ARTICLE 21 (Art. 271, 275, 278, 282, 283, 283 bis, 285 septies, 358, 413 et art. 153 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009) : Modification des dispositions relatives à la taxe poids lourds alsacienne (TPLA) et à la taxe poids lourds nationale (TPLN)

Commentaire : le présent article apporte de nombreuses modifications d'ordre technique aux dispositions régissant la taxe poids lourds alsacienne (TPLA) et la taxe poids lourds nationale (TPLN).

I. LE DROIT EXISTANT

Introduite en Allemagne en 2005, la taxe poids lourds a conduit à un important report de trafic sur le réseau alsacien. A l'initiative de notre collègue député Yves Bur, la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports 266 ( * ) a prévu la mise en place d'une taxe poids lourds alsacienne (TPLA), codifiée à l'article 285 septies du code des douanes.

Le Grenelle de l'environnement a ensuite acté l'extension de cette taxe à l'ensemble du réseau routier non concédé, soit 15 900 kilomètres répartis entre 10 500 kilomètres de réseau national et 5 400 kilomètres de réseau local .

La taxe poids lourds nationale (TPLN) a été créée par l'article 153 de loi de finances pour 2009 267 ( * ) et codifiée aux articles 269 à 283 quinquies du code des douanes. La TPLA doit disparaître à compter de l'entrée en vigueur de la TPLN.

Le fait générateur de la taxe est constitué par le franchissement, par un véhicule assujetti, d'un point de tarification. Celui-ci peut être qualifié de « virtuel » car le franchissement est constaté par géolocalisation du véhicule. A terme, il existera près de 4 100 points de tarification.

Le franchissement des points de tarification permet de déterminer le nombre de kilomètres parcourus par le véhicule sur le réseau concerné par la taxe. A ce nombre est appliqué un taux kilométrique qui varie entre 0,025 et 0,20 centimes par kilomètre en fonction de la catégorie du véhicule, des zones géographiques concernées et du niveau de congestion. Une modulation du taux au regard de critères écologiques (classe Euro du véhicule) est également prévue.

La mise en oeuvre de la TPLA et de la TPLN s'est révélée particulièrement complexe puisqu'elle nécessite le déploiement de systèmes électroniques à la fois dans les véhicules mais aussi sur l'ensemble du réseau routier concerné par la taxe.

Le 20 octobre 2011, le Gouvernement a signé un contrat de partenariat avec Ecomouv (filiale de la société italienne Autostrade per l'Italia ) qui est chargé de la gestion de ces systèmes mais aussi de liquider la taxe et d'envoyer aux redevables la notification de celle-ci. La TPLA devrait être opérationnelle le 20 avril 2013 et la TPLN le 20 juillet 2013 .

A terme, la TPLN devrait rapporter environ 1,2 milliard d'euros , dont un peu moins de 160 millions d'euros reviendront aux collectivités. Le solde sera reversé à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). En réalité, celle-ci ne devrait disposer que d'environ 750 millions d'euros de recettes nouvelles compte tenu des frais de gestion et des coûts exposés par Ecomouv.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article apporte plusieurs modifications au régime juridique de la TPLN et de la TPLA, qui est sensiblement le même. Ainsi, tout changement apporté à la TPLN doit être reporté au sein de l'article 285 septies du code des douanes (G du I du présent article).

A. DÉFINITION DES VÉHICULES ASSUJETTIS À LA TPLN ET LA TPLA

L'article 271 du code des douanes précise sont assujettis à la TPLN les véhicules « seuls ou tractant une remorque dont le poids total autorisé en charge [PTAC] , ou le poids total roulant autorisé [PTRA] s'il s'agit d'ensemble articulés, est supérieur à trois tonnes et demi ».

Une rédaction similaire est utilisée, à l'article 285 septies , pour la définition des véhicules assujettis à la TPLA, mais le poids retenu est porté à douze tonnes.

D'après l'évaluation préalable annexée au présent article, cette définition pose plusieurs problèmes. Elle mentionne les « ensembles articulés », notion non définie dans le code de la route. Elle ne vise que les véhicules tractant une remorque, alors que certains convois comportent plusieurs remorques. Enfin, elle peut conduire « à un assujettissement à géométrie variable » en fonction de la composition du convoi.

Le I du A (pour la TPLN) et le 1° du G (pour la TPLA) du présent article proposent une nouvelle définition des véhicules assujettis. Ce sont désormais « des véhicules à moteur dont le [PTAC] est supérieur à trois tonnes et demie ainsi que des ensembles de véhicules dont le véhicule tracteur a un [PTAC] supérieur à trois tonnes et demie ». Le poids de douze tonnes est maintenu pour la TPLA.

L'évaluation préalable précitée souligne que la nouvelle disposition conduit à exclure certains véhicules auparavant potentiellement assujettis. Néanmoins, « le manque à gagner de cette exclusion est compensé par une économie significative sur les coûts de collecte et de contrôle de la taxe ».

B. SUPPRESSION DE LA RÉFÉRENCE AU NOMBRE D'ESSIEUX

L'article 275 du code des douanes prévoit que le taux de la TPLN est déterminé en fonction de la catégorie du véhicule, celle-ci étant définie au regard du nombre d'essieux, du PTAC et du PTRA. Ce taux est par ailleurs modulé en fonction de la classe EURO du véhicule, qui fixe les limites d'émission de rejets polluants 268 ( * ) .

Le même article dispose que, en cas de défaut de justification par le redevable de la classe EURO ou du nombre d'essieux, le taux retenu est le taux applicable le plus élevé.

La liquidation de la taxe se fait au travers d'un équipement électronique embarqué dans le véhicule. Or le nombre d'essieux devrait faire l'objet d'un paramétrage par le conducteur en fonction de la configuration du véhicule. Cette information ne peut pas être pré-paramétrée et ne fait pas donc l'objet d'une justification par le redevable.

Le B du I (pour la TPLN) et le 2° du G (pour la TPLA) du présent article permettent donc de retenir que l'absence de justification de la classe EURO comme seule cause de l'application du taux le plus élevé.

C. PAIEMENT PAR ANTICIPATION DE LA TAXE PAR L'INTERMÉDIAIRE D'UNE SOCIÉTÉ HABILITÉE

L'article 276 du code des douanes permet que le redevable de la TPLN puisse s'acquitter de la taxe par l'intermédiaire d'une société habilitée. A titre dérogatoire, notamment en cas de cessation d'activité de la société habilitée, la taxe peut être liquidée et communiquée par anticipation.

Toutefois, l'article 278 du même code, relatif au paiement de la taxe, ne prévoit pas de paiement anticipé. Le 1° du C du I (pour la TPLN) et le a du 3° du G (pour la TPLA) mettent en cohérence le code des douanes de sorte que, « à titre dérogatoire, la taxe est acquittée par anticipation par la société habilitée ».

Par ailleurs, l'article 278 autorise les redevables ayant contractés avec une société habilitée à bénéficier d'un abattement. En effet, le recours à une société habilitée améliore grandement le contrôle et le recouvrement de la taxe. L'abattement doit par conséquent inciter les redevables à souscrire de tels contrats.

L'évaluation préalable souligne néanmoins qu'il serait plus juste de mentionner une « réduction » sur la taxe due plutôt qu'un abattement. Le 2° du C du I du présent article procède à cette modification. Les règles relatives aux « réductions » seront fixées par arrêté du ministre chargé du budget et du ministre chargé des transports et pourront être modulées en fonction du type de contrat. L'obligation de révision annuelle de ces règles est supprimée.

Le b du 3° du G du présent article introduit cette réduction dans les règles applicables à la TPLA, car l'abattement mentionné pour la TPLN n'était pas initialement prévu dans ce régime.

D. ADAPTATION DU RÉGIME DE SANCTION

Les articles 281 à 283 ter du code des douanes fixent le régime de sanction applicable à la TPLN. L'article 281 pose le principe selon lequel « est constitutive d'un manquement toute irrégularité ayant pour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement de la taxe ».

Aux termes de l'article 282, « lorsqu'il est constaté un manquement, le redevable fait l'objet d'une taxation forfaitaire égale au produit du taux [normalement applicable au véhicule] pour une distance forfaitaire de 500 kilomètres ». Au surplus, l'article 283 dispose que « tout manquement [...] est passible d'une amende maximale de 750 euros ».

Le présent article vient réorganiser le régime de sanction.

Tout d'abord, il réécrit l'article 283 précité (E du I du présent article) afin de préciser que la détention ou le transport d'un « appareil, dispositif ou produit de nature [...] à déceler la présence, à perturber le fonctionnement ou à avertir ou informer de la localisation d'appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des manquements mentionnés à l'article 281, ou de permettre de soustraire à la constatation de ces manquements est constitutif d'une infraction ».

Indépendamment de l'amende applicable, l'appareil est saisi tandis que le véhicule dans lequel il est installé ou transporté peut être saisi, dans le cas où l'appareil est indissociable du véhicule.

Le b du 4° du G du présent article, pour la TPLA, procède à la même adaptation au sein de l'article 285 septies .

Par ailleurs, le I du I du présent article rétablit un article 413 au sein du code des douanes, applicable aussi bien à la TPLN qu'à la TPLA, qui fixe le montant à 750 euros l'amende maximale en cas d'infraction aux dispositions légales et réglementaires relatives à ces deux taxes. Le F du I et le c du 4° du G du présent article procèdent en conséquence à une coordination.

E. DISPOSITIONS DIVERSES

Dans sa version en vigueur au 1 er janvier 2013, l'article 282 du code des douanes prévoit que « le montant de la taxation forfaitaire ou au réel prévue au troisième alinéa est communiqué au redevable selon les modalités fixées par arrêté conjoint des ministres chargés des transports et du budget ».

Le D du I (pour la TPLN) et le a du 4° du G (pour la TPLA) du présent article disposent que les modalités de cette communication sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Aux termes de l'article 358 du code des douanes, « les litiges relatifs à la créance, aux demandes formulées en application de l'article 352 [demandes en matière de restitution de droits et de marchandises] et ceux relatifs aux décisions en matière de garantie sont portés devant le tribunal d'instance dans le ressort duquel est situé le bureau de douane ou la direction régionale des douanes où la créance a été constatée ».

Le H du I du présent article prévoit qu'il peut aussi s'agir d'un « service spécialisé ». En pratique, pour la TPLN ou la TPLA, un service national situé à Metz traitera les demandes.

F. ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA TPLA ET DE LA TPLN

L'article 153 de la loi de finances pour 2009 269 ( * ) prévoit que la TPLA et la TPLN entrent en vigueur « à une date fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des transports et du budget » et au plus tard le 31 décembre 2010 pour la TPLA et au plus tard le 31 décembre 2011 pour la TPLN. Toutefois, en application de l'article 1 er du Code civil 270 ( * ) , aucune des deux taxes n'est aujourd'hui en vigueur.

Sans remettre en cause ces dispositions, le II du présent article prévoit que désormais, pour les deux taxes, « la date de mise en oeuvre du dispositif technique nécessaire à la collecte de la taxe [...] est fixée par arrêté conjoint des ministres charges des transports et du budget ».

En conséquence, la date d'abrogation de la TPLA est elle-même repoussée non plus à la date d'entrée en vigueur de la TPLN mais à la date de mise en oeuvre du dispositif technique nécessaire à la collecte de la TPLN.

Aux termes du contrat de partenariat signé avec Ecomouv, le dispositif technique de recouvrement de la TPLA doit être opérationnel le 20 avril 2013 et celui de la TPLN le 20 juillet 2013.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Christian Eckert, rapporteur général, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement de coordination.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La TPLN ou « éco-taxe » poids lourds représente un enjeu financier important pour le budget de l'Etat . En effet, elle sera mise en place avec près de deux ans de retard alors qu'elle doit permettre d'équilibrer le budget de l'AFITF. En conséquence, le budget de l'Etat a dû inscrire une dotation d'équilibre de l'ordre d'un milliard d'euros en 2011 et 2012 sur le budget de l'Agence.

En 2013, cette dotation a été réduite de près de 300 millions d'euros. Elle devrait disparaître à terme pour être remplacée par le produit de l'éco-taxe. Il est donc essentiel que les systèmes technologiques permettant sa liquidation et son recouvrement soient le plus rapidement opérationnels.

A ce titre, la TPLA va constituer, dès avril 2013, une phase utile d'expérimentation grandeur nature pour un projet aussi complexe .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 266 Loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports.

* 267 Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 268 Directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.

* 269 Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 270 Extrait de l'article 1 er du Code civil : « l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».

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