ARTICLE 20 bis (nouveau) (Art. 374, 376, 389 et 389 bis du code des douanes, art. 239, 241, 257 et 257 bis du code des douanes de Mayotte) : Réforme de la confiscation de marchandises saisies en douane et de la vente de biens saisis par l'administration douanière

Commentaire : le présent article vise à modifier le régime juridique de la confiscation de marchandises saisies en douane ainsi que celui de la vente et de la destruction des biens saisis par l'administration douanière de manière assurer leur conformité à la Constitution.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA CONFISCATION DE MARCHANDISES SAISIES EN DOUANE

En matière douanière, la confiscation est prévue pour de nombreuses infractions. Elle poursuit une finalité punitive , mais permet également de garantir l'indemnisation du Trésor public pour le préjudice né de l'infraction. La confiscation peut porter, bien évidemment, sur les objets de la fraude , mais également sur ceux ayant permis leur dissimulation et sur les véhicules ayant servi à les transporter.

Aussi l' article 374 du code des douanes prévoit-il que cette confiscation peut être réalisée même si la personne en possession des marchandises confisquées n'en est pas le propriétaire . Ce même article précise que l'administration des douanes n'a pas l'obligation de mettre en cause les propriétaires quand bien même l'identité des propriétaires lui serait indiquée.

Par ailleurs, l' article 376 du même code dispose que les « objets saisis ou confisqués ne peuvent être revendiqués par les propriétaires ». Ainsi, dans le cadre de saisies douanières, les propriétaires des biens confisqués en sont définitivement dépossédés .

Très sévères pour les propriétaires d'objets confisqués, ces deux articles ont été déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Dans sa décision du 13 janvier 2012 261 ( * ) , le juge constitutionnel a, en effet, considéré que l'article 374 du code des douanes, en ne mettant pas en cause les propriétaires connus des choses confisqués, prive ces derniers de leur droit à un recours effectif et est donc contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC). En effet, les propriétaires concernés ne peuvent contester en justice la régularité de la confiscation de leurs biens.

Quant à l'article 376 du code des douanes, il a été considéré qu'il violait le droit de propriété , principe à valeur constitutionnelle consacré par les articles 2 et 17 de la DDHC. La jurisprudence du Conseil constitutionnel considère que les atteintes au droit de propriété doivent être « justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi » 262 ( * ) . Aussi celui-ci a-t-il jugé dans sa décision du 13 janvier 2012 que, si l'interdiction pour les propriétaires des objets saisis de les revendiquer permet de « lutter contre la délinquance douanière en responsabilisant les propriétaires de marchandises dans leur choix des transporteurs et [de] garantir le recouvrement des créances du Trésor public », les dispositions de l'article 376 porte au droit de propriété une atteinte disproportionnée au but poursuivi .

Faisant usage de la possibilité qui lui est accordée par le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a reporté l'abrogation des articles 374 et 376 du code des douanes au 1 er janvier 2013 . Jusqu'à cette date, ces derniers restent applicables.

B. LA VENTE DES BIENS SAISIS PAR L'ADMINISTRATION DOUANIÈRE

L' article 389 du code des douanes permet à l'administration de demander au juge d'aliéner les moyens de transport ainsi que les objets saisis qui ne peuvent être conservés sans risquer de se détériorer, et ce avant tout jugement de condamnation de l'auteur de l'infraction douanière 263 ( * ) .

Les sommes provenant de la vente du bien saisi sont consignées dans la caisse de l'administration des douanes. A terme, ces sommes sont soit confisquées, si la peine complémentaire de confiscation est prononcée par le juge, soit affectées au paiement des amendements douanières qui pourraient être prononcées, soit reversées à l'intéressé dans l'hypothèse d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'une absence de confiscation.

Le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du 2 décembre 2011 264 ( * ) , que cette procédure respectait le droit de propriété, mais méconnaissait les exigences découlant de l'article 16 de la DDHC du fait de « la combinaison de l'absence de caractère contradictoire de la procédure et du caractère non suspensif du recours contre la décision du juge » autorisant l'aliénation.

Dans cette décision, le juge constitutionnel a également reporté l'abrogation de l'article 389 du code des douanes au 1 er janvier 2013 .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable de la commission des finances.

Celui-ci propose de modifier, d'une part, le régime juridique de la confiscation de marchandises en douane et, d'autre part, celui de la vente des biens saisis par l'administration douanière .

A. LE RECOURS EFFECTIF DES PROPRIÉTAIRES DE BIENS SAISIS

Le A du I du présent article propose de modifier l'article 374 du code des douanes ( alinéas 1 et 2 ) afin que celui-ci prévoie que les propriétaires de marchandises saisies, lorsqu'ils sont connus, doivent être invités à comparaître devant la juridiction saisie de l'infraction. La confiscation ne peut être poursuivie si les propriétaires n'ont pas été invités à comparaître. Toutefois, cette procédure ne trouve pas à s'appliquer lorsqu'il s'agit de marchandises prohibées par la réglementation douanière ( alinéas 3 et 4 ).

B. LA RESTITUTION DES BIENS SAISIS AUX PROPRIÉTAIRES DE BONNE FOI

Le B du I du présent article propose de modifier l'article 376 du code des douanes ( alinéas 5 et 6 ) afin qu'il prévoie la remise des marchandises saisies au propriétaire de bonne foi . Cependant, cette remis en peut intervenir lorsqu'il s'agit de marchandises prohibées par la réglementation douanière. Par ailleurs, la mainlevée est subordonnée au remboursement des frais éventuellement engagés par l'administration pour assurer la garde et la conservation de la marchandise ( alinéas 7 et 8 ).

C. LA RÉFORME DES PROCÉDURES DE VENTE ET DE DESTRUCTION DES BIENS SAISIS

Le C du I du présent article propose de modifier l'article 389 du code des douanes ( alinéa 9 ).

Ainsi, il est prévu qu'en cas de saisie de moyens de transport ou d'objets saisis qui ne peuvent être conservés sans risquer de se détériorer, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête de l'administration des douanes, autoriser la vente par enchères des objets saisis ( alinéa 10 ). Les décisions prise par le juge font l'objet d'une ordonnance motivée ( alinéa 11 ).

Cette ordonnance est notifiée au propriétaire des biens. Celui-ci peut la déférer à la chambre de l'instruction 265 ( * ) dans les dix jours qui suivent la notification de la décision. Cet appel est suspensif et le propriétaire peut être entendu par la chambre de l'instruction ( alinéa 12 ).

Il est également prévu que le produit de la vente soit consigné par le comptable des douanes. Aussi, lorsque la confiscation des biens n'est pas prononcée, ce produit serait-il restitué à son propriétaire ( alinéa 13 ).

Enfin, le D du I du présent article propose de modifier l'article 389 bis du code des douanes ( alinéa 14 ). Ainsi, il est prévu que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête de l'administration des douanes, autoriser la destruction des objets saisis . Cette destruction intervient selon les modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat et un échantillon des objets concernés doit être préalablement recueilli ( alinéas 15 et 16 ).

La décision portant autorisation de détruire les biens saisis fait l'objet d'une ordonnance motivée qui est notifiée à leur propriétaire. Celui-ci peut la déférer à la chambre de l'instruction dans les dix jours qui suivent la notification de la décision. Cet appel est suspensif et le propriétaire peut être entendu par la chambre de l'instruction ( alinéas 17 à 19 ).

D. APPLICATION DU DISPOSITIF PROPOSÉ AUX COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES

Le A du II du présent article ( alinéa 20 ) précise que les modifications apportées par le dispositif proposé aux articles 374, 376, 389 et 389 bis du code des douanes s'appliquent « sur tout le territoire de la République ». Néanmoins, il est indiqué que pour leur application à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le terme de tribunal de grande instance est remplacé par celui de tribunal de première instance ( alinéa 21 ).

Ensuite, l'ensemble des modifications précitées sont transposées dans le code des douanes de Mayotte par le III du présent article ( alinéa 22 ). Ainsi :

- l'article 239 du code des douanes de Mayotte reprend les dispositions de l'article 374 du code de douanes dans la version qui en est proposée par le présent article. Il s'agit de garantir le recours effectif des propriétaires des biens saisis ( alinéas 23 à 25 ) ;

- l'article 241 du code des douanes de Mayotte est modifié dans les mêmes termes que l'article 376 du code des douanes, afin de permettre la restitution des biens saisis aux propriétaires de bonne foi ( alinéas 26 à 28 ) ;

- les articles 257 et 257 bis du code des douanes de Mayotte reprennent les dispositions des articles 389 et 389 bis modifiées du code des douanes, de manière à ce que les nouvelles procédures de vente et de destruction des biens saisis s'appliquent également à Mayotte ( alinéas 29 à 40 ).

E. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU DISPOSITIF PROPOSÉ

Le IV du présent article ( alinéa 41 ) prévoit que le dispositif proposé s'applique à compter du 1 er janvier 2013 .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article propose de modifier le régime juridique de la confiscation de marchandises saisies en douane et de la vente des biens saisis par l'administration douanière qui a été censuré par le Conseil constitutionnel dans deux décisions datées du 2 décembre 2011 et du 13 janvier 2012. Il tire également les conséquences de ces décisions s'agissant du régime de destruction des biens saisis.

Aussi le dispositif proposé tient-il pleinement compte des critiques formulées par le juge constitutionnel à l'encontre des procédures précitées.

Ainsi, afin de garantir le droit à un recours effectif , les propriétaires de biens saisis entre les mains d'auteurs d'une infraction douanière seront désormais en mesure de contester en justice la régularité de la confiscation. Par ailleurs, en conformité avec le droit de propriété , les marchandises saisies pourront être restituées aux propriétaires de bonne foi. De cette manière, l'atteinte à la propriété qui découle de la confiscation douanière serait proportionnée à l'objectif poursuivi.

Ensuite, également afin d' assurer le respect du droit à un recours effectif , dans le cadre des procédures de vente et de destruction des biens saisis, les propriétaires pourront former un recours suspensif et être entendus par la juridiction d'appel, garantissant le caractère contradictoire de ces procédures.

Enfin, le présent article propose d'appliquer l'ensemble de ces modifications aux collectivités ultramarines .

Comme cela a été indiqué, la confiscation douanière présente une utilité indéniable. Elle assure une fonction punitive et permet de garantir le paiement effectif des sanctions prononcées. Malgré tout, il est absolument nécessaire qu'elle s'exerce dans le respect des droits et libertés que la Constitution garantit.

C'est pourquoi, le dispositif proposé paraît opportun, même s'il est présenté quelques jours seulement avant l'abrogation effective des dispositions modifiées, à savoir le 1 er janvier 2013 (les décisions du Conseil constitutionnel datant du 2 décembre 2011 et du 13 janvier 2012).

Il permet, d'une part, que la confiscation douanière continue de s'appliquer , sachant que le Conseil constitutionnel a abrogé les dispositions précitées à compter du 1 er janvier 2013 et, d'autre part, de réformer sa mise en oeuvre de manière à assurer sa conformité aux garanties constitutionnelles .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 261 Cf. décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2012 « Consorts B. » (n° 2011-208 QPC).

* 262 Cf ., par exemple, la décision du Conseil constitutionnel du 7 octobre 2011 « M. Eric A. » (n° 2011-177 QPC).

* 263 L'autorisation de vendre est donnée par une ordonnance du juge d'instance.

* 264 Cf . la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2011 « M. Wathik M. » (n° 2011-203 QPC).

* 265 La chambre de l'instruction est une formation de jugement de la cour d'appel compétente pour connaître des appels contre les décisions des juges d'instruction et des juges des libertés et de la détention.

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