraire à l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dans la mesure où les contribuables concernés étaient privés d'un recours effectif en l'absence de redressement consécutif à la visite 86 ( * ) . En effet, l'ordonnance autorisant la visite ne pouvait faire l'objet que d'un recours devant le juge de cassation, ce qui ne permettait pas un examen des éléments de fait fondant l'autorisation litigieuse. La loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) 87 ( * ) a donc aménagé le régime de l'article L. 16 B du LPF, instituant notamment la possibilité de faire appel contre l'ordonnance d'autorisation et les opérations de visite et de saisie. Cette nouvelle rédaction de l'article L. 16 B a été reconnue conforme à la Constitution 88 ( * ) .

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Tout d'abord, le présent article propose de moderniser la procédure de droit de visite et de saisie par la création de dispositions spécifiques aux perquisitions informatiques ( alinéa 1 ). A cet effet, il prévoit de modifier l'article L. 16 B du LPF ( alinéa 2 ).

Tout d'abord, le 1° du I du dispositif proposé adapte la rédaction de cet article afin de permettre explicitement un accès aux données figurant sur des serveurs informatiques distants dans le cadre de l'exercice du droit de visite et de saisie par l'administration ( alinéas 3 et 5 ). En outre, le champ d'application de la procédure de flagrance fiscale est élargi à l'ensemble des taxes sur le chiffre d'affaires ( alinéa 4 ).

Ensuite, le 2° du I du présent article prévoit l'ajout d'un IV bis à l'article L. 16 B précité ( alinéa 6 ) afin d' instituer un dispositif sanctionnant l'obstacle à la saisie de pièces ou documents sur support informatique .

Ainsi, dans le cadre d'une visite domiciliaire, lorsque le contribuable ou son représentant fait obstacle à l'accès aux pièces ou aux documents sur support informatique , il en est fait mention sur le procès-verbal ( alinéa 7 ). Les vérificateurs peuvent alors procéder à la copie de ce support et le saisir . Ce dernier est alors placé sous scellés.

A la suite de la visite, les agents de l'administration disposent d'un délai de quinze jours pour décoder les pièces et documents sur le support informatique . Ce délai peut être prorogé sur autorisation du juge des libertés et de la détention ( alinéa 8 ). Ces opérations sont réalisées sur la copie du support ( alinéa 9 ).

A l'issue du délai précité et une fois le décodage réalisé, le contribuable est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés, à la lecture et à la saisie des pièces et documents présents sur le support informatique, qui ont lieu en présent d'un officier de police judiciaire ( alinéa 10 ). Les démarches de lecture et de saisie des pièces et documents sont décrites dans un procès-verbal et il est fait un inventaire des éléments ainsi saisis ( alinéa 11 ). Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les vérificateurs, l'officier de police judiciaire et par le contribuable ou son représentant ; l'absence ou le refus de signer du contribuable est consigné dans le procès-verbal ( alinéa 12 ). A cette même occasion, le support informatique et sa copie sont restitués au contribuable ( alinéa 13 ).

Le II du présent article propose de modifier l'article L. 74 du LPF ( alinéa 18 ) afin de permettre à l'administration fiscale, lorsqu'il est fait obstacle à la saisie de pièces ou documents sur support informatique dans le cadre d'une visite domiciliaire, de procéder à une taxation d'office ( alinéa 19 ).

Par ailleurs, le III du dispositif proposé insère un nouvel article 1735 quater du code général des impôts (CGI) ( alinéa 20 ) prévoyant que l'obstacle à l'accès aux pièces ou documents sur support informatique est passible d'une amende égale à ( alinéa 21 ) :

- 10 000 euros ou 5 % des droits rappelés , si ce dernier montant est plus élevé, lorsque cet obstacle est constaté dans les locaux occupés par le contribuable ( alinéa 22 ) ;

- 1 500 euros dans les autres cas, portée à 10 000 euros lorsque cet obstacle est constaté dans les locaux occupés par le représentant en droit ou en fait du contribuable ( alinéa 23 ).

Enfin, le 3° du I du présent article propose une modification du VI de l'article L. 16 B du LPF ( alinéa 14 ) afin de permettre à l'administration d' opposer au contribuable, dans le cadre d'une vérification de comptabilité ultérieure, les traitements effectués sur les données informatiques saisies à l'occasion d'une visite domiciliaire ( alinéas 15 à 17 ). Le contribuable est alors informé, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification du montant de son imposition, de la nature et du résultat des traitements informatiques réalisés sur ces supports qui contribuent aux rehaussements proposés, sans que ces traitements ne constituent en tant que tels le début d'une procédure de vérification approfondie. Sont également notifiés au contribuable les noms et adresses des vérificateurs qui ont réalisé ces opérations.

C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, cinq amendements rédactionnels au dispositif proposé.

D. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La procédure de visite et de saisie permet à l'administration fiscale de procéder à des visites domiciliaires afin de rechercher et, le cas échéant, de saisir les preuves d'agissements frauduleux . Ce droit de visite peut s'exercer « en tous lieux, même privés », raison pour laquelle il est placé sous le contrôle de l'autorité judiciaire .

Dans ce cadre, l'administration peut saisir les pièces et documents se rapportant aux fraudes éventuelles, et ce quel qu'en soit le support. Aussi, eu égard au développement de l'informatique, le juge a-t-il considéré que les documents informatiques faisaient bien partie des éléments susceptibles d'être saisis . Les documents ainsi appréhendés peuvent être issus aussi bien du disque dur de l'ordinateur du contribuable vérifié que d'un serveur distant, c'est-à-dire d'un espace de stockage externe, quand bien même celui-ci appartiendrait à des tiers.

Une telle jurisprudence paraît opportune alors qu'apparaissent de nouveaux supports à la fraude fiscale. Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France 89 ( * ) avait mis en évidence les progrès de ce qu'elle avait désigné comme l'« e-évasion ». A cet égard, lors de son audition par cette même commission d'enquête, le directeur national des enquêtes fiscales Bernard Salvat avait admis l'inquiétude croissante des services de contrôle face à la sophistication des techniques informatiques utilisées par les fraudeurs. Il avait alors donné l'exemple du « cloud computing », soit le stockage de données sur des serveurs distants, dont l'accès est particulièrement difficile pour les vérificateurs. Enfin, le directeur avait souligné le dénuement de l'administration fiscale face à des fraudeurs refusant de communiquer les codes d'accès à leurs données informatiques .

En dépit des latitudes d'action laissées par le juge, les perquisitions de données informatiques en matière fiscale devaient être précisées par la loi . C'est ce que s'attache à faire le présent article. Ainsi, il est proposé de modifier l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) afin de prévoir explicitement que le droit de visite et de saisie peut porter sur des données figurant sur des serveurs distants . Par ailleurs, la procédure de saisie de documents informatiques est précisément définie. Il est prévu un délai de quinze jours prorogeable au cours duquel les contrôleurs peuvent procéder aux opérations permettant d'accéder aux documents et pièces présentes sur les supports informatiques saisis. Afin de garantir la protection de la vie privée , la lecture de ces pièces se fait en présence d'un officier de police judiciaire et, s'il le souhaite, du contribuable ou de son représentant, comme pour les visites domiciliaires.

Enfin, le dispositif proposé prévoit la mise en place d' un dispositif de sanction s'il est fait obstacle à l'accès aux documents informatiques , comme lorsque le contribuable refuse de divulguer le code d'accès à ces données. Dans un tel cas, l'administration peut appliquer la procédure d' évaluation d'office pour opposition au contrôle fiscal et prononcer une amende pouvant aller jusqu'à 10 000 euros ou, si cette somme est supérieur, à 5 % des droits rappelés.

II. ÉLARGISSEMENT DE LA PROCÉDURE DE FLAGRANCE FISCALE

A. LE DROIT EXISTANT

Afin de sanctionner efficacement les fraudeurs et de sécuriser le recouvrement de l'impôt, une procédure a été mise en place permettant à l'administration d'opérer avant même la date à laquelle intervient l'obligation déclarative dès lors qu'une fraude fiscale est en train de se produire. Il s'agit de la flagrance fiscale , créée par la loi du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 90 ( * ) et codifiée à l'article L. 16-0 BA du LPF.

Avant cela, l'administration devait attendre que le contribuable remette sa déclaration (ou omette de le faire dans les délais légaux) pour procéder à des investigations 91 ( * ) . Toutefois, ce délai est susceptible de profiter au contribuable qui peut faire disparaître des éléments de preuve, organiser son insolvabilité, etc.

La flagrance fiscale peut être déclenchée dans le cadre d'un contrôle ponctuel (droit de visite de saisie ou droit d'enquête) ou d'une vérification approfondie (vérification de comptabilité ou examen contradictoire de situation fiscale personnelle) portant sur des exercices fiscaux échus. A cet effet, les vérificateurs doivent constater la commission, par un contribuable se livrant à une activité professionnelle, de certains faits frauduleux et faire état de « circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale » (I de l'article L. 16-0 BA du LPF).

Les faits frauduleux justifiant l'usage de la flagrance fiscale sont précisés par l'article L. 16-0 BA précité ; ainsi peut-il s'agir de l' exercice d'une activité occulte , de la délivrance de fausses factures , de la réitération d'opérations commerciales sans facture ou non comptabilisées ou encore du recours au travail dissimulé .

L'instruction fiscale portant sur ce dispositif 92 ( * ) a précisé, quant à elle, le contenu des « circonstance susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale ». Ces circonstances ont trait au comportement ou à la situation du débiteur (entreprise éphémère, par exemple), ou encore à des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la dette (multiplication des créanciers, existence de biens grevés de plusieurs hypothèques pour des sommes importantes, etc.).

Lorsque ces conditions sont remplies, les agents sont habilités à dresser un procès-verbal constatant la situation de flagrance. Les faits ainsi établis pourront être opposés au contribuable . L'administration peut aussi effectuer des saisies conservatoires , afin de préserver le recouvrement des impôts, dont le montant dépend de plafonds 93 ( * ) précisés par l'article L. 252 B du LPF. Ces mesures conservatoires sont prises par le service du comptable public sans intervention judiciaire : le procès-verbal de flagrance constitue un titre exécutoire . Elles peuvent conduire à saisir une partie du stock de l'entreprise, ses meubles, etc. Enfin, en cas de constat de flagrance, l'administration est fondée à faire application d'une amende de 5 000 euros, montant qui peut être relevé à 10 000 ou 20 000 euros selon le chiffre d'affaires de l'entreprise, conformément aux dispositions de l'article 1740 B du code général des impôts (CGI).

Les contribuables concernés par une procédure de flagrance peuvent contester la procédure, dans un délai de huit jours à compter de la réception du procès-verbal 94 ( * ) , devant le juge administratif des référés . Ce dernier se prononce dans un délai de quinze jours 95 ( * ) .

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d' élargir la procédure de flagrance fiscale ( alinéa 24 ). C'est pourquoi le IV du dispositif proposé prévoit de modifier l'article L. 16-0 BA du LPF ( alinéa 25 ).

1. L'allongement de la période d'application de la flagrance fiscale

Tout d'abord, il est prévu d' allonger la période sur laquelle peut porter la flagrance fiscale . Le a) du 1° du IV du présent article ( alinéas 26 et 27 ) propose d'étendre la flagrance fiscale à l'ensemble des périodes d'imposition achevées mais pour lesquelles aucune obligation déclarative n'est encore arrivée à échéance. En effet, en l'état actuel du droit, la flagrance fiscale ne peut porter que sur la période en cours. Aussi les dispositions de l'article L. 252 B du LPF sont-elles modifiées en conséquence ( alinéas 40 à 42 et 45 à 47 ).

2. Le champ de la flagrance fiscale

Le b) du 1° du IV du dispositif proposé prévoit de préciser le champ des faits frauduleux justifiant l'usage de la flagrance fiscale. Ainsi, dans le cadre de la réitération d'opérations sciemment non comptabilisées et de nature à priver la comptabilité de valeur probante, la nature, commerciale ou non, des opérations n'est pas prise en compte ( alinéa 28 ).

Le c) du 1° du IV du présent article ( alinéas 29 et 30 ) ajoute aux faits frauduleux justifiant l'usage de la flagrance la violation réitérée de l'obligation déclarative mentionnée au 2 de l'article 287 du CGI concernant les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) soumis au régime réel normal d'imposition.

Le d) du 1° du IV du dispositif proposé ( alinéa 31 ) prévoit de modifier les dispositions de l'article L. 16-0 BA relatives à la signature du procès-verbal de flagrance fiscale afin de préciser que celui-ci n'a pas être signé par le contribuable lorsqu'est constituée l'infraction consistant à mettre les vérificateurs dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions définie par l'article 1746 du CGI.

3. L'extension de la flagrance fiscale aux autres administrations en cas de travail dissimulé

Par ailleurs, le 2° du IV du présent article insère un nouveau paragraphe à l'article L. 16-0 BA du LPF de manière à permettre à des agents autres que de l'administration fiscale de recourir à la procédure de flagrance fiscale dès lors qu'une infraction relative au recours au travail dissimulé mentionnée à l'article L. 8221-1 du code du travail est constatée ( alinéas 32 et 33 ). Toutefois, dans un tel cas, le procès-verbal de flagrance fiscale est signé par les agents de l'administration fiscale et, en principe, par le contribuable ( alinéa 34 ). L'original du procès-verbal est conservé par l'administration des impôts et copie est notifiée au contribuable ( alinéa 35 ).

4. L'extension du champ des mesures conservatoires

Ensuite, le dispositif proposé prévoit de modifier le champ des mesures conservatoires pouvant être utilisées par l'administration dans le cadre de la flagrance fiscale. Ainsi le V du présent article modifie la rédaction de l'article L. 252 B du LPF afin d' intégrer aux mesures conservatoires les sûretés judiciaires ( alinéas 38 et 39 ), alors qu'en l'état actuel du droit celui-ci ne vise que les saisies conservatoires. Cette modification justifie la coordination rédactionnelle proposée par les 3° et 4° du IV du présent article ( alinéas 36 et 37 ) ; en effet, l'article L. 16-0 BA du LPF doit désormais mentionner les « mesures conservatoires » et non plus les seules « saisies conservatoires ».

5. Le relèvement du montant de l'amende

Enfin, le VI du dispositif proposé prévoit de modifier l'article 1740 B du CGI ( alinéa 48 ) afin de relever le montant de l'amende applicable dans le cadre de la procédure de flagrance fiscale.

Lorsque la flagrance trouve à s'appliquer dans le cadre d' activités illicites 96 ( * ) , l'amende est portée à 10 000 euros lorsque le revenu reconstitué est supérieur à la quatrième tranche du barème de l'impôt sur le revenu (soit 26 420 euros) ou à 20 000 euros lorsque celui-ci excède la cinquième tranche du barème (soit 70 830 euros) 97 ( * ) ( alinéas 50 à 53 ).

L'article 1740 B précité est modifié afin de tenir compte des changements apportés à l'article L. 16-0 BA du LPF par le dispositif proposé ( alinéas 49 et 54 ). Enfin, il est prévu que le montant de l'amende prononcée entre désormais dans le champ des saisies conservatoires ( alinéas 43 et 44 ).

C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement au présent article portant sur la procédure de flagrance fiscale.

Cet amendement propose de porter à 30 000 euros le montant de l'amende applicable dans le cadre de la flagrance lorsque le revenu reconstitué excède la sixième tranche du barème de l'impôt sur le revenu (soit 150 000 euros) ( après l'alinéa 53 ).

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, quatre amendements rédactionnels au dispositif proposé.

D. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

De manière à sanctionner plus efficacement les fraudes et à sécuriser le recouvrement de l'impôt, la loi du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 a institué la procédure de flagrance fiscale . Aussi, en présence de faits frauduleux et de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale, l'administration peut-elle dresser un procès-verbal de flagrance , effectuer des saisies conservatoires et prononcer une amende à l'encontre du contribuable .

Bien qu'elle présente une utilité indéniable, cette procédure fait l'objet d'une utilisation limitée . Comme l'a récemment montré la Cour des comptes 98 ( * ) , entre sa création et le premier semestre 2011, celle-ci n'a été engagée qu'à 19 reprises et porté sur un montant total de près d'1 million d'euros .

Malgré tout, les saisies conservatoires réalisées par la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), qui dispose du monopole de cette procédure, portent sur des montants de plus en plus importants, ce qui semble souligner l'intérêt de cet instrument . C'est pourquoi, le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France précité avait recommandé d'« assouplir la procédure de flagrance fiscale pour la rendre efficace et faciliter le contrôle fiscal » (proposition n° 32).

Cette préconisation paraît avoir été suivie puisque le présent article propose de modifier le régime de la procédure de flagrance fiscale . Tout d'abord, la commission d'enquête sénatoriale a mis en évidence la limite inhérente au fait que cette procédure ne peut porter que sur la période d'imposition en cours. Aussi, le dispositif proposé prévoit d'allonger la période sur laquelle est susceptible de porter la flagrance ; ainsi celle-ci concernerait l'ensemble des périodes d'imposition achevées mais pour lesquelles aucune obligation déclarative n'est encore arrivée à échéance .

Ensuite, il est proposé d' élargir le champ de la flagrance fiscale , en y intégrant notamment la violation répétée de l'obligation déclarative concernant les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) soumis au régime réel normal d'imposition.

Par ailleurs, la procédure de flagrance fiscale devrait être étendue aux autres administrations que l'administration fiscale dans les cas de travail dissimulé . En effet, à ce jour, les agents des impôts ne peuvent utiliser les faits frauduleux découverts par d'autres administrations, comme l'inspection du travail ou les services de contrôle de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF). Par conséquent, une telle extension permettrait d'améliorer l'efficacité de la procédure.

L'effectivité de la flagrance fiscale serait également renforcée par l'élargissement du champ des mesures conservatoires auxquelles l'administration peut recourir . Actuellement, la procédure ne permet que des saisies conservatoires, portant exclusivement sur les biens mobiliers, corporels ou incorporels, du contribuable. Il est donc proposé d'étendre le périmètre des mesures conservatoires aux sûretés judiciaires afin de constituer des garanties de recouvrement sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions et les parts sociales appartenant au débiteur.

Enfin, il est prévu d' alourdir les amendes applicables dans le cadre de la flagrance fiscale . Ainsi, en cas d'activités illicites, l'amende serait portée à 10 000 euros lorsque le revenu reconstitué est supérieur à la quatrième tranche du barème de l'impôt sur le revenu (soit 26 420 euros) ou à 20 000 euros lorsque celui-ci excède la cinquième tranche du barème (soit 70 830 euros). L'Assemblée nationale a pris acte de la création d'une tranche supplémentaire du barème de l'impôt sur le revenu en adoptant un amendement prévoyant que le montant de l'amende s'élève à 30 000 euros lorsque le revenu reconstitué excède la sixième tranche du barème (soit 150 000 euros).

III. ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DE LA PROCÉDURE D'ENQUÊTE JUDICIAIRE FISCALE

A. LE DROIT EXISTANT

L'article 23 de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 99 ( * ) a créé une procédure d'enquête judiciaire menée par des agents des services fiscaux spécialement habilités et une procédure accélérée auprès de la commission des infractions fiscales (CIF) 100 ( * ) .

La commission des infractions fiscales

La commission des infractions fiscales est composée de douze membres titulaires et de douze membres suppléants, conseillers d'Etat ou conseillers maîtres à la Cour des comptes 101 ( * ) . Le président est choisi parmi les conseillers d'État membres de la commission. Le président et les membres sont nommés par décret pour une durée de trois ans.

La commission est composée de quatre sections , comprenant chacune trois membres. Ainsi, cette dernière peut siéger en formation plénière ou en section.

Pour chaque affaire, le président de la commission désigne un rapporteur parmi les fonctionnaires et magistrats figurant sur une liste arrêtée par le ministre du budget. Ces derniers, qui ont une voix consultative, formulent des propositions devant la commission en formation plénière ou les sections.

La commission examine les affaires qui lui sont soumises par le ministre en charge du budget ou, sur délégation, par le directeur général, l'adjoint au directeur général chargé de la fiscalité, le chef du service du contrôle fiscal et le chef du bureau des affaires fiscales et pénales de la direction générale des finances publiques (DGFiP) 102 ( * ) . Elle n'a pas de pouvoir d'autosaisine.

Lorsque la commission est saisie, le contribuable en est informé par une lettre qui lui indique l'essentiel des griefs motivant cette saisine et l'invite à fournir, dans un délai de trente jours, les informations qu'il estime nécessaires.

La commission rend un avis qui lie le ministre 103 ( * ) .

Alors que les contribuables concernés doivent, en principe, être avisés de la saisine de la commission, une dérogation est désormais prévue. Dans certains cas, la commission peut examiner l'affaire dont elle est saisie sans que le contribuable soit informé ni de la saisine ni de l'avis de celle-ci . L'article L. 228 du LPF précise que la procédure accélérée ne peut être engagée que lorsque le ministre a fait valoir des « présomptions caractérisées » d'infraction fiscale « pour laquelle existe un risque de dépérissement des preuves » et qui a eu recours à l' utilisation de faux (fausse identité ou faux documents au sens de l'article 441-1 du code pénal, ou « toute autre falsification ») (3° de l'article L. 228 précité) ou de comptes détenus directement ou indirectement dans des Etats ou territoires non coopératifs (ETNC). Ce dernier cas vise expressément :

- la non-déclaration d'un compte bancaire ou d'un contrat souscrit dans un paradis fiscal (1°) ;

- l'interposition, dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative, de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable (2°).

En outre, l'article 28-2 du code de procédure pénale prévoit que des agents des services fiscaux, spécialement désignés par arrêté du ministre chargé de la justice et du ministre chargé du budget, sont habilités à effectuer des enquêtes judiciaires aux réquisitions du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction. Ces agents ont compétence pour rechercher et constater, sur l'ensemble du territoire national, les infractions fiscales résultant de l' utilisation de faux ou de comptes détenus directement ou indirectement dans des Etats ou territoires non coopératifs (alinéas 1° à 3° de l'article L. 228 du LPF). Ils sont exclusivement dirigés par le procureur de la République , sous la surveillance d'un procureur général et le contrôle de la chambre d'instruction, et sont placés au sein du ministère de l'intérieur .

La création de cette brigade d'enquête fiscale résulte directement des travaux de nos collègues députés auteurs du rapport d'information déposé en septembre 2009 sur les paradis fiscaux 104 ( * ) ; parmi les propositions de ce rapport figurait celle de « créer un service fiscal d'enquêtes composé d'agents disposant de la qualité d'officier de police judiciaire sous l'autorité du parquet ».

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d' élargir le champ de la procédure judiciaire d'enquête fiscale ( alinéa 55 ). A cet effet, il prévoit de modifier le livre des procédures fiscales ( alinéa 56 ). Ainsi, est tout d'abord concerné l'article L. 228 de ce livre afin d'ajouter deux conditions dans lesquelles la procédure accélérée auprès de la commission des infractions fiscales (CIF) peut être engagée ( alinéa 58 ) :

- la domiciliation fiscale fictive ou artificielle du contribuable à l'étranger ;

- la constatation de toute manoeuvre destinée à égarer l'administration .

Ces ajouts donnent lieu à des coordinations rédactionnelles au sein de l'article L. 188 B du LPF (alinéa 57) et de l'article 28-2 du code de procédure pénale (CPP) ( alinéa 61 ).

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Faisant suite à une proposition d'une mission d'information de l'Assemblée nationale, il a été institué une procédure d'enquête judiciaire fiscale dans le cadre de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. Cette procédure est mise en oeuvre par la brigade de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), aussi appelée « police fiscale », qui a été créée à cet effet en 2010.

La procédure d'enquête judiciaire fiscale permet de lutter contre les pratiques frauduleuses les plus sophistiquées, permettant que soient réalisées des investigations sous la forme d'auditions, d'écoutes, de perquisitions, etc. Les travaux de commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France ont permis de mettre en évidence l' intérêt de cette innovation procédurale . Depuis sa création, elle a déjà été appliquée à 77 cas de grande fraude , conduisant à la saisie de 5,6 millions d'euros ; l'enjeu fiscal total des dossiers concernés est évalué à 240 millions d'euros .

Par conséquent, le présent article propose d'élargir le champ de la procédure d'enquête fiscale ; aussi celle-ci pourrait-elle être engagée si est constatée :

- la domiciliation fiscale fictive ou artificielle du contribuable à l'étranger ;

-  une manoeuvre destinée à égarer l'administration .

Cette dernière condition, par la généralité de sa formulation, permet en quelque sorte de normaliser cette procédure qui était initialement pensée pour lutter contre les fraudes faisant intervenir un Etat ou territoire non coopératif (ETNC). Ainsi, les comportements frauduleux pourront être plus généralement poursuivis sur le fondement de la procédure d'enquête fiscale, et donc par la BNRDF.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 80 Les visites au sens de l'article L. 16 B du LPF doivent être autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort sont situés les lieux à visiter.

* 81 Rapport n° 135 (2008-2009) sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008, fait par Philippe Marini au nom de la commission des finances, 16 décembre 2008.

* 82 Cf . tome I du fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2013.

* 83 Cf . arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 octobre 2010 « Clémence » (n° 09-70591).

* 84 Cf . ordonnance de la cour d'appel de Paris du 31 août 2012 (n° 11/13233).

* 85 Cf . arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 18 juillet 1989 « Sprint » (n° 89-10895).

* 86 Cf . décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 21 février 2008 « Ravon et a. c/ France » (n° 18497/03).

* 87 Cf . article 124 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 88 Cf . décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 « X et a. » (n° 2010-19 /27 QPC).

* 89 Rapport n° 673 (2011-2012) fait par Eric Bocquet au nom de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, 17 juillet 2012.

* 90 Cf . article 15 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.

* 91 Le Conseil d'Etat a, en effet, jugé qu'un contrôle fiscal engagé au titre d'une année pour laquelle le délai de déclaration n'est pas expiré est irrégulier (cf. décision du 28 juillet 1993 « M. Dokhan », n° 66743).

* 92 Cf . instruction fiscale 13 L 12-08 du 31 décembre 2008 relative à la procédure de flagrance fiscale.

* 93 Les plafonds fixés par l'article L. 252 B du LPF varient selon l'imposition concernée : impôt sur le revenu (IR), impôt sur les sociétés (IS) ou taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

* 94 Le recours en référé peut concerner soit le procès-verbal de flagrance fiscale, soit le procès-verbal de mise en oeuvre des saisies conservatoires.

* 95 Lorsque le juge des référés estime que la procédure de flagrance fiscale est irrégulière, l'ensemble des effets attachés à la mise en oeuvre de la procédure est annulé et l'administration procède à la mainlevée des saisies conservatoires éventuellement effectuées.

* 96 Le dispositif proposé vise l'article 1649-0 B bis du CGI. Par conséquent, les activités illicites désignent le trafic de stupéfiants, le faux-monnayage, etc.

* 97 Cf. article 197 du CGI.

* 98 Rapport public annuel 2012 de la Cour des comptes, février 2012.

* 99 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 100 L'article L. 228 du livre des procédures fiscales (LPF) précise que, sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière fiscales sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF).

* 101 La composition de la commission des infractions fiscales est définie à l'article 1741 A du CGI et précisée, de même que son fonctionnement, par les articles 384 septies -0 B et suivants de l'annexe 2 au CGI.

* 102 Cf. arrêté du 10 octobre 2011 modifiant l'arrêté du 29 juillet 2008 fixant la liste des autorités pouvant saisir la commission des infractions fiscales.

* 103 Art. L. 228 du LPF.

* 104 Rapport d'information n° 1902 (XIII e Législature) sur les paradis fiscaux, fait par MM. Didier Migaud, président, Gilles Carrez, rapporteur général, Jean-Pierre Brard, Henri Emmanuelli, Jean-François Mancel et Nicolas Perruchot au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, septembre 2009.

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